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La discrimination indirectement fondée sur la race ou l’origine ethnique

TRAITEMENT STRICTO SENSU

Section 2. L’interdiction de la discrimination indirecte

B) L’interprétation jurisprudentielle de la définition

1- La discrimination indirectement fondée sur la race ou l’origine ethnique

133. Il convient déjà de signaler que, pour ce motif de la directive 2000/43, la Cour n’a

rendu que neuf arrêts, dont trois où elle estima que la question n’entrait pas dans le champ d’application de la directive521, un autre où elle se déclara incompétente522, un qui portait sur

une question largement accessoire523 et quatre enfin qui permirent d’apporter des éléments

substantiels sur les notions de discriminations directes et indirectes524.

134. L’affaire Jyske Finans du 6 avril 2017 aborda de front la question de la

discrimination indirectement fondée sur la race ou l’origine ethnique. Au principal, elle avait pour origine la pratique d’un établissement de crédit danois consistant à demander une pièce justificative d’identité supplémentaire aux individus sollicitant un crédit qui n’étaient pas nés au Danemark par rapport à ceux qui l’étaient. Selon le requérant au principal, une telle pratique constituait une discrimination fondée sur l’origine ethnique. La juridiction nationale saisie demande donc à la Cour de justice si une telle pratique est contraire à la directive 2000/43 en

520 Nous opérons cette distinction afin de suivre la structure du droit dérivé lui-même.

521 CJUE, 12 mai 2011, Runevič-Vardyn, C-391/09 ; CJUE, 7 juillet 2011, Agafiţei, C-310/10 et CJUE, 24 avril

2012, Kamberaj, C-571/10.

522 CJUE, 31 janvier 2011, Belov, C-394/11. 523 CJUE, 19 avril 2012, Meister, C-415/10

524 CJCE, 10 juillet 2008, Feryn, C-54/07 ; CJUE, 16 juillet 2015, CHEZ Razpredelenie Bulgaria, C-83/14 et

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ce qu’elle serait une discrimination directe ou indirecte. Que ce soit la Cour dans son arrêt ou l’avocat général Nils Wahl dans ses conclusions, l’impossibilité de parler de discrimination directe est rapidement établie puisque c’est bien sûr le motif du lieu de naissance que la différence de traitement repose à titre exclusif525. Un tel motif n'étant pas protégé par la directive

2000/43 et n’étant pas considéré à lui seul comme indissociablement lié au motif protégé526, il

ne peut s’agir d’une discrimination directe.

135. La question se pose de savoir si une pratique consistant à différencier sur le

fondement du lieu de naissance peut constituer un critère « apparemment neutre susceptible d'entraîner un désavantage particulier pour des personnes d'une race ou d'une origine ethnique donnée ». L’avocat général rappelle trois éléments : d’abord il faut que la « mesure ait pour effet de désavantager particulièrement les personnes d’"une origine ethnique donnée" », ensuite aucune intention discriminatoire n’est nécessaire, enfin la discrimination indirecte « peut être établie par tous moyens, y compris sur la base de données statistiques »527. En soi, le postulat

de l’avocat général peut paraître imprécis voire erroné puisqu’il estime que la mesure doit avoir pour effet de désavantager, alors que la directive parle de mesure « susceptible d’entraîner un désavantage », ce qui ne revêt pas le même sens. Ce qui est toutefois intéressant dans le raisonnement proposé par l’avocat général et qui sera déterminant dans l’arrêt de la Cour vient ensuite.

136. La lecture de l’article 2 §2 b) de la directive 2000/43 impose une condition

d’application claire : la mesure prétendument discriminatoire doit désavantager une origine ethnique en particulier. « Autrement dit, cette disposition suppose d’identifier une origine ethnique particulière (ou, lorsqu’une pratique affecte plusieurs communautés ethniques distinctes, des origines ethniques particulières) »528. L’avocat général précise que cela n’influe

pas sur les éléments dégagés dans la jurisprudence passée, à savoir que la discrimination indirecte n’implique pas que la personne « appartienne réellement à la communauté ethnique subissant le traitement (en cas de « discrimination par association »)529 ni qu’une victime ait été

identifiée530 pour déclencher l’application de l’interdiction de la discrimination fondée sur

l’origine ethnique »531. On ne peut que constater l’absence de cette condition d’application

525 Conclusions de l’avocat général M. Nils WAHL présentées le 1er décembre 2016, aff. C-668/15 et CJUE, 6 avil

2017, Jyske Finans, op. cit., pts 17 à 19.

526 Ibid., pt 19.

527 Conclusions de l’avocat général M. Nils WAHL présentées le 1er décembre 2016, aff. C-668/15, pt 57. 528 Ibid., pt 60.

529 CJUE, 16 juillet 2015, CHEZ Razpredelenie Bulgaria, op. cit., pt 56. 530 CJCE, 10 juillet 2008, Feryn, C-54/07, pts 23 et 25.

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fondamentale dans le cas de l’arrêt Jyske Finans, puisque la pratique peut potentiellement affecter « chacune des origines ethniques existant sur Terre »532, le critère étant le fait d’être né

en dehors du territoire d’un État membre de l’Union ou d’un État membre de l’AELE.

137. La Cour reprend donc les analyses de l’avocat général et fait de l’identification

d’une origine ethnique en particulier comme victime du désavantage une condition d’application de la discrimination indirecte533. Comme pour la discrimination directe,

« l’existence d’un traitement défavorable ne saurait être constatée de manière générale et abstraite, mais doit l’être de manière spécifique et concrète, au regard du traitement favorable en cause »534. Le lieu de naissance, en ce qu’il ne saurait présumer de l’origine ethnique, ne peut

donc servir à fonder une discrimination indirectement liée à celle-ci.

138. La Cour eut l’occasion de confirmer ces éléments avec l’arrêt Maniero du 15

novembre 2018535, où se posait la question de savoir si le fait qu’une fondation privée d’un État

membre réserve l’attribution de bourses de recherche aux candidats ayant réussi un certain exament pouvait constituer une discrimination indirecte fondée sur la race ou l’origine ethnique. Le défaut d’éléments révélant qu’un groupe ethnique particulier était défavorisé par une telle pratique conduit la Cour à écarter la question de la discrimination indirecte.

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