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UNE AMBITION INABOUTIE À LA VEILLE DE LA SECONDE GUERRE

B) Des contacts limités avec les subordonnés

« Le commandement des hommes constitue la tâche essentielle, à la fois la plus importante et la plus difficile de votre métier d’officier. Dès votre sortie de l’école d’application, vous serez livrés à vous-même, vous aurez de lourdes responsabilités (…) vous éprouverez déjà cette joie de commander, c’est-à-dire de bien connaitre vos hommes, de les former, de les entrainer, de les sentir prêts avec vous à surmonter tous les dangers, à vaincre tous les obstacles, à remporter toutes les victoires, petites et grandes. C’est surtout l’expérience que vous acquerrez au début de votre carrière dans le commandement des hommes qui fera de vous des chefs ; mais cette expérience a besoin d’être éclairée et guidée213 ».

Les Conseils pratiques sur le commandement des hommes, proposés en introduction des conférences des amiraux Auphan et Laurent en 1931 à bord de la Jeanne d’Arc, soulignent le rôle particulier qui incombe à l’école d’application des enseignes de vaisseaux : fournir dans un environnement propice les assises d’une formation au commandement qui fait jusqu’alors cruellement défaut aux futurs officiers de marine. La portée de cet enseignement ne doit toutefois pas être surestimée et comme l’annoncent ces Conseils, l’idée est bien ici de fournir des bases qui ne pourront être étayées que par l’expérience de la carrière des armes. Il faut d’ailleurs souligner que ces annonces font figure d’exception. Il n’existe de telles conférences qu’au sein de la Marine et uniquement pour 1931, même si la portée dépasse largement cette simple année. Signe d’évolutions, l’arrêté de 1935 sur le fonctionnement de l’école d’application des enseignes de vaisseaux insiste sur la nécessité de « profiter de toutes les occasions pour mettre [les élèves] en contact avec le personnel, pour développer en eux les principes de commandement reçus à l’École navale214 ». Sans l’évoquer clairement, cet arrêté souligne les limites, pour ne pas dire l’absence, de formation au commandement en école, dont seuls les « principes » sont abordés. Devant ces lacunes, l’école d’application doit donc

213 Conseils pratiques sur le commandement des hommes, op. cit. 214 Annexe n° 2 à l’arrêté ministériel du 25 février 1935, op. cit.

163 contribuer à « entrer le plus possible dans la voie de la pratique, en donnant aux élèves, chaque fois que l’occasion se présente, la conduite de quelques hommes215 ». Pour cela, la bonne tenue morale des futurs officiers, dont les écoles de formation initiale ont inculqué les bases, doit être maintenue. Les élèves ont l’obligation à bord de la Jeanne d’Arc d’avoir une tenue correcte et réglementaire, de s’abstenir d’expressions triviales et en général de toute manière indigne d’un futur officier216. Ils s’entrainent ainsi à commander par l’exemple tout comme leurs cadres le faisaient jusqu’alors.

Une telle spécificité ne se retrouve pas dans les écoles homologues de l’armée de terre. Aucun des décrets portant règlement sur le fonctionnement des différentes écoles d’application ne fait mention de la nécessité de confronter les élèves à leurs hommes217, alors même que cette idée était à la base des modifications à apporter dans les écoles aux lendemains de la Première Guerre mondiale. L’étude sur les écoles de recrutement et de formation des officiers réalisée en 1919 annonçait que le l’objectif des écoles d’application était bien de « dresser » les futurs officiers « à leur rôle d’instructeurs des sous-officiers et des hommes218 ». Si l’idée n’était pas

entièrement de proposer un cadre dans lequel les élèves peuvent parfaire leur contact avec leurs subordonnés, le but restait néanmoins de permettre aux officiers-élèves d’être initiés « aux méthodes pédagogiques d’instruction militaire de la troupe qui reposent sur l’explication matérialisée, l’étude du cas concret, l’appel à la mémoire visuelle, le choix heureux des exemple qui frappent l’imagination et touchent le cœur219 », c’est-à-dire apprendre à être de véritable éducateur de la troupe. Ces idées, à la base même des missions de l’ESM et des écoles d’application n’apparaissent toutefois plus dans les règlements qui organisent les écoles à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, le règlement intérieur de l’école d’application de l’infanterie et des chars de combat, rédigé en 1934, rappelle que son but est bien d’assurer un complément d’instruction militaire technique et tactique. Nulle mention n’est faite sur la

215 Idem.

216 Arrêté ministériel réglant l’organisation, le fonctionnement de l’École navale et de l’École des élèves officiers

de Marine du 27 août 1937, Bulletin officiel de la Marine, n° 10, 1e octobre 1937, p. 729.

217 Décret portant règlement sur l’organisation de l’école militaire et d’application de la cavalerie et du train,

Bulletin officiel des Ministères de la Guerre, des Pensions et de l’Air, 25 février 1939, p. 1262 ; Instruction concernant l’organisation et le fonctionnement du centre d’instruction des chars de combat, Bulletin officiel des Ministères de la Guerre, des Pensions et de l’Air, 5 novembre 1935, p. 3781.

218 Écoles de recrutement et de formation des officiers, Grand quartier général des Armées Françaises de l’Est,

État-major, 3e bureau, n° 11.377, 8 mars 1919, SHD GR 16 N 573. 219 Idem.

164 nécessité de mettre ces jeunes officiers en prise avec leurs hommes220, pourtant essentielle dans leur fonction, mais insistent davantage sur l’exercice du commandement qui accompagne leur position. Dès lors, les écoles d’application ambitionnent de fournir les structures propices à cette pratique.

C) Une confrontation avec l’exercice du commandement en situation