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Le creuset : l’École Spéciale Militaire, l’École navale et l’École de l’Air Le poids des écoles de recrutement direct

DEVENIR OFFICIER À LA VEILLE DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE

A) Le creuset : l’École Spéciale Militaire, l’École navale et l’École de l’Air Le poids des écoles de recrutement direct

Créées respectivement en 1802, 1830 et 1935, l’École Spéciale Militaire de Saint-Cyr, l’École navale et l’École de l’Air sont les écoles en charge de la formation initiale des officiers de l’armée de terre, de la marine et de l’armée de l’air, c’est à dire avec pour objectif de procurer aux jeunes recrues les bases d’un bagage militaire, scientifique, culturel et technique dont ils auront besoin tout au long de leur carrière. Cette formation est censée inculquer les règles, les habitudes et les traditions du corps des officiers qui donneront à l’élève un certain état d’esprit et une certaine éthique. Elle est fondée en grande partie sur ce qui a toujours été fait au sein des

150 Général IBOS Pierre (et al.), Saint-Cyr et la vie militaire, op. cit., p. 38.

89 institutions152, d’où les critiques fréquentes concernant la rigidité de l’instruction et le manque d’ouverture. Toutefois, la création récente de l’armée de l’air, sa volonté de s’affranchir des deux autres armées en affirmant une identité singulière et spécifique et la technicité de l’arme lui évite de tomber dans cet écueil.

Si ces écoles ne sont pas les seules à permettre l’accès à l’épaulette (Polytechnique, les écoles de sous-officiers-élèves-officiers, la promotion par le rang), elles sont toutefois les plus emblématiques et les plus célèbres institutions en charge de la sélection et de la formation des cadres de l’armée. Toutefois, elles sont loin de fournir le plus gros des effectifs d’officiers. Ainsi, en 1913 le recrutement direct des officiers de l’armée de terre représentait 52% du corps (12% issus de Polytechnique, contre 40% de l’ESM), le recrutement semi-direct (par le biais des écoles de sous-officiers-élèves-officiers) 44% et le recrutement indirect (promotion au choix après le passage par le rang et les grades de sous-officiers) 4%. En 1938, le recrutement direct n’atteint plus que 35,9% (8,4% issus de Polytechnique et 27,5% de l’ESM) et le recrutement semi-direct 30,3%. Le recrutement indirect représente en revanche près du quart de l’ensemble, soit 24%. Le restant correspond aux officiers de réserve intégrés dans l’active après leur passage en écoles de sous-officiers-élèves-officiers153. L’idée centrale est que près de deux tiers des officiers proviennent directement du rang et du corps des sous-officiers depuis la Révolution française jusqu’en 1939, où la grande école (Navale, Polytechnique, ou l’ESM) ne forme ainsi qu’un tiers des officiers environ154. Néanmoins, la très faible part du recrutement des officiers de marine par les canaux de Polytechnique, des capitaines au long cours ou des sous-officiers sortant du rang est presque symbolique155.

À ce titre, comment expliquer le poids de ces écoles sur la formation aussi bien que dans l’imaginaire militaire, voire collectif ? Ici encore, il faut parler de « tyrannie du diplôme initial156 », car si les écoles de recrutement direct ne sont pas les seules à ouvrir sur la fonction d’officier, elles sont cependant les seules à pouvoir offrir les meilleures carrières et les fonctions les plus prestigieuses. L’ESM forme ainsi les officiers d’infanterie, des chars de combats, de

152 CROUBOIS Claude, L’officier français des origines à nos jours, op. cit., p. 359.

153 THOMAS Hubert Jean-Pierre, « Introduction », in THOMAS Hubert Jean-Pierre, Officiers, sous-officiers, la

dialectique des légitimités, Paris, ADDIM, 1994, p. VII.

154 FORCADE Olivier, « Les officiers et l’État 1900-1940 », op. cit., p. 260. 155 VIBART Eugène, Étude sur le corps des officiers de marine, op. cit., p. 9.

