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LA PHASE D’INTERVENTION

1.2. Déroulement de l’intervention

Une fois le fonctionnement formel et informel de l’entreprise cerné et les acteurs clés associés, la directrice administrative et financière et son assistante se sont focalisées sur la direction afin d’une part de s’assurer de leur volonté de modifier le fonctionnement actuel de leur entreprise et d’autre part de leur proposer des outils adéquats. Il s’agit de la conduite d’un changement de type descendant dans lequel la direction élabore la nouvelle vision, la communique à ses salariés et favorise la participation. Après avoir reçu la confirmation des dirigeants de leur volonté d’introduire un contrôle de gestion, les tâches ont été distribuées entre la directrice administrative et financière et son assistante. De par son entrée plus précoce au sein d’Alpha Mode et ses expériences professionnelles antérieures, la directrice administrative et financière décide de se charger de la mise en place d’une démarche budgétaire. L’assistante du directeur administratif et financier quant à elle serait chargée plus particulièrement de la mise en place de tableaux de bord de type balanced scorecard.

La chronologie d’insertion de ces deux outils chez Alpha Mode se justifie de plusieurs manières. En effet, les dirigeants souhaitent mettre en place des budgets afin de « savoir où on en est sans devoir attendre le bilan en fin d’année ». Pour répondre à leur demande, la première étape de rationalisation de la gestion de l’entreprise doit passer par une démarche budgétaire. Elle permettra aux dirigeants de définir de façon formelle, précise et arrêtée des plans stratégiques déclinés en plans d’action puis en budgets par Mme X. Les budgets en tant qu’outils de prévision, de coordination, d’aide à la délégation des décisions et à la motivation des décideurs devraient permettre de répondre à la demande de la direction en associant dans la démarche les dirigeants et les chefs de service. Bien entendu, un reporting mensuel est associé aux budgets ce qui permettra de rendre compte de la situation financière et comptable de l’entreprise aux dirigeants. C’est la directrice administrative et financière plus particulièrement qui a la charge de ces activités, aidée par son assistante. D’autre part, compléter les budgets par des tableaux de bord devait permettre aux dirigeants d’avoir une information rapide, schématique, facilement lisible et interprétable, permettant de répondre à leur demande de « piloter l’organisation » (le dirigeant).

Ces deux outils de contrôle de gestion, de par leurs caractéristiques propres, semblent pouvoir répondre aux attentes des dirigeants, même si, a priori, le contexte d’Alpha Mode révèle certains inconvénients, comme le montre le tableau suivant :

106 Tableau 7 : Avantages et inconvénients de l’implantation

chez Alpha Mode des outils choisis

Points positifs Points négatifs

Budgets

- les dirigeants sont sensibilisés aux budgets, en ont au moins déjà entendu parler et savent que les autres entreprises en utilisent

- architecture budgétaire « classique » facilement adaptable à Alpha Mode

- nécessité d’avoir des connaissances gestionnaires (définition des plans

stratégiques, des plans d’action, reporting)

Tableaux de bord

- optique opérationnelle, avec des indicateurs financiers et non financiers - facilité de lecture, de compréhension et d’utilisation

- aucune connaissance des balanced scorecard

- mise en place longue (doit être construit pour Alpha Mode)

Après la mise en place de quelques outils localisés, nous analyserons leur impact sur les acteurs dans le cadre d’une démarche d’appropriation des outils. Il s’agit de légitimer l’usage d’outils et l’inscrire dans la dynamique de l’action collective : « C’est la confrontation entre l’outil et l’organisation qui autorise "la découverte progressive des structurations essentielles de l’organisation et de son instrumentation possible" » (Moisdon (1997) repris par De Vaujany et Grimand, 2005). L’instrumentation de la gestion interne par l’introduction d’un contrôle de gestion doit prendre en compte les spécificités de l’organisation dans laquelle elle a lieu. « L’exportation dans la PME des outils et des règles de gestion initiés par les grandes entreprises se confronte fréquemment à une inadéquation de ces outils aux besoins spécifiques de l’entreprise » Chalayer, Perez et Teyssier (2005). Respectant les préconisations de Nobre (2001), nous avons procédé à une évaluation ontologique des outils : « L’évaluation ontologique consiste à confronter la nature et l’essence même de l’outil à son utilisation potentielle à partir d’une analyse contingente, c’est-à-dire d’une analyse du contexte dans lequel doit s’insérer l’outil puis d’une réflexion théorique ». Nous nous sommes donc intéressés à analyser les caractéristiques de l’outil de gestion au regard de l’entreprise dans laquelle il est introduit.

