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197 Unarc, Les premiers pas du syndic bénévole , 35 p

II. Des différences selon les « formes » de projet

L’expression « habitat participatif » a été choisie dans le cadre de cette recherche du fait de son caractère

fédérateur. Toutefois, d’autres terminologies existent et ouvrent sur autant de projets. Une diversité de terminologies

L’apparition de l’expression « habitat participatif » relève d’un processus conduit par les habitants eux

-mêmes dans une perspective d’amélioration de la visibilité de leur mouvement (cf. infra, Chapitre 8, p.

301), au sein duquel vivent différentes dénominations : coopérative d’habitants, cohabitat, cohousing, autopromotion, habitat coopératif, habitat groupé, habitat autogéré, habitat solidaire. Ce foisonnement et leur utilisation synonyme ou conjointe constituent l’une des premières difficultés à surmonter lorsqu’on

approche l’habitat participatif. Le traitement médiatique de la question à l’échelle nationale met en

lumière de façon cette inflation de termes. Ainsi, sur un total de 555 articles de presse recensés entre 2006 et avril 2012200, la répartition entre les expressions se fait comme suit :

199Dans sa présentation de l’opération, l’organisme présente ses «3 procédés techniques innovants » :« 1. Structure du bâtiment innovante : procédé constructif bois – béton (système BBC) ; 2. Préchauffage de l’ECS par une PAC avec récupération de l’énergie sur l’air extrait ; 3. Panneaux photovoltaïques en toiture » (Rhône Saône Habitat, « Le jardin de Jules – ZAC des Maisons Neuves, Villeurbanne, Innovation environnementale », mai 2013)

200La revue de presse s’est poursuivie après avril 2012 mais nous n’avons pas reproduit l’analyse de la répartition des différentes terminologies

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Partie 2. Chapitre 4. L’habitat participatif, un dispositif novateur ?

Section 3. Une diversité d’initiatives pour autant de remises en question

Tableau 12. Répartition des termes utilisés par la presse entre 2006 et avril 2012

Source : corpus d’articles de presse

Elaboration personnelle

Si l’expression « habitat groupé » est en première position, celles d’ « habitat participatif »,

d’« autopromotion » et de « coopératives d’habitants » se suivent de près. Or, ces différents termes recouvrent des réalités qui peuvent être bien différentes.

Différentes terminologies pour une diversité de projets

Les acteurs associatifs eux-mêmes opèrent des distinctions entre ces termes et jugent leur mobilisation imprécise. Le président de l’association Eco Quartier Strasbourg indique dans son ouvrage Autopromotion, habitat groupé, écologie et liens sociaux, paru en février 2011 : « dans la presse, dans les milieux associatifs

ou politiques, des termes quelques fois approximatifs sont utilisés sans en préciser le sens réel ». L’auteur

s’essaie alors à l’exercice de la définition. Ainsi, « habitat groupé » serait « un terme générique faisant

référence à la constitution d’un habitat issu de l’initiative collective de particuliers. Par la notion de groupe,

ce terme met l’accent sur le projet de vie collectif». L’habitat participatif constituerait lui une

« dénomination appelant plutôt à la méthode d’élaboration ou de gestion de l’habitat, voulue de manière

partagée avec ses occupants ». L’autopromotion est présentée comme « un terme plus technique désignant

une organisation civile, initiée par des particuliers, dans l’objectif d’ériger ou de restructurer collectivement, en qualité de maître d’ouvrage, un bâtiment pour leur propre compte. L’autopromotion indique la démarche constructive choisie pour réaliser un habitat groupé, mais ne décrit pas le projet de vie en tant que tel ». La coopérative, quant à elle, désigne « un projet dont la propriété est collective et pour lequel le pouvoir est exercé démocratiquement (1 personne = 1 voix). Cette dénomination détermine les liens des membres entre eux et leur mode de gestion interne » (p. 19).

D’autres acteurs, dans une perspective d’affirmation de leur projet et de leur identité, font le choix net de

se démarquer de certaines réalisations. Ainsi, l’association HESP’ère 21 met en avant sa différence

vis-à-vis de l’autopromotion : « au départ l’adjoint [à l’urbanisme d’un arrondissement de Paris] nous avait

classés en autopromotion, il a fallu qu’on lui envoie une lettre pour lui expliquer que le projet c’était pas ça ! »

(Association, Paris, réunion « Habitants », n°25, 17/03/10). Ce groupe signifie par là sa volonté de

s’adjoindre le soutien de professionnels de la construction et en particulier les organismes d’Hlm201.

201Pour cette association, l’autopromotion se destine par ailleurs exclusivement à des ménages aisés. Pour bénéficier d’un soutien

public, elle cherche à se démarquer de cette conception

Expression employée Nombre d’articles

Habitat groupé 152 Coopératives 138 Coopérative d’habitants 66 Habitat participatif 80 Autopromotion 69 Cohousing Cohabitat 19

