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clarification d’un contexte.

« Au cours des dernières décennies, les sciences du

système nerveux n'ont pas seulement fait l'objet d'une évolution comme tant d'autres disciplines scientifiques. Elles sont le fait d'une authentique révolution : pas simplement un changement du ‘‘regard’’ comme le suggérait François Jacob, mieux, une réorganisation profonde des ‘‘représentations’’ que les scientifiques font du monde qu'ils étudient. Cette révolution se concrétise par la création d'un terme nouveau, celui de neurosciences. Ce mot, à lui seul, témoigne de l'effondrement historique de barrières qui, autrefois, cloisonnaient la recherche sur le cerveau. On ne parle plus d'anatomie sans physiologie, de physiologie sans chimie, de psychologie sans biologie. Toutes ces disciplines, aujourd'hui, convergent sur des thèmes communs. Autre événement, révolutionnaire lui aussi, la génétique moléculaire, l'immunologie, plusieurs méthodes physiques nouvelles ont fait une entrée remarquée dans le domaine, renouvelant techniques et concepts et donnant accès, de ce fait, à de nouveaux objets de recherches. En quelques années, les connaissances sur le système nerveux ont progressé de manière spectaculaire. »

Jean-Pierre Changeux15

Cette innovation médicale – l’application d’une technique neurochirurgicale à des troubles psychiatriques – constitue avant tout, et c’est ce qui m’a poussé vers ce terrain, un exemple des neurosciences comme pratique clinique et thérapeutique. Depuis maintenant une trentaine d’années, cette « mouvance disciplinaire »16

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« La révolution des neurosciences », Colloque du XXème anniversaire de l’INSERM « Recherche médicale, santé société », Sorbonne, 27 et 28 octobre 1984.

connaît une expansion sans précédent. Constituées d’un ensemble de sciences, telles que la neurobiologie, la neuropharmacologie, la neuroanatomie, les neurosciences cognitives et toutes les disciplines scientifiques au préfixe

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Les neurosciences ne sont pas une discipline constituée mais un courant de pratiques et de savoirs qui se rejoignent autour de l’étude du fonctionnement du cerveau et de ses pathologies. Les cursus universitaires de neurosciences sont donc des introductions aux différentes connaissances, pratiques et méthodologies du champ de recherche, qui recoupe aussi bien la psychologie cognitive que la neurophysiologie, la neuroanatomie ou la biologie cellulaire.

« neuro »17

Dans cette perspective, la cause, l’étiologie des troubles mentaux est définie en termes biologiques de dysfonctionnement de circuits neuronaux, de neuropathologies. La psychiatrie biologique est alors incluse parmi ces sciences et aux côtés de disciplines médicales telles que la neurologie ou la neurochirurgie, et profite de ces avancées. Depuis les années 80, la psychiatrie est donc en mutation : en rationalisant sa pratique de recherche et sa clinique dans laquelle la biologie, l’épidémiologie ou les sciences cognitives prennent une importance grandissante, les neurosciences veulent remédicaliser et scientifiser la psychiatrie, « en faire une branche comme une autre de la médecine » (Ehrenberg et Lovell, 2001, 25). La psychiatrie pourrait alors se débarrasser de son image de médecine inefficace et acquérir le statut de science. Dans cette optique, la conséquence pratique serait la possible fusion– ou du moins la fin de la séparation – entre neurologie et psychiatrie. Cela marquerait la fin de ce que certains nomment le « grand partage », ou bien le « mur » entre les deux disciplines dont la séparation ne serait pour beaucoup qu’« artificielle ». Les « frontières » et « barrières » s’effondreraient au profit d’un « pont » qui passerait au travers du cerveau. Ceci est régulièrement évoqué, voire souhaité par les plus « radicaux », notamment aux Etats-Unis

, les neurosciences se consacrent à l’étude de l’anatomie et du fonctionnement du système nerveux normal ou pathologique avec deux objectifs : le premier est d’identifier et comprendre les fondements neuronaux – le substrat biologique – des différentes fonctions cognitives, de la pensée, des émotions et des comportements. Le second, qui est son corrélat, est de découvrir les causes des maladies neurologiques et psychiatriques et d’élaborer des traitements.

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Accoler le préfixe « neuro » à une discipline est en vogue. Mais comme j’en ai pu faire l’expérience au cours de nombreuses journées scientifiques ou colloques en sciences sociales, on ne sait plus très bien si cela désigne une sous-spécialisation d’une discipline qui adopterait une perspective neuroscientifique ou utiliserait les données et outils du courant pour enrichir son point de vue, pour aborder ses objets (comme la neuroéconomie), ou bien l’ouverture d’un nouveau champ d’investigation des sciences humaines et sociales qui se pencherait sur les problématiques posées par les neurosciences dans son domaine (comme la neurophilosophie), ou encore un domaine de pratiques qui ne ferait que s’étendre et se spécialiser dans le cadre spécifique des neurosciences (la neuro-éthique). Ainsi, on voit s’enchaîner des interventions traitant aussi bien leurs objet dans une perspective neuroscientifique, celle du fonctionnement cérébral, que des chercheurs s’intéressant à l’objet même sans qu’aucun ne voie d’inconvénient à cet entremêlement des positionnements, comme si ce préfixe devait créer une communauté des savoirs.

