l'assuraient les gens timorés.
A
y regarder de près, on vit qu'ils n'étaient pas tous demême
sorte.Il y en avait d'absolument farouches, toujours
en
guerre avec l'Espagne, àchaque
instant excitées par leurs docteurs, les panditas, à la haine des chrétiens. Telsceux du
centre, qui habitent les bords du lac Lanao, la baie d'Illana, la valléedu
Rio Grande. Mais sur la baie Sarangani, dans l'ile Rasilan, il y en avait de fort traitables. Lesmusulmans,
faroucheseux-mêmes,
étaient-ils aussimusulmans
qu'on le croyait?Sous
quelques pratiques extérieures d'importation étrangère, cequ'on rencontre sans creuser beaucoup, ce sont les superstitions locales. Eloignez les panditas, supprimez les relations avec les sultansdu
dehors, seuls intéressés à maintenir l'état de choses actuel avec sesconséquences immorales
:la polygamie424 CHAPITRE V
et l'esclavage, il est â' se
demander
ce qui" restera de ce niahométisine de surface.Quant au
l'anatisnie tant redouté, et qui à Javacomme
enAlgérie, a toujours été ol^jecté aux missionnaires', l'expérience était là
pour montrer
qu'il n'y avait pas lieu de tant s'en préoccuper. Depuis trente ans, il y avaitune
mission sur leRio
Grande en
plein «Morisme
» ; elle avait produit ses fruits etaucun
trouble iVen était résulté.Au gouvernement donc
de voir s'il n'y avait pas quelque clioseà tenter, etmôme
la guerre, pour réfréner la traite des esclaves, supprimer l'influence anti-espagnole des panditas, et autres fauteursde révoltes.Pour
eux, et sans attendre davan-tage, les missionnaires se mirent à l'œuvre.Dans
les districts deDavao
et de Cottabato, en1894
ils comptaient déjà1780 Moros
baptisés, etun
savant allemand, le professeurBlumen-tritt, après avoir loué les travaux scientifiques
de
la mission, les effortscouronnés
de succèspour
grouper en villages les sau-vagesMamanuas,
les plus abrutis del'arcbipel, ajoutait : «Maisoù
les Jésuites ont remporté leur plus belle victoire, c'est lorsqu'ils ont réussi à gagner au christianismeun nombre
considérable de
Moros
prèsdu
golfe de Davao.On
sait com-bien difficile est la conversion d'unmusulman
; les faits dontil s'agit sont d'autant plus remarquables,
que
ce ne sont pasici des
Moros
isolés, vivant parmi les chrétiens, qui abjurent l'Islam.Les
convertis sont sinombreux
que,ne
voulant plus continuer à vivre |)armi leurs anciens coreligionnaires, ils ont obtenu de fonder troisnouveaux
villages dans le bassindu Rio Davao
(1) ».Mais la mission des Philippines avait à passer par deterribles épreuves.
Nous
voulons parler desévénements
de 1896-98.Tout
d'abord la conquête américaine avaitamené
la sépara-tion de l'Eglise et de l'Etat.Au
régime de la protection succédait celui de la liberté pure et simple.(I) Cilé par J. Bnickor. Eludes religieuses, 1898. T. 111 p. 115.
l'océanie 125
Il est vrai, l'observatoire des Jésuites,
reconnu
d'utilité publi-que,avait été pris sous la protection dunouveau gouvernement,
et
Washington
lui fournit aujourd'hui les secours qui jadislui venaient de Madrid. Mais VAtoieo de
Madrid
n'est plus, subventionné, ce quidu
reste n'aaucunement
dimiiuic le nom-bre des élèves : il a dépassé le chiffre de 1200. Les missions des sauvages, ai)andonnées à elles-mêmes, tombaient dans l'indi-gence absolue.Ruines matérielles ; il y avait pis.
