• Aucun résultat trouvé

DEVENIR OFFICIER À LA VEILLE DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE

B) Qui devient officier ?

À partir de la première moitié du XIXe siècle, le recrutement direct des officiers s’effectue sur concours. Celui-ci sélectionne après des épreuves écrites et orales les candidats retenus et dont les modalités pratiques se définissent et se mettent en place tout au long du siècle. Si les concours de l’École Spéciale Militaire, l’École navale et l’École de l’air diffèrent sur les sujets et thèmes abordés, les matières évaluées sont les mêmes : compositions de français, histoire, géographie, langues vivantes, mathématiques, physique-chimie, dessin et sport, auxquelles s’ajoute une épreuve de mécanique pour la marine et l’armée de l’air83. Les

candidats retenus contactent un engagement d’une durée égale au temps qui doit s’écouler jusqu’à leur sortie des écoles, augmenté de 6 ans pour ceux de l’ESM84. Il est résilié pour ceux

qui n’ont pas satisfait aux examens de sortie ou qui sont rayés des contrôles de l’école avant l’achèvement du cycle d’études, soit pour cause d’inaptitude physique reconnue, soit par mesure disciplinaire, soit pour insuffisance d’instruction85. Les jeunes gens qui ont satisfait aux examens de sortie sont nommés dans les cadres actifs sous-lieutenant pour l’armée de terre et de l’air et enseigne de vaisseau de 2e classe pour la marine.

Le fait de devenir officier résulte donc d’un choix qui suppose un certain nombre de prérequis, liés à l’âge et au niveau d’instruction. L’institution cherche des hommes capables de répondre aux exigences du métier, détenteurs de traits de caractères spécifiques qui devraient leur permettre d’accomplir au mieux leurs missions.

Un recrutement jeune

Le choix d’entrer dans le corps des officiers, ou en tout cas la volonté d’y entrer, doit s’opérer tôt chez les potentiels futurs candidats, car l’accès aux écoles de formation initiale est

83 Arrêté ministériel réglant l’organisation, le fonctionnement de l’Ecole navale et de l’Ecole des élèves officiers

de Marine du 27 août 1937, Bulletin officiel de la Marine, n° 10, 1e octobre 1937, p. 729 ; Instruction du

1e septembre 1938 relative au concours d’admission à l’École Spéciale militaire en 1939, Ministère de la Guerre,

Paris, Lavauzelle, 1938, 60 p. ; Programme des conditions d’admission à l’École de l’air, Paris, Librairie Vuibert, 1939, 42 p.

84 Article 30 de la loi du 31 mars 1928 sur le recrutement de l’armée. 85 Idem.

69 encadré par des limites d’âge minimale et maximale qui évoluent tout au long du XIXe siècle, mais oscillent entre 16 et 22 ans. Celles-ci font régulièrement l’objet de débats entre les partisans d’un recrutement précoce, notamment au sein de la marine, et ceux favorables à un allongement des limites afin d’obtenir des candidats plus diplômés et donc mieux instruits pour occuper leur future fonction. Sans s’opposer pleinement, ces deux logiques se justifient par des conceptions différentes de la fonction de l’officier liée à l’armée d’appartenance.

Traditionnellement, le recrutement est très précoce au sein de la marine. En 1834, la limite d’âge maximale pour se présenter au concours était fixée à 16 ans, tandis qu’en 1849, l’âge minimal était de 13 ans86. Cette justification, les officiers de marine l’expliquent par la difficulté du métier de la mer et la nécessaire acquisition du sens marin qui en découle : « On estime généralement souhaitable de recruter les futurs officiers de marine parmi les garçons suffisamment jeunes pour s’adapter facilement au métier de la mer, et pour recevoir avec fruit la formation donnée à l’École navale87 ». La marine cherche à recruter ses officiers selon un

triptyque qui lui est propre : marin, militaire et ingénieur depuis 1937. C’est avant tout le « sens marin » qui domine, les officiers de marine considérant que c’est l’une des principales qualités du métier. Cette acquisition passe par la pratique assidue de la navigation. Marqués par les traditions de la marine à voiles, les officiers de marine estiment de longue date que ce sens marin doit être cultivé le plus tôt possible88. « Le sens marin ne se définit pas. Cependant, sans lui l’officier de marine est incomplet. […] Ce sens ne peut se former chez l’homme que quand il encore enfant89 ». Parallèlement, les mutations qui traversent la marine depuis le dernier quart du XIXe siècle avec la disparition progressive des bâtiments à voile au profit de la propulsion vapeur transforment le corps des officiers. Aux compétences et prouesses physiques indispensables à la manœuvre générale du navire s’ajoutent de nouvelles obligations liées aux technicités de fonctionnement90. Dès lors, les officiers de marine se considèrent comme un corps savant, sanctionné par le récent titre d’ingénieur qui leur est accordé à la sortie de l’École

