du
paysavaitété complétée parla constitution de missions nou-velles confiéesaux
Pèresdu
Saint-Esprit, àceux
de Scheut-lez-Bruxelles, à d'autres encore venus presque tous deBelgique.En
1891,un
règlement de frontières entre l'Etat Libre et lePortugal
amena
unremaniement
des circonscriptions ecclé-siastiques.Le
roi pria les Jésuites belges de prendre làun champ nouveau
de labeur.Ilsavaient,pour
se récuser, de graves raisons : leur missiondu
Bengale se développait à cetteépoque
avecune
rapidité qui épuisait leshommes
et l'argent. Mais le roi insista.Dans
cette grandeœuvre
originale, qui était belge, sansdépendre
de la Belgique, à laquelle les catholiquesfla-mands
et wallons s'intéressaient si vivement, il convenaitque
toutes lessociétés de missionnaires belgesfussent représentées.Léon
XIIIordonna
d'accepter (1892), et l'année suivante les Jésuites étaient à leur poste. Ils y sont aujourd'hui aunombre
de 32 dont 16 prêtres.On
connaîtla configurationdel'Etat Libre : une porteresserrée sur l'Océan, entre leCongo
français et leCongo
portugais, puis, le longdu
fleuve,une bande
étroite divisée en quatre districts.A
400 kilomètres environ de la côte, la colonie s'élargitdémesurément
dans tous les sens et envahit le centre africain. C'est à cette espèce dedébouché
vers l'intérieur qu'était la mission doniiéeaux
Jésuites, dans le bassin secon-dairedu Kwango,
un territoire quatre fois grandcomme
laBelgique. •
L'œuvre
àcommencer
se rattacha d'abord à là croisade antiesclavagiste dont le hautCongo
était alors le théâtre.Des
milliers d'esclaves, adultes et enfants, se trouvaient libérés : il fallait leurs assurer l'avenir. Les adultes furent,
donc
enrôlés dans la« force publique«, c'est-à-dire dans la petitearmée
de .l'état congolais.On
les groupait en villages-casernes. Soldats laboureurs, ils partageaient leurtemps
entre le travail deschamps
et les exercices militaires.Ce que
ces régiments réalisaient, les colonies scolaires l'avaient préparé. Toutes les sociétés de missionnaires,au
début, reçurent de l'Etat le soin d'un de ces. orphelinats.L'AFRIQUE AUSTRALE 79
Quelques-unes les conservent encore. Les enfants y venaient de partout, ils.étaientdetoute race et de toute langue, enlevés
aux
arabesmarchands
d'esclavesou
ramassés dans les villages dévastés par la guerre.Le gouvernement
faisait les fraisde leur éducation. Mais d'autres catégories d'enfants étaientcomplète-ment
à la charge de la charité privée: orphelinsdu
pays, enfants,abandonnés ou
à l'égard desquels les parentsne
remplissaient pas leurs devoirs,ceux
enfin que, librement, les familles envoyaient à la mission. C'est aujourd'huil'im-mense
majorité; et,auKwango,
c'esttoutelapopulation scolaire.On
adû
renonceraux
colonies militaires oii lemélange
des races créait de trop grosses difficultés, et.du coup
il a fallu renoncer aux subsides officiels.Mais dans ces orphelinats est tout l'espoir
du Congo
chré-tien ; car des adultes il n'y a pas grand'chose à attendre.
Passé 18 à 20 ans, le nègre
ne
retient plus rien; les cases de lamémoire
sont combles.A
tous, garçons et filles, les Pères, aidés par les religieuses deNotre-Dame
deNamur,
apprennent des métiers. Sur le plan de la mission centrale, Kisantu, je note: tannerie, boulangerie, potager, menuiserie, forge, brasserie, cigarerie, cordonnerie, reliure. Il y a jusqu'àune
imprimerie, car la mission éditeun
petit journal mensuel, rédigé en partie par les Pères, en partie par les noirseux-mêmes. La
discipline est sérieuse et le régime est assez durpour
ne pas trop déshabituer les noirs de leurs façons de vivre ordinaire.Cette, grande école et les autres organisées sur le
môme
modèle ne
sont pas destinées à se développer indéfiniment.Ce
qui se développe et se multiplie, ce sont lesannexes
dont elles sont le centre.Nous
touchons iciau
côté vraiment originaldu
système.L'éducation terminée,
on
marie les enfants. Sil'écoledefilles n'a pas assez d'épouses à fourniraux
garçons, la mission en achète dansles villages voisins. L'achat, c'est laforme
tradition-nelledu
mariage congolais, et le missionnaire a souventbiendu temps
à perdre en palabresmatrimoniaux. Unions précoces:tout y gagne, la moralité, la population, le goût
du
travail.Cela fait,
on ne
clierche pasàretenirlejeune couple àl'ombre80 CHAPITRE
m
de l'école. Il aura lui aussi son rôle apostolique à jouer: il faut
que
par lui la foi et la civilisation rayonnentun peu
plus loin.Les
Jésuites ont compris qu'il y avait danger à prolonger trop longtemps leur tutelle; ilfaut éveiller dans l'âmelesenti-ment
de la responsabilité et de la prévoyance, sans quoi lenègre s'habituera à
né compter que
sur la mission, et il s'en-foncera dans son insouciance et sa paresse natives.Donc
lesdeux
mariés ironts'établiràcinq, dix, quinzelieues de là, iissez présd'un village infidèlepour nouer
desrelations ; assez loin pour n'être pas repris par le milieu.On
aura achetédu
chef l'autorisation de se tixer etdecommencer une
ferme.Le Père
a bâti à ses frais la case et y a joint une cliapelle;il fournit les instrumentsdetraA^ail, lessemences, le petit bétail.
