min. Les Têtes-Plates, n'ayant reçu
aucune
réponse, renouve-lèrent l'ambassade en 1835.On
leur fit debonnes promesses
:AMÉRiaUE DU NORD 23
pour
l'heureon
ne pouvait davantage. Ilsrevinrent àla charge en 1837, mais les envoyésfurent tuésau passage par lesSioux.Eniîn en 1839, de
nouveaux messagers
rapportèrent labonne
nouvelle : encoreun
an, lesRobes
Noiresseraient chezles Têtes-Plates. Les négociations avaient duré neuf ans.Donc, au printemps de 1840, le
Père
Pierre de Sniet par-tait et le14juillet ilparaissait au rendez-vousoù
1600 sauvages l'attendaient.Ce
fut un triomphe.ïouf
le peuple y prit part.Si
on
l'eût laissé faire, le vieux chef aurait abdiqué entre.les mainsdu
Père.Le
soir,deux
cents Indiens se groupèrent devant sa tente,pour
chanter des cantiques deleur façon. Lesâmes
étaient admirablement préparéesàrecevoir l'Evangile. Lesprières furent vite apprises et expliquées.
En deux mois
il y eût 600 Indiens prêtspour
lebaptême.Tous
nedemandaient
qu'à êtrebons
chrétiens. « Père, disaitJe chef des Pandéras, j'ai longtempsvécu
dans l'ignorance. Alors je faisais lemal
sansle vouloir : il se peutque
j'aie déplu auGrand
Esprit. Mais lorsque,mieux
instruit, j'ai suqu'une choseétaitmauvaise, j'y ai renoncé, et je ne
me
souviensplus d'avoir ensuite offenséDieu volontairement ».Le Père
de Smet, après unmois
etdemi, quitta lesTêtes Platespour
retourner à Saint-Louis.On
pleurabeaucoup
: «Robe
Noire, lui dit le vieux
Grand
Visage,que
leGrand
Espritvous accompagne
dansvotrelong voyage.Nous formerons
desvœux
soir etmatin,
pour que
vous arriviezsainetsaufparmi vosfreines à Saint-Louis.Nous
continuerons àformer
cesvœux
jusqu'àvotre retourparmi vosenfants des montagnes.
Lorsque
lesneiges disparaîtrontdesvalléesaprèsl'hiver,lorsquelaverdurecommen-cera àrenaître, nos
cœurs
si tristes à présentcommenceront
à seréjouir.A mesure que
le gazon s'élèvera, notre joie devien-dra plus grande.Lorsque
lesplantes fleuriront,nous nous
remet-trons en route pourvenir à votre rencontre. Adieu. «Au
retour, il falluttraverserlestribusennemies, Pieds-Noirs Gros-Ventres, Sioux. Mais, dès qu'on savait qu'il y avait Jàune
Robe
Noire, les casse-têtess'abaissaient, et lesmenaces
se chan-geaient en triomphe.Chez
les Pieds-Noirs,on fit assoirlePère
surune
peau de buffle : sans se douter de rien, il se laissa faire. Mais voilàque
douzehommes
le prennent, le soulèvent et le portent jusqu'au village,comme
surun
pavois.24 CHAPITRE PREMIER
Au
printemps de 1841, le missionnaire reparaissait au milieu (lèsesPeaux-Rouges
avec descompagnons,
le P.NicolasPoint, vendéen, le P. Grégoire Mengavini, romain, et trois frères.La
missiondesmontagnes Rocheuses
étaitfondée.En
1846ellecomp-tait déjà onze prêtres.
Elle lïit vite populaire. Les évèques desEtats-Unis, dans
un
concile, à Baltimore, saluaient deloin lesnouveaux
apôtresdu
continent rouge.Le Père
deSmet
devint légendaire de son vivantmême,
dans lescampements
sauvagescomme
enFrance
et en Belgique.
Le nom
des Tétes-Plates, desCœurs
d'Àlène, des Pieds-Noirs, i'ut bientôt plusconnu
enEurope
qu'enAmé-rique
même.
