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3 Négociation des ressources linguistiques

3.2 Négociations sélectives à l’OdT

3.2.1 Demandes explicites

Les demandes explicites sont présentes dans 12 interactions, soit 13% des échanges dans le corpus. Ce type de négociation n’est présent qu’en séquence d’ouverture121, initié par les

touristes. La rareté relative de ce type de négociation à l’OdT est conforme aux résultats d’autres études sociolinguistiques sur la négociation du medium d’interaction dans des contextes bilingues ou plurilingues (Heller, 1978; Codó, 2008).

Bien que rare, l’analyse de quelques exemples de ce phénomène nous permet d’explorer des manifestations concrètes et explicites de la négociation du medium d’interaction. Le premier exemple ci-dessous concerne deux touristes italiens et italophones (T1 et T2) ainsi qu’une conseillère francophone et française (CF1)122. L’extrait ci-dessous représente

l’interaction entière entre ces participants du moment où les touristes arrivent au guichet jusqu’au moment où ils partent.

120Le cas singulier d’une demande explicite concernant le français est dû à un touriste étranger qui ouvre

l’interaction en disant qu’il parle français, car il avait entendu le conseiller parler en anglais avec le touriste précédent.

121 C'est-à-dire, « la prise de contact entre les participants et à une première mise en place des modalités de

l'interaction à venir » (Traverso, 2007b, p.25).

122 Le codage de participants fonctionne selon les principes suivants : les codes attribués aux touristes

« recommencent » avec chaque interaction. Ainsi « T1 » dans une interaction ne correspond pas au même locuteur que « T1 » dans une autre interaction. En revanche, les codes attribués aux conseillers restent identiques à travers le corpus. Ainsi « CF1 » fait référence à la même locutrice dans tous les extraits fournis ici.

Exemple 1123 (4CH009 X11) 124

CF1 bonjour? (3.6)

T1 bonjour (.) vous parlez italien? CF1 er italien (.) or french english T2 oh english

CF1 english?

{T1 et T2 entendent une conseillère (CF3) parler italien au guichet suivant}

T1 nous atte::nd

CF1 oui oui oui si vous voulez

T2 ok

Mise à part le temps d’attente assez long (dû au temps nécessaire aux touristes pour se rapprocher du guichet), il n’y a rien de spécialement remarquable concernant le déroulement de l’échange de salutations. On peut considérer que la ratification (en français) par T1 du premier tour de CF1 concerne non seulement l’acte de salutation mais également le choix de langue. Cependant, T1 suit immédiatement sa salutation d’une demande explicite à propos du medium d’interaction, demandant à CF1 (en français) si elle parle italien. Cette intervention joue deux rôles : tout d’abord, elle propose l’italien comme une ressource linguistique et, deuxièmement, elle ne ratifie pas le choix du français comme medium d'interaction (bien que les raisons pour cela ne soient pas explicitées).

En quelque sorte, CF1 accepte l’offre de l’italien comme medium d'interaction mais plusieurs éléments de sa réponse mitigent cette acceptation. La réponse préférée125 à la requête de T1 serait un simple « oui ». Cependant, CF1 choisit de répéter « italien » ce qui semble constituer une acceptation (bien que dans un medium potentiellement non préféré, c'est-à-dire en français plutôt qu’en italien). CF1 enchaîne à cette réponse une alternance codique126 vers l’anglais pour proposer le français et l’anglais. Cet énoncé semble suggérer, contrairement à son énoncé précédent, un refus de la part de CF1 de l’italien. T2 accepte immédiatement – à la fois par la forme et par le contenu de son tour – l’offre de l’anglais. Cet échange correspond donc à ce que Yoneoka (2011, p. 101) appelle une « vérification banale de l’arsenal des langues »127 dans laquelle CF1 présente toutes les ressources

linguistiques possibles.

Bien que T1 et T2 entendent par la suite CF3 parler italien et décident d’attendre qu’elle soit disponible128, nous soulignons que, face à une potentielle divergence dans les

123 Cf. Annexe 1 pour les conventions de transcription.

124 Le code entre parenthèse qui suit chaque exemple fait référence au « numéro de référence » de

l’interaction dans le corpus MITo (cf. Annexe 4).