A
ceménage
catéchisteon
confie des orphelins de la missionpour
lesformer
à la vieagricole. Lesnoirsdes environs seront peut-être tentés d'envoyereux
aussi leurs enfants apprendrela culture. C'est ce qu'on appelle
une
ferme chapelle. Elle vit de ses produits,lesvend
ù la mission.Le
système deproprié-té reste celui qui est en usage chez les noirs,
une
sorte de collectivisme qu'on retrouveun penchez
tous les peuples pri-mitifs.Le
sol estau
village ; la maison, le bétail, les fruits à lacommunauté
de la ferme.On
arendu
debeaux
témoignages auxrésultats ainsi obtenus.Un
voyageur fort peu chrétien, ancien boin'gmestre de Bru-xelles,M.
Gh. Buis, écrivait en 1899 : « Livrésun
certaintemps
àeux-mêmes,
obligés d'attendre de leurs. propres cultures et de leurs troupeaux leurs seulsmoyens
d'existence,' les élèves des Jésuites déploientune
. activité etune
initiative quine
se rencontrent pas chez lescatéchumènes
des autres missions : souventmême,
ils deviennent les chefs et les juges des villagesoù
ils sont établis.Ceux
qui obtiennent les meilleurs résultats sont citésau tableaud'honneuretleurexemple
sert d'émulation aux autres ; des petits cadeaux,
un
coq, des poules,une
chèvre, dessemences récompensent
les plus zélés. « (1)Les
Pères ne se font pourtant pas d'illusion surl'incons-(I) Croquis Gondolais. Bruxelles. 1899 p. I8.'5.
l'Afrique australe 81
tance etla profonde sauvagerie deleurs élèves. Aussiles survêil-lent-ils
du mieux
qu'ils peuvent, et ils répriment, lesabus
sans faiblesse. Ils visitent lesfermes
à la ronde, se font rendre des comptes,convoquent
à la mission centrale,pour
lesfêtes, les chefs de famille. Bref, ils ont toujours en
main
les fils
du
système et en suivent de près le fonctionnement.Mais ce n'est là qu'une haute police. Les noirs
ne
sont pas d'éternelsmineurs. L'autorité duprêtre est exclusivement morale et laisse libre jeu audéveloppement normal
de l'initiative.La
missionsecompose
aujourd'hui de sept résidences. L'une d'elles esttoutà l'extrémité delamission, au confluentdu Rwan-go
etdu
Kisaï;lesautres sont à 80,100,200
kilomètres au-dessous de Léopoldville,groupées autour delarésidencecentrale, Kisantu.Elles ontpensionnat degarçons etpensionnat de filles. Assez es-pacées les
unes
des autres, elles sont reliées par le réseau déjà serré des fermes-chapelles. Il y avait plus de 80 de ces annexes en 1900. Il y en a aujourd'hui près de 400.Les
résul-tats matériels ont été loués par tousceux
qui ont pu voirles cliosesde
près. Telrapport officiel constataitque
là seulementon
trouvaitde l'élevage, desroutesconvenables, nourriture abon-danteet travailpour
leshommes.
Les environs de Kisantu ont été transformés.Dans
l'aride savanepatiemment
défrichée,profondément remuée
parla charrue, poussent de belles planta-tions de manioc.De
grands travaux d'arrosage et d'irrigation ont été faits.La
flore a été enrichie par des importations des Indesou
d'Amérique.Tout
cela bienentendu suppose de grosses dépenses. L'Étaty contribue, maispour peu
de chose.Tout
est fourni par la charité des catholiques belges,heureux
de collaborer à cetteœuvre
de religion et de patriotisme.Maisilya plus et
mieux que
lerésultat matériel. Losexemples
partis des fermes-chapelles ont