156 BAUER Michel et BERTIN-MOUROT Bénédicte, « La tyrannie du diplôme initial et la circulation des

90 cavalerie et des troupes coloniales157 ainsi qu’une partie de l’aviation jusqu’à l’ouverture de l’École de l’Air, tandis que Polytechnique forme artilleurs et sapeurs. C’est donc le passage par l’ESM qui permet l’accès aux armes les plus prestigieuses de l’armée de terre. Il en est de même pour l’École navale qui a un quasi-monopole d’accès au corps des officiers de marine. Ce corps assure les divers commandements, tandis que d’autres corps assurent des fonctions techniques (ingénieurs du génie maritime, ingénieurs mécaniciens) ou offre un débouché aux officiers- mariniers (les officiers des équipages, cantonnés à des fonctions secondaires)158. Dès lors, il existe bien un corps des officiers à deux vitesses : ne peuvent prétendre atteindre les plus hautes fonctions, sauf rares exceptions que les officiers brevetés de l’école supérieure de guerre, dont l’accès est soumis à un concours avec conditions. Sans refuser d’emblée les candidats qui ne sont pas sortis du sérail, dans les faits bon nombres de candidats non issus des grandes écoles militaires ne peuvent prétendre concourir.

Le poids des écoles tient en fait particulièrement à leur prestige. L’ESM et l’École navale sont de vieilles institutions qui ont fourni leurs contingents de grands chefs, voire de militaires vénérés comme des héros et tirent leur création ou organisation de personnages prestigieux. L’ESM a été créée et organisée par Napoléon qui occupe en son sein une place particulière et quasi omniprésente159, l’École navale a comme figure tutélaire le chevalier Jean- Charles de Borda (1733-1799), mathématicien, physicien, politologue, académicien et navigateur surnommé le « chevalier de la mer » qui a donné son nom aux navires-écoles et dont les élèves tirent leurs surnoms de « bordaches ». Les faits d’armes des anciens élèves contribuent à entretenir cet ascendant. Ainsi, le général d’armée André Beaufre dans ses mémoires évoque à son arrivée à l’ESM le « halo prestigieux des Casoars et gants blancs de 1914160 ». Il est fait référence ici au « serment de 14 » au cours duquel des saint-cyriens de la promotion La croix du drapeau auraient fait le serment de monter en ligne en gants blancs et casoars et se seraient ainsi sacrifiés pour la France pour montrer l’exemple. Ce mythe ancre durablement dans les esprits le panache des élèves de l’école. Les noms des anciens élèves

157 Décret portant réglementation de l’École spéciale militaire, Bulletin officiel des Ministères de la Guerre, des

Pensions et de l’Air, 11 octobre 1935, p. 3544.

158 CAILLETEAU François et PELLAN Alain, Les officiers français dans l’entre-deux-guerres, op. cit., p. 7. 159 À titre d’exemple, le temps écoulé en école est un temps « napoléonien » où chaque mois correspond à une

lettre commémorant la bataille d’Austerlitz. La rentrée s’effectuant en octobre prend la lettre « A », novembre la lettre « U », etc. Le fameux « 2S » commémoré en école correspond ainsi au 2 décembre. Voir à ce propos « La place des traditions ».

91 morts pour la France gravés sur les murs au sein des établissements se font l’écho des destinées considérées comme exceptionnelles qu’ils ont pu avoir une fois sortis d’école. Tout cela contribue à magnifier le rôle des écoles de formation initiales et explique en partie le choix opéré par l’armée de l’air et son école de reprendre à leur compte ses codes. La figure emblématique de Guynemer imprègne l’école qui choisit sa devise « Faire face » et en fait le parrain de la première promotion. Les souvenirs des As de la Première Guerre et de leurs exploits sont repris.

Surtout le poids « moral » qu’elles occupent ne saurait être négligé, qui se traduit par l’isolement et le modelage des élèves-officiers.

Isoler les élèves….

