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Construction des hypothèses de recherche à partir du cadre d’analyse élaboré

Conclusion du chapitre 1

Chapitre 2. Cadrage théorique et outils mobilisés

II. Construction des hypothèses de recherche à partir du cadre d’analyse élaboré

Le cadre d’analyse construit permet de formuler plusieurs hypothèses relatives au processus de diffusion

de l’habitat participatif à l’action publique et au sein de cette dernière88. Celles-ci se déclinent en une

hypothèse principale et plusieurs hypothèses secondaires. Hypothèse principale

L’hypothèse principale est la suivante : la diffusion de l’habitat participatif à l’action publique et au

sein de celle-ci résulte d’un processus mettant en jeu trois entités en interaction que sont l’habitat

participatif lui-même, les acteurs et le contexte.

L’introduction de l’habitat participatif en tant qu’entité tend à nous éloigner a priori des travaux sur la

mise à l’agenda – dont l’une des étapes est la « problématisation » – et des travaux sur la diffusion. En

effet, les analystes de la mise à l’agenda considèrent que la problématisation trouve son origine dans deux

grands recoupements de facteurs que sont d’une part les acteurs et notamment des « entrepreneurs

politiques » (Padioleau, 1982 ; Cobb, Elder, 1971) et d’autre part des facteurs considérés plus objectifs

(Kingdon, 1984)89 qui se rattachent au contexte. De la même manière, les analystes de la diffusion ne

prêtent qu’une attention mesurée à la nature et aux caractéristiques de l’innovation en tant que telle.

L’isolement de l’habitat participatif comme entité et composante à part entière résulte de notre

investigation des travaux portant sur la participation, mais n’est en aucun cas synonyme d’une quelconque

démarcation des approches de la sociologie de l’action publique et de l’innovation, avec lesquelles il reste

parfaitement compatible. Ce choix repose sur la nature de l’habitat participatif qui est, comme nous

l’avons vu, ni un problème ni une « simple » innovation : c’est un objet complexe, qui repose sur plusieurs

faits sociaux et recoupe un ensemble d’innovations. A ce titre, une description et une décomposition de cet

objet sont indispensables pour en faire ressortir les principales caractéristiques. Cela est d’autant plus

nécessaire que l’habitat participatif entre en interaction à la fois avec les acteurs et avec le contexte et peut donc être transformé. Il ne s’agit bien sûr pas de lui donner une identité ou une matérialité détachée de sa

construction par les acteurs mais de se doter d’un cadre de pensée qui permette de le décrire au mieux

pour lui-même et dans ses interactions avec d’autres milieux.

La présentation successive des hypothèses réalisée ci-après ne signifie en rien qu’elles sont indépendantes

les unes des autres. Au contraire, elles sont imbriquées, et c’est bien leur combinaison qui conduit à la

diffusion de l’habitat participatif.

Hypothèse secondaire n°1

- Les caractéristiques objectives de l’habitat participatif n’en déterminent pas la diffusion

Cette première hypothèse secondaire témoigne de notre attachement aux apports de la sociologie de

l’action publique et de la sociologie de l’innovation et ce en dépit de l’isolement d’une composante habitat

participatif. Elle repose à l’inverse précisément sur les résultats des travaux portant sur la mise à l’agenda et la diffusion. En effet, qu’il s’agisse de l’innovation comme du problème, leurs caractéristiques objectives

ne déterminent pas leur carrière. Ainsi, ce n’est pas parce qu’un problème parait « objectivement » important – de par son intensité, sa gravité, le nombre de personnes concernées... – qu’il fera

nécessairement l’objet d’une attention publique (Muller, 2009). Ses caractéristiques objectives ne

conditionnent pas sa percée ou son échec (Neveu, 1999 : 41 ; Gilbert, Henry, 2012 : 12). De la même

manière, les caractéristiques d’une innovation ne laissent en rien présager de sa diffusion. Les analystes des processus d’innovation s’accordent pour reconnaître que le succès d’un outil n’est pas fonction de sa

88 Deux volets sont en effet à prendre en compte : le premier concerne la diffusion de l’habitat participatif en tant qu’initiative habitante à l’action publique, autrement dit son entrée dans l’action publique, et le second sa diffusion au sein de l’action publique. Il

s’agit alors d’interroger comment cette initiative habitante est mise en mots et mise en gestes

89 Ces facteurs recoupent deux catégories : les déclencheurs internes ou domestiques, qui prennent en compte le cycle politique et les facteurs externes qui regroupent les crises non anticipées

