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Deux ouvrages à vocation généraliste et sans recoupement

fondements théoriques et méthodes

Section 3. Des écrits contemporains hétérogènes à forte perspective empirique

III. Deux ouvrages à vocation généraliste et sans recoupement

III. Deux ouvrages à vocation généraliste et sans recoupement

Ce tour d’horizon des écrits contemporains autour de l’habitat participatif s’achève par la présentation de

deux ouvrages rédigés sur le sujet, dont l’un est issu de l’un des rapports de recherche présentés ci-dessus.

L’un et l’autre se présentent comme des ouvrages à portée plutôt généraliste et « grand public ». Nous

nous limitons dans ce paragraphe aux ouvrages dirigés ou rédigés par des universitaires. Comme nous le

verrons, de nombreuses publications sous forme d’ouvrages existent sur le sujet mais elles sont le fait

d’acteurs de l’habitat participatif ou de journalistes.

Les coopératives d’habitants. Méthodes, pratiques et formes d’un autre habitat populaire : un ouvrage qui se distingue par une approche internationale

Auteur déjà mentionné, Y. Maury a à son actif un ouvrage traitant des coopératives d’habitants, dans une

perspective internationale. Cette perspective, si elle est adoptée dans une visée comparative par d’autres universitaires travaillant le sujet, est particulièrement prégnante chez cet auteur et en fait l’originalité.

Une grande diversité de pays est considérée : Italie, Belgique, Pays-Bas, Angleterre, France, Québec,

Argentine dans la première édition, auxquels s’ajoutent la Catalogne et les USA dans l’édition de décembre

2011. Cette diversité a conduit à la mobilisation de plusieurs voix dans l’écriture, de statuts différents :

universitaires (de l’ENTPE, du Conservatoire National des Arts et Métiers, de l’Université du Québec A

Montréal) ; élus (de la Région Rhône-Alpes, des villes de Ravenne et Turin en Italie) ; responsables

d’Organisation Non Gouvernementale ; techniciens du logement et acteurs de terrain ; architectes ;

militants associatifs... Dès lors, cet ouvrage mêle analyses d’universitaires et de praticiens.

De façon générale, les constats et limites énoncés à propos de l’article paru dans Etudes Foncières signé du

même auteur s’appliquent à cet ouvrage. Ainsi, l’emploi du terme de « coopératives d’habitants » est à

appréhender prudemment et ce pour trois raisons au moins. La perspective internationale adoptée conduit à approcher des réalités bien différentes selon les pays étudiés, dont la comparaison ne doit pas

faire l’économie de l’importance des contextes d’implantation (au niveau local comme national, en termes

de systèmes d’acteurs, de contextes politiques et institutionnels, etc...). De plus, la mobilisation de ce

48 Les opérations étudiées sont celles du Village Vertical à Villeurbanne, de Diapason à Paris, des Babayagas à Montreuil, de Lo

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terme dans le titre de l’ouvrage sous-entend qu’il est universellement employé. Or, selon les pays, la

terminologie diffère, ce qui a dans certains cas un sens profond. Par exemple, le fait qu’en France, l’un des

termes consacrés soit celui de coopérative d’habitants et qu’au Québec ce soit celui de coopérative

d’habitation, révèle que dans le premier cas, ce sont les habitants qui sont au cœur du projet, dans le

second, c’est l’habitation. Enfin, l’émergence du terme de coopérative d’habitants est propre à la France et

à une association en particulier qui lui confère un sens précis et en a établi une définition (cf. infra, Chapitre 4, p. 141). Dès lors, reprendre ce terme et l’appliquer à des contextes étrangers, en en vidant en

partie la substance, conduit à des amalgames.

Si une telle perspective internationale est porteuse d’enseignements essentiels et mérite d’être conduite,

elle ne doit pas effacer les spécificités des pays étudiés et minimiser les difficultés propres à une

importation de l’un ou l’autre des concepts et ce faisant les difficultés liées à des comparaisons qui se

voudraient trop surplombantes. Cette limite n’est guère palliée dans la mesure où l’on ne relève pas

d’éléments de définition venant préciser les termes mobilisés et les phénomènes étudiés. L’introduction

précise seulement que les « coopératives d’habitants» auxquelles il est fait référence s’inscrivent dans

l’économie sociale, rejoignant ainsi A. Labit : « avec les coopératives d’habitants, nous nous situons dans un

type d’organisation humaine qui selon la formule très pertinente de Jean Louis Laville, relève de « l’autre

économie » (Maury, 2011 : 23).