125 C'est-à-dire la réponse attendue (ou « non-marquée »), non-signalée par le locuteur (cf. Pomerantz,

1984). 126 L’objectif de cette thèse n’est pas de contester la notion d’alternance codique, terme qui est utilisé ici de façon générique pour désigner tout type d’alternance entre deux (ou plusieurs) variétés (cf. Alby (2013) pour une discussion). 127 « A “common arsenal check” of languages ». 128Il est intéressant de voir que T1 formule cette décision en français.

ressources linguistiques disponibles, l’anglais fut la ressource choisie. CF1 semble influencer ce choix non seulement en suggérant explicitement l’anglais comme une ressource possible mais en formulant cette suggestion et sa ratification en anglais.

Cet exemple relève donc d’une séquence de négociation explicite dans laquelle les participants se mettent d’accord rapidement sur le medium d'interaction (anglais dans cet exemple). L’exemple suivant démontre un processus assez similaire. Il s’agit de deux touristes irlandais anglophones et d’une conseillère française et francophone. L’extrait ci- dessous représente les premiers échanges de l’interaction, correspondant à la séquence d’ouverture.

Exemple 2 (4CH010 X3)

T1 bonjour

CF6 bonjour messieurs dames

T1 er parlez vous anglais ?

CF6 yes i do

T1 we’d like to do the bus tour (.) the open

top bus tour

CF6 yep (.) i will show you […] La demande du touriste concernant le tour de bus marque une transition de la séquence d’ouverture vers le « corps » de l’interaction129, qui se déroule en anglais. Contrairement à l’exemple précédent, la première salutation (en français) est initiée par la touriste et non pas la conseillère. Ceci est suivi par la formulation attendue d’une salutation de la part de CF6. T1 enchaîne immédiatement en demandant si CF6 parle anglais. Cette demande est ratifiée non seulement par une réponse préférée au niveau du message (acceptation) mais également par la ressource utilisée (l’anglais). Ainsi, CF6 répond favorablement à la demande de T1. Cette réponse est ratifiée et confirmée par T1 qui formule sa demande d’information en anglais, ce qui mène à l’utilisation de cette ressource pour le reste de l’interaction.

L’extrait suivant montre un autre exemple d’une demande explicite de négociation de medium d'interaction. Cependant, dans cet exemple, l’alternance de code a lieu après les salutations (en français) et la demande explicite est formulée en anglais. L’extrait présente les premiers échanges de cette interaction entre une touriste portugaise et une conseillère française. Exemple 3 (4CH009 X12) CF1 bonjour? (4.1) T1 bonjour CF1 bonjour

T1 err for for take- er can i speak english?

CF1 yeah yeah yeah yeah yeah no problem

T1 er for taking the:: bus? CF1 yes

T1 we must wait over there?

CF1 you need to buy your ticket here before […]

Cet exemple est intéressant dans le sens où il montre comment les négociations explicites du medium d'interaction forment très souvent des séquences latérales130 (Jefferson, 1972)

par rapport à l’activité principale de l’interaction. Dans ce cas, T1 commence à formuler sa demande d’information en faisant du CS par rapport aux tours de salutations précédentes. Cependant, elle s’interrompt pour déclencher une séquence latérale pour demander explicitement si elle peut utiliser la ressource linguistique voulue (l’anglais) dans cette même ressource. Cette demande est ratifiée immédiatement par C1 dans la même ressource et l’interaction continue en anglais.

Cet exemple est particulièrement représentatif pour deux raisons. Premièrement, la grande majorité de demandes explicites concernant les négociations de medium d'interaction mène à la sélection de l’anglais comme langue principale d’interaction (bien qu’il existe certains cas en italien aussi). Souvent, le touriste veut en effet accéder à cette langue et parfois il s’agit d’un « compromis » entre les participants.

Deuxièmement, nous postulons que la motivation principale pour le déclenchement d’une séquence de négociation dans l’exemple ci-dessus est la compétence de T1. Autrement dit, les compétences linguistiques et communicationnelles de T1 en français ne lui permettent pas de continuer l’interaction en français au-delà des échanges de salutations en séquence d’ouverture.