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haute technicité ni même de son efficacité ; ce ne serait même pas un facteur nécessaire (Gaglio, 2011 : 13 ; 41 ; Palier, 2010). A ce titre, de nombreuses innovations – telles que par exemple l’invention d’un

nouveau clavier d’ordinateur– n’ont pas été adoptées en dépit de leur avancée par rapport aux pratiques

existantes (Rogers, in Weisburd, Braga, 2009 : 1099 ; Callon, 1999 : 119). Comme l’avance Alter (Alter,

2002 : 17), « il n'existe jamais de relation mécanique entre l'existence d'une potentialité et son usage par les

hommes ». L’adoption d’une innovation dépend de ce que Callon (Callon, 1999 : 119) nomme l’efficacité

sociotechnique, qui repose sur une intrication entre l’efficacité sociale et l’efficacité technique90. Nous

avançons ainsi que la diffusion de l’habitat participatif n’est pas liée de façon stricte à ses caractéristiques

objectives, ni à ce qu’il permettrait de faire. L’habitat participatif ne joue donc pas pour lui-même dans sa diffusion.

Hypothèse secondaire n°2

- La diffusion de l’habitat participatif s’inscrit au cœur d’un processus collectif

Notre deuxième hypothèse secondaire consiste à dire que la diffusion de l’habitat participatif s’inscrit au cœurd’une construction sociale (Spector, Kitsuse, 1977 : 75) et d’un processus collectif (Dewey, in Cefaï, 1996 : 49 ; Gaglio, 2011 : 36 ; Comeau et al., 2004). Au sein de ce processus collectif, nous avançons que

plusieurs figures d’acteurs interviennent (Cloutier, 2003 : 41-42 ; Dandurand, 2004 ; Bouchard, 1999 ;

Klein et al., 2009), tous étant « caractérisés par des capacités spécifiques, des perceptions spécifiques et des

préférences spécifiques » (Scharpf, 1997 : 43). Ces acteurs sont au nombre de trois91 : des

acteurs-innovateurs, les producteurs de la solution, autrement dit les acteurs-habitants ; des acteurs-relais interpelés par les acteurs-habitants ; des acteurs récepteurs interpelés par les acteurs-habitants et par les acteurs-relais. Des recoupements entre ces figures sont bien sûr possibles et relais comme acteur-récepteur peuvent devenir à leur tour producteur92.

Notre cadre d’analyse offre des outils pour caractériser ces différents acteurs. Le premier type, celui des

acteurs-habitants, recoupe l’ensemble de ceux qui éprouvent le problème et qui sont traditionnellement désignés comme les initiateurs de l’innovation (Cloutier, 2003). La notion d’entrepreneur93, commune à la

sociologie de l’action publique et à la sociologie de l’innovation, est souvent mobilisée pour décrire ceux

qui sont ainsi les « premiers » à porter une alternative, qu’ils en soient directement à l’origine ou qu’ils

fassent le choix de s’en saisir pour la porter publiquement (Gaglio, 2011 : 8 ; Ravinet, 2010). Ces acteurs

partagent une diversité de caractéristiques : « eu égard à la majorité [et] toutes choses égales par ailleurs,

[…] [ils] ont un niveau d’instruction plus élevé, un niveau social également élevé ou sont « en mobilité sociale

ascendante », ils écoutent et lisent plus les médias d’informations, ils participent plus aux mouvements

associatifs, ils sont en général plus ouverts au changement social, scientifique, technique et technologique »

(Assogba, 2010 : 7-8). Ils investissent leur temps, leur énergie et leurs ressources pour tirer parti de

90Callon emploie cette expression au sujet de la diffusion du clavier d’ordinateur. En dépit de performances plus importantes,

celui-ci n’a pas été diffusé : « Parce que l'on avait affaire à un complexe sociotechnique dans lequel se trouvaient enchevêtrés un dispositif technique - le clavier -, des compétences particulières qui étaient déjà là - des gens formés aux anciens claviers, des enseignants formés à apprendre la dactylographie sur ces claviers - ; parce qu'il y avait ce « mur » sociotechnique, un mélange, un complexe, presqu'au sens freudien du terme, sociotechnique, qui fait que le clavier est enchâssé, encastré, intriqué dans tout un réseau à la fois d'institutions, de compétences, de formations » (Callon, 1999 : 119)

91 Cette typologie des acteurs est une construction ad hoc

92 Nous nous appuyons sur ce que Ricoeur appelle la triple mimesis et que Cefaï (Cefaï, 1996 : 47) applique aux problèmes publics.