L’introduction place l’ouvrage dans une perspective plus théorique que les travaux précédents et l’inscrit

dans le champ de la science politique, du fait d’un intérêt porté aux processus de décision : « Comment un

acteur situé à la marge quitte-t-il un jour ses anciens habits pour revêtir ceux d’un interlocuteur valable ?

Comment en acquiert-il le statut afin de s’inscrire valablement dans les processus de décision ? » (Maury,

2011 : 15). La réponse aux questionnements théoriques initiaux n’apparait toutefois pas clairement au fil

de l’ouvrage et ce en raison notamment de la diversité des terrains abordés : toute synthèse transversale

se draperait des oripeaux de l’artifice et de la simplification. La conclusion, d’ailleurs, ne s’y essaie pas. Le

statut des différents contributeurs joue également. Concernant la France par exemple, le seul article proposé a été rédigé par des acteurs associatifs qui, de façon naturelle, défendent leurs idées et leurs actions, conférant à l’article le statut de matériau brut.

L’une des principales limites de cet ouvrage a trait selon nous aux conclusions qui peuvent en être tirées :

certes, certains modèles comme celui de l’autorecupero fonctionnent en Italie, mais envisager et plaider

pour leur importation à la France revient à évincer purement et simplement le cadre institutionnel

français en termes de politique du logement. Aussi, il nous semble préférable d’appréhender les

différentes études de cas et témoignages d’abord pour ce qu’elles sont – des expériences locales – et ce

qu’elles nous disent des pratiques, plus que comme des modèles vers lesquels tendre.

Les classes moyennes et l’héritage de Mai 68 : s’interroger sur les classes moyennes à travers une

expérience d’habitat groupé autogéré

Le deuxième ouvrage, écrit par M. H. Bacqué et S. Vermeersch, est tiré en grande partie du rapport de

recherche réalisé sur l’opération Habitat Différent avec une réorganisation des différents chapitres. Nous

relèverons notamment un premier chapitre non présent dans le rapport intitulé « Les métamorphoses des classes moyennes » qui revient sur la construction de la catégorie « classe moyenne » et en établit la

généalogie. Le traitement de cet objet par la recherche est alors détaillé jusqu’aux années 2000 et « les

classes moyennes « à la dérive » » (Bacqué, Vermeersch, 2006 : 36). Le cadre théorique dans lequel s’inscrit

la réflexion est ici clairement énoncé. Le deuxième chapitre annonce l’arrivée du collectif Habitat Différent

dans l’ouvrage, en s’intéressant à sa construction, de la constitution du groupe à la recherche de

partenaires en passant par l’élaboration du projet urbain. Le troisième pénètre au cœur du collectif en

portant le regard sur les habitants eux-mêmes, leurs caractéristiques sociales, leurs représentations et leur projet de vie. Le quatrième chapitre fait la part belle au projet dans son rapport au temps, abordant

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dès lors ses évolutions, transformations et adaptation, autant de mises à l’épreuve du collectif, analysées à l’aune de trois débats qui l’ont traversé (sur la cooptation, la normalisation et le passage à l’accession à la

propriété). Le dernier chapitre interroge plus largement le devenir de la classe moyenne, le projet

d’Habitat Différent constituant un « miroir ».

Ainsi, la réflexion se révèle très centrée sur le collectif, son sens et ses significations, autant d’éléments

éclairant la catégorie de classes moyennes, selon un parti pris clairement sociologique. Tout comme dans

le rapport, l’analyse, si elle dépasse le cadre de ce seul collectif pour nourrir la réflexion sur les classes

moyennes, ne présente que très peu d’éléments sur d’autres opérations. Cet ouvrage, largement diffusé auprès des acteurs de terrain, éclaire en tout cas de façon précise les enjeux de ces collectifs et constitue la première publication consacrée à une opération réalisée dans les années 1980.

En somme, les deux ouvrages consacrés à l’habitat participatif adoptent des perspectives très différentes,

dévoilant le caractère éclaté des recherches. Les ponts entre ces deux ouvrages semblent donc difficiles à construire.

L’analyse des écrits contemporains portant sur l’habitat participatif nous révèle finalement l’existence de

sources et de partis pris très différents : inscription de la réflexion dans le champ du vieillissement, des classes moyennes, du projet urbain ou encore de la production du logement abordable, le tout selon des perspectives temporelles et géographiques variables. Le propos reste globalement très centré sur des études de cas qui, si elles concourent à éclairer la connaissance, peinent à nourrir une réflexion plus surplombante. La connaissance de ces différentes sources nous permet en tout cas de mieux définir et orienter nos questionnements.

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