Avec eux
les conquérants amenaient le ]irotestautisme, la libre pensée, l'indittérentisme politique pour la religion, lerégime de l'école officielle neutre.Dans
ce pays, jalousementfermé aux
infdtrations hétérodoxes, tout àcoup une
large brèche était faite, et l'erreur, sous toutes ses formes, allait s'y prêcipitej'. Et maintenant les tem-ples protestants se, multiplient,une
cathédrale épiscopalienne magnifique se dresse en plein Manille; partout les administra-teurs sont protestants,les maîtres d'école dissimulent à peine leurs tendances. Par bonheur, pris dans la masse, le peuple se méfie. Maisque
seront les jeunes générations ?Autres misères tout aussi graves. La guerre étrangèreavait été précédée et suivie de la guerre civile.
Nous
n'avons pas à insister sur les prétextes politiques.Des
Espagnols, les Philip-pins avaient réclamé la réforme des abus, l'égalité avec la race supérieure, l'admission des indigènes aux postes officiels.ÎN''obtenantpasassez à leur gré, ils s'étaientsoulevés.
Des
Améri-cains, ilsattendaient plus encore, lapleineindépendance:on
nela leurdonna
pas, et l'insurrection se retourna contre lesinaîtres nouveaux. Mais .on saitque
la révolte se compliquait de ques-tions religieuses.On
en voulaitaux moines
propriélairesetcurés.Ils avaient, quatre siècles auparavant, conquis les îles sur la barbarie, civilisé les indigènes, défrichéle sol, et, àla lettre,créé les Philippines. Ils en étaient encore le clei'gé presque exclu-sif, et clergé propriétaire.
En
1892 ils comptaient 4.777.891 paroissiens, les séculiers n'en ayantque
965.294. Situation par-faitement justifiée en droit historique, maisexceptionnelleaune époque
d'universelle laïcisation.Les sociétés secrètes entreprirent de la faire cesser, dût la prospérité de la colonie, disparaître
du
coup. Sur quoi.426 CHAPITRE V
odieuses
campagaes
de presse contre la religieux, accusés, je ne dis pas convaincus, de crimes intolérables. Et lepublic-européen
de faire chorus, et de se voiler la face devant le grand scandale clérical des Philippines.La
suite est connue. Durant la seconde révolte d'Âguinaldo, faits prisonniers par centaines, les pauvres religieux furent traités avecune
dureté honteuse :plusieurs y périrent.
Pen-dant quelque temps, les Tagals insurgés affectèrent de mettre les Jésuites à part. Simples éducateurs de la jeunesse, anciens, maîtres de plusieurs chefsen
vue,missionnaires des sauvages,ni curés, ni grands propriétaires,
on ne
leur voulaitaucun
mal. Mais la Franc-Maçonnerie finit par effacer toute distinc-tion:on
versait dans le pur anticléricalisme, eton
déclarai-tque
les Jésuites, curésou
non, ne valaient pasmieux que
les autres. Reste qu'en
somme,
dans les îlesdu
nord, ils eurent peu à souffrir.Deux
seulement tâtèrent de la prison.On
futmoins heureux
àMindanao.Le
soulèvement avaitgagné
.les villes et les bourgs de la côte, habités par lesVizayas.
Un
ordre partit
du
quartier général des insurgés, enjoignantde
se saisir des missionnaires et de leurs biensmeubles
et im-meubles; Par bonheur, les supérieurs de Manille eurent ventde
l'affaire. Ils écrivirentimmédiatement aux
missionnaires de quitter leurs chrétientés, et de venir attendre en lieu sur la lin de la révolte.Tous
ne purentobéir, etquelquesuns, avertis troptard, furent faits prisonniers.Sur
les catalogues de 1900, au lieu de la liste assezlongue de stations et de districts, avec leurs groupes de pères et de frères,on
lit cette-7Wte
:Rerum
publicarum perlurbatione reteiiti in op2ndo Cagagan, N. et N.suivent les