Cette triple mimesis désigne la construction d’un récit constitutif des problèmes publics. Elle recoupe l’amont de cette construction, la construction proprement dite et l’aval de la construction. La phase amont correspond à la « gestation dans l’expérience privée et dans la formulation à usage interpersonnel d'un « malaise », par des producteurs de sens qui ne sont pas encore des victimes ou des dénonciateurs » tandis que la phase aval relève de « la réception par les différents acteurs collectifs et leurs destinataires respectifs des versions du problème public ». Il y a ainsi trois moments de la configuration narrative qui interagissent les uns avec les autres et à chacune des phases, les narrateurs sont dans la position du producteur et du récepteur

93 L’emploi du singulier ne signifie pas qu’il existe un acteur innovateur ou entrepreneur qui agit seul tel que l’envisageait

Schumpeter : « l’entrepreneur schumpetérien est un innovateur de sorte que s’il cesse d’innover, il cesse par le fait même d’être entrepreneur pour devenir par exemple un simple gestionnaire. Pour lui, l’entrepreneur est d’abord un individu qui pense autrement que les autres, un individu suffisamment fort pour supporter le rejet que provoque l’innovation » (Lévesque, 2004 : 9). Dans notre cas, la

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Partie 1. Chapitre 2. Cadrage théorique et outils mobilisés

Section 2. Un cadre d’analyse qui croise sociologie de l’action publique et sociologie de l’innovation

toutes les occasions qui se présentent et se saisir de tous les moyens permettant d’influencer les preneurs

de décision et d’énoncer leurs propositions (Ravinet, 2010 ; Alter, 1995 : 119 ; Fontan et al., 2004 : 119). Dans cette perspective, ils sont amenés à mobiliser différents répertoires d’action (Tilly, 1984)94.

Le second type d’acteurs est composé des alliés, que nous nommons les acteurs-relais. Leur recherche est

rendue nécessaire pour réduire les zones d’incertitude qui limiteraient la reconnaissance des propositions et des demandes des entrepreneurs-innovateurs par les décideurs politiques (Fontan et al., 2004 : 119 ; Ravinet, 2010). Ces alliés peuvent être qualifiés de différentes manières : médiateur (Muller, 2000 : 184),

gatekeeper (Boullier, de Certaines, 1992 : 47), skilled social actors (Fligstein, 2001), policy brokers

(Sabatier, Jekins-Smith, 1999), traducteur (Callon, 1986), transcodeur (Lascoumes, 1996), passeur (Massardier, 2009), acteur intermédiaire (Hassenteufel, 2011 : 216)95. En dépit de ces différences sémantiques, ils partagent une caractéristique commune qui est de se situer à cheval entre différents univers de sens (Muller, 2009 : 67). Ils sont en capacité d’« intervenir dans différentes arènes dont les règles, les procédures, les savoirs et les représentations peuvent être éloignées » (Nay, Smith, 2002 : 12), « de se poser en relais entre des groupes, milieux et organisations dont les intérêts divergent mais qui sont

interdépendants et de mobiliser des partenaires » (Hassenteufel, 2011 : 214), « [d’]assure[r] le passage entre

des lieux (arènes, institutions, réseaux) de définition des dispositifs de politiques publiques et qui, pour ce faire, déploie[nt] une stratégie de multipositionnalité » (Massardier, 2009). Ce positionnement leur confère

un stock important de ressources mobilisables, qui permettent de fermer ou d’ouvrir les connexions

nécessaires (Boullier, de Certaines, 1992 : 47). Nous avançons que ces acteurs-relais ont un rôle essentiel

dans le processus de diffusion de l’habitat participatif : ils jouent de leur proximité et de leurs

connaissances des acteurs-habitants comme des acteurs institutionnels pour faire advenir l’habitat

participatif sur la scène publique.

Le dernier acteur à considérer est le récepteur. Ce terme est employé pour désigner le ou les acteurs qui en bout de chaîne ont le pouvoir de prendre ou plus exactement de sanctionner telle ou telle décision. Ce sont eux qui sont « visés » par les acteurs-habitants, de façon directe ou par l’intermédiaire des acteurs -relais, en tant que perçus comme en capacité d’agir pour le développement de leur projet. Dans le processus de diffusion de l’habitat participatif, ces récepteurs sont les acteurs institutionnels, et en

particulier les élus et les dirigeants d’organismes d’HLM. Les techniciens peuvent également être visés.