86 MARTINANT DE PRÉNEUF Jean, Mentalités et comportements religieux, op. cit., p. 38.

87 Note du capitaine de corvette BERET au sujet du concours de l’École Navale et de l’École des officiers

mécaniciens, Paris, 2 septembre 1942, SHD MV 42 CC 08.

88 MARTINANT DE PRÉNEUF Jean, Mentalités et comportements religieux, op. cit., p. 35

89 Capitaine de vaisseau Adolphe MOTTEZ, « Rapport sur l’entrée à l’École navale suivi d’un traité des évolutions

et des allures », Revue maritime et coloniale, tome 37, juin 1873, p. 755-756. Cité par MARTINANT DE PRÉNEUF Jean, Mentalités et comportements religieux, Idem.

90 COCHARD Nicolas, « Le sport et la marine française (fin du XIXe siècle-début XXe siècle) », in ROBENE Luc,

70 navale (1937). Une solide formation scientifique devient nécessaire et le recrutement accorde une place prépondérante aux mathématiques et à la physique. Il y a donc contradiction entre la volonté de recruter d’un côté des futurs officiers suffisamment jeunes pour pouvoir se plier aux exigences du métier de la mer, et de l’autre la nécessité de sélectionner des candidats avec un niveau d’étude suffisant pour répondre aux besoins scientifiques et scolaires, relativement âgés puisqu’ayant terminé leur cycle d’enseignement secondaire. Finalement, en 1907, la limite d’âge est repoussée pour concilier ces deux besoins : les candidats doivent avoir entre 16 et 19 ans91, leur permettant d’être en possession de leur baccalauréat. À partir de 1926, des mesures dérogatoires permettent, sous certaines conditions de service, de présenter le concours jusqu’à vingt ans. La « surlimite à vingt ans » est ensuite généralisée, d’abord à titre provisoire pour les concours 1932-1935 puis, définitivement à compter du concours de 1934 jusqu’à la guerre92. Ces facilités sont accordées pour accroître le nombre et les chances des candidats. La

marine doit en effet recruter davantage d’officiers avec l’entrée en service de nouveaux bâtiments et le développement de l’aéronavale, à une époque où le corps des officiers de marine fusionne progressivement avec celui des officiers mécaniciens, aboutit en 1937. En élargissant la base du recrutement, l’institution entend maintenir l’attrait et, par conséquent, la sélectivité du concours93.

Au sein de l’armée de terre, les futurs officiers sont recrutés entre 18 et 22 ans94. Si l’on prend en compte que la scolarité en écoles militaires est d’une durée de deux ans, cela signifie que les officiers de marine peuvent potentiellement déjà être sortis d’école quand les futurs officiers de l’armée de terre y entrent à peine. Le choix de porter la sélection sur des candidats plus âgés correspond à la volonté de recruter des futurs officiers parmi les jeunes diplômés ayant validé leurs « humanités ». En effet, dans un ouvrage paru en 1932 intitulé Saint-Cyr et

la vie militaire, il est précisé que tout concourt à l’école à assurer au jeune homme une culture

totale, tout en précisant que :

91 Instruction et programme pour l’École navale, Paris, Imprimerie Nationale, 1907, 33 p.

92 Modification à l’arrêté du 6 septembre 1924 pour l’admission à l’École navale, Bulletin Officiel de la Marine,

1932. Cette modification est entérinée par l’article 5 du décret relatif à l’institution de l’École navale du 26 juillet 1934, Bulletin Officiel de la Marine, 1934.

93 MARTINANT DE PRÉNEUF Jean, Mentalités et comportements religieux, op. cit., p. 49. Voir aussi,

FENWICK Jean-René, Un siècle et demi d’École navale, Éditions Fenwick, 1980, p. 107.

94 Instruction du 1e septembre 1938 relative au concours d’admission à l’École Spéciale militaire en 1939,

71

« Rien n’est plus éloigné de la méthode d’enseignement de l’école que d’imposer aux esprits une absorption massive de connaissances variées. La véritable culture est fruit d’un effort personnel qui se prolonge toute la vie ; l’école ne se propose que d’en donner le gout et de former les esprits en vue des recherches futures95 ».