C'était le temps,pour
les missionnaires, des lon-gues chevauchées à travers prairiesetmontagnes, des aventures, des naufrages, des découvertes.Un
chapitre inattendu s'ajoutaitaux
descriptions de Chateaubriand etaux romans
deFenimore
Cooper.Dans
les Annales de lu Propagation dela Foi, les récitsdu
P. de Smet,du
P. Point et de leurscompagnons
alternaient avec les nouvellesde martyrevenues
d'Indo-Cliine, l'idylleavecla tragédie.
Ce
n'est pas qu'il n'y eût de terribles taches de prose dans cette histoire :toutes lestribus n'étaientpaségale-ment
prêtes à recevoir l'Evangile. Plusieurs étaient féroces, d'autres corrompues. Là où entrait l'ivrognerie, c'étaitconnue un
enfer qui s'ouvrait. Maisque
de pages cliarmantes! Les missionnaires constataient parfois chez leurs grands enfants une pureté demœurs, une
honnêteté,une
simplicitéévangéli-que
ravissantes. Il leur arrivait, revenant dansune
tribu, aprèsune
longue absence, et entendant les concessions, de ne pas trouverun péché
mortel.En
quatreou
cinq ans, la mission pritune
extension assez considérable.La
première année, le P. deSmet
avait fondé pour les Tôtes-Plates la station de Sainte-Marie.Quand peu
après il retourna à Saint-Louis, pour, de là, gagner rEuro])e et faireun
appel auxâmes
généreuses, il pouvait porter la nouvelle qu'enun
an, l'on avaitconverti16M
Indiens.Pendant
ce temps, le P. Point visitait, sans lieaucoup de succès, les Pieds-Noirs, puis fondaitpour
lesCœurs
d'Alène lamissiondu
Sacré-Cœur, et les initiait à l'agriculture.En
1844 le village comptait déjàune
centainede familles chrétiennes.AMERIQUE DU NOBD
De nouveaux
missionnairesarrivaient.On
envoyaitdeux
prêtres(le Saint-Louis, et trois frères.
Le
père de Smet, à la fin de 1843, se rembarquaitàAnvers
avec quatre pères, un frère, et six. religieuses. Bientôt les Kalispels et les Pend-d'Oreilles avaient leurs missions, quiellesmêmes
servaientde centrepour visiter les Zingomènes, les Sinpoils, lesOkinagans, les Flatbows, les Koetenays.Le
P. deSmet ne
cessait de parcourir les prai-ries et lesmontagnes
entre leSaskatshawan
etla rivièreColom-bia, suivant dans leurs déplacements sans fin, les
Corbeaux
et les Âssiniboines.Pendant
ce temps, le P.Hoecken
achevait la conversion desSbuyelpi, le P. Nobili plantait la croix cliez les Sioushvvaps, les Ghilcotins et autres peupladesdu
nord.Maintenantla mission de l'Orégon avait assezprogressé
pour
qu'on lui donnât son organistion définitive.M.
Blanchet, le plus ancien missionnairedu
FarWest
futnommé
vicaire apos-tolique, etpeu
de temps après archevêque d'Orégon-City. (1) Vers cetemps
là on estimait à 3400 lenombre
des Indiens catholiques auxmontagnes
Rocheuses.Pendant ce
temps
la mission cherchait à s'étendre versl'estet le sud-est,
comme
pour rejoindre celledu
Kansas.Le
P.de
Smet
nmltipliait ses tentatives auprès des Sioux, l'un des peuples les plus redoutés du Missouri central. Il n'y gagnait qu'une grande influence personnelle.Le
P. Point étaitun peu
plusheureux
chez les Pieds-Noirsoù
il convertissaitune
cen-taine d'individus (1848).Elleaussi la mission
du Kansas
avait progressé.On
avaitpour
les Osages fondé, surle.Neosho, l'église Saint François de
Hié-ronymo,
et pour, lesMiamis
celle du Marais des Cygnes. Vers 1850on
évaluait lapopulation indienne catholique des environs à6000
âmes.Le moment
étaitvenu
de séparer cette régiondu
diocèse de Saint-Louis.Le
Père J.-B. Miège, français, futnommé
vicaire apostolique ÛQ l'Indian territory, etsefixa chez les Pottowatomies.(1)A son relour dansl'Orégon
comme
archevêque,Mgi- Blanchetamena quelques Pères Oblals de Marie Immaculée. C'est l'origine de leur belle mission de laColombieBritannique.26 CHAPITRE l'REMIEU
IV
Mais déjà, surtout au Kansas,
on
se demandait si l'on tra-vaillaitpour
un bien lointain avenir.Le mouvement
en avant de la population blanche continuait toujours.Devant
elle, les indigènes,ou
reculaient encore,ou
bien disparaissaient.Plus d'une région,où naguère
on
avait évangélisé lesPeaux-Rouges
n'en possédait plusun
seul.A
l'apostolatdes sauvages succédait celui,moins
consolant parfois, s'il étaitordinairementmoins
rude, des civilisés.Ainsi du.Kansas.
