Conclusion du chapitre 1
Chapitre 2. Cadrage théorique et outils mobilisés
I. Le choix d’un croisement : définitions et explications
I. Le choix d’un croisement : définitions et explications
La sociologie de l’action publique et la sociologie de l’innovation ont été convoquées pour élaborer des
hypothèses et ainsi développer un cadre d’analyse à appliquer à notre questionnement. Comment justifier
une telle convocation ? Quels sont les apports précisément mobilisés ? Eléments de définition
Sociologie de l’action publique et sociologie de l’innovation sont mobilisées pour leurs apports respectifs
dans l’analyse des processus de mise à l’agenda d’un problème et de diffusion des innovations. Cette
mobilisation repose sur la posture de départ suivante : les outils qu’elles offrent peuvent être transposés à
l’habitat participatif et à son processus d’entrée dans l’action publique. En sus de cette transposition, ces
deux cadres peuvent être croisés. Revenons tout d’abord sur la définition des termes de « problème
public », « innovation », « mise à l’agenda » et « diffusion ».
- problème public : la notion de problème désigne un fait social (ex : mal-logement, tabagisme, pollution...). Le problème prend un caractère public ou est publicisé dès lors que des acteurs sociaux estiment que quelque chose doit être fait pour changer une situation (Lascoumes, Le Galès, 2010) et ce dans le cadre
d’une action volontariste (Neveu, 1999 : 41)78. Ce caractère public recouvre plusieurs configurations :
lorsqu’il mobilise différents publics; lorsqu’il pénètre dans l’arène publique, l’espace public et qu’il est
objet d’un débat public (à ce titre le rôle joué par les médias est à prendre en compte); lorsqu’il est pris en
charge par des autorités publiques – pas nécessairement politiques – ou que ces autorités sont convoquées pour résoudre le problème en question ; enfin, lorsqu’il est inscrit sur l’agenda politique et
qu’il est objet de politisation (Boussaguet, 2001)79.
- agenda et mise sur agenda : l’agenda politique, qui peut recouvrir celui des Etats comme des collectivités locales, est constitué par l’ensemble des problèmes pour lesquels un débat public est perçu comme
78 La frontière entre le « problème » et le « problème public» n’est pas toujours évidente à saisir car elle est parfois peu marquée selon
les auteurs. Certains considèrent en effet que le problème n’émerge que dès lors que des acteurs ont opéré une prise de conscience qui conduit à sa formulation. La notion de « problème » peut également renvoyer directement à la publicisation. Le problème a ainsi par essence un caractère public. Par ailleurs, le problème peut être défini en opposition à la notion de « condition » : « toutes les conditions ne sont pas des problèmes » (Kingdon, 1984 : 114), une condition ne devenant un problème que lorsque nous pensons
qu’une action doit être engagée pour changer les choses (Sheppard, 2010 : 531). Notons que la terminologie de problème social est également mobilisée en lieu et place de celle de problème. Nous considérerons comme le fait Cefaï (Cefaï, 1996 : 45) que la
construction des problèmes publics désigne les problèmes sociaux dont la formulation et la résolution sont des enjeux d’ordre public
79 La notion de politisation désigne la prise en charge concrète du problème par les autorités publiques. Certains auteurs circonscrivent par ailleurs la publicisation au passage de la sphère privée à la sphère publique : « pour être publicisé, un problème doit faire appel aux compétences des autorités publiques ainsi qu’à un débat public » (Sheppard, 2010)
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nécessaire ou encore qui rend légitime l’intervention des autorités publiques (Padioleau, 1982 : 25). Pour
Garraud, l’agenda recoupe les problèmes qui font directement l’objet d’un traitement sous une forme ou
une autre et au sujet desquels une décision peut être engagée (Garraud, 1990 : 27). Dès lors, s’intéresser à
la mise à l’agenda revient à étudier et mettre en évidence « l’ensemble des processus qui conduisent des faits
sociaux à acquérir un statut de « problème public » ne relevant plus de la fatalité ou de la sphère privée et
faisant l’objet de débats et de controverses médiatiques et politiques » (Garraud, 2010).