« Le contact avec Saint-Cyr était rude. [Il] recouvrait en réalité une institution vénérable, partie caserne, partie collège, partie séminaire, où se mêlaient les traditions les plus diverses161 ». Dans

ses mémoires, le général Beaufre compare abondamment l’ESM, qu’il qualifie de « noviciat militaire162 », à la réclusion religieuse. L’analogie des conditions de vie des élèves-officiers en

école avec celles d’un monastère est en effet récurrente. Ainsi que le souligne Jean de Préneuf, le cadre de vie austère et l’isolement, la vie très minutée et l’emploi du temps chargé, la discipline rigoureuse et la surveillance constante en école expliquent sans doute ce parallèle163. Il se rapproche de la « clôture » soulignée par Michel Foucault, cette « spécification d’un lieu hétérogène à tous les autres et fermé sur lui-même164 ». L’austérité est mise en avant et considérée comme nécessaire pour former les élèves, principalement au sein de la marine. Les critiques sont très vives quand en 1936 est inaugurée à Saint-Pierre Quilbignon la nouvelle École navale, surnommée le « Versailles de la Mer » et jugée trop luxueuse pour les élèves. Ce surnom vise d’ailleurs à railler le luxe du nouveau bâtiment, dont la façade serait aussi longue que celle du château de Versailles. L’isolement à bord d’un navire, l’inconfort relatif, les

161 Idem. 162 Idem.

163 MARTINANT DE PRÉNEUF Jean, Mentalités et comportements religieux, op. cit., p. 149. 164 FOUCAULT Michel, Surveiller et Punir, Naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1975, p. 143.

92 conditions de vie et d’hygiène parfois difficiles, liés à la vie en collectivité permanente et à la promiscuité expliquent cette volonté de vouloir plier à ses habitudes dès leur plus jeune âge tous les marins qui seront amenés à servir à bord. Bien que ces conditions soient améliorées par leur qualité d’officiers, les élèves-officiers sont d’abord et avant tout considérés comme des marins, au même titre que tous les membres de l’équipage. Cette habitude à une vie rude facilitera par la suite leur vie future à bord et ses exigences, selon l’adage « entrainement difficile, guerre facile ». Jusqu’en 1915 l’École navale est embarquée à bord de navires-écoles embossés en rade de Brest, dont le premier est l’Orion. Suivent ensuite les différents Borda: le

Borda ex-Commerce de Paris (1840-1864), Borda ex-Valmy (1863-1890) puis l’ex-Intrépide

(1890-1913). Le croiseur Duguay-Trouin, ancien bâtiment école de l’École d’application, reprend du service à titre provisoire devant le mauvais état du dernier Borda, avant la fermeture de l’École navale entre août 1914 et octobre 1915. Durant cette école embarquée, l’isolement des élèves est total. Ce sont les professeurs qui se rendent à bord par le biais d’un canot et en cas de grosse mer les élèves sont véritablement « coupés du monde ». Par la suite, la première implantation à terre au sein du port militaire de Brest ne change pas radicalement la donne car les baraquements de l’École sont installés dans la zone protégée de l’arsenal, à l’écart de la ville. Enfin, l’inauguration de la nouvelle école sur le plateau des Quatre-Pompes à Saint-Pierre- Quilbignon reproduit ce schéma de confinement, l’école est à l’écart de Brest et donne directement sur l’arsenal. L’isolement est accentué par le manque d’informations venant de l’extérieur. Sur les Borda successifs, il est interdit de lire les journaux et de posséder des livres ne provenant pas de la bibliothèque du bord. Jusqu’à l’inauguration de la nouvelle école des Quatre Pompes, cette interdiction n’est que partiellement levée, même si l’encadrement ferme désormais la plupart du temps les yeux sur les livres achetés à Brest et lus plus ou moins discrètement par les élèves pendant les sorties en mer165, appelées « corvettes »166. Cet isolement est aussi caractéristique de l’ESM, située à Saint-Cyr-l’École dans le département des Yvelines. Pour rejoindre Paris, les élèves-officiers doivent prendre le train, le Crampton, qui entre rapidement dans le l’argot de l’école et désigne aussi bien le train en lui-même que le personnel ferroviaire et donne lieu à des chahuts potaches à cette occasion. Les contacts avec la capitale sont très limités. La proximité avec la « grande ville » fait l’objet de vifs débats entre

165 MARTINANT DE PRÉNEUF Jean, Mentalités et comportements religieux, op. cit., p. 158. 166 Exercice de sortie en mer à bord de bâtiments de la Marine.

93 les partisans d’un isolement total et ceux pour qui au contraire le contact avec les possibilités de culture et d’émulation sont un avantage167. L’ouverture de l’École de l’air à Versailles procède de la même logique, avant son transfert à Salon-de-Provence en 1937 afin de profiter d’un climat plus favorable à la pratique de la navigation pour les débutants.