A ce titre, le concours de recrutement s’apparente à une « épreuve de culture générale où s’épanouit tout le cycle de l’enseignement secondaire96 ». L’objectif est donc bien de sélectionner des candidats cultivés, sanctionnés par le diplôme du baccalauréat depuis 1852, qui pourront bénéficier d’une formation qui servira de base et devra être enrichie tout au long de la carrière. La place occupée par les matières littéraires (français, histoire, géographie, langues, éducation morale) dans la formation des saint-cyriens est d’ailleurs révélatrice de cette volonté.

Ces deux logiques différentes de recrutement se perçoivent bien lorsque l’on analyse en détail la composition des promotions sur la décennie 1930. En 1933, la part des élèves âgés de 18 ans à l’ESM est de 2%97 contre 10% à l’École navale98, tandis que la proportion des 20 ans et plus est de 77% contre 50%.

95 Général IBOS Pierre (et al.), Saint-Cyr et la vie militaire, op. cit., p. 18-20. 96 Idem, p. 85.

97 Demande de renseignements statistiques, Secrétariat d’État, EMA, 3e bureau, Vichy, octobre 1942,

SHD GR 7 N 4241.

98 VIBART Eugène, Étude sur le corps des officiers de marine, op. cit., p. 18.

Figure 10: Ages des élèves admis à l’ESM en 1933 2% 21% 35% 29% 10% 3%

18 ans 19 ans 20 ans 21 ans 22 ans 23 ans

Figure 11: Age des élèves admis à l’École navale entre 1932 et 1935

10%

40% 48%

2%

72 La répartition par catégorie d’âge montre bien le décalage entre les deux écoles. Les élèves de 20 ans constituent dans les deux cas la majorité des effectifs, mais s’ils représentent l’âge médian à l’ESM, ils font au contraire partie des plus âgés à l’École navale, avec la catégorie des 23 ans. Il n’y a d’ailleurs pas d’élèves âgés de 21 ou 22 ans, quand ceux-ci représentent près de 40% des effectifs de l’ESM en 1933 et 68% en 193599.

Ces divergences, le choix de préconiser un mode de recrutement au dépend d’un autre se posent lors de l’ouverture de l’École de l’air. En effet, cette dernière se veut proche de l’armée de terre tout en calquant son modèle de recrutement sur celui de l’École navale. À ce titre, on pourrait imaginer que les limites d’âges reprennent celles de la marine à l’identique. Or, ce n’est pas le cas. Les limites d’admission sont fixées entre 17 et 22 ans pour le personnel navigant et entre 17 et 23 ans pour le personnel non-naviguant (les mécaniciens)100. L’âge moyen de la promotion Guynemer (1935-1937) est de 20-21 ans101, soit plus tardif que pour

l’École navale. Il semblerait que cette troisième voie soit un juste compromis entre la sélection de futurs officiers jeunes, tout en étant en mesure de terminer leurs études. Et il est vrai que les chiffres pour les années 1938 et 1939 au sein de l’École navale montrent bien la faible part des effectifs des 17 ans (3%) et l’absence des 16 ans102, qui confirmeraient dès lors la difficulté de recruter des titulaires du baccalauréat très jeunes.

A la veille du second conflit mondial, une meilleure répartition des différentes catégories s’opère à l’ESM, même si la moyenne d’âge reste plus élevée qu’à l’École navale, dont les promotions restent jeunes : 71% des effectifs a moins de 20 ans103, contre 31% dans l’armée de terre104.

99 Demande de renseignements statistiques, , Secrétariat d’État, EMA, 3e bureau, Vichy, octobre 1942,

SHD GR 7 N 4241.

100 Instruction relative aux conditions d’admission à l’École de l’air (élèves-officiers de l’Air, cadre navigant),

n° 393-3/EMG, Paris, 5 mars 1934.

101 « Historique de la promotion Guynemer » d’après le Général GUERNON recueilli par le SLT RAMIERE le

10 novembre 1966, in Annexes à l’historique de l’école de l’air, Service historique de la défense, Vincennes, Archives air (désormais SHD AI), 96 F 9459.

102 Étude sur les conditions nouvelles réglant le concours d’admission à l’École navale, Secrétariat d’État à la

Marine, Direction du Personnel Militaire de la Flotte, n° 4 E./P.M.Org.,Vichy, 15 mars 1944, SHD MV 41 CC 06.

103 Étude sur les conditions nouvelles réglant le concours d’admission à l’École navale, op. cit.