Plusieurs modèles de mise à l’agenda ont été élaborés, notamment par Garraud (2010) qui identifie : le
modèle de la mobilisation externe qui se caractérise par l’action de groupes organisés parvenant à
imposer leur cause aux autorités publiques ; le modèle de l’anticipation, qui s’oppose au modèle précédent
dans la mesure où les autorités publiques ou gouvernementales sont à l’initiative du processus de mise à
l’agenda; le modèle de la mobilisation interne qui se caractérise par l’absence de publicisation ou de
médiatisation et la capacité de groupes externes à accéder à l’agenda gouvernemental en s’appuyant sur
leurs ressources relationnelles et politiques ; le modèle de la médiatisation, qui implique le rôle central des médias. Ces modèles ne sont cependant pas imperméables les uns par rapport aux autres et peuvent se combiner. L’expression de « mise en politique » est proposée par Barthe (Barthe, 2006) pour désigner
plus largement la sortie d’un problème de son espace de formulation originel. A ce titre, cette notion ne
fait pas nécessairement appel à la puissance publique et ne l’implique pas, à la différence de la mise à
l’agenda.
- innovation : concernant l’innovation, de premiers éléments de définition sont fournis par le premier
théoricien de l’innovation qu’est Schumpeter. Pour ce dernier, l’innovation réside d’abord dans le fait de
combiner des éléments de façon inédite: l’innovation« résulte d'une combinaison originale de ressources
existantes qui relève d'une dynamique complexe (au cœur de laquelle se trouve la figure organisationnelle de
l'entrepreneur) qui échappe autant au déterminisme technologique qu'au déterminisme économique de
l'offre et de la demande » (Petitclerc, 2003 : 13, d’après Schumpeter, 1954). Plus encore, l’innovation se
définit par la discontinuité qu’elle présente avec les pratiques en cours (Comeau et al., 2004 ; Alter, 2000).
Cette notion de discontinuité permet d’appréhender l’innovation autrement que par sa prétendue
« nouveauté ». En effet, si de nombreux chercheurs définissent l’innovation au regard de son caractère novateur (Lajeunesse-Crevier, Lévesque, 2005 ; Tardif, 2005 ; Bouchard, 1999), la nouveauté est une notion relative (Chambon, David, Devevey, 1982) : « le terme innovation […] recouvre des pratiques qui ne
sont pas forcément nouvelles, du moins si on l’entend comme synonyme d’inédites ou d’inventives. […] Les
pratiques dont il s’agit se posent en contraste de pratiques existantes. […] Nouveau signifie alors non figé,
non bridé, et surtout hors normes. […] Innover n’est pas faire nouveau, mais faire autrement, proposer une
alternative. Et cet autrement peut parfois être un réenracinement dans des pratiques passées ». Les innovations peuvent ainsi se trouver dans des façons de faire, des pratiques, des approches ou encore des concepts et elles sont « habituellement mises en œuvre dans un milieu donné et dans un contexte donné pour
résoudre un problème ou réaliser une aspiration» (Comeau et al., 2004). Les notions de problème, de
situation insatisfaisante ou problématique sont récurrentes dans les définitions de l’innovation : celle-ci repose sur la volonté de dépasser ou résoudre un problème en élaborant une solution (Rollin, Vincent, 2007 ; Comeau, 2006 ; Lajeunesse-Crevier, Lévesque, 2005 ; Cloutier, 2003).
Quelques éclaircissements autour de la notion d’innovation « sociale » sont nécessaires. Les éléments
énoncés ci-dessus sont dans leur grande majorité formulés par des auteurs s’intéressant à l’innovation
sociale qui, pour la plupart des chercheurs, constitue une réponse « visant le mieux-être des individus et/ou
des collectivités » et est dotée d’un objectif « qui prévoit des conséquences sociales positives » (Cloutier,
2003). Elle est souvent pensée en opposition ou distinguée de l’innovation technologique, forme
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véritablement étudiées à partir des années 197080. Le champ propre aux innovations sociales souffre encore aujourd’huid’une faible théorisation (Assogba, 2010) qui se traduit notamment par une diversité de définitions au recoupement imparfait (Cloutier, 2003)81. Si elle est structurante pour certains,l’opposition entre innovation technologique et innovation sociale n’est pas si nette pour tous les auteurs.