Le
flot d'émigration grossissantd'année en an-née, lessauvages vendentplusou moins
librementleurs terres et sont refoulés versle sud.Un
de ces exodeseut lieu en 1854.Immédiatement,
enun
an, 30,000 émigrants se jettent sur le pays. Sixansplus tard,découverte demines
d'or àPiké'sPeak,etnouveau
tlotd'arrivants. Partoutdes villesse fondent; leKansas
n'est plus reconnaissable. Autre vente de terrains en 1869 : les Osages
abandonnent aux
blancsneufmillionsd'acresets'éloignenlLes
Jésuites,spécialementl'infatigablePère
Ponziglione,continuent àles visiterdans leur nouvelleréserve. Ilss'en occupent jusqu'en 4892,même
alorsque
l'Indian territory, constitué préfecture apos-tolique, auraété confiéaux
Bénédictins.La
mission fondée parle P.Van Quickenborn
s'esttransformée.Depuis 1840 elle est
devenue
la vice-province, puis laprovincedu
Missouri.Le
vicariat apostolique a disparu, remplacé par lesdeux
diocèses deLeavenworth
et Nébraska.Or eux
aussi les civilisés envahisseurs avaient grand besoin qu'on s'occupât d'eux.Leur
afflux continuel danslesterritoiresnouveaux
futpour
lesJésuites l'occasiondeplusieurs fondations importantes. Jene
parle pas de leur rentrée auCanada
en1842 sur l'initiative deMgr
Bourget,évoque
de Montréal. Mais, dès 1838, l'évèquedelaNouvelle-Orléans,Mgr
Blancavaiten personnefait le voyage de France pour en
ramener
quelques Pères.La
province deLyon
les lui fournit, et de 1840 à 1880, elle con-tinua à envoyer des sujets en Louisiane.Cette
même
année 1838,le père Héliasd'Huddeghem,
belge, se faisait l'apôtre des émigrés allemands, dans les districts deAMÉRIQUE DU NORD 27
Colebroke,.deGasconade, des Osages. Il fondait
pour eux
la ville deNew-Wesphalie. Au
début ilavaitdans sa paroisseimproviséeune
centaine de familles; ilen
avait 600en
1840. Sa mission, étendue surun
espace de 600 milles carrés,comprenait dès l'ori-gine 48 stations.En
1846,elle en avait 23. Partout au Kansas,ilfallaitorganiser écoles et paroisses.
A
lui seul, le P. Colleton, desaumônes
recueillies cliez les ouvriers qui construisaientun chemin
de fer, put élever vingt églises et presbytères.Vers le milieu
du
siècle, ia Révolution sembla vouloir se charger de fournir des apôtres aunouveau monde. En
1859, des Jésuites expulsés de Suisse vinrent se consacrer aux colonies allemandes du Visconsin etdu
Minnesota.En
1831, c'est le tour des Jésuites expulsésdu
Piémont, qui fondent des collègesen
Californie.En
1867 lesbannis de Naples arriventau
Nouveau-Mexique, d'où en 1884, sur l'appeldeMgr
Machebeuf, ils iront au Colorado fonder le collège de Denver.En
1873, des expul-sésdu Mexique
s'établissent demême
au Texas.Dans
toutes ces régions neuves,on
se trouvaiten
face d'une population bigarrée,venue
des quatre coinsdu
globe, sans foi ni loi le plus souvent, avide d'argent et d'aventures.Sur le
nombre
il y avait des cathoUques italiens, canadiens, allemands, mexicains, qu'il fallait tâcher desoustraire à la con-tagion protestante,ou
reconquérir sur l'indifférence.Pour
les administrer, quelques rares prêtres autour d'unévêque
mission-naire.
