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CHAPITRE 2 : FONDEMENTS THEORIQUES ET CADRE D’ANALYSE DE LA FOURNITURE DE SERVICES ENVIRONNEMENTAUX

1.2.3 Un problème de monopole naturel

Une partie des services environnementaux se rattache également au cas des industries de service public (monopole public local) auxquelles sont associées une caractéristique technique de la production et l’existence de rendements d’échelle croissants. Cette situation se rencontre dans les activités de services, comme la distribution d’électricité, la distribution d’eau potable, l’assainissement des eaux usées et plus généralement les industries de réseau qui nécessitent des investissements élevés. Dans ce cas, si une seule firme sert la totalité de la demande alors elle peut répartir ses coûts fixes sur un nombre plus élevé d’utilisateurs, ce qui diminue le coût unitaire de fourniture du service. La recommandation normative est de préconiser une production monopolistique du service. Un des principaux problèmes posés est celui de la tarification du service. En effet, la tarification ne peut pas se faire au coût marginal car ce coût est inférieur au coût moyen de production du service. Si l’on souhaite que cela soit le cas, alors il faut verser des subventions publiques au producteur pour pallier le différentiel entre le coût de production unitaire et le prix tarifé aux utilisateurs. Cette situation se rencontre

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fréquemment dans les grandes entreprises de service public comme la Poste ou la SNCF. Le monopole naturel est alors qualifié de monopole public puisque le service est fourni directement par une administration d’Etat ou une entreprise publique. Les réformes actuelles préconisent un démantèlement des monopoles publics en remarquant que les investissements peuvent continuer à être financés par des fonds publics collectés par l’impôt mais que l’exploitation peut être confiée à un opérateur privé (délégation de service public).

Suite à cette clarification théorique, nous reprenons avec Aznar (2002) l’idée que le service environnemental est produit ou fourni d’une façon intentionnelle en réponse à une demande et vise le maintien en l’état ou l’amélioration de caractéristiques utiles dégradées d’un bien de nature. Le caractère irrémédiable de certaines dégradations ainsi que le fait que certains biens (comme l’eau ou l’air) sont indispensables à l’existence humaine (caractère non substituable) suscitent la mise en place de solutions techniques destinées à modifier ou préserver les caractéristiques utiles des biens concernés, par exemple la qualité des eaux ou la qualité des sols. Mais nous concluons également sur le constat que les services environnementaux constituent une catégorie d’activités économiques hétérogène et complexe dans le sens où plusieurs types de problèmes peuvent être imbriqués : minimisation du coût social, incitation à produire, rationnement sous-optimal des consommateurs, tarification au coût marginal. Dans la suite du travail, nous allons nous efforcer de clarifier ces problèmes et de faire apparaître progressivement la contribution originale de la thèse autour de la question des modes alternatifs de production des services environnementaux.

Dans ce contexte, la thèse commence par présenter les solutions théoriques aux problèmes que pose la production des services environnementaux en général. La recommandation normative de l’économie publique est de faire intervenir un tiers, l’Etat en l’occurrence, qui joue le rôle d’intermédiaire entre les producteurs et les bénéficiaires potentiels des biens environnementaux. L’intérêt de recourir à l’Etat est qu’il bénéficie de prérogatives constitutionnelles lui permettant de prescrire aux agents économiques un niveau optimal de production de biens collectifs puis de concevoir les outils permettant d’aboutir à ce niveau. Lui seul également peut contraindre, par l’impôt, un maximum de bénéficiaires potentiels à financer la production du service collectif. D’autres solutions théoriques peuvent cependant être proposées et méritent d’être discutées dans une démarche comparative.

2 Section 2 - Les fondements théoriques de la coordination de la fourniture des services environnementaux

Dans cette section, nous présentons les différentes approches théoriques traitant la question de la gouvernance des services collectifs. Plusieurs écoles peuvent être distinguées selon leurs

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problématiques et leurs prescriptions sur la nécessité et les conditions de l’intervention publique (résumées dans le tableau de synthèse n°4). La première approche abordée (la plus ancienne), celle de l’économie publique (section 2.1), met l’accent sur les défauts de marché qui justifient au nom de l’efficacité économique une intervention correctrice des Etats par la réglementation. A cette conception s’opposent les théories du « choix public » (théorie des groupes d’intérêt) et des droits de propriété (section 2.2) qui considèrent que la réglementation est inefficace et doit laisser la place aux mécanismes de coordination par le marché. Le point de vue que nous développons est que dans chacune de ces conceptions la gamme des solutions de coordination se limite à une seule alors que la question que nous nous posons porte sur l’arbitrage entre différents modes (mécanismes) de coordination en fonction des objectifs poursuivis : efficacité économique et/ou efficacité environnementale. Nous privilégions alors l’approche de l’économie institutionnelle de la réglementation parce qu’elle permet une démarche comparative et donc l’analyse de l’efficacité comparée de différents arrangements organisationnels envisageables (section 2.3).

