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La couche haute des services finals rendus aux patients.

Dans le document L’économie de la médecine libérale (Page 171-175)

L’OFFRE DE SOINS

4.3.3. La couche haute des services finals rendus aux patients.

Elle correspond aux soins proprement dits, à la délivrance de médicaments ou de produits de santé ainsi qu’aux transports sanitaires. Les soins, qu’ils soient curatifs, préventifs ou palliatifs, doivent être de qualité, c’est-à-dire en premier lieu conformes aux références scientifiques du moment et coordonnés. Ils sont également soumis à des contraintes d’équité visant à réduire les inégalités de santé (d’accès ou d’état de santé) qui sont socialement inacceptables ainsi qu’à des contraintes d’efficience. Cependant, en France cette notion d’efficience reste largement théorique, elle est incomprise par le corps médical et rejetée pour cela. Les soins de prévention, de promotion de la santé et d’éducation thérapeutique doivent également permettre l’évaluation externe, laquelle est la seule valable.

On peut soumettre la médecine ambulatoire à une évaluation basée sur une série de critères afin de savoir s’il s’agit d’un réseau (Curien 2000, p. 16-18) : les consommateurs (les patients) bénéficient d’effets de club en relation avec le fait qu’il sont des assurés sociaux et qu’ils sont introduits dans le réseau par le médecin traitant jouant le rôle de référent, il existe manifestement des synergies de production entre les professions de santé, enfin, il existe une régulation plus ou moins forte.

Il apparaît que la médecine ambulatoire constitue bien un réseau, mais un réseau possédant des caractéristiques particulières : (1) c’est un réseau très structuré avec des interdépendances (Béjean et Gadreau 2003) et très cloisonné dans la mesure où les champs de compétence des différents intervenants sont strictement définis ; (2) c’est un réseau hiérarchisé avec le corps médical au sommet et, actuellement, le médecin traitant qui est en passe de devenir tout à la fois le référent et le chef d’orchestre de la trajectoire des soins ; (3) l’évolution emprunte quatre voies, l’implantation des professionnels de santé, la diffusion des techniques, l’amélioration des connaissances, les liens personnels entre professionnels ; (4) une régulation d’ensemble faible.

Ces caractéristiques font que ce réseau n’a rien de naturel, c’est une construction sociale délibérée, issue de l’interaction entre les professionnels de santé et l’Etat. La médecine ambulatoire représente une institution sociale, ce qui a deux conséquences très importantes pour notre propos. La première est la grande rigidité de ce réseau qui ne peut évoluer spontanément. En effet, la hiérarchisation et, à un moindre degré, le cloisonnement qui le caractérisent, constituent des attributs du pouvoir médical, ce qui explique le conservatisme des médecins qui ont refusé toute évolution jusqu’à maintenant. L’évolution ne peut donc venir que de l’Etat, par un changement de règles. Dans cette perspective, deux voies semblent intéressantes, l’extension du champ de compétence de certaines professions et le travail en équipe au sein de maisons de santé pluridisciplinaires (voir chapitre 6). La deuxième conséquence est que le gain d’efficience que l’on peut espérer est modéré, voire faible. En effet, l’extension du champ de compétence des infirmiers (la profession la plus concernée) telle que l’a esquissée l’ONDPS n’est en rien une révolution. Dans les pays généralement pris en exemple comme le Royaume-Uni ou la Suède, le partage des tâches entre infirmiers et médecins est limité est très encadré. Les tensions démographiques présentes, et surtout à venir, représentent de ce point de vue un terrain favorable à la réforme.

De plus, par essence, la médecine ambulatoire constitue une mise en relation des différents acteurs dans l’objectif, le plus souvent collectif, de donner des soins au patient. Il est important de souligner qu’en raison de l’interdépendance structurelle des acteurs, le produit (les soins ou l’impact sanitaire de ceux-ci) est le plus souvent collectif et rarement individuel, réalisant une véritable socialisation productive (May 1993). En outre, le réseau est local, au

représente une relation de long terme et donc, du coût « relationnel » qu’implique le changement de médecin traitant. L’offre de soins joue ici un rôle secondaire, sauf en zones rurales.

Cette structure en réseau montre l’interaction et la dépendance des acteurs et la nécessité d’une coordination. Cette coordination a été développée de manière quasi expérimentale dans les réseaux de santé où elle est formalisée et systématisée. Parmi les enseignements que l’on peut en tirer, il y a la place spécifique du médecin généraliste, en particulier pour les maladies chroniques (Robelet et al. 2005). La coordination consiste essentiellement à diriger et orienter le malade dans le parcours de soins et à réguler celui-ci. C’est donc une fonction qui se situe à la charnière entre la prise en charge médicale et l’offre de soins locale. Elle nécessite des connaissances médicales, une centralisation des informations, une connaissance des acteurs locaux et des qualités relationnelles. C’est la raison pour laquelle une formation spécifique semble indispensable. La structure en réseau montre également l’intérêt d’une analyse par épisodes de soins (Genier et Rupprecht 2000). Toutefois, cette dernière concerne la maladie aiguë essentiellement pour laquelle, soit le malade est guéri (résultat des soins), soit il ne l’est pas et devient un malade chronique nécessitant une prise en charge permanente.

