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Afin de mieux les distinguer dans le corps du texte, les citations d’ouvrages sont en italiques entre guillemets ; les propos tirés d’entretiens et extraits du journal de terrain sont en police Arial entre guillemets.

Comme indiqué dans la note 1, les références des articles et ouvrages médicaux, textes officiels et articles de journaux d’informations généralistes sont citées en note de bas de page. Elles sont répertoriées dans des bibliographies distinctes en fin de thèse.

La tradition scientifique de l’ethnologie est de conserver l’anonymat des personnes qui sont les sujets de ses études. Le cadre de l’anonymat varie selon les degrés de structure ou d’élément social concerné (individu, famille, village, entreprise, institution, région géographique…). Les modes de justification sont divers. Le sujet de cette thèse tend à adopter un anonymat de « façade ». J’entends par là que l’institution est connue et doit l’être en raison d’une nécessaire clarification du contexte de pratique dans le paysage neuroscientifique international. De plus, le protocole STOC est une recherche officielle dont tous les acteurs sont connus et médiatisés. L’identité de certains pourrait être retrouvée par des recherches sommaires. Cependant, l’anonymat dans le texte est maintenu comme cadre général. Il a été établi dès le début de la recherche en accord avec les acteurs. J’utilise donc des pseudonymes pour citer les membres de la recherche sur notre terrain. Les articles qu’ils ont produit et auxquels je fais référence ne seront pas cités en bas de page, cela afin de conserver cet anonymat pendant la lecture et de ne pas rattacher immédiatement leurs auteurs aux situations décrites (cependant, leurs publications sur un sujet pourront être référencées parmi d’autres si cela ne permet pas de les identifier). Ils seront tout de même référencés en fin de thèse dans la bibliographie des sources de première main. Afin de faciliter la lecture, une liste des pseudonymes renvoyant à la fonction et au statut des acteurs se trouve en annexe.

J’ai également attribué un pseudonyme aux trois patients opérés dans le cadre du protocole STOC au CIC ainsi qu’une patiente souffrant du Syndrome de Gilles de la Tourette et implantée. Ils sont respectivement présentés : pour Yvan, le premier patient, dans une vignette à la page 137 sur la présentation générale du TOC ; pour Laure, la seconde patiente, dans une vignette sur les répercussions de la maladie sur la vie et l’entourage du malade à la page 335; et pour Melville, le troisième patient, dans une vignette sur la thérapie cognitive et comportementale à la page 354. Ces présentations sont complétées en annexe par un portrait individuel retraçant leur histoire à partir de ce qu’ils m’ont dit en entretien. Concernant les

autres malades rencontrés au cours du terrain (en consultations, en bilans d’opérabilité, lors de réunions, etc.), ils sont uniquement cités sous la catégorie générale « un patient », en précisant leur pathologie (TOC, parkinsonien, tourettien), le contexte, et s’ils ont été implantés ou non.

Première partie

Une pratique ciblée :

Comment se réconcilier (recherche et clinique,

neurologie et psychiatrie) ?

Développer des structures et des outils.

Dans cette première partie nous allons décrire le cadre de la pratique : Où sommes nous et avec qui ? Dans quelles conditions institutionnelles, techniques et intellectuelles se développe ce protocole de recherche ? Quelles sont les structures qui l’accueillent ? Quels sont les outils qui le permettent ? Nous verrons donc ce qu’est un Centre d’Investigation Clinique et comment a été inventé la DBS. Nous ferons connaissance avec certains des acteurs. Nous nous demanderons surtout pourquoi et comment cette recherche se développe dans un CIC. A quoi sert un CIC ? Et pourquoi expérimenter la DBS et pas une autre technique ? Qu’a-t-on sous les yeux qui soit si intéressant ? Après quelques semaines d’observations, ma problématique était assez simple : Pourquoi cette structure et cet outil et pas rien ou autre chose (Latour, 1992) ? Comment se sont-ils rendus indispensables ? Comment sont-ils devenus un point de passage obligé, ou du moins préférentiel, pour nos chercheurs et cliniciens ?

Le premier chapitre reviendra sur ce qu’est un CIC, l’histoire de sa création et son fonctionnement. Le second chapitre reprendra quant à lui l’histoire de la création de la DBS et de la mise en place des paradigmes méthodologiques de son utilisation et de son application

au CIC. Nous verrons que les deux éléments qui permettent le déroulement de ce protocole sont traversés d’enjeux et de tensions dont la clarification va permettre par la suite de saisir plus distinctement les mutations que cette recherche implique. Ils nous confronteront à des objets hybrides, des médecins-chercheurs, des corps-expérimentaux, des infirmières de recherche, des troubles neuropsychiatriques, des psychiatres-neuroscientifiques, des zones d’échanges et des objets-frontières. Nous verrons comment des bâtiments éparpillés sur un site hospitalier se retrouvent autour d’un sandwich, comment on congèle des données ou fait pleurer un parkinsonien. Ce sera une ethnographie des conditions structurelles et matérielles d’administration de la preuve et d’application d’une thérapeutique innovante.

