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Les dépassements d’honoraires.

Dans le document L’économie de la médecine libérale (Page 182-184)

L’OFFRE DE SOINS

4.5. LES COMPORTEMENTS OPPORTUNISTES DES MEDECINS LIBERAU

4.5.2. Les dépassements d’honoraires.

La convention médicale prévoit plusieurs catégories de dépassements : (1) le droit à dépassement permanent ou DP instauré par la 1ère convention de 1971 peut être appliqué en fonction de titres universitaires ou hospitaliers ou en raison d’une « autorité médicale accrue » résultant de fonctions hospitalières ou de travaux, pour lequel il ne subsiste que 34 omnipraticiens et 725 spécialistes titulaires (Aballea et al. 2007) ; (2) le dépassement exceptionnel pour exigence particulière du malade ou DE peut être facturé « en cas de

circonstances exceptionnelles de temps ou de lieu dues à une exigence particulière du malade non liée à un motif médical » n’est pas plafonné ; (3) le dépassement autorisé plafonné ou DA

peut être facturé par le spécialiste de secteur 1 consulté en accès direct sans coordination du médecin traitant ne doit pas dépasser 17,5% des tarifs applicables dans le parcours de soins ; (4) le secteur 2 dans lequel le praticien peut choisir des tarifs différents des tarifs conventionnels a été clos en 1990 sauf pour les praticiens possédant certains titres universitaires (anciens chefs de clinique des universités, anciens assistants des hôpitaux généraux ou régionaux, spécialisés ou militaires, praticiens temps plein hospitalier selon le décret du 24/02/1984).

4.5.2.1. Données brutes

De manière globale, le montant des dépassements est passé de 763 millions d’euros en 1990 à 1,578 milliard d’euros en 2005, en euros constants (Ibid.). Alors que les dépassements augmentaient de 1,3% en 2006 et diminuaient de 0,6% en 2007 pour les spécialistes de médecine générale, dans les autres spécialités, ils augmentaient respectivement de 11,4% et de 7,1% (Fréchou et Guillaumat-Tailliet 2009). Cette augmentation résulte essentiellement de l’accroissement de la part de praticiens à honoraires libres, particulièrement dans certaines spécialités. Ainsi, 82% des chirurgiens libéraux ont choisi le secteur 2 de même que 54% des ORL, 52% des gynécologues et 51% des ophtalmologistes.

à Paris, 64% dans le Rhône, 63% dans les Hauts-de-Seine, 60% dans les Yvelines, 54% dans les Alpes-Maritimes et en Seine-et-Marne, 52% dans le Val-d’Oise. Le taux de dépassement (défini comme le rapport entre les dépassements et les honoraires sans dépassement) varie selon les spécialités : 53% pour les ophtalmologistes de secteur 2, 54% pour les chirurgiens et 62% pour les gynécologues obstétriciens. Il existe, en outre, des disparités régionales. Ainsi, en 2004, en Ile-de-France, le taux moyen de dépassement des praticiens de secteur 2 était de 181% des tarifs conventionnels pour les neurochirurgiens, 99% pour les chirurgiens, 87% pour les ophtalmologistes, 86% pour les gynécologues, 79% pour les dermatologues et 73% pour les psychiatres.

Afin de limiter les abus, il pourrait être créé un secteur optionnel. Prévu initialement pour la seule chirurgie (accord du 24 août 2004), il serait ouvert aux spécialistes de secteur 2 exerçant en plateau technique lourd, chirurgiens, anesthésistes, gynéco-obstétriciens qui s’engageraient volontairement à : une pratique de qualité selon des critères à préciser, réaliser 30% ou plus de leurs actes à tarif opposable (en particulier pour les urgences, les patients en situation de précarité) et à plafonner les dépassements à 50% de la valeur de l’acte. Les dépassements seraient en partie pris en charge par les assurances complémentaires.

4.5.2.2. Le secteur marchand des soins

La pratique des honoraires libres constitue un des rares domaines dans le champ de la santé où il est possible de raisonner en termes de prix de marché et non de tarifs. Cela suppose toutefois des agents rationnels et correctement informés. La première remarque est que le prix élevé de la consultation ne sanctionne pas la rareté de l’offre médicale confrontée à une demande élevée. Bien au contraire, nous venons de voir qu’il existe une corrélation positive entre le pourcentage de médecins ayant choisi le secteur 2 et la densité médicale départementale. Est-ce que le prix élevé constitue un signe de qualité des soins ? Les soins étant un service à la personne, le patient ne peut connaître a priori la qualité de la prestation qu’il sollicite. En outre, cela signifierait que la qualité des soins du secteur ambulatoire est supérieure en Ile-de-France à celle des autres régions, ce qui est démenti par certaines études (CNAMTS 2002b, Cholley et al. 2003, Tilly et al. 2004). Il se pourrait même que la qualité soit inférieure. En effet, en raison de l’asymétrie d’information au profit du médecin, le patient est en situation d’incertitude sur la qualité des soins, ce qui définit les soins de santé comme un bien de confiance. Dans cette occurrence, le comportement rationnel d’un médecin

opportuniste, en situation de concurrence objective (non isolé dans sa zone d’activité), est d’offrir des soins de qualité supérieure durant la première phase de son activité afin d’établir les bases d’une bonne réputation. Mais, lorsqu’il bénéficie d’une bonne réputation, il devient alors optimal pour lui de baisser son effort et d’offrir une qualité inférieure (Bien 2001).

Une enquête réalisée en 2002 par la DREES auprès de 922 médecins généralistes montrait que la durée moyenne de la séance évaluée par le médecin était de 16 minutes (15 minutes pour les consultations et 18 minutes pour les visites à domicile). La durée dépendait de caractéristiques du médecin telles que le sexe (plus longue pour les femmes et pour les médecins âgés de plus de 55 ans). En revanche, « toutes choses égales par ailleurs », les médecins généralistes de secteur 2 avaient une durée de séance supérieure de 4% à celle des médecins généralistes de secteur 1, mais cette différence n’était pas statistiquement significative (Breuil-Genier et Coffette 2006). Or, la durée des consultations constitue un élément objectif d’évaluation de la qualité des soins et est fréquemment mise en avant par les médecins libéraux pour justifier les dépassements d’honoraires.

On peut sans doute considérer qu’il existe un certain mimétisme des praticiens dans une zone géographique par adoption d’une convention dominante, le secteur 2, c’est-à-dire une coordination entre les médecins par une règle (Batifoulier et al. 1999, Batifoulier et Biencourt 2002), il n’en demeure pas moins que le choix est personnel, celui d’un médecin en particulier qui choisit souverainement de s’aligner sur les autres ou non. Le choix du secteur 2 représente bien un comportement opportuniste d’agents rationnels que sont aussi les médecins libéraux.

Dans le document L’économie de la médecine libérale (Page 182-184)