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En 1885, l'Etat libre du Congo avait été constitué sous la haute présidence du roi Léopold II. L'organisation civile et militaire

Dans le document THE UNIVERSITY OF CHICAGO LIBRARY (Page 81-84)

du

paysavaitété complétée parla constitution de missions nou-velles confiées

aux

Pères

du

Saint-Esprit, à

ceux

de Scheut-lez-Bruxelles, à d'autres encore venus presque tous deBelgique.

En

1891,

un

règlement de frontières entre l'Etat Libre et le

Portugal

amena

un

remaniement

des circonscriptions ecclé-siastiques.

Le

roi pria les Jésuites belges de prendre

un champ nouveau

de labeur.Ilsavaient,

pour

se récuser, de graves raisons : leur mission

du

Bengale se développait à cette

époque

avec

une

rapidité qui épuisait les

hommes

et l'argent. Mais le roi insista.

Dans

cette grande

œuvre

originale, qui était belge, sans

dépendre

de la Belgique, à laquelle les catholiques

fla-mands

et wallons s'intéressaient si vivement, il convenait

que

toutes lessociétés de missionnaires belgesfussent représentées.

Léon

XIII

ordonna

d'accepter (1892), et l'année suivante les Jésuites étaient à leur poste. Ils y sont aujourd'hui au

nombre

de 32 dont 16 prêtres.

On

connaîtla configurationdel'Etat Libre : une porteresserrée sur l'Océan, entre le

Congo

français et le

Congo

portugais, puis, le long

du

fleuve,

une bande

étroite divisée en quatre districts.

A

400 kilomètres environ de la côte, la colonie s'élargit

démesurément

dans tous les sens et envahit le centre africain. C'est à cette espèce de

débouché

vers l'intérieur qu'était la mission doniiée

aux

Jésuites, dans le bassin secon-daire

du Kwango,

un territoire quatre fois grand

comme

la

Belgique.

L'œuvre

à

commencer

se rattacha d'abord à croisade antiesclavagiste dont le haut

Congo

était alors le théâtre.

Des

milliers d'esclaves, adultes et enfants, se trouvaient libérés : il fallait leurs assurer l'avenir. Les adultes furent,

donc

enrôlés dans la« force publique«, c'est-à-dire dans la petite

armée

de .l'état congolais.

On

les groupait en villages-casernes. Soldats laboureurs, ils partageaient leur

temps

entre le travail des

champs

et les exercices militaires.

Ce que

ces régiments réalisaient, les colonies scolaires l'avaient préparé. Toutes les sociétés de missionnaires,

au

début, reçurent de l'Etat le soin d'un de ces. orphelinats.

L'AFRIQUE AUSTRALE 79

Quelques-unes les conservent encore. Les enfants y venaient de partout, ils.étaientdetoute race et de toute langue, enlevés

aux

arabes

marchands

d'esclaves

ou

ramassés dans les villages dévastés par la guerre.

Le gouvernement

faisait les fraisde leur éducation. Mais d'autres catégories d'enfants étaient

complète-ment

à la charge de la charité privée: orphelins

du

pays, enfants,

abandonnés ou

à l'égard desquels les parents

ne

remplissaient pas leurs devoirs,

ceux

enfin que, librement, les familles envoyaient à la mission. C'est aujourd'hui

l'im-mense

majorité; et,au

Kwango,

c'esttoutelapopulation scolaire.

On

a

renoncer

aux

colonies militaires oii le

mélange

des races créait de trop grosses difficultés, et.

du coup

il a fallu renoncer aux subsides officiels.

Mais dans ces orphelinats est tout l'espoir

du Congo

chré-tien ; car des adultes il n'y a pas grand'chose à attendre.

Passé 18 à 20 ans, le nègre

ne

retient plus rien; les cases de la

mémoire

sont combles.

A

tous, garçons et filles, les Pères, aidés par les religieuses de

Notre-Dame

de

Namur,

apprennent des métiers. Sur le plan de la mission centrale, Kisantu, je note: tannerie, boulangerie, potager, menuiserie, forge, brasserie, cigarerie, cordonnerie, reliure. Il y a jusqu'à

une

imprimerie, car la mission édite

un

petit journal mensuel, rédigé en partie par les Pères, en partie par les noirs

eux-mêmes. La

discipline est sérieuse et le régime est assez dur

pour

ne pas trop déshabituer les noirs de leurs façons de vivre ordinaire.

Cette, grande école et les autres organisées sur le

môme

modèle ne

sont pas destinées à se développer indéfiniment.

Ce

qui se développe et se multiplie, ce sont les

annexes

dont elles sont le centre.

Nous

touchons ici

au

côté vraiment original

du

système.

L'éducation terminée,

on

marie les enfants. Sil'écoledefilles n'a pas assez d'épouses à fournir

aux

garçons, la mission en achète dansles villages voisins. L'achat, c'est la

forme

tradition-nelle

du

mariage congolais, et le missionnaire a souventbien

du temps

à perdre en palabresmatrimoniaux. Unions précoces:

tout y gagne, la moralité, la population, le goût

du

travail.