En ce qui concerne une divergence par rapport à une langue « attendue », cette conclusion est soutenue par la formulation de la demande dans l’exemple ci-dessous et notamment l’utilisation du verbe modal « can ». Ce verbe communique à la fois une demande de possibilité (« est-ce que vous avez les compétences nécessaire pour interagir en anglais ? ») et une demande d’acceptabilité (« est-ce que j’ai le droit de parler anglais ? »). Ainsi, la touriste vérifie qu’il s’agit d’une ressource qui va fonctionner au niveau de la communication tout en « affichant »131 à son interlocuteur sa conscience qu’il s’agit d’un

choix potentiellement marqué.

En conclusion, les demandes explicites qui visent à négocier le medium d'interaction dans les séquences d’ouverture constituent une technique utilisée par les participants à l’OdT pour établir la langue principale d’un échange. Toutes les demandes explicites en séquence d’ouverture dans MITo sont initiées par les touristes et semblent être motivées par une compétence linguistique et communicationnelle limitée en français. Le fait que certains touristes demandent explicitement si d’autres ressources linguistiques sont disponibles suggère qu’il y a une perception chez ces locuteurs qu’ils transgressent potentiellement une 130 Les séquences latérales sont les séquences qui constituent une rupture temporaire de l’activité en cours, suivie par la reprise de l’activité principale (cf. Jefferson, 1972). 131 Dans le sens « display », terme très répandu dans la Conversation Analysis (cf. Schegloff & Sacks, 1973, par exemple).

certaine norme qui placerait le français comme medium « par défaut ». Cette observation est soulignée par le fait que beaucoup de touristes précèdent la demande explicite par une salutation en français. Ceci est peut-être influencé par certains facteurs contextuels discutés dans les parties précédentes. Bien que les motivations de ce choix soient extrêmement difficiles à saisir de façon sure, le comportement linguistique décrit ci-dessus semble attester d’une conscience de la part de certains touristes de certaines attentes concernant le comportement linguistique. Autrement dit, les demandes explicites permettent aux touristes d’afficher une connaissance d’une norme linguistique tout en la transgressant. Bien que les demandes explicites qui mènent à des négociations demeurent relativement rares dans le corpus, leur analyse peut apporter des éclairages sur un phénomène beaucoup plus courant au sein des interactions à l’OdT, les négociations tacites.

3.2.2 Négociations tacites

La notion de négociation tacite fait référence à des séquences dans lesquelles le medium d'interaction est en cours de négociation non explicitement mentionnée ou thématisée par les participants. Dans le corpus MITo, il y a 80 interactions dans lesquelles le medium d'interaction est négocié de façon « tacite », soit 86% des interactions entre les conseillers et les touristes internationaux. Comme exposé ci-dessus, toute interaction à l’OdT qui n’a pas de demande explicite sur la langue principale d’interaction comprend nécessairement une négociation tacite puisque les participants sont inconnus les uns des autres et ne connaissent donc pas leurs préférences linguistiques respectives. Ainsi, l’étude des négociations tacites du medium d'interaction peut relever beaucoup d’informations pertinentes quant aux attentes, normes et représentations liées à cette situation d’interaction. Bien que la négociation ne soit pas thématisée, elle reste tout de même repérable à travers des manifestations dans les tours de parole.

Tout d’abord, nous devons préciser que, dans 74 des 93 interactions (80%) du corpus MITo, les conseillers effectuent le premier tour de l’échange. En outre, la salutation « bonjour » forme ce premier tour parmi effectué par les conseillers dans 97% des cas. Ainsi, 77% des interactions enregistrées à l’OdT commencent par « bonjour » énoncé par un conseiller. L’ouverture d’une interaction par une salutation en français peut avoir une influence considérable sur les tours suivants et le déroulement général de l’interaction en ce qui concerne le choix du medium. Traverso expose l’effet fondamental de la salutation en premier tour sur l’organisation des interactions de service :

La production du premier membre de la paire implique la production du deuxième par le second locuteur, et fait peser des contraintes sur sa nature. Le premier « bonjour » est orienté vers la production du « bonjour » en retour. Si ce dernier n’est pas produit, le premier locuteur sera en droit de répéter le premier tour, d’interroger le second sur la raison de cette absence ou de l’interpréter silencieusement (Traverso, 2007b, p. 23)