Habitat groupé autogéré 10

Habitat solidaire 9

Habitat partagé 8

Habitat groupé solidaire

Habitat groupé et solidaire 23

Logement coopératif 6

Habitat autogéré 2

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C’est surtout l’association Habicoop qui revendique avec force la spécificité de la forme qu’elle défend. Le

chapeau introductif de la rubrique de son site Internet intitulée « Autres expérimentations » indique : « d’autres projets ou réalisations reprennent certaines des valeurs de la coopérative d’habitants », marquant

dès lors le fait que la coopérative d’habitants a des valeurs spécifiques ; la sous-rubrique « les habitats

groupés » marque cette différenciation encore plus nettement : « les coopératives d’habitants s’inscrivent dans le champ de l’habitat groupé, cependant l’habitat coopératif se distingue des autres formes juridiques

existantes car il propose un rapport différent à la propriété et se veut non spéculatif et démocratique » (Habicoop, site Internet). Un autre support de présentation avance même que seule la forme coopérative

garantit la légitimité d’une intervention publique : «beaucoup de ces valeurs [énoncées précédemment]

pourraient se retrouver dans un « habitat groupé » sous une forme juridique classique. Mais il n'y aurait alors aucune garantie de pérennité pour les partenaires extérieurs, notamment publics. Le cadre coopératif permet aux politiques publiques d'être légitimes à soutenir les projets, puisque leur utilité sociale est garantie par la

loi » (Habicoop, « Les coopératives d’habitants, c’est plus que du logement ! », janvier 2010). Cette

structure défend en tout cas avec force son projet associatif, fondé sur les valeurs de propriété collective, de non-spéculation et de démocratie. La notion de propriété collective – qui se rattache à un statut juridique particulier – est propre à Habicoop et à ses adhérents :

« à la différence de nos voisins[202] nous on défend quelque chose de plus général, on n’est pas sur un

statut en particulier, ça peut très bien être une copro, une SCI [Société Civile Immobilière], une

coopérative… On est sur l’idée que les gens doivent participer le plus en amont possible à la conception

de leur logement, c’est ça qu’on prône avant tout »

« A Habicoop, ils sont que sur le statut de coopératives, et franchement, ça rame, nous on préfère quelque chose de plus général »

Habitants, Lyon, Entretien n°3, 20/02/09

Toutefois, toutes les initiatives ne peuvent être rangées dans l’une ou l’autre de ces catégories. En effet,

nombreuses sont celles qui reposent sur une hybridation de ces deux formes. Les acteurs associatifs eux-mêmes revendiquent cette hybridité et la diversité de l’habitat participatif. Le compte-rendu de la « 5ème

rencontre régionale de l’habitat groupé et solidaire »203qui s’est tenue début décembre 2011 précise : « il

est rappelé que ces journées ne s'intéressent pas uniquement aux coopératives d’habitants, mais à l’habitat

participatif dans toute sa diversité » (GRT Ouest204, Compte-rendu, 2011). Interrogée sur une forme de

concurrence entre les coopératives d’habitants et l’habitat groupé, une représentante d’Habicoop indique :

« Les coopératives d’habitants s’inscrivent dans l’habitat groupé, je ne sais pas si je parlerais de

concurrence, quoique… Je préfère parler de « bonne concurrence » ou de « concurrence positive ». Les

coopératives c’est d’abord un statut particulier, mais c’est une branche et une composante de l’habitat

groupé »

Accompagnateur, Chargée de mission, Lyon, Entretien n°4, 20/03/09

Certains points s’avèrent particulièrement clivants, comme ceux liés au rapport à la propriété et l’un de

ses corolaires la spéculation. Ainsi, pour Habicoop en particulier, la spéculation est totalement proscrite.

Au sein d’autres groupes et associations comme Eco Habitat Groupé, la volonté d’encadrer l’évolution du

bien est moins prégnante. Ces divergences entre groupes et associations ne sont cependant pas toujours connues des habitants eux-mêmes :

« Il y a un point qui m'a beaucoup perturbé au début de ces quatrièmes rencontres, c'est le rapport à la

propriété, moi j'avais... peut-être que je mets les pieds dans le plat, mais je pensais qu'on s'entendait tous sur un rapport à la propriété qui exclut la spéculation et donc qu'on excluait d'emblée la

202Ces propos ont été recueillis sur le stand d’une manifestation. Les « voisins » dont il est ici question sont les personnes qui tiennent le stand qui jouxte celui des personnes interrogées

203 Tout comme se tiennent les Rencontres Nationales des Coopératives d’Habitants et les Rencontres Nationales de l’Habitat Participatif, des Rencontres du même type sont également organisées à l’échelle régionale

204 Le GRT Ouest est un regroupement d’associations en Bretagne qui promeut le développement de l’habitat participatif. L’acronyme

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Partie 2. Chapitre 4. L’habitat participatif, un dispositif novateur ?

Section 3. Une diversité d’initiatives pour autant de remises en question

copropriété et qu'on se plaçait tous dans les schémas coopératifs de propriété collective d'un bien

immobilier. En fait je m'aperçois que non »

Habitant, Toulouse, réunion publique n°3, 4-6/12/09 Le niveau de participation des habitants révèle également une absence d’unité du mouvement. Alors que

certains groupes affichent leur volonté de participer à l’ensemble du processus de conception, d’autres

refusent la « page blanche » :

« Il y a un curseur à placer, la page blanche c’est très compliqué. Là clairement on a des gens qui ont un

capital culturel fort et un capital financier fort ! Ce qui n’est pas vraiment compatible avec notre

vocation d’ESS[Economie Sociale et Solidaire]. Ça peut être pas mal d’avoir déjà des esquisses. La page

blanche, c’est pas toujours la meilleure solution, elle est intéressante pour des groupes qui ont une

dynamique forte mais pas pour tout le monde »

Association, Rennes, réunion publique n°3, 4-6/12/09

Ainsi, l’habitat participatif couvre un ensemble de formes, plus ou moins en lien avec les terminologies.

Plus encore, d’un projet à l’autre, les valeurs et les montages diffèrent.

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