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CHAPITRE 4 : DISPOSITIF REGLEMENTAIRE ET ARRANGEMENTS

1.1.4 Les coûts de coordination des acteurs locaux et leur répartition

Le dispositif de coordination multilatérale vise d’abord à contraindre les producteurs à épandre leurs boues en tenant compte d’un ensemble de critères environnementaux et sanitaires. Le dispositif n’a pas pour objectif affiché de réduire les coûts de coordination entre acteurs locaux : l’examen des dispositions devrait nous permettre d’apprécier si certaines répondent toutefois à ce souci. Les coûts de transaction dépendent principalement de la taille des STEP et des caractéristiques des systèmes agricoles en place.

Les coûts ex-ante comprennent :

- les coûts d’évaluation des besoins (quantités de boues produites, surfaces agricoles nécessaires) et de rédaction du plan d’épandage qui dépendent de la taille des STEP ;

- les coûts de négociation avec les agriculteurs qui dépendent de leur nombre et de leur hétérogénéité ;

- les coûts de vérification comprenant le temps passé à vérifier le respect des normes environnementales ainsi que les frais d’analyse des sols afin de définir leur aptitude à l’épandage.

Les coûts ex-post comprennent :

- les coûts de programmation annuelle ;

- les coûts d’adaptation du plan d’épandage qui comprennent les coûts de recherche/négociation avec de nouveaux agriculteurs (si désistement), les coûts de

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révision de l’étude préalable (nouvelles analyses de sols, temps de validation administrative),

- les coûts de gestion des plaintes et des litiges notamment pour cause de nuisances olfactives,

Les coûts ex-post dépendent ainsi principalement des incertitudes qui pèsent sur la disponibilité effective des terres inscrites au plan d’épandage. Le fait que la réalisation de l’étude préalable s’accompagne obligatoirement de « l’accord écrit des utilisateurs de boues [les agriculteurs] pour la mise à disposition de leurs parcelles et une liste de celles-ci selon

leurs références cadastrales »88 ne change rien au fait qu’il existe chaque année des

incertitudes sur la disponibilité effective des terres inscrites au plan d’épandage. En effet, il n’est pas demandé aux agriculteurs de s’engager sur l’utilisation précise dans le temps de leurs parcelles, c’est-à-dire la rotation89 des cultures. Et même si cela leur était demandé, il est très probable que la plupart d’entre eux ne le feraient pas, parce que les décisions d’allocation qu’ils prennent sont elles-mêmes soumises à des incertitudes de diverses natures : évènements climatiques non prévus (épisodes pluvieux par exemple, fortes chaleurs), évolutions des conditions des marchés agricoles se traduisant par des variations des prix et/ou des subventions accordées par l’Etat selon les orientations technico-économiques des exploitations. Ces incertitudes conduisent les agriculteurs à modifier fréquemment leurs assolements. Cela a pour conséquence de perturber les anticipations des producteurs de boues sur la disponibilité effective des parcelles inscrites dans les plans d’épandage des boues d’épuration. Cependant, tous les systèmes agricoles n’engendrent pas les mêmes perturbations.

Le premier facteur d’incertitude sur la disponibilité effective des terres est le système de production parce qu’il détermine les rotations culturales mises en place par les agriculteurs. Selon les cas étudiés, les producteurs de boues sont susceptibles de connaître avec plus ou moins d’exactitude la succession des cultures sur les parcelles agricoles inscrites au plan d’épandage. Dans certains cas comme dans les régions d’élevage (à dominante herbe) ou les régions de monoculture (de maïs/blé par exemple), les systèmes de rotations sont simples et les incertitudes sont réduites. En revanche, dans d’autres cas comme à Riom (département du Puy-de-dôme), les exploitations céréalières fonctionnent avec des rotations plus complexes. Les modifications d’assolement sont plus fréquentes et nécessitent des arrangements plus

88

Ibidem (article 2). 89

La plupart des agriculteurs ont l’habitude d’opérer une planification, sur plusieurs années, de l’allocation de leurs terres entre différentes cultures/spéculations qu’ils choisissent de produire compte tenu des conditions du marché, de leur disponibilité en travail et des caractéristiques agronomiques des sols. Cette planification renvoie à ce que les agronomes appellent l’assolement qui consiste en la division des terres d’une exploitation agricole en soles consacrées à des cultures différentes. La succession des cultures sur une même parcelle forme la rotation (Brossier, Chia et al., 1997).