Cet isolement est d’autant plus renforcé que les contacts avec l’extérieur sont très limités. Les élèves vivent en permanence entre eux. La répartition de ces derniers en escouade ou section, qui vivent au même rythme et dans les mêmes lieux (incluant les chambrées), suivent les mêmes cours parachèvent ce confinement. Les sorties des établissements n’ont lieu que le dimanche après-midi, entre le déjeuner et le repas du soir, et sont soumises au bon comportement des élèves. Elles s’effectuent en grande tenue, avec gants blancs auxquels s’ajoute la cape pour les officiers de marine. À l’École navale, cette sortie, dont la première s’effectue à la fin du mois de bahutage et après l’adoubement, s’accompagne du port du sabre qui symbolise la fonction de l’officier, à la différence des élèves de l’ESM qui ne sont autorisés à le porter qu’un an plus tard168. L’inspection de tenue qui se tient sur la place d’arme avant

tout départ donne d’ailleurs lieu à de nombreux refus de sortie pour négligence : bouton manquant ou non astiqué, gants sales, cuivres non lustrés, rasage rapide… Cette sortie en uniforme matérialise encore davantage la séparation, ici physique, des élèves-officiers d’avec le reste du monde169. Elle accentue en même temps un certain mépris à destination de tout ce qui n’est pas militaire et confirmerait à ce titre le sentiment d’appartenir à un corps spécial. Dans l’armée de terre est ainsi qualifié de « pékin » le civil, dont la douce vie est volontairement moquée, qui inspire les paroles suivantes du chant « Pékin de Bahut » :

« Ô vous qui dans l’espoir de Saint-Cyr Pâlissez sur de noirs bouquins,

Puissiez-vous ne jamais réussir, C’est le vœu de vos grands Anciens. Si vous connaissiez les horreurs De la Pompe et du Bataillon,

167 Voir à ce propos l’article publié dans Les Ailes : « L’École de l’air ne doit pas aller à Salon-de-Provence »,

Les Ailes, n° 893, 28 juillet 1938, p.11.

168 AUGEY Pierre, Souvenirs d’un marin de cinq « Républiques », Paris, Éditions du Gerfaut, 2002, p. 52 ;

FALGA Louis, Un de Saint-Cyr, Souvenirs présentés par Jacques Lorcey, Anglet, Atlantica-Séguier, 2004, p. 62.

169 Sur le rôle de l’uniforme comme outil de construction et d’affirmation voir : ROYNETTE Odile, « L’uniforme

94

Vous préféreriez les douceurs De la vie que les Pékins ont170. »

Les restrictions apportées aux contacts avec l’extérieur trouvent leur prolongement dans un emploi du temps très chargé et soigneusement minuté, marqué par le son du clairon et les inspections récurrentes tout au long de la journée (de tenue, de chambre, etc.), qui laisse délibérément très peu de temps libre aux élèves-officiers, permettant ainsi de mieux les contraindre et les modeler à leurs futures obligations.

… pour mieux les modeler

Le choix de la comparaison avec le moule n’est pas ici fortuit et reprend la terminologie de l’époque, employée par les commandants des écoles eux-mêmes. Ainsi, le général Albert Tanant, commandant l’ESM de 1919 à 1925, parle de ceux qui ont eu à « pétrir et à former des Saint-Cyriens171 » tandis que le contre-amiral Charles-Jérôme Drujon, commandant l’École navale entre 1926 et 1928 estime :

« Que ce soit à bord du Borda ou dans la nouvelle école à terre, les élèves de l’École navale d’hier ou d’aujourd’hui ou de demain seront coulés dans le même moule. Non seulement par suite de la permanence des traditions, mais aussi parce que le cerveau des élèves de l’École navale est modelé sur le même gabarit172 ».