Dans
lamesure de
leursmoyens,
les Jésuitesnouveaux venus
se mettaient à la disposition des ordinaires,pour
les écoles, les collèges, les missions..Ils en feront autantauBrésil, en Australie, partoutoîi se jjortent les grands Ilotsd'émigration.Suppléer au
manque
de clergé local, lui laisser letemps
de se former, de s'organiser, et, en attendant,visiter, grouper, ad-ministrer les fidèles épars surun
territoireimmense:
labeurs obscurs dont il est impossible d'écrire l'histoire, mais donton
peutmesurer
l'efficacité encomparant
l'étatprésent del'Eglise en ces jeunes régions à ce qu'il était il y aun
demi-siècle.Là
où, vers1840, lemissionnaireari'ivaiten chars àbœufs,ou
achevai, n'avançant qu'avecprécautions, craignant àchaque
pas d'être surprispar quelquepartideSioux
ou d'Apaches,aujourd'hui, les églises sont organisées, lenombre
des catholiques a grandi,28 CHAI'ITRE l'REMIER
dans une
mesure
qu'on voudrait plusen
proportion avecl'accrois-semont
total dela population, mais notable encore. Lesœuvres
les plusvitales l'onctionnent.
Pour
ne parlerque
d'une d'entreelles, en
Amérique comme
ailleurs, les Jésuites ont consacréle meilleur deleursressources eldeleurpersonnelau
grand labeur de l'éducation.A
peine fixés àSaint-Louis,ils avaient l'ondéun
collège, c'est aujourd'hui une grandeuniversité.En
Louisianeils onttrois col-lèges: Spring-liill, laNouvelle-Orléans, Galveston.En
Californie,ceux
de Sauta-Clara, San-José et de San-Francisco ; celui deDenver
au Colorado;ceux
deSpokane
etdeSeattleauxmontagnes Rocheuses
; et enfin dansla mission allemande ceux de Bulïalo, Cléveland, Prairie-du-chien et Tolédo.A
quoiil faut ajouter es neuf collèges de la provincedu
Maryland, les septdu
Missouri,et les trois
du
Canada.Pays
classique de la liberté, les Etats Unis,on
le voit, ne redoutent guère l'enseignement congréganiste etjésuitique.A
côté de ces importants centres d'instruction, segroupent beaucoup
d'œuvres intéressantes, crééespour
répondreaux
besoins croissants del'émigration,œuvres
des Polonais à Cléve-land, don Dalmates à San-Francisco, des Italiens àSpokane
etailleurs, des Slaves à Butte-City. Les villes américaines sont
un monde où
tout semêle
et se rencontre. Il fautaux
Etats-Unis des missions pour les Canadiens français et lesAntillois. Il en fautpour
les Libanais venus de Syrie, et voilà qu'àMontréal se fondeune
église chinoise, administrée ]iarun
jésuite quia
dû
aller exprèsàSbang-hai apprendrela langue descélestiaux.Mais
peu
àpeu
cesœuvres
perdent leur caractère de« mis-sions)). Les maisons se groupent en provincesautonomes ou
sont rattachéesaux
provincesexistantes. Les quatre collèges, lesdeux
résidences,et le noviciat fondés parles Jésuites allemandspour
leurs nationaux dansles états de Visconsin, Minnesota,Ohio,New- York
viennent d'être partagés entre les provinces améri-cainesdu
Maryland etdu
Missouri. C'est le provisoire quifait place à l'organisationnormale
et définitive.On
est encore sousle régime de la « mission »
aux montagnes Rocheuses
malgré les neuf résidences et lesdeux
collègesqu'il a fallufonderpour
les blancs.De même
en Californieoù
148religeux, dont ooprêtresAMÉRIQUE T)U NORD 29
reïeyant de la province de Turin se partagent entre