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Les difficultés posées dans le cadre d’un chef de compétence générale 257 Il faut ici distinguer selon que les juridictions saisies relèvent d’un système de

INTRODUCTION GÉNÉRALE

Section 2. Des conditions d’accès à la juridiction en réalité défavorables aux travailleurs

A. Les difficultés posées dans le cadre d’un chef de compétence générale 257 Il faut ici distinguer selon que les juridictions saisies relèvent d’un système de

droit romano-germanique (1) ou de common law (2). La question du lien entre les parties et le for se pose en effet différemment puisque dans le premier cas, le lien exigé est souvent défini a priori par un certain nombre de règles tandis que dans le second cas, c’est au juge qu’il revient, a posteriori, de mobiliser plusieurs facteurs mêlant critère de compétence et test de proximité494. Il est donc pertinent de les traiter séparément, même si la problématique, au fond, reste la même.

1. Le lien exigé entre les parties et le for en pays de droit civil

258. Bien que de nature différente, le lien exigé entre les parties et le for constitue

une question sérieuse pour l’accès au juge sur le fondement du critère du domicile (a) ou du for de nécessité (b).

a. Le domicile et le regroupement du contentieux

259. À n’en pas douter, dès lors que le défendeur est domicilié sur le territoire d’un

État membre de l’Union européenne, les juridictions de cet État sont compétentes. L’arrêt Comilog, rendu par la Cour d’appel de Paris le 10 septembre 2015, confirmé sur ce point par la chambre sociale de la Cour de cassation le 14 septembre 2017, l’affirme sans ambages495. Les salariés, de nationalité gabonaise et qui avaient exécuté leur contrat de travail sur le sol congolais, entendaient agir à la fois contre leur employeur contractuel, une société sise au Gabon, et contre les sociétés Comilog International, Comilog France et Comilog holding, domiciliées en France.

494 Symeon SYMEONIDES, Choice of law, coll. The Oxford commentaries on American law, Oxford, UK ; New York, NY, Oxford University Press, 2016, p. 409 ; Willis L.M. REESE, « Choice of law : rules or approach », Cornell L. Rev., 1972, Vol. 57, n° 3, pp. 315 – 334 cité par Symeon SYMEONIDES, « The American choice-of- law revolution in the courts : today and tomorrow », RCADI, 2002, Vol. 298 à la page 410.

495 Étienne PATAUT, « Déni de justice et compétence internationale dans les litiges internationaux du travail », D., 2016, n° 20, pp. 1175 – 1178.

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Les juridictions françaises acceptent sans hésitation leur compétence à l’égard des sociétés françaises.

260. Cependant, il convient de préciser que l’action en justice fondée sur le critère

du domicile du défendeur peut, malgré l’identification incontestée du domicile du défendeur sur le territoire du for, ne pas aboutir à une décision de justice au profit des plaignants. Soit que l’exigence de ce lien intervienne après la reconnaissance de la compétence internationale des tribunaux, comme c’était le cas dans l’affaire Comilog, soit que cette exigence intervienne avant la reconnaissance de la compétence des tribunaux, au titre de la recevabilité de l’action. Dans le premier cas, illustré par le précédent Comilog, le juge français est bien compétent à l’égard des sociétés françaises. Mais l’action porte alors sur l’établissement d’un lien entre les salariés et la société mère, qui, en l’occurrence, s’avère inexistant en raison de l’impossibilité de caractériser la relation de coemploi entre les sociétés françaises, la société gabonaise et les salariés. Par conséquent, l’action des salariés, bien qu’entendue par les tribunaux français, ne débouche sur rien. L’établissement d’un tel lien pourrait, aujourd’hui, éventuellement se fonder sur la Loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et donneuses d’ordre domiciliées en France. Mais cela sera vrai si et seulement si l’entreprise visée entre dans le champ d’application de la loi, qui, rappelons-le, ne vise que les entreprises employant plus de 5 000 salariés en France ou 10 000 dans le monde, et, surtout, si la loi française est applicable, ce qui ne relève pas de l’évidence en application du critère de la lex fori delicti496. Reste alors l’invocation du droit commun de la responsabilité de la loi du lieu du dommage. Mais quel sera le lien entre cette législation nationale et le défendeur sis dans un autre État ? On voit donc qu’à ce compte-là, le critère du domicile du défendeur risque bien de s’avérer impuissant pour lutter efficacement contre le risque de déni de justice subi par les travailleurs dans la chaîne d’approvisionnement.