Tableau n°4 : Les approches théoriques de la coordination de la fourniture des biens collectifs ( adapté de Lévêque, 2004)

Approche positive : comparer l’efficacité relative des mécanismes de gouvernance Approche normative :

Concevoir les dispositifs conduisant au respect par les agents de la norme tout en minimisant les coûts de production et de transaction

Fixé a priori par l’Etat Coordination par des

mécanismes de gouvernance hiérarchique versus concurrentiels Coase, Williamson Ménard Falconer, Hagedorn Théorie des coûts de

transaction Théorie de l’articulation du

cadre institutionnel avec les choix organisationnels Economie institutionnelle

de la réglementation

Mettre en place des contrats incitatifs « Inciter les agents à respecter la norme au moindre coût [de production] pour eux et pour la société » (Mahé et Ortalo-Magné, 2001) Fixé a priori par l’Etat

Coordination par des mécanismes réglementaires incitatifs (contrats incitatifs) Stiglitz Hart Laffont et Tirole Théorie des incitations

Théorie des contrats incomplets Nouvelle économie

publique

Définir les droits de propriété et instaurer un marché des droits

Non fixé a priori ; le marché se charge de définir le niveau optimal Coordination par le

marché Coordination par le droit

(recours en responsabilité) Anderson, Demsetz,

Libecap Théorie des groupes

d’intérêt, théorie du « free market environmentalism » Économie des droits de

propriété

Définir le niveau optimal de taxation

Fixé a priori par l’Etat Coordination par la réglementation Walras Théorie néoclassique du bien-être Économie publique Questions traitées et instruments privilégiés Objectif de production (de biens ou de maux publics) Conception de la coordination Principaux auteurs Théories Ecoles

Approche positive : comparer l’efficacité relative des mécanismes de gouvernance Approche normative :

Concevoir les dispositifs conduisant au respect par les agents de la norme tout en minimisant les coûts de production et de transaction

Fixé a priori par l’Etat Coordination par des

mécanismes de gouvernance hiérarchique versus concurrentiels Coase, Williamson Ménard Falconer, Hagedorn Théorie des coûts de

transaction Théorie de l’articulation du

cadre institutionnel avec les choix organisationnels Economie institutionnelle

de la réglementation

Mettre en place des contrats incitatifs « Inciter les agents à respecter la norme au moindre coût [de production] pour eux et pour la société » (Mahé et Ortalo-Magné, 2001) Fixé a priori par l’Etat

Coordination par des mécanismes réglementaires incitatifs (contrats incitatifs) Stiglitz Hart Laffont et Tirole Théorie des incitations

Théorie des contrats incomplets Nouvelle économie

publique

Définir les droits de propriété et instaurer un marché des droits

Non fixé a priori ; le marché se charge de définir le niveau optimal Coordination par le

marché Coordination par le droit

(recours en responsabilité) Anderson, Demsetz,

Libecap Théorie des groupes

d’intérêt, théorie du « free market environmentalism » Économie des droits de

propriété

Définir le niveau optimal de taxation

Fixé a priori par l’Etat Coordination par la réglementation Walras Théorie néoclassique du bien-être Économie publique Questions traitées et instruments privilégiés Objectif de production (de biens ou de maux publics) Conception de la coordination Principaux auteurs Théories Ecoles CemOA : archive ouverte d'Irstea / Cemagref

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Cette section synthétise les arguments développés par les approches théoriques abordant la question des lacunes de marché dans la fourniture des services collectifs (Salanié, 1998) et du rôle des autorités publiques pour y remédier, en particulier dans le domaine des services environnementaux. Dans ces situations et au nom de l’efficacité économique, les pouvoirs publics cherchent à agir sur le comportement des firmes et des consommateurs au travers de règlements (Etat réglementeur). Nous présentons d’abord succinctement l’approche de l’économie publique traditionnelle et les critiques qui lui ont été adressées (remise en cause de l’hypothèse de bienveillance des pouvoirs publics et de l’hypothèse d’information parfaite) pour nous centrer sur l’approche de la nouvelle économie publique de la réglementation (Laffont, Tirole, 1993) qui s’est attachée à dépasser ces critiques et à concevoir de nouveaux instruments d’intervention publique. Cette section aborde succinctement la conception de l’intervention publique dans le cas du monopole qui est certes une des dimensions du cas étudié mais ne sera pas au centre de notre recherche et se focalise sur la question du choix (et des critères de choix) des instruments de politique environnementale, afin d’éclairer un des pans de notre recherche, celui portant sur l’environnement institutionnel pesant sur les arrangements organisationnels dans la production de services environnementaux.