vivres réglementaires, étaient obligésdegrappillerquelque
chose
dans les étables à porcs; mais ils restaient à la mission. Etle palais scolaire avec son électricité, son calorifère, son garde
manger
bien garni, demeurait vide. Il n'en était pas demême
partout, bien entendu, et la lutte s'imposait avec les écoles officielles sans Dieu, souvent hélas ! très fréquentées.
Alors, à défaut
du gouvernement,
la charité privée vintau
secours.Une
société se.fonda pourla « préservationdela foichez les enfants indiens». Rien qu'en 1903, les catholiques dépen-sèrenten
faveur des écoles[TiAM
dollarset197.780 en 1903, Mais kl persécution scolaire à l'état aigu avait duré sept ans.Depuis elle s'est atténuée. Hierencore le
gouvernement
passaitun
contrat avec les Jésuites de St Francis Mission au Dakota,pour un
boardiny school indien, destiné i\ 2oO enfants, etcela à la grande colère des protestants.' Il estmême
arrivé parfois que, sous main, par l'intermédiairedu
«Bureau
catholique)), legouvernement
faisaitparveniraux-écolesdessubventions prove-nant des fonds publics etde
réserve, qui appartiennentaux
Indiens mais restent entre les mains de l'Etat, leur tuteur.Du
reste, au plus fort de la persécution scolaire, lesœuvres
catlioliques avaient trouvé,
même
chez les protestants, d'ardents apologistes. Ainsi plusieurs fois le sénateur Vest,du
Missouri,s'est constitué,devant les
commissions
parlementaires, l'avocat des Indiens catholiques du Montana. Il s'en est presquefaitune
spécialité. (1)
Il était, raconte-t-il, parti en inspection dans les
montagnes
Roclieuses, plein de préjugés. Il en revint déclarant : «Dans
cevoyage deplusieurssemaines, je n'ai pasrencontréune
seule école faisant vraimentœuvre
d'éducation, ailleursque
sousla direction des Jésuites. Je n'ai pasvu une
seule écoledu
gou-vernement, etsurtoutpas un seul deces externats ant vantésoù
l'onfîtquoi
que
ce soitquivaille.... J'ai voulu, au cours demon
enquête, leur
demander un
oudeux
écolierscomme
interprètes;ils
ne
savaientqu'unechose, voler leschevaux
qui paissent dansla plaine. Mais dans cet art, le général Shéridan
en
conve-(I)Nons avons sous les yeux deux rapports de M. Vost, l'un de 1834, -l'autre de 1900.
AMÉRIQUE DU NORD 85
nait avec moi, ils n'ont pas leurs pareils.
Leur temps
d'écolefini, ils retombent dans lasauvagerie.
«Mais
voyez les écoles -catholiques. Voilà cinquante ansque
les Jésuites sont chez les Indiens. Quel est lerésultat?
Parmi
ces tribus Shoshones, Arapahoes, Gros-Ventres, Pieds-Noirs, Pieganes, River-Crows, Bloods, Âssiniboines, le seul rayon de lumièreque
j'ai trouvé, c'était chez les Têtes-Plates, dans les écoles des Jésuites. » Etle sénateur poursuit décrivantces écolesoù
les boys indiens apprennent les métiers utiles, gardent les troupeaux, l'ontmarcher
les moulins, travaillent àla forge, bâtissent les maisons. « Jamais, dans les Etats, ajoute-t-il, à égalité d'âge, je n'ai assisté à de meilleurs examens.«Et d'oîi vient celte différence ? Elle tient à ce
que
le mis-sionnaire catholique consacre entièrementsa vie à sonœuvre.
« Prenez
un
clergyman protestant, envoyez-le dans l'Ouest, aussi actif et aussi zéléque
vous voudrez; il y va avec ses liens de famille, il y va jetant des regardsen
arrière vers la civilisation, il y va par devoir, ne se dévouant qu'a moitié à cette vie pénible. Prenezun
Jésuite.Que
fait-il ? Moitié soldat, moitié prédicateur, il est de la «Compagnie
de Jésus «; iln'a à luique
sa robe noire sur le dos. Si, en pleine nuit, ilregoit
du
chef de laCompagnie
l'ordre de se lever et d'alleren
Asie, il se lève et part... Il n'est plus dumonde.
J'aicausé avec le P. Ravalli à la mission Saint-Mary. Voilà
42
ans qu'il estau
Montana,, chez les Indiens. Il leur adonné
sa vie. Il étaitvenu
d'ttahe, excellent médecin.Quand
je l'ai vu, dans sa petitechambre
de mission, il était couché, cloué sur son lit depuis cinq ans, mais administrant toujours des remèdes, et,à l'occasion, faisant de la chirugie. Toute la viede cethomme
a étédonnée
à cetteœuvre.
Quel estle résultat?Aujourd'hui les Têtes-Platessontcent fois plus avancésdans la civilisation
que
n'importequel,Indien,du moins
dansle Montana.». Et le sénateur concluait: «Si, detoute
ma
carrière politique,il
me
resteune
fierté, c'est d'avoir obtenu àl'école industrielle de Saint-Ignace, au Montana, une" subventionde 10,000 dollars.Me
rendant à la côte du Pacifique quelques années après, je m'arrêtaipour
visiter cette école.Au
bruit demon
arrivée, la fanfare des boys vintme
recevoir à la gare.,.. Je pénétrai36 CHAPITRE PRE3FIER
dans la maison, les enfants y étaient occupés à confectionner-chapeaux, casquettes, bottes, souliers.