261. Dans le second cas, relatif à la concentration du contentieux en présence de

plusieurs défendeurs, il faut commencer par rappeler que les articles 4 et 8 du

496 É. PATAUT, préc., note 264.

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Règlement Bruxelles I bis ne produisent leurs effets que dans la limite géographique du territoire des États membres de l’UE. Ce qui signifie que, pour pertinentes que puissent être ces techniques, elles ne seront d’aucune aide au travailleur dont l’exécution du contrat de travail a eu lieu dans un État tiers et dont l’employeur contractuel est également domicilié dans cet État tiers. Le régime juridique des codéfendeurs tel que défini à l’article 8 et favorablement interprété par la Cour de justice497 ne serait, pour la même raison, applicable qu’à la société domiciliée sur le territoire d’un État membre. Il faut donc combiner l’article 4 du Règlement B1bis avec les dispositions nationales de regroupement du contentieux498. Or, de ce point de vue, les législations nationales semblent autrement plus regardantes que la Cour de justice quant au lien exigé entre le demandeur et les défendeurs.

262. En droit français, par exemple, la jurisprudence exige de prouver que le

défendeur domicilié en France est un défendeur réel et sérieux, « c’est-à-dire un défendeur personnellement intéressé au litige »499. Les juges veillent en effet à s’assurer qu’en demandant la concentration du contentieux devant le juge français, le demandeur ne cherche pas à extirper le codéfendeur, non domicilié en France, de la compétence de son juge naturel. C’est donc à un contrôle de l’utilisation frauduleuse de cette technique que se livrent les juges en sanctionnant l’action dirigée contre un défendeur fictif, simulé ou complaisant contre lequel le demandeur n’a pas d’action personnelle. On en revient alors à l’exigence d’un intérêt et d’une qualité à agir spécifiques. Dans un arrêt rendu en 2004, la Cour d’appel de Versailles rejette l’action d’une société algérienne en reconnaissance d’une rupture abusive des relations commerciales dirigée contre la société française Unilever. Cette dernière n’avait entretenu de liens avec la société plaignante que de 1991 à 1998, date à partir de laquelle la société algérienne se voyait désormais approvisionnée par la société Unilever Maghreb, filiale algérienne de la société défenderesse française. Selon les juges du fond, le fait qu’il n’y ait plus de liens entre les deux

497 Par exemple, la Cour n’exige pas de rapporter la preuve que l’utilisation de cette technique n’est pas frauduleuse, c’est-à-dire qu’elle ne serait mobilisée qu’afin d’agir contre la société mère.

498 Laurence USUNIER, « Compétence judiciaire, reconnaissance et exécution des décisions en matière civile et commerciale - Article 8 du règlement (UE) n° 1215/2012 », J.-Cl. Droit international, fasc. 584-140, no 14. 499 Id., no 6.

sociétés depuis 1998, et le fait que la société mère et sa filiale n’aient « aucun administrateur, dirigeant ou actionnaire direct commun et sont donc juridiquement et économiquement distinctes », devait conduire à faire de Unilever International Paris un défendeur ni réel ni sérieux. En conséquence, l’article 42 alinéa 2 du Code de procédure civile n’était invocable contre aucune des sociétés, la première condition de présence du domicile d’un défendeur sur le territoire français étant tombée500. Une partie de la doctrine estime que la Loi sur le devoir de vigilance pourrait notamment avoir pour effet de faciliter le regroupement du contentieux, son champ d’application visant explicitement la chaîne de sous-traitance. Cela sera vrai, encore une fois, tant que cette loi est applicable501.

