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CHAPITRE 2 : FONDEMENTS THEORIQUES ET CADRE D’ANALYSE DE LA FOURNITURE DE SERVICES ENVIRONNEMENTAUX

3.1.2 Le nombre d’agents ou groupes d’agents concernés

Dans la production de services environnementaux (cf. section 1), l’amélioration ou le maintien en l’état de certaines des caractéristiques utiles de biens de nature comme le caractère potable des eaux souterraines, le caractère fertile des sols ou encore le caractère respirable de l’air, se situent au cœur des enjeux. Le service environnemental est alors « demandé » et « produit » par un nombre variable d’agents (cf. tableau n°7, page suivante). En fonction du type de biens – eau, sol, air – et des caractéristiques utiles objet de dégradation (potabilité, fertilité, odeurs), le nombre et les types d’agents concernés (demandeurs et offreurs) seront plus ou moins grands. En fait, en dehors de rares cas comme celui étudiée par Coase (1960) relatif à l’entente entre deux firmes pour régler un problème de nuisances (par exemple, le rejet des tanins dans une rivière), la fourniture d’un service environnemental met en jeu un nombre plus ou moins important d’agents économiques juridiquement autonomes. Il y a alors plus d’un type de transactions impliquées, et ceci, à des échelles territoriales qui peuvent être différentes. Ces problèmes ont été peu abordés par la théorie mais nous essaierons d’en tenir compte et d’étudier les transactions bilatérales liées à la fourniture de services environnementaux en ne les déconnectant pas les un(e)s des autres.

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Tableau n°7 : Le dimensionnement de la production des services environnementaux

Un prestataire Plusieurs prestataires

Un bénéficiaire

commanditaire du service

Cas d’un service d’entretien des espaces verts privés

Cas de l’équipement des ménages en adoucisseur d’eau ou de l’équipement des

automobiles avec des systèmes de filtration de l’air intérieur

Cas de la préservation d’une ressource en eau appropriée (Vittel)

Plusieurs bénéficiaires représentés par un commanditaire unique

Cas d’un service collectif de traitement de déchets ménagers

Cas de la production de services environnementaux par les

agriculteurs (paysage)

Source : adapté de Lévêque (2004)

Dans certains cas comme celui d’une nuisance sonore ponctuellement émise par une usine, le dommage est circonscrit géographiquement et temporaire. La dégradation ne présente pas un caractère durable ou irréversible. Les types d’agents concernés peuvent se réduire à deux : le propriétaire de l’usine d’un côté et les riverains de l’autre. Dans ce cas, il n’y a qu’un seul type de transaction et le problème de coordination peut se réduire à un accord bilatéral entre le propriétaire de l’établissement et le groupe d’habitants concernés. Dans ce type de cas, il n’existe pas de difficultés à circonscrire le problème environnemental. Le périmètre spatial et temporel est bien délimité, dans la mesure où un nombre réduit et aisément identifiable d’agents est impliqué sur une période de temps limitée. Le problème de coordination peut se réduire à un marchandage coasien.

En revanche, dans d’autres cas, le problème environnemental posé est plus complexe et ne peut être circonscrit de manière aussi claire. Prenons le cas des émissions polluantes d’une automobile. Ces émissions participent à l’effet de serre et concernent de ce point de vue la société dans son ensemble mais aussi les générations futures. Elles dégradent également la qualité des eaux de ruissellement. Elles participent à la dégradation de l’air urbain et concernent les piétons en ville mais également les propriétaires riverains des voies de circulation qui voient leur environnement dégradé. Compte tenu du nombre extrêmement élevé des émetteurs mais également de l’hétérogénéité des récepteurs (la société, les piétons, les riverains) dont les revendications ne sont pas forcément les mêmes, le problème est extraordinairement complexe. Les solutions envisageables sont de plusieurs types. Chacun peut essayer de se prémunir des dégradations, selon la valeur qu’il accorde à la qualité de l’air, comme c’est le cas des automobilistes qui équipent leur véhicule avec des systèmes de filtration de l’air intérieur ou alors les cyclistes qui utilisent des masques dans certaines grandes villes notamment au Japon. Mais de telles solutions ne suppriment pas le problème et ne sont pas nécessairement efficientes d’un point de vue global. Seul des accords réglementaires plus généraux avec l’industrie automobile et portant sur les normes de rejets des véhicules peuvent avoir un impact significatif. Dans de tels cas complexes, plusieurs

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biens de nature peuvent être concernés (ici air et eau) et plusieurs caractéristiques utiles sont dégradées en même temps. Les horizons temporels peuvent également être longs impliquant les générations futures qui supporteront, pour partie, les conséquences des actions actuelles. L’irréversibilité de la dégradation, sa dangerosité pour la santé humaine détermine également le problème de coordination. Un grand nombre d’agents est alors susceptible d’être concerné et le problème de coordination ne se réduit pas à une transaction bilatérale ni à une communauté restreinte mais touche à bien des égards la société dans son ensemble.

Au total, le nombre des agents concernés par le problème a un rôle important dans le choix du mode de coordination. Dans le cas où le service est produit par plusieurs prestataires à la demande d’un grand nombre de bénéficiaires (fédérés par exemple au sein d’un commanditaire unique), alors les transactions ne devraient pas être efficacement encadrées par des contrats de marché classiques mais requérir des mécanismes de coordination ex-ante des actions pour produire un effet utile. Cependant, même lorsque le service est produit par un prestataire unique, il ne faut pas conclure d’emblée à l’efficacité des mécanismes concurrentiels pour encadrer les transactions parce que le choix du mode de gouvernance va alors dépendre du contexte favorable ou non à un comportement opportuniste des agents (présence d’actifs spécifiques), de la fréquence et des incertitudes.

Ainsi, au-delà des caractéristiques des biens de nature en jeu et du nombre et type d’agents concernés par le problème environnemental posé, il existe d’autres dimensions sur lesquelles la TCT met l’accent et permettant d’expliquer le choix des structures de gouvernance susceptibles de convenir pour encadrer la production de services environnementaux.

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Cette section et consacrée à l’analyse des caractéristiques des transactions de production de services environnementaux. Généralement analysés sous l’angle des défaillances de marché en général et des externalités en particulier, nous soutenons que la plupart des problèmes d’environnement peuvent faire l’objet d’un réexamen en termes de « caractéristiques

contractuelles latentes » comme l’a proposé Williamson (2002, p.6). Du point de vue de

l’analyse néo-institutionnelle, les services environnementaux constituent une catégorie analytique hétérogène. Leur production pose, à des degrés divers, des problèmes de contractualisation de trois types : (1) incitations à investir, (2) crédibilité des engagements et (3) inadaptation des contrats aux perturbations exogènes aux transactions. Nous commençons par discuter du caractère spécifique ou non des actifs nécessaires pour produire le service environnemental, puis nous analysons d’autres dimensions comme la fréquence et l’incertitude. CemOA : archive ouverte d'Irstea / Cemagref