l'inter-médiaire d'un interprête qui comprenait à peine le français, parlait
un
dialecte congolais qui n'était pas celuidu
pays, et qui s'était fait chasser deLéopoldvillepour
fortes indélicatesses.Que
pouvait êtreune
enquêtefaite .dans ces .conditions?Un
84
CHAPITRE IIIsimple
résumé,
mais très exact, des préventions protestantes et anticléricales.Le
rapport n'en fit pasmoins
grand bruit.Les
supérieurs répondirent. Cette fois les plaintes furent en-tendues, et il y eut, de la part de l'Etat,un commencement
de réparation.Le
4 janvier 1906, leGouvernement du Congo
écrivit
aux
missionnairespour
louer leur zèle dans l'œuvrecom-mune
: ce n'était pasun désavœu
explicite des calomnies dont lerapport était plein, et dont l'Etat s'esttoujoursdéfendu
d'être responsable; c'était un terme honorable mis aux accusations.Bans
une convention passée avec le Saint-Siège, le- 26 'mai suivant, l'Etat déclarait « apprécier la part considérable des missionnaires catholiques dans sonœuvre
civilisatrice, w II le redisait en termes identiques dansun
rapport du 22mai
1907 et ajoutait : « Considérant leur concourscomme,
indispen-sableà la régénération de la race noire, et enraison de leur précieuse participationdans l'œuvre de l'enseignement, ilfavorise ledéveloppement
deleurs missionsen
leuroctroyant desterres, en leur accordant des subsides, en les aidantdans leur installa-tion matérielle».Espérons pour
le bien des noirs congolaisque
ces paroles encourageantes se traduiront à bref délai en actes solides. (1)(1) Voir Les Mismmnaires du Kwango et le. Rapport de la
Commi
sinon d'enquête, Bruxelles, 1906. Gh. Bulens.MADAGASCAR
CHAPITRE IV
MADAGASCAR
I
Parmi
les'régions africainesoù
les Jésuitesdu
XIX**siècleont travailléà l'extension dela foi, il enestune
quimériteune
placeà part. Si
Madagascar
aujourd'hui est terre française, à quila France le doit-elle?Aux
missionnaires, et, quelque mortifianteque
soitpour
cerlains la constatation dece fait,aux
missionnai-, res Jésuites.Les
essais lentes auXYIP
siècle (1619) par leurs confrères portugais, et surtout par les Lazaristes français (1648-1674),pour
porter l'Evangile à ce qu'on appelait alors l'île Saint-Laurent, avaient étésansrésultat durable.De
ceuxque
fitla Francepour
y fonderune
colonie, il lui restadu moins
certains droits de premier occupant, que, àl'occasion, elle sut faire valoir à ren-contre des prétentions anglaises.Nous
ne raconterons pas ces conflits. Disons seulement que,aux
droits « historiques »delà France
sur quelquespoints de la côteet sur le pays desSakaki-ves, très habilement,les politiciensanglaissurent opposer, chez leà vrais maîtres de l'île,une
action réelle, active, suivie, qui, logiquement, devait aboutir à faire deMadagascar une
colonie britannique et protestante.Depuis le
XVP
siècle, les Hova, peuple d'origine malaise, possédaient les provincescentrales.Dans
les environs de 1800,ils avaient étendu leur empire jusqu'à la côte, exerçant
une
souveraineté plus oumoins
efficace sur les Betsimisaraka del'est, surlespaisibles Betsiléo
du
Sud,surlesSakalavesdel'ouest,88
CHAPITRE IVremuants
et batailleurs.Us
avaientune ébauche
de civilisation,une
armée, <les finances,une
administration centralisée.Pour
religion,
un mélange
bizarred'élémentsjnalais,hindous, africains, arabes ; croyance vagueen un
Dieu suprême,beaucoup
de letichisme, de sorcellerie,de superstition; ni temples, ni autels, ni sacerdoce, mais culte des pierres sacrées et des amulettes;influence partagée entre les sorciers, artisans
du
mal, et les devins, gens bienfaisants, enfin le culte des morts.Le
christianisme leur apparut, il y a bientôt cent ans, sous saforme
protestante.Des
Anglais, venus en amis, sansmandat
officiel, simples marchands, fondèrent chez
eux
des maisons decommerce,
ouvrirent des écoles, se firent les éducateurs politiquesdu
peuple malgache.Us
profitèrent de leur situation privilégiée pour gagner des adeptes à leur culte.Us
les payaient bien, et, par des pensions toujours révocables, les enchaînaient solidementaux
intérêts' britanniques, conquête d'autant plus sérieusequ'elle était lente,insinuante et tranquille.En
1826, le R'' Jones comptait dans ses écoles 2000 enfantset4000
en 1830.Mais tout le
monde
n'acceptait pas ces infiltrations étran-gères.U
y avaitun
vieux parti national et idolàtrique : il n'attendait qu'une occasion pour réagir avec violence. L'occa-sion se présenta à l'avènement de RanavaloL Avec
cette reine fanatiqueetcapricieuse, instrument aveugle des devins indigènes,on
entra dansune
véritable période de terreur.Une
des premières victimes fut-un
prêtre fran<;ais,M.