104 Demande de renseignements statistiques, Secrétariat d’État, EMA, 3e bureau, Vichy, octobre 1942,

73 Ces différences peuvent s’expliquer en grande partie sur des conceptions de recrutement distinctes mais sont liées aussi au modèle même du concours, qui permet seul l’accès aux « voies royales » que constituent les écoles de formation initiales.

Un recrutement méritocratique ou endogène ?

Depuis le milieu du XIXe siècle, le corps des officiers est règlementé par un certain nombre de lois qui définissent et encadrent son processus de recrutement. La loi Gouvion-Saint- Cyr du 10 mars 1818 prévoit ainsi que « nul ne pourra être officier s’il n’a servi pendant deux ans comme sous-officier ou s’il n’a suivi pendant le même temps les cours et exercices des écoles spéciales militaires, et satisfait aux examens desdites écoles105 », liant dès lors l’accès direct à l’épaulette à la réussite d’un examen. Cette loi ne prévoit toutefois pas si l’examen doit avoir lieu à l’entrée ou à la sortie de l’école. La loi Soult du 14 avril 1832 précise qu’il s’agit

105 Bulletin des lois du Royaume de France, 7e série, t. 6, Paris, 1818.

Figure 12: Age des élèves admis à l’ESM en 1939 5%

26%

26% 27%

16%

18 ans 19 ans 20 ans 21 ans 22 ans

Figure 13: Age des élèves admis à l’École navale en 1939 3%

16%

52% 29%

74 d’un examen de sortie. À l’origine donc, il n’est pas question d’un concours d’accès106. Le souhait des notables qui soutiennent ces modifications est alors de modeler la hiérarchie militaire sur la hiérarchie sociale constituée par l’inégalité de la naissance, de la fortune ou de l’instruction et parvenir au moins à dégager les élites militaires au sein des élites sociales107. Dès lors, comme le démontre William Serman, pour fixer les règles du recrutement des officiers, certains dirigeants politiques cherchent à concilier, de 1818 à 1870, deux éléments contradictoires : leur idéal aristocratique, qui relève de l’utopie conservatrice, voire réactionnaire, et les notions de mérites et de capacité108. Cette dualité perdure tout au long au XIXe siècle et même jusqu’au XXe siècle, malgré l’instauration d’un recrutement sur concours en 1824 pour l’École navale et en 1832 pour l’ESM, sur le modèle de celui de l’École Polytechnique, en place depuis 1794. Quant à l’École de l’air créée en 1935, elle fait aussi le choix d’un recrutement sur concours sur le modèle de l’École navale. Cette forme d’examen symbolise, dans l’univers scolaire, ce qu’on appelle parfois « l’élitisme républicain » : un accès aux positions les plus élevées ouvert à tous, sans considérations d’origine, associé à une sélection sévère, fondée sur la seule reconnaissance du mérite109. L’accès à ces écoles par le

biais d’un concours serait donc fondé sur le principe de méritocratie, permettant alors une certaine démocratisation de l’accès à la fonction d’officier. La réalité nous semble toutefois beaucoup plus contrastée.

Les exigences socio-culturelles pour postuler aux écoles militaires posent de fait les bases d’un recrutement inégalitaire, favorisant un entre-soi. Les conditions d’accès au concours sont claires : nul ne peut être admis à concourir s’il n’a préalablement justifié qu’il est français (ou fera une demande de naturalisation française pour les « indigènes français d’Algérie non citoyen français ») ; âgé entre 18 et 21 ans pour l’ESM, 17 et 22 ans pour l’École de l’air, 16 et 19 ans pour l’École navale ; et possède la première partie du baccalauréat110. Les règlements ne précisent toutefois pas qu’il est aussi obligatoire d’être de sexe masculin, la fonction militaire

106 SERMAN William, Les origines des officiers français, 1848-1870, Paris, PUPS, 1979, p. 104. De façon plus

générale, et sur l’évolution du recrutement des militaires sur la période, nous renverrons aux travaux de W. Serman.

107 Idem, p. 2. 108 Idem, p. 6.

109 BELHOSTE Bruno, « Anatomie d’un concours », op. cit.

110 Instruction relative au concours d’admission à l’École spéciale militaire en 1939, Ministère de la Défense

Nationale et de la Guerre, 1er septembre 1938, SHD GR 7 N 4241 ; Programme des conditions d’admission à

l’École de l’air, Paris, Librairie Vuibert, 1939, 42 p. ; Programme des conditions d’admission à l’École navale à partir de 1928, Paris, Librairie Vuibert, 1927, 50 p.