Certains plaident en effet pour une mobilisation conjointe des outils d’analyse82. Nous nous rangeons à cette perspective et faisons ici le choix d’adopter une approche générique de la notion d’innovation,
laquelle peut être définie comme suit : « innover c’est faire autrement, ou encore proposer une alternative,
ou une solution adaptée à un problème » (Richez-Battesti, 2011). Nous convoquons dès lors les outils
propres à l’analyse des innovations au sens large, forte du constat selon lequel l’absence de consensus
autour des terminologies et définitions n’est pas synonyme de divergences profondes dans les conclusions
et analyses conduites, bien au contraire. Nous avons en effet pu relever que par-delà leur diversité, les auteurs que nous avons mobilisés partagent à l’inverse bon nombre de conclusions.
- diffusion : la diffusion, terme mobilisé à propos des innovations, désigne le processus par lequel ces
dernières sont adoptées en dehors du système social dans lequel elles ont été conçues. Ainsi, d’autres
agents sociaux83 que les agents « innovateurs » adoptent l’innovation. L’analyse de la diffusion repose
donc sur une étude des différents facteurs qui conduisent à cette diffusion. La diffusion est
l’aboutissement de l’innovation : elle « exige en effet que son usage social se diffuse et se généralise » (Klein
et al., 2009). A ce titre l’innovation se définit autant par sa nature que son processus (Gaglio, 2011 : 5 ; Harrisson, 2010 : 16 ; Rollin, Vincent, 2007 ; Cloutier, 2003 : 37). Pour certains auteurs, le qualificatif
d’innovation ne peut être mobilisé que s’il y a eu diffusion : « l’une des caractéristiques de l’innovation
sociale est que celle-ci, pour porter son nom, doit trouver preneur […] Elle doit donc être diffusée au sein des
acteurs sociaux à qui elle est destinée. Ensuite, l’innovation doit être adoptée et appropriée par ceux-ci au
niveau individuel, microsocial (localité) et macrosocial (région, nation, etc) » (Assogba, 2010 : 4). Il n’est
néanmoins pas défini de « seuil » à partir duquel la diffusion est ou non avérée. Pour dépasser cette limite, Klein (Klein et al., 2009) considère que l’appropriation renvoie à la notion de groupe et non à un nombre
d’individus : « dès que le nouveau produit est utilisé (approprié) par un groupe, aussi restreint soit-il, il y a
innovation sociale » (Klein et al., 2009).
80D’autres types d’innovations que les innovations sociales ou les innovations technologiques sont par ailleurs dégagés par certains auteurs : ainsi, des distinctions sont opérées entre les innovations techniques ou technologiques ; sociotechniques ; sociales ; organisationnelles ; institutionnelles (Tardif, 2005 : 24) ; les innovations technologiques, les innovations scientifiques, les innovations sociales (Boyer, 2002) ; les innovations institutionnelles, les innovations organisationnelles (Comeau, 2004)
81Certains auteurs ne plaident néanmoins pas pour l’établissement de définitions précises. Pour Lévesque par exemple, « l’accent devrait être mis sur les idées, les processus et les projets pouvant être élargis, reproduits ou adaptés ailleurs » (Lévesque, 2010 : 4)
82 Ainsi, Dandurand (Dandurand, 2004 : 380) relève à la fois des similitudes et des points de divergence entre les deux. Du côté des
similitudes, on trouve le caractère non linéaire du processus et l’engagement de plusieurs acteurs ; le caractère nouveau, alternatif
ou en rupture avec l’étatactuel des choses de l’approche, du produit ou du service conçu ; la nécessaire diffusion de la solution
nouvelle pour pouvoir parler d’innovation. Du côté des divergences, elles s’articulent autour de deux points: le milieu d’origine et le lieu d’implantation. Concernant le milieu d’origine, l’innovation technologique découle de l’action menée en matière de recherche et
développement industriel ou de la recherche académique dans le domaine de la santé, des sciences naturelles, et du génie.
L’innovation sociale, elle, émerge plus souvent d’initiatives citoyennes, et en amont ou en aval, des retombées de la recherche en sciences sociales et humaines. Concernant le lieu d’implantation, dans le secteur privé, l’innovation est d’abord technologique. Dans le secteur public et tertiaire, elle est d’abord sociale puisqu’il s’agit avant tout de services.