de Solages,venu
en 1830 pour essayerd'introduire"le catholicisme chez les Malgaches. Ordre futdonné
de faire ledésertautour de ce«magicien »,—
c'estun
des procédéstraditionnelsdu
pays pour se débarrasser des gens sans coups ni blessures,—
etil
mourut
de faim, de misèreet defièvre, sur la routede Tana-narive.Vint ensuite le tour des protestants. Les ministres an-glais furent exilésen
1835.Beaucoup
de' leurs disciples furent massacrés et ils montrèrent, devant la mort,un
courage qui leur fait honneur.Le
christianisme fut proscritsous lespeines les plus sévères.Du
restepersonne n'était à l'abrides fureurs royales. Pas un indigène,fût-il le plus païen deshommes,
qui fût assuré du lendemain.Ce
régime odieux dura 30 ans.MADAGASCAR 89
.Fallait-il cependant renoncer à l'espoir de forcer la barrière
si obstinément close ?
A
tout lemoins
pouvait-on essayer d'ap-procher de la place, se tixer à portée de Madagascar, et là,dans les îles voisines, guetter l'heure favorable. Sur les ins-tances
du
préfet apostolique des«Ilesde lamer du
sud, »M.
Dalmond,
les Jésuites de la province deLyon
acceptèrentcette mission, (lîuvre d'autant plus délicate qu'ils étaient Français etque
la France à cemoment
favorisait les Sakalavcs eu guerre avec lesHo
va, reprenait surles Malgaches Sainte-Marie et FortDauphin
et s'établissait à Nossi-Bé. C'était en 1845.L'attente fut longue: huit ans, pendant lesquels
on
tra-vaillaaux
portes de la grande île, àBourbon,
à Nossi-Bé, à Mayotte.En
1853on
essayaune
mission en pays sakalave, à la baie de Baly, sur la côte ouest. Elle n'eutguère d'autre résultatque
vde faire connaître à ïananarive la présence en terre Malgache, de prêtres catholiques.Mais celamême
avait son importance.Justement il yavaitauprès de lareine
un
Français qui, sous main, travaillait aux intérêts de sa foi etde son pays.Ranavalo
persistait à tenir les ministres protestajits à l'écart,
mais
elle savaitne
pas se priver desEuropéens
utiles.M. Laborde
était son fondeur de canons. Il créait
pour
elledes menuiseries et des savonneries. Il faisaitmieux
: au princehéritier Rakoto,il inspirait l'amom' de la
France
etdu
catholicisme. Bref,un
jourune
lettre adressée par le"prince aux Pères de Baly, après de longs détours.arrivait àceux
deBourbon.
Ildemandaitaux
Jésuitesde se mettre en relationsavec lui.Peu
aprèsarrivaitàla capitaleun
autre Français qui sedonnaitpour
professeur demu-sique,
monteur
de théâtre, constructeur de ballons, fabricant de poudres médicinales. Il fut agréé, la reine le prit à son service. Cet habile liomme,aux
connaissances variées, ettoutes, ajoutons-le, également improvisées, sefaisaitappelerM.
Hervier.Qui pouvait deviner sous ces apparences
un
missionnaire catho-lique, le P. Finaz? C'était la réponse à la requête de Rakoto.Il resta là, étudiant le pays, préparant les voies, instruisant le prince. Cela dura jusqu'en 18S7.
Soudain éclata
un
complot. Poussés à bout par latyrannie grandissante de Ranavalo, les adeptes de l'Angleterre avaient90 CHAIMTRE IV
perdu patience. Ils voulaient mettre fin-à
une
situation où les confiscations, les exils, lesemprisonnements
se succédaient avecune
rapidité effrayante.La
reine, superstitieuse à l'excès,pour un
rêve,pour un
caprice, frappait des populations entières.La
misère étaitextrême.Les
protestantsdonc
s'organisè-rent en société secrète, avec le but précis de renverser- la reine.Le
complot fut découvert: les priants,comme on
les appelait, n'en furentque
plus persécutés ; puis tous lesEuropéens
furent reconduits à la frontière.Le
Père Finaz partit; mais son séjour lui avait été utile ; il connaissait lepays et il savait la langue. Quatre ans encore, et Ranavalo mourait.