107 Processus d’introduction de la démarche budgétaire

Dans un premier temps, pour mener à bien cette démarche budgétaire, il fallait la présenter à la direction en lui expliquant ses enjeux et conséquences. Il fallait ensuite concevoir l’architecture des budgets. Cette seconde phase ne présentait pas de difficultés particulières puisque la directrice administrative et financière disposait de plusieurs canevas budgétaires provenant des entreprises dans lesquelles elle avait déjà travaillé : il suffisait alors de les adapter à une entreprise commerciale. Cependant, il a fallu simplifier au maximum les éléments présentés afin d’espérer attirer l’attention du dirigeant puisque ce dernier n’a pas la fibre comptable. Il a tout d’abord fallu que la direction détermine ses objectifs stratégiques et fixe les moyens stratégiques pour y parvenir. Ensuite, à partir de ces objectifs et des données comptables des années précédentes, on a élaboré des budgets, en collaboration avec les chefs de service qui allaient devenir responsable d’un budget. Il s’agissait d’attribuer à chaque responsable des objectifs et moyens chiffrés. Après la définition des budgets, on aurait pu mettre en œuvre un contrôle budgétaire. Cela consiste à comparer les résultats obtenus aux prévisions effectuées puis à rechercher les causes d’écart, informer et évaluer l’activité les responsables de budget ainsi que prendre les mesures correctrices. Le budget nous servait alors d’instrument de gestion quantitative grâce au contrôle budgétaire et de moyen de formaliser le fonctionnement de l’organisation par la définition de responsabilités et la transmission d’objectifs. En reprenant les caractéristiques des trois modèles de contrôle budgétaire présentés par Berland (1999), on peut dire que la démarche budgétaire reposait sur :

- La planification stratégique, avec un contrôle budgétaire de type prévision et planification ;

- Le contrôle stratégique, dont le rôle du contrôle budgétaire est la coordination et la socialisation.

Ces deux modèles cherchent respectivement à répondre aux questions suivantes de l’entreprise : « Quelle sera ma situation financière demain ? Comment se forme mon résultat ? » et « Mes actions sont-elles cohérentes ? Où en est le slack organisationnel ? » Berland (1999), ce qui nous semblait correspondre aux attentes d’Alpha Mode, contrairement au contrôle financier qui focalise l’attention sur l’évaluation et la sanction, dans une logique de portefeuille.

108 Le budget central, celui des ventes, pouvait être tiré des objectifs commerciaux fixés aux directeurs de région, déclinés par magasin. Il s’agissait donc de combiner les objectifs commerciaux, les données issues du business plan réalisé par le cabinet d’expertise comptable à destination des établissements bancaires principalement et les données comptables des années précédentes.

Au moment de l’intervention de la directrice administrative et financière et de son assistante, le suivi de l’activité de l’entreprise repose principalement sur le chiffre d’affaires généré par chaque magasin, en les classant en catégories distinctes : de très bons à mauvais. Le chiffre d’affaires est ainsi suivi de très près par le dirigeant et le directeur des achats : tendance à quatre moments de la journée (matin, midi, milieu d’après-midi et fermeture), classement des magasins, prix moyen de vente, montant du panier moyen, etc. La logistique est également suivie par le nombre de produits expédiés par la logistique, etc. Ceci est rendu possible par un système d’information créé par le directeur informatique, pour Alpha Mode, régulièrement mis à jour pour répondre aux demandes de la direction, extrayant les informations des encaissements des magasins. Cependant, les chiffres disponibles nécessitent parfois quelques ajustements avant de pouvoir être utilisés. Par ailleurs, le résultat généré par les magasins n’est connu par la direction qu’en fin d’année, au moment de l’élaboration du bilan par le cabinet d’expertise comptable. Il leur arrive donc de classer en bons magasins certains générant un résultat faible, notamment à cause d’un loyer et de charges locatives trop élevés, associés à des charges de personnel importantes.

Le troisième temps de la démarche de budgétisation est la mise en œuvre. Pour appliquer ces budgets, Mme X a dû apporter des modifications mineures à la structure de la comptabilité d’Alpha Mode : elle souhaitait en effet créer de nouvelles sections analytiques et diviser certains comptes de charges (par exemple détailler le compte charges locatives par une subdivision taxes foncières). La démarche de budgétisation a été associée à une démarche de rationalisation passant par divers éléments. La communication formelle par mail a été privilégiée avec les personnes avec lesquelles cela est possible – un des dirigeants ne travaillant pas sur ordinateur –, des réunions chefs de service et des groupes de travail ont été organisés, etc. De même, la directrice administrative et financière a modernisé le fonctionnement du service comptabilité :

- Remplissage manuel des chèques abandonné au profit d’une impression informatique en attendant des lettres chèques ;

109 - Diminution du pointage manuel des encaissements des ventes (magasins) pour

les lettrer avec les dépôts sur le compte bancaire (recettes comptables), etc. En collaboration avec le directeur informatique, il est décidé de créer un programme informatique permettant de lettrer automatiquement 60 % de ces données comptables.