Rollin et Vincent (Rollin, Vincent, 2007 : 14) opposent innovations sociales et technologiques du point de vue de leurs logiques : l’innovation sociale contrairement à l’innovation technologique ne répond pas exclusivement à une logique de marché, de concurrence ou de besoins d’une clientèle, mais à l’urgence d’améliorer les pratiques sociales ou organisationnelles et d’en mettre au
point de nouvelles.
Pour d’autres auteurs, une séparation nette ne parait pas pertinente du fait des liens que celles-ci entretiennent qui vont parfois
jusqu’à la complémentarité (Lajeunesse-Crevier, Lévesque, 2002 ; Lajeunesse-Crevier, Lévesque, 2005 ; Freeman, 1991 : 214, in Lévesque, 2005 ; Fontan et al., 2004)
83 Le terme « agent » est plus volontiers employé par les sociologues de l’innovation que celui d’acteur, mais son sens est
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Le choix d’un croisement pour dépasser les limites propres à chacun des cadres
Les cadres de l’action publique et de l’innovation doivent être pensés avant tout comme des outils
analytiques. Il ne s’agit en aucun cas de plaquer leurs apports sur le processus de diffusion de l’habitat
participatif au sein de l’action publique. Leur mobilisation et leur croisement permettent d’orienter et de
construire la réflexion et les hypothèses. Nous opérons ainsi une forme de transposition souple et ouverte, liée à une proximité supposée entre les processus et les objets observés. Ainsi, l’habitat participatif n’est
pas un « problème » au sens de fait social. Il est revanche à la croisée de plusieurs faits sociaux, pour une part déjà publics, que sont notamment les difficultés d’accès au logement, le réchauffement climatique,
l’isolement, le vieillissement de la population…. Plus encore, l’existence même de l’habitat participatif
repose sur ces faits sociaux, ces problèmes. En effet, l’habitat participatif est une « solution » imaginée par des acteurs sociaux, pour tenter de les résoudre. A ce titre, il a de façon nette les traits de l’innovation,
dont l’une des caractéristiques premières est d’être une réponse élaborée pour résoudre un problème.
Ce caractère innovant est également lié aux discontinuités qu’il présente a priori avec les pratiques en
cours dans le domaine du logement. Cette discontinuité recoupe le système de valeurs et le système
d’acteurs des projets dont la traduction opérationnelle se distingue des opérations de logement
traditionnelles. Au sujet du logement communautaire québécois84, Bouchard dégage trois champs
d’innovations : sur le plan du rapport de consommation, du rapport de production et des rapports entre
l’Etat, le marché et la société civile (Bouchard, 2005). Sur le plan de son processus de diffusion à l’action
publique, l’habitat participatif a ainsi à la fois les traits du processus de diffusion d’une innovation et d’un
processus de mise à l’agenda, ces deux processus partageant un trait commun : le déploiement hors de
l’espace de formulation originel qu’est le milieu habitant.
En revanche, les outils mobilisés pour l’un et l’autre de ces processus présentent une limite. La diffusion
des innovations est pensée en tant que diffusion au sein d’un « milieu social » (Alter, 2002) au sens large
et non spécifiquement au milieu politique. A l’inverse, si la mise à l’agenda concerne spécifiquement
l’action publique, elle s’applique néanmoins à un fait social, un problème et non à un dispositif construit à
partir de plusieurs problèmes. Ainsi, l’un des modèles de mise à l’agenda développé par Garraud (Garraud, 2010) – le modèle basé sur la participation85– qui, en première lecture, recoupe le processus de diffusion
de l’habitat participatif – dispose d’une applicabilité partielle. Nous avançons qu’un croisement de ces
deux cadres permet de dépasser les limites propres à chacun d’entre eux. D’une certaine manière, il s’agit
d’appliquer le modèle de la diffusion au problème et le modèle de la mise à l’agenda à l’innovation.