On
y voyait tous les métiers depuis lemaréchal-ferrant etlemeunier
jiiscpi'au cocher et au pâtre. Filles et gar(;ons, auterme
de leurs études, fon-daientdesfoyers aussi honorables, aussidévoués
auchristianis-me
qu'aucunefamilledesEtats-Unis. Mais ilsétaient catholiques :pour
certaines gens {VA.P. E.) c'estun
crime. «Le
sénateur Vest n'est point catholique. « Je suisprotestant, dit-ll,né
protestant, élevé protestant, de la vieille église presby-térienne d'Ecosse, et jecompte
bien mourir protestant.Dans ma
])etite enfance,on
m'a apprisque
lesJésuitesontdes cornes,une
queue, des pieds fourchus et exhalentune
vague odeur de soulre. »VU
Et maintenant oii en sont les choses? L'Indien continue à disparaître. Les missionnaires prévoient lejour
où
leui-sœuvres
dans le Montana, leWyoming,
l'Idaho aurontcomplètement changé
d'objet.Fondées
pour lesPeaux
Ptouges, elles ne trou-veront devant ellesque
des blancs, des jaunes aussi peut-être, avec de rares ilôts de sauvages civilisés et fixésau
sol. Déjàaux montagnes
Rocheuses, il faut administrer des paroisses exclusivementcomposées
de blancs.On
apour eux
ouvert lesdeux
collèges deSpokane
et de Seatle. Les fondateurs de la mission, s'ils revenaient aumonde,
devj-aient, poui- retrouver leurs vrais sauvages de 1840, passer dans la Colombie Brita-nique, sur le territoire des Pères Oblats de MarieImmaculée.
Aux
ELtats-Unismême
cependantilya encorefort à faire, etil s'en fautque
tous les Indiens soient convertis. oo.OOOseule-ment
sur 520.000 sont catholiques; 90.000 en 1903 étaient protestants.Le
restedemeure
idolâtre. Sur cenombre,
la'part des Jésuites,aux montagnes
Rocheuses, est d'un peu plus de 10.000 fidèles,un
tiers de la population indienne. Ils sont répartis en 17 postes sur les cinq états deWyoming,
Montana, Idaho, Wasliington et Orégon.Les
principales tribus-évangéli-séessont lesPieds-Noirs, les Assiniboines, les Gros-ventres, les Corbeaux, les Shoshones,lesAraphoes, lesNez-Persés, lesPends
d'Oreilles, les
Cœurs
d'Alêne, les Kalispels, les Spokanes. lesAMÉRIQUE nu ?{ORI) 37
Okanagans, les Yakimas. Tribustrèsinégales
comme
importance et très inégalement conquises par le christianisme. Elles sont toutes confiéesaux
Jésuites de la province de Turin, parmi lesquels travaillentnombre
de Français : en tout lo9 mission-naires dont 71 prêtres.Depuis I880, les Jésuites allemamls ont eu aussi leur mis-sion chez les Sioux
du
Dakota : ^ prêtres, 3 scolastiques, 21 frères coadjuteurs ; ce dernierchiffre indique assez l'importan-cedonnée
aux écoles industrielles. Mais ces stations viennent d'être rattachéesà celles desmontagnes
Rocheuses.Les
Jésuites s'y partagent plus de 10.000 catholiques avec les pèresBéné-dictins.
A
ces missions indiennes des Etats-Unis, ajoutons cellesdu
Canada, Rentrés en 1842 sur cette terre autrefois témoin des labeurs héroïques desBrébeuf
et des Lallemand, des Jogueset desChaumonot,
ils s'étaient sans tarder mis en quête de ce qui pouvait rester de sauvages sur les bords des grands lacset'
du
Saint-Laurent.Là comme
ailleurs lespremières stations ontdû
disparaître devant le progrèsincessant delacivilisation et desblancs.Aujourd'hui le centre desœuvres
indiennes con-fiéesauxJésuites canadiensest dans l'ilé Manitouline (lacHuron).lyiais les
Peaux Rouges Odjibwées
sont loin d'absorber toutel'activité des missionnaires.
Eux
aussi, les blancs,' réclament leur large part de soins et de travaux. Il faut s'occuper des cliasseurs, mineurs,fermiers, bûcherons, ouvriers detoutesorte, épars le long du. Central Pacific Railivayou
au fond des forets. Paroisses flottantes, qui exigentdu
prêtre une vraie vie denomade,
toujours encanot surles rivièresou entraîneaux sur la neige, à la recherche de sesouailles. Il faut aller re-lancer lesmoindres
groupesà de grandes distances, porterles sacrements aufond des bois, à desâmes
qui, sans cela, n'en-tendraient jamais parler de Dieu, retourneraient à l'infidélitéou
seraient-la proie des protestants. Profitmédiocre
en appa-rence,abondance
de croix. « Mais quoi, disaitun
mission-naire, le travailne
serait point fait, sinous
n'étions làpour
le faire, car dans ce désert, iln'y a pas d'autres prêtres