4.3.4.

Les externalités

Les réseaux peuvent être à l’origine d’externalités. Dans le domaine sanitaire, la hiérarchisation, la délimitation stricte des domaines de compétence ainsi que les nombreuses contraintes encadrant l’activité des professionnels de santé font que les externalités sont réduites. Elles sont de deux sortes, de production et de consommation.

4.3.4.1. Les externalités de production

Les externalités de production dépendent de l’importance de l’offre (Foray 1989, 1990, Barale 2000). Par exemple, lorsque la densité de spécialistes est importante comme c’est le cas dans les grandes villes, certains d’entre eux pourront devenir des hyper-spécialistes d’un segment de leur spécialité dans laquelle ils acquerront une expertise telle que la qualité des soins en sera améliorée. Ce type d’externalité est positif mais inégalitaire. Il peut y avoir des externalités de production négatives lorsque des professionnels choisissent un segment

d’activité dont l’utilité n’est pas scientifiquement démontrée (l’homéopathie, par exemple), ce qui revient à dire qu’en raison de l’importance de l’offre, il est offert au patient des services inutiles sur le plan sanitaire. Dans ce cas, il existe un coût d’opportunité relativement important.

4.3.4.2. Les externalités de consommation

Les externalités de consommation sont en rapport avec les liens informels. La valeur heuristique du concept de réseau déborde le cadre des réseaux formels pour être étendue aux réseaux informels, c’est-à-dire à l’ensemble des relations directes qu’un professionnel de santé peut entretenir avec les autres professionnels de santé. Ce capital social est d’une grande importance dans un réseau où les liens formels sont de nature non marchande. Il est courant de dire d’un médecin généraliste qu’il a un « carnet d’adresses » constitué de la liste de ses correspondants, spécialistes, libéraux ou non, ainsi que d’auxiliaires médicaux. Le médecin généraliste entretient avec eux des relations personnelles qui vont influencer son activité, parfois à son insu. Ainsi, lors de son installation, une infirmière se présente à tous les généralistes du secteur, car son activité dépendra de leurs prescriptions. De leur côté, les médecins intégreront dans leur activité la présence de l’infirmière, ce qui aura un impact sur leur pratique dans laquelle ils auront la prescription de soins infirmiers d’autant plus facile que leurs relations personnelles avec l’infirmière seront bonnes. De son côté, l’infirmière aura tendance à pousser ses patients à choisir un médecin fort prescripteur de soins infirmiers. De plus, le médecin généraliste a intérêt à entretenir de bonnes relations avec les autres professionnels de santé ainsi qu’à bien les informer, car il sait que le jugement de ses patients portera sur le résultat final de l’épisode de soins qu’il a initié.

Autrement dit, si les relations formelles sont de nature non marchande, les relations informelles à l’inverse peuvent être de nature quasi marchande (May 1993) jusqu’à réaliser de véritables cartels informels (Granovetter 2006). Les relations personnelles influencent l’activité des médecins libéraux pour trois raisons : non seulement le flux d’information entre professionnels, mais également leur qualité dépendent des réseaux personnels, ils sont une source importante de récompenses et de sanctions, ils sont générateurs de confiance entre les acteurs (Granovetter 2000, 2006).

généralistes, entretiennent des relations avec des professionnels appartenant à des cercles différents. Bien qu’il s’agissent de liens faibles (Granovetter 2004), dans la mesure où grâce à eux, ils entrent en relation avec un monde plus large, ils sont davantage porteurs d’information, ce qui constitue un avantage stratégique. Dans ce cas, les externalités de réseau seront positives pour le médecin, mais potentiellement négatives pour le malade et pour la collectivité.

Deux éléments sont importants dans les liens informels. Tout d’abord, la qualité de la relation prime dans la mesure où il n’y a pas de transaction formelle. Le deuxième est que les acteurs ont intérêt à maintenir des relations de qualité dans la mesure où ils sont interdépendants. Que les liens informels aient des effets positifs ou négatifs, les agents se positionnent en fonction de leurs expériences passées, ce qui correspond à un véritable apprentissage social (Cohendet, Kirman et Zimmermann 2003) à l’origine de la confiance réciproque, ce qui manifeste le caractère dynamique du réseau. Les capacités cognitives des agents étant limitées, la confiance doit être comprise dans le sens de la tradition sociologique du don/contre-don dans lequel il s’agit de donner pour recevoir dans une perspective utilitariste.

Une étude réalisée en mars-avril 2007 auprès de 2 000 généralistes de cinq régions de France a montré que dans les quinze jours précédant l’enquête, 90% d’entre eux avaient eu un contact téléphonique ou par courriel avec un spécialiste, plus de 85% avec un pharmacien, de 63 à 76% avec un infirmier, de 52 à 67% avec un biologiste et de 41 à 53% avec un masseur- kinésithérapeute (Bournot et al. 2008). Au total, cette étude a analysé les rapports de dix professionnels de santé libéraux : médecin généraliste, médecin spécialiste, pharmacien, infirmier, biologiste, masseur-kinésithérapeute, chirurgien-dentiste, psychologue, orthophoniste, sage-femme.

4.3.5.

Les interactions entre médecins libéraux : les syndicats

Dans le document L’économie de la médecine libérale (Page 171-175)