263. Par conséquent, le succès du recours au critère de compétence du domicile

et à la technique des codéfendeurs dépend visiblement de chaque législation nationale. C’est également le cas pour le for de nécessité.

b. Le for de nécessité

264. Le lien exigé au titre du for de nécessité est actuellement interprété de façon

restrictive par les juridictions nationales502. Deux exemples peuvent être donnés dans des affaires impliquant une entreprise transnationale. La première est l’affaire

Comilog, en France. Elle commence le 5 septembre 1991 par la collision au Congo

Brazzaville d’un train de la Compagnie Minière de l’Ogooué (Comilog) avec un train de voyageurs faisant une centaine de morts503. L’entreprise ayant décidé de mettre fin à l’activité ayant donné lieu à cet accident, 955 travailleurs sont remerciés sur le champ, sans préavis ni indemnités. Les salariés saisissent les juridictions locales parmi lesquelles le tribunal du travail de Pointe-Noire, mais sans qu’aucune décision ne soit rendue. En 2003, la société Comilog devient filiale de la société française Eramet. La même année, un accord est signé entre, d’une part, Comilog et, d’autre

500 CA Versailles, 4 nov. 2004 ; n° JurisData 2004-308323, Gaz. Pal., 2005, p. 2091.

501 Olivera BOSKOVIC, « La compétence des juridictions des pays source pour connaître des actions intentées à l’encontre des entreprises multinationales », D., 2018, n° 14, pp. 732 - 733.

502 Il n’existe pas, à notre connaissance, d’arrêts rendus par les juges des États membres de l’Union européenne ou par la CJUE sur le fondement des Règlements européens qui prévoient une règle de forum necessitatis. 503 J. PORTA, préc., note 100.

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part, les gouvernements congolais et gabonais. Plus d’un million d’euros sont versés au Trésor congolais au titre de dédommagement pour les ex-salariés, lesquels diront n’avoir jamais rien reçu. Ces derniers saisissent le Conseil de prud’hommes de Paris en 2007 afin de voir juger leur licenciement comme étant abusif et demandent 65 millions d’euros de dommages et intérêts. En 2011, leur demande est rejetée et les ex-salariés de Comilog font appel. Concernant le lien de rattachement avec la France, la Cour d’appel de Paris estime qu’il est établi par la présence du siège social sur le territoire français de la société Eramet, propriétaire de 63,71 % du capital social de Comilog. Mais cette solution n’a pas été partagée par la chambre sociale de la Cour de cassation, saisie par la société perdante504. La Haute juridiction, sans s’émouvoir davantage de l’impossibilité ou de la difficulté d’obtenir justice au Congo, concentre son analyse sur le lien de rattachement opéré avec la France. Aucun doute ne semble assaillir la chambre sociale, qui déclare : « la seule détention par une société française d’une partie du capital d’une société étrangère ne constitue pas un lien de rattachement au titre du déni de justice »505. La solution qui prévaut aujourd’hui est donc que le contrôle d’une société étrangère par une société française n’est pas un lien suffisant pour justifier la compétence des juridictions françaises sur le fondement du for de nécessité.

265. Il est également possible de citer l’affaire Anvil Mining au Québec, où il était

question de complicité de crimes de guerre commis dans une filiale congolaise d’un groupe australien ayant ouvert un établissement au Québec après les faits506. La Cour supérieure avait déjà refusé de faire jouer l’article 3148, deuxième alinéa, du Code civil du Québec, fondant la compétence de l’autorité provinciale sur le fondement de la présence d’un établissement de la personne morale défenderesse

504 V. Étienne FARNOUX, « L’affaire Comilog (Cour d’appel de Paris) : l’appréhension du groupe multinational de sociétés par les règles de compétence juridictionnelle », dans SOCIÉTÉ FRANÇAISE POUR LE DROIT INTERNATIONAL, Laurence DUBIN, Pierre BODEAU-LIVINEC, Jean-Louis ITEN et Vincent TOMKIEWICZ (dir.), L’entreprise multinationale et le droit international : colloque de Paris 8 Vincennes - Saint-Denis, Paris, Éditions Pedone, 2017, pp. 143 – 174.

505 Cass.soc., 14 sept. 2017, n° 15-26737. Cette solution est à mettre en parallèle avec la jurisprudence anglaise en matière de forum non conveniens, où, précisément, des délais de procédure trop longs peuvent justifier de maintenir la compétence du juge anglais, quand bien même celui-ci ne serait pas le plus « approprié ». V. infra, note 576.