L’objectif des écoles de formation initiale, complétées dans leurs démarches par celles d’application qui prendront leur suite, est de créer un esprit de corps et une cohésion au sein du corps des officiers qui perdurera tout au long de leur carrière. « L’éducation de l’École navale vise avant tout à donner aux élèves une formation telle qu’elle évite qu’il y ait des différences sociales entre les officiers appelés à vivre en commun dans un même "carré"173 ». C’est pourquoi il peut être affirmé que la méthode éducative utilisée en écoles s’appuie moins sur des discours et des exhortations martiales que sur une atmosphère, un rythme de vie, des traditions dans lesquels sont immergés les élèves-officiers174 et qui est qualifié de « dressage

170 Voir corpus d’annexes, Annexe n° 6 : « Le Pékin de Bahut ».

171 Général TANANT A., « Nos grandes écoles, Saint-Cyr », op. cit., p. 44.

172 Contre-amiral DRUJON, « Nos grandes écoles, l’École Navale », op. cit., p. 589. 173 Idem, p. 583.

95 militaire »175. Celui-ci passe principalement par un ensemble de contraintes extérieures qui visent à briser les volontés et à obtenir un ensemble homogène : bahutage par les élèves de deuxième année, privation de sommeil, pratique intense du sport, exercices pratiques sur le terrain et exhortations morales à travers les traditions, etc. Tout est fait pour que les élèves aient le moins de temps possible pour réfléchir par eux-mêmes et par extension ne puissent contester ce rythme de vie.

« L’emploi du temps était une perpétuelle trépidation tout au long du jour. Depuis le « branle- bas » du matin jusqu’à extinction des feux qui marquait officiellement l’heure du sommeil (de 6h30 à 21h30) tout était organisé pour que nous ne puissions nous sentir désœuvrés176 ».

Tout cela donne à l’ensemble des futurs-officiers une haute conception de leurs devoirs et fonctions. Le témoignage du général Beaufre est d’ailleurs à ce titre éclairant :

« Sans aucun didactisme verbal, mais par l’ascèse de l’effort physique et du drill et surtout par la vertu des grandes traditions militaire dont l’âme de l’École rayonnait, on y vivait dans un bain d’idéalisme viril et de véritable ferveur177 ».

Le rôle des traditions ne saurait ici être négligé tant l’objectif est d’instaurer un esprit de corps spécifique qui perdure.

La place des traditions

Comme le souligne le sociologue et ancien officier André Thiéblemont, « sous peine de passer à côté d’un aspect essentiel de la société militaire, le fait traditionnel ne peut être réduit à une quincaillerie d’objets ou à une collection de rites, jugés plus ou moins désuets selon l’air du temps. Les traditions militaires constituent un langage178 ». La place de celles-ci dans les

armées, principalement dans les écoles qui sont les « gardiennes du temple », ne sauraient en effet être négligée. Bien que vague, la notion de « tradition » recouvre une diversité de

175 DRÉVILLON Hervé, WIEVIORKA Olivier (dir.), Histoire militaire de la France, I. Des Mérovingiens au

Second Epire, Paris, Perrin, 2018, p. 762-768 ; ROYNETTE Odile, Bons pour le service: la caserne à la fin du

XIXe siècle, Paris, Belin, 2000, p. 309.

176 AUGEY Pierre, Souvenirs d’un marin de cinq « Républiques », Paris, Éditions du Gerfaut, 2002, p. 30. 177 Général BEAUFRE André, Mémoires, 1920-1940-1945, op. cit., p. 34.

178 THIÉBLEMONT André, « Les traditions dans les armées : le jeu de la contestation et de la conformité »,

96 phénomènes : valeurs transmises, modes de pensée et d’action, pratiques répétitives, usages, coutumes, etc.179, qui imprègnent le corps des officiers dès leur arrivée en école. Car si certaines traditions se perpétuent tout au long de la carrière selon un calendrier propre à chaque armée ou chaque arme180, c’est bien en école qu’elles trouvent toute leur place et leur justification. Ainsi que le souligne Jean Boy, la tradition militaire est faite de « valeurs premières » quasi immuables, plus ou moins innées : esprit de service, solidarité, camaraderie, enthousiasme, sens de l’honneur et du devoir, goût pour le commandement et l’aptitude à son exercice. Elle comprend aussi des « usages tradi » que l’on appelle souvent traditions et qui consistent en un ensemble de coutumes et de comportements, qui découlent justement de ces « valeurs premières ». Ce sont ces « usages tradi », évoluant avec le temps et la société, qui sont enseignés