Chacun de ces acteurs joue dans la diffusion de l’habitat participatif, dans la mesure où ils le construisent,

le reçoivent, se le représentent et le transforment. Dès lors, un autre niveau d’hypothèses découlant de cette hypothèse secondaire peut être dégagé.

· La diffusion dépend de la façon dont l’habitat participatif est construit par les acteurs-habitants A partir de notre cadre d’analyse, nous formulons l’hypothèse que la manière dont l’habitat participatif est

construit, porté et qualifié par les acteurs joue pour beaucoup dans sa diffusion. Ce caractère construit est

d’abord le fait des acteurs-habitants qui sont les premiers producteurs de l’habitat participatif.

L’habitat participatif repose tout d’abord sur une phase de problématisation et de qualification. Dans la

publicisation des problèmes publics, cette première phase est celle du naming (Felstiner, Abel, Sarat : 1980) : des acteurs sociaux perçoivent une situation comme anormale et énoncent un jugement de valeur sur cette situation, devenue insupportable ou indésirable (Cefaï, 1996 ; Muller, 2000 : 57 ; Andrew, Klein,

94 Tilly (Tilly, 1984 : 194-198) a établi une typologie des répertoires d’action des acteurs qui comportent 6 types : le lobbying (mode

d’action direct dans une logique d’influence); la négociation (mode d’action direct dans une logique d’influence) ; action conflictuelle (mode d’action direct dans une logique de contestation) ; action juridique (mode d’action direct dans une logique de

contestation) ; manifestation (mode d’action direct et indirect dans une logique de contestation); action symbolique (mode d’action

indirect dans une logique de contestation) ; prises de position publiques (mode d’action indirect dans une logique d’influence) 95 Pour Hassenteufel, « les acteurs intermédiaires sont plus souvent des acteurs individuels dans la mesure où ils correspondent à des fonctions (par exemple celles de chef de projet, de coordonateur de projet, d’agent de développement local, d’agent de médiation, de préfet, de commissaire européen…) et/ou à des trajectoires personnelles liées à des origines sociales, une formation diversifiées, des positions multiples occupées dans des institutions variées et à des niveaux différents de l’action publique, plusieurs formes d’engagement, l’accumulation de savoirs pluridisciplinaires » (Hassenteufel, 2011 : 216)

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2010 : 40 ; Harrisson, 2010 : 16 ; Comeau et al., 2004 : 36). Sans ce jugement de valeur, sans une

qualification, il n’y a pas de problème social et donc aucune perspective de publicisation. Les innovations,

en particulier sociales, reposent également sur une situation « anormale » : « social innovation arises from public dissatisfaction with existing conditions and with concern about the gap between conditions of privilege and conditions of want » (Andrew, Klein, 2010 : 40) et sont élaborées comme des solutions à ce problème (Bouchard, 1999 ; Fontan, 1998 ; Chambon, David, Devevey, 1982). En somme, à la base du

problème social comme de l’innovation, se trouve un écart entre une situation vécue et une situation

désirée/voulue. Aussi, pour comprendre les problèmes sociaux, il faut savoir comment ils ont été amenés à être définis (Becker, 1966 : 11). A ce titre, les modalités selon lesquelles l’habitat participatif est

présenté sont à observer finement. Par exemple, l’un des éléments à questionner aura trait à la nouveauté,

présentée comme l’un des principes de sélection des problèmes publics par Hilgartner et Bosk (Hilgartner,

Bosk, 1988). Ces derniers précisent toutefois que ce qui compte n’est pas tant la nouveauté objective du

problème que la façon dont il est construit et mis en lumière, laquelle peut le parer des attraits de la nouveauté. Tout dépend là encore de sa qualification. L’objet d’analyse devient ainsi la façon dont les acteurs-habitants définissent, construisent l’habitat participatif et formulent des demandes auprès des

acteurs institutionnels (relais comme récepteurs). Plus encore, il est nécessaire de décrire les acteurs-habitants eux-mêmes dans la mesure où la formulation de l’habitat participatif peut varier en fonction des acteurs mobilisés96.