Traverso se focalise ici sur l’acte de la salutation et non pas (forcément) sur la langue employée pour accomplir cet acte. Cette tâche est particulièrement complexe pour les conseillers dans une telle interaction de service puisqu’ils doivent s’adapter aux besoins linguistiques du touriste – c'est-à-dire le « client » – tout en effectuant le premier tour (Torras, 1997, p. 602). Les participants à l’OdT doivent prendre en compte non seulement l’accomplissement de l’acte de salutation mais aussi la négociation du medium d'interaction dans ces premiers tours. La stratégie la plus répandue face à cette complexité est de s’adresser le touriste en français en employant la salutation « bonjour ». Deux grands schémas généraux peuvent être observés en ce qui concerne la réaction à la salutation en français des conseillers : la ratification et l’adoption du français comme medium d'interaction ou la proposition d’une (ou d’) autre(s) ressource(s). Ces deux schémas constituent des séquences de négociation, observables dans l’organisation séquentielle de l’interaction.

Les interactions dans lesquelles les touristes acceptent, en séquence d’ouverture, le français comme medium d’interaction sans proposer une autre ressource sont au nombre de 56. Ceci signifie que dans 70% des interactions qui comportent une négociation tacite, le français demeure le medium d'interaction établi. L’extrait suivant expose un exemple « typique » de ce type de négociation. Il s’agit d’une interaction entre deux touristes germanophones et une conseillère. Les premiers échanges sont présentés ici.

Exemple 4 (4CH004 X4)

CF1 bonjour?

T1 bonjour (.) est ce que vous avez (.) u:n

plan (.) er (.) de:: CF1 de la ville?

T1 cette (.) de la ville mais (.) er em (.)

pas trop grand CF1 petit?

T1 un petit

CF1 emmm (.) alors attendez je vais voir si j’en ai hein (.) je reviens

[…]

A ce moment de l’interaction, CF1 part chercher le document demandé. T1 répond en français à la salutation en français. Elle continue en français pour formuler sa demande et cette demande inachevée est complétée (toujours en français) par CF1 et ratifiée par T1 (également en français). Cet enchainement sans CS ou demande explicite établit le français comme medium d'interaction.

Ceci n’est peut-être pas extrêmement frappant étant donné les influences contextuelles. Cependant, nous pouvons souligner plusieurs manifestations dans les productions en français de T1 qui donnent des indices assez clairs qu’il s’agit d’une alloglotte. Parmi ces indices peuvent être cités un accent assez prononcé, des hésitations et des formulations qui ne correspondent pas à celles d’un locuteur L1. Le comportement linguistique de CF1 dans l’extrait ci-dessus offre quelques indices qu’elle a identifié sa locutrice en tant qu’alloglotte

puisqu’elle emploie des stratégies souvent observées dans des interactions exolingues132,

telles que l’achèvement d’un énoncé incomplet (De Pietro, 1988) et la reformulation/réparation lexicale (Dausendschön-Gay, 1988) de « pas trop grand » en « petit ». En effet, à son retour au guichet avec la documentation demandée, CF1 affiche clairement cette identification de la locutrice comme alloglotte – ainsi que son identification de la première langue (L1) du touriste – à travers l’offre de la documentation en allemand illustrée dans l’exemple ci-dessous.

Exemple 5 (4CH004 X4)

[…]

CF1 petit on n’en a plus (0.6) on n’a que des grands (.) bon ils so:nt bien détaillés hein mais on n’a eu- on n’a que des grands regardez

T1 mmhmm (0.8) ah oui

CF1 vous préférez en allemand?

T1 allemand

CF1 allemand

{CF1 cherche la documentation en allemand} […]

Cette thématisation de l’origine (supposée) de la touriste et sa ratification identifient l’échange explicitement comme une interaction exolingue caractérisée par une asymétrie dans les répertoires linguistiques entre les participants. Les stratégies employées au début de l’interaction et cette thématisation de son caractère exolingue suggèrent que l’établissement du français comme medium d'interaction est en effet une négociation : CF1 ne propose pas d’autres ressources même si elle est consciente de l’asymétrie dans les compétences linguistiques et communicationnelles entre elle et son interlocutrice et T1 ne propose pas de ressources alternatives non plus. Il s’agit donc d’une négociation tacite au cours de laquelle le français est sélectionné comme le medium d'interaction.