Cela fait,

on ne

clierche pasàretenirlejeune couple àl'ombre

80 CHAPITRE

m

de l'école. Il aura lui aussi son rôle apostolique à jouer: il faut

que

par lui la foi et la civilisation rayonnent

un peu

plus loin.

Les

Jésuites ont compris qu'il y avait danger à prolonger trop longtemps leur tutelle; ilfaut éveiller dans l'âmele

senti-ment

de la responsabilité et de la prévoyance, sans quoi le

nègre s'habituera à

né compter que

sur la mission, et il s'en-foncera dans son insouciance et sa paresse natives.

Donc

les

deux

mariés ironts'établiràcinq, dix, quinzelieues de là, iissez présd'un village infidèle

pour nouer

desrelations ; assez loin pour n'être pas repris par le milieu.

On

aura acheté

du

chef l'autorisation de se tixer etde

commencer une

ferme.

Le Père

a bâti à ses frais la case et y a joint une cliapelle;

il fournit les instrumentsdetraA^ail, lessemences, le petit bétail.

A

ce

ménage

catéchiste

on

confie des orphelins de la mission

pour

les

former

à la vieagricole. Lesnoirsdes environs seront peut-être tentés d'envoyer

eux

aussi leurs enfants apprendre

la culture. C'est ce qu'on appelle

une

ferme chapelle. Elle vit de ses produits,les

vend

ù la mission.

Le

système de

proprié-té reste celui qui est en usage chez les noirs,

une

sorte de collectivisme qu'on retrouve

un penchez

tous les peuples pri-mitifs.

Le

sol est

au

village ; la maison, le bétail, les fruits à la

communauté

de la ferme.

On

a

rendu

de

beaux

témoignages auxrésultats ainsi obtenus.

Un

voyageur fort peu chrétien, ancien boin'gmestre de Bru-xelles,

M.

Gh. Buis, écrivait en 1899 : « Livrés

un

certain

temps

à

eux-mêmes,

obligés d'attendre de leurs. propres cultures et de leurs troupeaux leurs seuls

moyens

d'existence,' les élèves des Jésuites déploient

une

. activité et

une

initiative qui

ne

se rencontrent pas chez les

catéchumènes

des autres missions : souvent

même,

ils deviennent les chefs et les juges des villages

ils sont établis.

Ceux

qui obtiennent les meilleurs résultats sont citésau tableaud'honneuretleur

exemple

sert d'émulation aux autres ; des petits cadeaux,

un

coq, des poules,

une

chèvre, des

semences récompensent

les plus zélés. « (1)

Les

Pères ne se font pourtant pas d'illusion sur

l'incons-(I) Croquis Gondolais. Bruxelles. 1899 p. I8.'5.

l'Afrique australe 81

tance etla profonde sauvagerie deleurs élèves. Aussiles survêil-lent-ils

du mieux

qu'ils peuvent, et ils répriment, les

abus

sans faiblesse. Ils visitent les

fermes

à la ronde, se font rendre des comptes,

convoquent

à la mission centrale,

pour

les

fêtes, les chefs de famille. Bref, ils ont toujours en

main

les fils

du

système et en suivent de près le fonctionnement.

Mais ce n'est qu'une haute police. Les noirs

ne

sont pas d'éternelsmineurs. L'autorité duprêtre est exclusivement morale et laisse libre jeu au

développement normal

de l'initiative.

La

missionse

compose

aujourd'hui de sept résidences. L'une d'elles esttoutà l'extrémité delamission, au confluent

du Rwan-go

et

du

Kisaï;lesautres sont à 80,100,

200

kilomètres au-dessous de Léopoldville,groupées autour delarésidencecentrale, Kisantu.

Elles ontpensionnat degarçons etpensionnat de filles. Assez es-pacées les

unes

des autres, elles sont reliées par le réseau déjà serré des fermes-chapelles. Il y avait plus de 80 de ces annexes en 1900. Il y en a aujourd'hui près de 400.

Les

résul-tats matériels ont été loués par tous

ceux

qui ont pu voirles clioses

de

près. Telrapport officiel constatait

que

seulement

on

trouvaitde l'élevage, desroutesconvenables, nourriture abon-danteet travail

pour

les

hommes.

Les environs de Kisantu ont été transformés.

Dans

l'aride savane

patiemment

défrichée,

profondément remuée

parla charrue, poussent de belles planta-tions de manioc.

De

grands travaux d'arrosage et d'irrigation ont été faits.

La

flore a été enrichie par des importations des Indes

ou

d'Amérique.

Tout

cela bienentendu suppose de grosses dépenses. L'Étaty contribue, mais

pour peu

de chose.

Tout

est fourni par la charité des catholiques belges,

heureux

de collaborer à cette

œuvre

de religion et de patriotisme.

Maisilya plus et

mieux que

lerésultat matériel. Los

exemples

partis des fermes-chapelles ont

eu

leur influencejusque chezles infidèles,qui

commencent

à

comprendre

les avantages

du

travail.

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