75 n’étant réservée qu’aux hommes. Sont donc d’emblée refusés étrangers et femmes. S’ajoutent à ces pré-requis qui écartent de fait près de la moitié de la société française (et coloniale), l’obligation d’avoir une bonne condition physique qui sera jugée par le corps médical et, pour les futurs élèves-officiers de l’armée de l’air la nécessité de satisfaire aux conditions d’aptitude physique requise pour le service dans le personnel navigant en qualité de pilote111. Mais surtout, en exigeant de tout candidat qu’il soit bachelier, les écoles reconnaissent l’importance des études secondaires complètes, sanctionnées par la première partie du baccalauréat, à une époque où ce diplôme est considéré comme un « brevet de bourgeoisie »112. En 1939, seuls 27 000 diplômes du baccalauréat sont remis, soit à moins de 3% de la classe d’âge113. Ils sont délivrés à la suite d’une scolarité au sein de l’enseignement secondaire difficilement devenu gratuit en 1933 qui, s’il n’est plus réservé à une minorité financièrement aisée, n’affranchit pas totalement une partie de la société française des barrières mentales qui en restreignent l’accès : à la fin des années 1930, le taux de scolarisation d’une classe d’âge en sixième des lycées et collèges est de 6,5%114. Si dans les faits, seule la première partie du baccalauréat est exigée pour pouvoir

postuler, les données de la promotion 1935-1937 de l’ESM montrent que l’ensemble des candidats est en possession des deux diplômes, avec une légère prédominance du baccalauréat mention « mathématiques et philosophie ».

111 Décret portant réglementation de l’École spéciale militaire, Bulletin officiel des Ministères de la Guerre, des

Pensions et de l’Air, 11 octobre 1935, p. 3544 ; Programme des conditions d’admission à l’École de l’air, op. cit.

112 MURACCIOLE Jean-François, Les Français Libres, l’autre résistance, Paris, Tallandier, 2009, p. 108. 113 PROST Antoine, Regards historiques sur l’éducation en France, XIXe-XXe siècles, Paris, Belin, 2007, p. 241.

76

Figure 14: Diplôme universitaire de la promotion de l’ESM 1935-1937115

La formule même du concours qui accorde un coefficient plus important à l’écrit aux matières littéraires (français, histoire, géographie et langues pour un coefficient total de 39) qu’aux matières scientifiques (mathématiques, physique, chimie pour un coefficient total de 27), ainsi qu’accorde de surcroit une majoration de 100 points au titulaire d’une mention mathématiques et philosophie116, montrent bien l’accent porté sur la culture classique au sein de la formation

des officiers de l’armée de terre. À l’inverse, la formation des officiers de marine implique une solide culture scientifique qui se traduit par une formation mathématique et scientifique très poussée au détriment des matières littéraires : le coefficient des épreuves scientifiques excèdent celui des lettres, à l’écrit comme à l’oral. Le concours de l’École de l’air, calqué sur le modèle de celui de l’École navale, reproduit cette prédominance des sciences sur les lettres117.

Ainsi, les épreuves des concours des écoles ne sont pas fondées sur des connaissances militaires, mais scolaires. Le système même des majorations accordées aux élèves ayant

115 Compte-rendu concernant l’incorporation de la promotion 1935-1937, École Spéciale Militaire, Saint-Cyr,

10 octobre 1935, SHD GR 7 N 4241.

116 Instruction relative au concours d’admission à l’École spéciale militaire en 1939, op. cit.

117 Instruction relative aux conditions d’admission à l’École de l’air (élèves-officiers de l’Air, cadre navigant),

n° 393-3/EMG, Paris, 5 mars 1934.

0% 1%

48% 51%

1ère partie du bac

2e partie du bac mention philosophie 2e partie du bac mention mathématiques

77 obtenus leurs deux baccalauréats montre bien le souhait de favoriser le recrutement d’élèves instruits, ayant terminé leur cursus scolaire. L’argument avancé est celui de jeunes gens plus à même de bénéficier « avec fruit » de l’enseignement prodigué118. Toutefois, Christel Coton souligne que le critère de l’instruction masque un système de recrutement qui cherche avant tout à sélectionner les futurs officiers sur des critères sociaux. Cette analyse sur la société contemporaine s’applique toutefois dès le XXe siècle, où la qualité technique ou intellectuelle du corps des officiers dans son ensemble importe moins que le souci de réserver l’accès au