Chapitre 1.

Ethnographie du CIC :

Les conditions du développement d’une politique de

recherche clinique neuroscientifique.

« C’est un havre de paix dans une grande structure hospitalière. »

« Le Professeur », lors de l’évaluation quadriennale du CIC.

En débutant ce terrain, je ne connaissais pas l’existence des Centres d’Investigation Clinique (ou CIC par la suite). Situé dans le bâtiment de la Fédération de neurologie à laquelle il appartient, celui de la Pitié-Salpêtrière possède les deux traits architecturaux caractéristiques d’un service hospitalier : c’est un long couloir blanc d’une cinquantaine de mètres avec un poste infirmier en son centre. Pourtant des détails laissaient entrevoir que la lisibilité des pratiques n’y serait pas si aisée. Ici, le regard glisse sur les quatre portes pleines des chambres disséminées le long de ce couloir. Il n’y a aucune lucarne permettant de voir l’intérieur, comme c’est la norme dans les services hospitaliers, offrant une invisibilité relative aux rares patients hospitalisés. Ceux-ci ne sortent d’ailleurs de leur chambre qu’en civil, ils n’ont jamais de pyjama, ne sont stigmatisés d’aucun bandage, ne sont liés à aucune transfusion qu’ils traîneraient derrière eux. Ils peuvent parfois étendre leur anonymat de malades dans cette zone mixte du couloir si, comme les patients atteints du Syndrome de Gilles de la Tourette, ils savent contenir leurs symptômes pendant les 20 mètres qui les séparent de l’ascenseur.

Le personnel présent circule entre les bureaux (plus nombreux que les chambres), le lieu de détente, la salle de réunion, les locaux techniques. Certains se déplacent jusque dans d’autres ailes du bâtiment pour y voir les malades qui ne se seraient donc pas tous au CIC. Alors, on réalise que l’on n’est pas dans un service hospitalier classique. Des tableaux de liège sur les murs du couloir, là où il n’y a pas de photographies artistiques de mains de neurochirurgien opérant, annoncent les séminaires, colloques et appels d’offres de postes et de financements en neurosciences. Dans les bureaux, les praticiens passent des heures derrières des ordinateurs, entrent des données, lisent ou rédigent des articles, remplissent des formulaires, manipulent des tâches plus ou moins sophistiquées, vérifient des branchements et des connexions sur des assemblages techniques. Un jour, au bout du couloir, on surprend même un technicien qui filme un patient parkinsonien faisant des allers-retours.

La seule activité à peu près reconnaissable est celle du personnel soignant qui entre et sort des chambres, fait passer des examens, des bilans, oriente les praticiens et remplit des cahiers de données.

Par instant, tous se retrouvent dans la salle de réunion. Au cours des staffs qui sont devenus la norme de fonctionnement des services hospitaliers, on n’évoque pas les malades hospitalisés ou les cas les plus difficiles du service mais des protocoles de recherche en cours. Si les patients apparaissent, c’est alors par cohorte ou par série, pour illustrer une donnée. On y parle des auteurs d’articles, des maladies quand même, et de protocoles à monter, de recherches à développer.

Le soir tout le monde s’en va. Il n’y a pas de visite – pas plus que le matin – de chambre en chambre d’un praticien suivi de ses internes (il n’y a même pas d’interne dans un CIC). Il n’y a souvent plus personne vers 19 heures, alors on éteint tout et on ferme. Définitivement l’ambiance est étrange. Le CIC de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière semble plus proche du laboratoire dont la paillasse serait le lit du malade que du service hospitalier. Ça a les apparences d’un service hospitalier mais ça n’en a pas la pratique. C’est un lieu hybride où même les malades ne respectent pas totalement leur rôle. Reste à savoir si ça en a la fonction. Alors qu’est-ce qu’un CIC ? A quoi sert-il ? Qu’a-t-il de si particulier ? Qu’est-ce qui s’y passe ? En quoi se distingue-t-il d’un service hospitalier classique ? Surtout pourquoi a-t-on besoin d’un CIC ? Pour tenter de répondre à ces questions j’ai observé le quotidien de celui de la Pitié-Salpêtrière pendant trois années. J’ai aussi essayé de saisir, au travers d’entretiens avec les acteurs qui l’animent et l’ont monté, son histoire, la particularité de son fonctionnement et les éléments qui le composent.

I. Un « continuum » entre recherche et clinique en