506 Cour d’appel du Québec, 24 janv. 2012, 2012 QCCA 117, Anvil Mining, Repères, janv. 2013, note Nicholas J. KRNJEVIC, EYB2013REP1306.

sur le territoire québécois507. Si le lien avait été jugé insuffisant en ce qu’il n’était pas établi que l’activité de cet établissement avait, en soi, constitué la cause des faits allégués, la question restait ouverte de savoir si, en revanche, la présence de cet établissement pouvait constituer un lien suffisant au sens de l’article 3136 du Code civil. La Cour d’appel s’y refuse, arguant que l’« Association canadienne contre l’impunité » n’a pas établi qu’il lui avait été impossible de saisir le juge australien. La décision est stricte, mais saluée par la doctrine, qui y voit une application correcte du dispositif, ayant vocation à rester exceptionnel. Gérard Goldstein écrit ainsi : « [cette disposition] n’impose pas de jouer les bons samaritains pour toutes les injustices se déroulant au Congo. Plus pragmatiquement, elle permet au juge québécois de disposer d’une règle subsidiaire pour éviter le désordre social au Québec (…) »508. On peut donc penser, en revanche, que si la société Anvil Mining avait eu son siège social au Québec, le lien suffisant aurait pu être établi. C’est en tout cas ce que suggère une lecture combinée de l’arrêt Anvil et de l’arrêt Souffrant, dans lequel le juge Auclair affirme qu’en l’espèce, « aucun des défendeurs ne fait d’affaires ou n’a une place d’affaires ou siège social au Canada rendant impossible de trouver un lien suffisant avec le Québec »509.

266. Enfin, il faut citer l’arrêt Naït-Limann rendu en Grande Chambre par la CEDH

le 15 mars 2018. Sans revenir en détail sur cette affaire510, les magistrats estiment que le requérant, de nationalité tunisienne et exilé en Suisse, ne justifiait pas d’un lien suffisant au titre du for de nécessité en dépit du fait qu’aucun autre for n’était disponible, qu’aucun autre chef de compétence prévu par le droit du canton de Genève n’était mobilisable, et qu’il avait non seulement sa résidence, mais aussi le droit d’asile sur le territoire suisse511.

507 V. infra, n° 282.

508 G. GOLDSTEIN (dir.), préc., note 414, p. 65 – 66.

509 Souffrant c. Haytian American Sugar Company, préc., par. 36. 510 V. infra, n° 442.

511 CEDH, Grande chambre, Affaire Naït-Liman c. Suisse, Requête n° 51357/07, 15 mars 2018, JCP G, 2018, 26, note F. SUDRE.V.infra, n° 442.

2. Le lien exigé entre les parties et le for en pays de Common law

267. Les droits anglais (a), américain (b) et canadien (c) serviront d’exemples,

étant les principaux systèmes juridiques de Common law avec l’Australie.

a. L’assignation en droit anglais

268. Le droit de Common law d’Angleterre subordonne la compétence

juridictionnelle à la validité de la notification de plainte déposée à l’encontre du défendeur (« service of process »)512. Ainsi, dès lors que cette notification se fait en bonne et due forme, le juge sera compétent. Ce qui induit deux conséquences. La première est que tout défendeur présent sur le territoire anglais pourra être justiciable d’une Cour anglaise. Quand bien même ce défendeur serait de passage en Angleterre et qu’un autre juge serait naturellement plus compétent. À l’inverse, cette règle signifie que si le défendeur n’est pas présent sur le territoire, alors le juge ne pourra être saisi, même s’il peut être raisonnable qu’il le soit. Afin de corriger les effets pervers de ce système, plusieurs lois ont été adoptées aux fins d’actions in

personam513. Désormais, afin de déterminer si le juge anglais pourra entendre de

l’affaire dans une situation présentant un élément d’extranéité, il faut se référer aux règles contenues à l’article 6.20 et suivant du Civil Procedure Rules (CPR). Trois conditions doivent être réunies par le demandeur souhaitant agir à l’encontre d’une personne non domiciliée sur le territoire anglais514 : primo, satisfaire à l’un des critères prévus au paragraphe 3.1 du Practice Direction 6B, annexe à la partie 6 du CPR, secundo, démontrer qu’il y a une chance raisonnable de succès, tertio, convaincre le juge d’exercer discrétionnairement sa compétence515.

512 J. J. FAWCETT, Janeen M. CARRUTHERS, P. M. NORTH et P. M. NORTH, Cheshire, North & Fawcett private international law, 14 th ed, Oxford ; New York, Oxford University Press, 2008, pp. 353 – 354.