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flexibles90. Il en découle l’hypothèse suivante selon laquelle plus les rotations sont complexes et impliquent un nombre élevé de cultures, plus le producteur de boues a des difficultés à prévoir avec précision (et sans erreur) la couverture du sol et plus il est soumis à une incertitude élevée sur la disponibilité effective des terres.

Le deuxième facteur est le système de commercialisation parce qu’il détermine les contraintes qui pèsent sur les décisions d’épandage des agriculteurs. A Besse (63) par exemple, tous les agriculteurs impliqués dans le plan d’épandage sont des éleveurs. Il n’existe donc pas de difficultés particulières à prévoir la couverture du sol (car le parcellaire est implanté en totalité en herbe) mais l’incertitude provient du fait que tous les agriculteurs produisent du lait pour l’AOC Saint-Nectaire. Cette incertitude nécessite également des arrangements plus flexibles. Il en découle l’hypothèse suivante : le producteur de boues est confronté à une incertitude d’autant plus élevée sur la disponibilité effective des terres inscrites au plan d’épandage que les agriculteurs concernés sont engagés dans des systèmes labellisés de commercialisation (type AOC).

Le niveau des coûts de transaction varie donc selon les caractéristiques agricoles de la région dans laquelle la STEP est située. Selon les contextes locaux, on peut alors s’attendre à ce que, les économies de coûts de production que les producteurs de boues réalisent en recourant à l’épandage (par rapport aux autres solutions disponibles) soient compensées par les coûts de transaction que cette solution engendre. La question de la réduction mais également celle de la répartition de ces coûts sont centrales dans la suite de la thèse : existe-t-il des arrangements plus aptes que d’autres à les réduire ? Quel rôle jouent les micro-institutions de ce point de vue ?

!

Le second objectif affiché du dispositif administratif est de contrôler la qualité des boues produites. Pour cela, le réglementeur a pris deux séries de dispositions complémentaires qui relèvent d’une logique à la fois coercitive et incitative (cf. graphique n°11). La première série de dispositions vise à améliorer la qualité des boues produites en jouant à la fois sur des leviers ex-ante de prévention des contaminations des boues et des leviers ex-post de « traitement » des boues brutes produites. La seconde série de dispositions vise à réduire les manques et les asymétries d’information dans une logique qui consiste à obliger le producteur de boues à signaler la qualité de la boue aux autorités réglementaires ainsi qu’aux

90

Cette affirmation est à nuancer car des systèmes de rotation plus complexes facilitent la coordination en rendant possible les opérations d’épandage sur des plages temporelles plus larges (par exemple cultures de printemps et d’hiver). CemOA : archive ouverte d'Irstea / Cemagref

agriculteurs. Tous les producteurs de boues doivent alors « mettre en place un dispositif de

surveillance de la qualité des boues et des épandages » et « tenir à jour un registre qu’ils

communiquent régulièrement aux utilisateurs »91. La mise en place de ce dispositif obligatoire

représente une autre source de coûts pour le producteur de boues.

Graphique n°11 : La réglementation de la qualité du service d’épandage (enquêtes Cemagref 2004)

Améliorer la qualité des boues produites

Réduire les manques / asymétries d’information

Réglementer les mesures : méthodes d’échantillonnage,

composés recherchés

Obligations de tenue de registre Police des réseaux /

Contrôle des rejets Autorisation municipale de

déversement (AMD)

Diffuser l’information Produire de l’information

crédible Ex-post : traiter les boues / “dépolluer” Ex-ante : prévenir les

contaminations

Obligations de publicité Réglementer la fréquence

des mesures Investissements dans des

équipements spécifiques

Traitements d’hygiénisation : chaux

Objectifs Leviers Dispositions / instruments Investissement dans

traitement en site propre

Légende : Logique coercitive (en rouge) Logique incitative (en bleu) Améliorer la qualité des boues produites

Réduire les manques / asymétries d’information

Réglementer les mesures : méthodes d’échantillonnage,

composés recherchés

Obligations de tenue de registre Police des réseaux /

Contrôle des rejets Autorisation municipale de

déversement (AMD)

Diffuser l’information Produire de l’information

crédible Ex-post : traiter les boues / “dépolluer” Ex-ante : prévenir les

contaminations

Obligations de publicité Réglementer la fréquence

des mesures Investissements dans des

équipements spécifiques

Traitements d’hygiénisation : chaux

Objectifs Leviers Dispositions / instruments Investissement dans

traitement en site propre

Légende : Logique coercitive (en rouge) Logique incitative

(en bleu)