Nous ne nous limiterons pas à ce processus de diffusion entendu comme l’entrée de l’habitat participatif dans l’action publique mais prendrons également en compte la façon dont les intentions de développer
l’habitat participatif se concrétisent. Notre cadre d’analyse nous permet en effet de prendre en compte ces
éléments et ce sans souscrire à une vision séquentielle de l’action publique86 comme de diffusion des innovations87. Ainsi, nous cherchons à interroger les modalités concrètes de ce développement après
qu’une décision ait été énoncée (ex: lancement d’un appel à projets, inscription dans un Programme Local
84Nous nous pencherons dans le chapitre 4 sur ces initiatives dont nous considérons à ce stade qu’elles recoupent les initiatives
d’habitat participatif françaises telles que définies en introduction
85 Ce modèle est défini comme suit : « l’initiative revient à des groupes extérieurs à l’Etat plus ou moins fortement organisés qui se mobilisent, parfois de façon conflictuelle, auprès des autorités publiques. Le soutien de l’opinion publique est recherché afin de faire pression sur l’Etat et de légitimer des revendications. Les actions menées […]visent à attirer l’attention des médias et par-delà celle des acteurs politiques et de l’opinion. Souvent sont également recherchés des relais qui vont porter un problème au sein d’arènes publiques » (Hassenteufel, 2011 : 55)
86La vision séquentielle de l’action publique fait en effet l’objet de critiques et de remises en cause. Concernant en particulier la
décision, nous considérons qu’elle est le produit d’interactions entre une multiplicité d’acteurs : « la décision prend la forme d’un flux continu de décisions et d’arrangements ponctuels, pris à différents niveaux du système d’action, qu’il faut analyser comme un ensemble de processus décisionnels » (Muller, Surel, 1998 : 103)
87Les auteurs s’intéressant à l’innovation se sont attachés à dégager les différentes phases de son évolution. Fontan et ses coauteurs
(Fontan et al., 2004) en ont identifié quatre : l’émergence; l’expérimentation; l’appropriation; l’alliance, le transfert ou la diffusion.
Néanmoins, si ces différentes phases constituent un cadre, nous considérerons qu’elles ne permettent d’appréhender qu’imparfaitement le processus de diffusion dans la mesure où elles tendent à minimiser les effets d’interactions
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de l’Habitat (PLH)). Le processus de diffusion des innovations comprend cette étape de concrétisation
sans qu’elle ne soit véritablement nommée. Pour les sociologues de l’innovation, la diffusion sanctionne
l’appropriation de l’innovation et en ce sens son utilisation, voire son institutionnalisation.
L’institutionnalisation ne semble finalement que peu retenir leur attention dans la mesure où elle signifie
la fin de l’innovation. En effet, l’institutionnalisation est définie comme étant le passage de l’innovation à
« une pratique « hégémonique », reproduite dans le temps, appelée à être contestée par de nouvelles
innovations » (Comeau et al., 2004 : 18) ; « on cesse ici de parler d’une innovation sociale lorsqu’elle s’est
largement diffusée, lorsqu’elle est acceptée de façon générale par différents acteurs de la société et lorsqu’il y a une reconnaissance des façons de faire de la part de ces acteurs. On parle donc ici d’un certain processus de
routinisation » (Comeau et al., 2004 : 171). Toutefois, si l’on s’intéresse au processus de diffusion des
innovations dans sa globalité, plusieurs éléments d’analyse peuvent être mobilisés pour caractériser la
concrétisation. Il s’agit seulement d’en avoir une approche ouverte. La concrétisation met en effet en jeu des processus d’adaptation, d’appropriation et d’ajustements largement décrits dans les études sur
l’innovation. En sociologie de l’action publique, l’application des décisions fait également l’objet d’une
attention particulière, désignée par l’expression « mise en œuvre ». L’étude de la mise en œuvre implique
de s’intéresser aux moyens et acteurs mobilisés, à l’interprétation des décisions et aux modes
d’application ou de non-application des décisions (et les facteurs explicatifs qui s’y rattachent) (Mégie,
2010 : 344).
Le schéma ci-dessous opère une mise en parallèle du processus de mise à l’agenda d’un problème avec celui de diffusion d’une innovationqui permet d’aboutir au processus de diffusion de l’habitat participatif.
Schéma 2. Des processus de mise à l'agenda d'un problème et de diffusion d'une innovation à la diffusion de
l’habitat participatif à l’action publique
Source : élaboration personnelle
En somme, le cadre d’analyse élaboré est un outil pour penser le « pourquoi de l’intégration de l’habitat
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