513 La première ayant été le Common Law Procedure Act de 1852. 514 Article 6.37 du Civil Procedure Rules.

515 À la différence du Canada, l’exercice de la compétence internationale par le juge anglais est soumis à l’autorisation de ce dernier.

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269. Le paragraphe 3.1 du Practice Direction 6B établit 12 critères permettant de

notifier au défendeur étranger un dépôt de plainte à son encontre. Parmi eux, le

General grounds déjà évoqué516.

270. Cette disposition peut permettre au demandeur d’agir contre deux

personnes : l’une domiciliée sur le territoire anglais, l’autre domiciliée en dehors517. Il peut donc être envisageable pour un travailleur de saisir le juge anglais à l’encontre de son employeur direct, domicilié hors Angleterre et d’une société domiciliée sur le territoire anglais. Mais plusieurs conditions doivent être respectées, qui en limitent sévèrement la portée. Tout d’abord, la première demande doit avoir été validement effectuée. Elle peut être dirigée à l’encontre de l’un ou l’autre des défendeurs. Mais dans les deux cas, pour être reçue, la plainte devra entretenir un lien suffisant avec le for anglais. Ce qui n’est pas évident pour un travailleur agissant contre une société avec laquelle il n’a pas de relation contractuelle, ou avec laquelle il en a une, mais qui n’est pas domiciliée sur le territoire anglais. Dans l’hypothèse où une telle notification aurait été acceptée, il faudra encore convaincre le juge de la nécessité d’y joindre un autre défendeur.

271. L’article 3.1 (3) de la Section 4, Partie 6 du Civil Procedure Rules impose en

effet au demandeur d’établir qu’il existe, d’une part, entre lui et le défendeur régulièrement assigné par le juge anglais un vrai problème qu’il est raisonnable de juger, et, d’autre part, que l’autre défendeur qu’il souhaite attraire est une partie nécessaire ou utile à l’instance – « a necessary or proper party to that claim ». C’est donc non pas un seul lien comme en droit français, mais deux que le plaignant doit justifier. Pour que la première condition soit satisfaite, le plaignant doit convaincre du fait que sa demande a des chances d’aboutir518. Les juges anglais se réservent ainsi la possibilité d’écarter une action qui ne viserait qu’à profiter de la compétence des tribunaux britanniques pour agir en réalité contre un défendeur domicilié à l’étranger. Pour ce qui est de la seconde condition, il faut également prouver le sérieux de la demande. Mais les juges peuvent rejeter l’action contre le second

516 Supra, n° 215.

517 J. J. FAWCETT, J. M. CARRUTHERS, P. M. NORTH et P. M. NORTH, préc., note 437, p. 375. 518 Owusu v. Jackson [2002] EWCA Civ 877, par. 32.

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défendeur s’ils pensent qu’elle concerne principalement ce dernier, et non le défendeur assigné au départ. Enfin, le plaignant doit convaincre de l’avantage, pour lui, à ce que le contentieux soit regroupé devant le juge anglais519. La combinaison de l’article 4 du Règlement Bruxelles I bis avec cette disposition du droit anglais a notamment été mise en œuvre dans l’affaire Okpabi vs Shell520. Les plaignants, ressortissants nigérians, agissaient à la fois contre la Royal Dutch Shell PLC, holding du groupe Shell enregistrée en Angleterre, et contre la Shell Petroleum Development Company of Nigeria, filiale nigériane de la Royal Dutch Shell sous forme de joint

venture locale. Ils se plaignaient d’avoir subi des dommages importants du fait de

déversements d’hydrocarbures par les pipelines de ces sociétés. Le juge anglais, rejetant sa compétence à l’égard de la société anglaise pour défaut de preuve de l’existence d’un duty of care, écarte également sa compétence vis-à-vis de la filiale nigériane521.

272. Ainsi, la doctrine range rapidement cette disposition parmi les cas d’école,

très difficiles à réaliser en pratique522.

b. La compétence générale en droit américain

273. Historiquement, la compétence interétatique et internationale des tribunaux

américains se justifiait par la possibilité d’exécuter la décision prononcée. Jusqu’au début du XXe siècle, la société commerciale était pensée comme ne déroulant ses

519 J. J. FAWCETT, J. M. CARRUTHERS, P. M. NORTH et P. M. NORTH, préc., note 437, pp. 375 – 377.

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