Cet exemple démontre à quel point les négociations tacites sont complexes à gérer pour les participants et notamment pour les conseillers. Les touristes peuvent être relativement certains que les conseillers parlent français et sont pleinement conscients de leur propre répertoire (même s’ils doivent prendre en compte les influences contextuelles dans le choix de ressource). En revanche, les conseillers obtiennent cette information sur leur interlocuteur seulement à travers l’interaction. Ainsi, chaque tour de parole apporte de l’information nouvelle concernant les compétences et les attitudes de l’interlocuteur en face. Ceci implique que, tout comme dans les situations observées au sein de l’administration publique par Codó (2008, p. 216) les séquences implicites de négociation de langue nécessitent que les participants soient extrêmement sensibles aux besoins de leurs interlocuteurs et surveillent de près leurs propres productions linguistiques. La négociation

132 C'est-à-dire une interaction « qui s’établit entre individus ne disposant pas d’une L1 commune »

du medium d'interaction est effectuée de façon séquentielle dans chaque interaction et chaque tour de parole est crucial pour sa réussite. A l’OdT, ceci est encore plus vrai pour les conseillers que pour les touristes pour des raisons données ci-dessus.

La complexité de cette tâche est soulignée par l’exemple présenté ci-dessous. Il s’agit d’une interaction entre la même conseillère que l’exemple précédent et deux touristes d’une provenance inconnue. L’extrait présente l’interaction entière entre ces participants. Exemple 6 (4CH004 X9) CF1 bonjour? T1 eh un plan de cité CF1 oui {CF1 cherche la documentation}

CF1 hop ici même vous avez un plan de la ville et là (.) un guide touristique (.) je vous l’ai donné en anglais c’est bon ou:?

T1 ok non

CF1 non?

T1 non français er=

CF1 =français?=

T1 =ingle-

(.)

T1 err (.) [oh ingles? ]

T2 [no non français] CF1 en français

T1 en français?

(0.8)

T2 [no no no] ingles?

T1 [err ] ingles

CF1 ah ben voilà (.) en anglais ici même

T1 oui (.) ok T2 ah merci T1 merci CF1 je vous en prie T1 merci beaucoup CF1 je vous en prie

En ce qui concerne la négociation du medium d'interaction, le même processus que l’interaction précédente peut être observé ici, c'est-à-dire une ratification de la salutation en français de CF1 à travers une demande formulée en français de la part de T1. De la même façon que l’exemple précédent, il y a quelques manifestations dans les productions de T1 qui l’identifient en tant qu’alloglotte (accent et productions « marqués », hésitations, etc.). CF1 affiche son identification du caractère alloglotte de son interlocuteur en proposant les documents en anglais même si l’interaction continue en français. Cette proposition provoque une séquence d’incompréhension au sujet de la langue des documents. Malgré les problèmes de compréhension et les compétences clairement limitées des touristes (démontrées par l’utilisation d’« ingles » pour « anglais »/« English »), le medium d'interaction n’est pas renégocié. L’incompréhension est résolue et l’interaction se termine

en français. Ceci suggère que les participants participent ensemble au cours de l’interaction à la sélection du français – dans ce cas, à travers la non-sélection d’une autre ressource – et ainsi co-construisent l’établissement du medium d'interaction. Il est intéressant de noter que CF1 avait sélectionné l’anglais comme étant la ressource la plus pertinente pour les documents touristiques. CF1 semble donc interpréter les éléments « marqués » dans les productions de T1 (et T2 par la suite) comme indiquant des locuteurs qui savent parler anglais. Ceci est confirmé par une interaction qu’elle a avec une collègue immédiatement après l’échange avec les touristes, présentée ci-dessous. Exemple 7 (4CH004 X9)

CF1 je leur dis en anglais (.) non (.) français (.) je leur donne en en français ils me disent non non non en anglais

CF4 ils étaient quoi eux?

CF1 anglais (.) je pense {rires}

CF1 a donc identifié (à tort, étant donné leurs productions) les touristes comme anglais (ou, au moins, anglophones). Cependant, malgré les problèmes d’incompréhension survenus dans l’interaction, elle n’a essayé d’employer ni l’anglais (qu’elle parle), ni une autre ressource. Il en va de même pour les touristes. Ceci suggère que les participants se réfèrent principalement aux tours précédents de l’interaction et se reposent sur les ressources employées pour construire les tours suivants. Ils peuvent ainsi ratifier l’utilisation de ces ressources ou les réfuter en en proposant d’autres. Cette ratification (ou absence de