· La diffusion dépend des représentations des acteurs, en particulier celles des acteurs-relais et récepteurs

Qu’il s’agisse des acteurs-relais comme des acteurs-récepteurs, nous formulons l’hypothèse que leurs

représentations jouent un rôle dans leur appréhension de l’habitat participatif. Nous nous situons ainsi

dans l’ordre des interactions entre l’habitat participatif et les acteurs. La « sensibilité » à un problème

comme à une innovation dépend des habitudes des acteurs. Ainsi, plus une innovation ou un problème va

s’avérer éloigné de ce que les acteurs ont l’habitude de connaitre, plus leur écoute et leur attention seront

faibles. A l’inverse, si le problème ou la solution fait écho à des connaissances, l’attention portée sera forte. De façon concrète, l’adoption d’une solution est d’autant plus rapide qu’elle offre une réponse à un

problème identifié depuis longtemps (Crane-Hervé, Lécuyer, 1969 : 169) ou qu’elle est proche des « standards »97 (Weisburd, Braga, 2009 : 1120). Aussi, la question de l’adéquation aux pratiques existantes

a une grande importance. Sans cette adéquation, la prise en charge d’un problème comme d’une

innovation représente un coût qui ne peut pas nécessairement être supporté98.

Plus encore que les pratiques, les croyances et les représentations entrent également en ligne de compte.

Une telle hypothèse nous place dans une approche cognitive de l’action publique, approche pour laquelle

les acteurs sont pourvus d’un système de représentation qui leur permet de décoder le réel (Hassenteufel,

2011 : 121)99. Les acteurs, en effet, ne peuvent « pas faire abstraction de leurs valeurs, de leurs préférences, de leurs systèmes de croyances dans le cadre de leur travail ; ils sont mus par des valeurs et des intérêts qui ne

96 Boussaguet (Boussaguet, 2008) a ainsi montré au travers de l’exemple de la pédophilie que la formulation de ce problème mais

aussi les solutions envisagées variaient fortement selon les groupes mobilisés. Ainsi, est-on passé d’un traitement de soin des

victimes à un traitement pénal des auteurs

97 Weisburd et Braga suggèrent notamment au sujet des appareils policiers que « les innovations qui sont plus « compatibles » avec le modèle standard ont moins de chances de rencontrer des résistances sur le long terme » (Weisburd, Braga, 2009 : 1120)

98 Nous pourrions ici trouver une illustration à la notion de path dependence appliquée aux représentations. La notion de path dependence est traduite en française par l’expression « dépendance au chemin emprunté ». Elle a été développée pour souligner le poids des choix effectués dans le passé et celui des institutions politiques sur les décisions présentes

99 Quatre notions principales traversent respectivement les quatre principales approches cognitives. Ces notions sont celles de référentiel de politiques publiques, de système de croyance, de cadre cognitif de politique publique et de paradigme de politique publique. Hassenteufel propose plutôt la notion de système de représentation qui repose sur l’articulation entre trois dimensions

permettant de décoder le réel : des principes généraux qui définissent l’orientation d’ensemble d’une politique publique ; une grille

d’interprétation de la réalité (décodage) correspondant à un diagnostic sur lequel se fonde cette orientation ; des raisonnements et

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Section 2. Un cadre d’analyse qui croise sociologie de l’action publique et sociologie de l’innovation

se réduisent pas aux exigences de l’organisation administrative » (Hassenteufel, 2011 : 97). Ce système de croyances et de représentation auquel adhèrent les acteurs constitue même pour Hassenteufel l’un des

trois grands types de déterminants de leurs stratégies (Hassenteufel, 2011 : 117)100. Le rôle des croyances est de la même manière mis en lumière dans les processus d’innovation (Alter, 2000). Ces croyances contribuent à déterminer un jugement, dont le caractère positif conditionne en partie la diffusion (Cros, 1997). Pour recevoir l’attention des décideurs, l’habitat participatif doit donc pouvoir entrer en

résonnance positive avec leurs pratiques et avec leur système de croyances ou de représentations101. · La diffusion dépend des interactions entre les acteurs eux-mêmes

Le caractère collectif du processus de diffusion se joue plus encore dans les interactions entre les différents acteurs, d’une part entre les acteurs-habitants eux-mêmes et d’autre part entre les acteurs-habitants et les acteurs-relais et récepteurs.

Les auteurs s’intéressant à l’innovation ont progressivement abandonné la figure de l’entrepreneur

schumpétérien pour considérer que la conception des innovations intervient au niveau des interactions sociales (Petitclerc, 2003 : 10). L’innovation est ainsi conçue comme « une mise en relations d'acteurs, un système d'action. Elle est donc l'occasion de nouvelles paroles, d'échanges, d'un surcroît de communications » (Thuderoz, 1997 : 351). Les réseaux alors constitués permettent aux acteurs d’échanger des informations mais plus encore de négocier les étapes et la finalité de l’innovation (Harrisson, Laberge, 2002). De la

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