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Les tribunes, lettres, éditoriaux et articles sur ces relations ont explosé depuis le milieu des années 90 dans les revues de neurologie, neurochirurgie ou psychiatrie. Quelques exemples parmi les centaines disponibles (obtenues avec les entrées « neurology, psychiatry, neuroscience » dans les bases de recherche Pubmed et ScienceDirect) : Daroff, R. (1990) “The Bridge between Neurology and Psychiatry”, Neurology, 40 (2), 388. Cummings, J. et Hegarty, A. (1994) “Neurology, psychiatry, and neuropsychiatry”, Neurology, 44 (2), 209-213. Kandel, E. (1998) “A New Intellectual Framework for Psychiatry”, American Journal of Psychiatry, 155, 457- 469. Cowan, M., Harter, D. et Kandel, E. (2000) “The emergence of modern neuroscience: Some implications for neurology and psychiatry”, Annual Review of Neuroscience, 23, 343-391. Price, B., Adams, R. et Coyle, J. (2000) “Neurology and psychiatry: Closing the great divide”, Neurology, 55 (4), 602. Cowan, M. et Kandel, E.

Si les troubles psychiatriques sont dans le cerveau, alors quelle est encore la pertinence d’une séparation des deux disciplines ?

Mais les neurosciences se caractérisent aussi par le développement, en parallèle de la pratique, d’un discours philosophique naturaliste réductionniste participant à sa constitution même, inspiré de ses recherches et de leurs résultats19. Ce discours, dans sa version la plus extrême, développe une approche scientifique et technique du mental, de la pensée et de l’esprit en naturalisant et en expliquant par le fonctionnement cérébral des objets traditionnels de la philosophie ou de la psychologie tels que les émotions, la conscience, la subjectivité ou l’intention, et pense pouvoir entièrement expliquer l’homme à partir de son cerveau (Ehrenberg, 2004b et 2008)20

(2001) “Prospects for Neurology and Psychiatry”, Journal of the American Medical Association, 285(5), 594- 600. Kandel, E. et Squire, L. (2001) “Neuroscience: Breaking Down Scientific Barriers to the Study of Brain and Mind”, Annals of the New York Academy of Sciences, 935, 118-135. Baker, M. et al. (2002) “The Wall between Neurology and Psychiatry. Advance in neuroscience indicate it’s time to tear it down”, BMJ, 324, 1468-1469. Eisenberg, L. (2002) “Is It Time to Integrate Neurology and Psychiatry?”, Neurology Today, 2(5), 4 et 13. Martin, J. (2002) “The Integration of Neurology, Psychiatry, and Neuroscience in the 21st Century”, American Journal of Psychiatry, 159 (5), 695-704. Yudofsky, S. et Hales, R. (2002) “Neuropsychiatry and the Future of Psychiatry and Neurology”, American Journal of Psychiatry, 159 (8), 1261-1264. Hobson, A. (2003) “Neurology, Psychiatry, and Neuroscience”, American Journal of Psychiatry, 160 (5), 1013-1014. Ruskin, R. (2004) “Neurology and Psychiatry”, American Journal of Psychiatry, 161 (6), 964-966. Pies, R. (2005) “Why Psychiatry and Neurology Cannot Simply Merge”, Journal of Neuropsychiatry & Clinical Neurosciences, 17 (3), 304-309. Ausman, J. (2006) “The future for neurology and psychiatry”, Surgical Neurology, 65, 212.

. De par son statut d’objet incertain (situé entre psychologie, biologie et sociologie), médicalement ambigu (entre organique et fonctionnel), le trouble psychiatrique (tout comme certaines pathologies neurologiques telles que les aphasies, les cérébrolésés, ou bien les cas de split-brain et l’autisme, par exemple, qui offrent des modèles

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Dans un sens étendu, le paradigme de la naturalisation considère que les phénomènes de l’esprit s’expliquent selon les mêmes principes que les phénomènes naturels, notamment par un principe de causalité, et peuvent être soumis aux méthodes des sciences naturelles. Dans le cadre de la psychiatrie biologique et des neurosciences, c’est supposer que les troubles mentaux (et les faits mentaux en général) trouvent leurs causes dans des phénomènes neuronaux. Mais la variété des discours entourant les neurosciences peut recouper aussi bien des perceptions mécanistes, physicalistes, monistes que matérialistes.

Bernard Andrieu désigne par ailleurs ces réductions neuroscientifiques comme « externalistes ». Ce « sont une extension qui cristallise les résultats des travaux neuroscientifiques en proposant par là une explication universelle. » Il poursuit en expliquant qu’elles effectuent un « déplacement du champ expérimental vers la constitution d’un discours systématique et causal dont le contenu est l’explication de tous les phénomènes à partir de l’hypostase d’une technique jusque là particulière. » (Andrieu, 2002b, 35-37). Il les distingue du réductionnisme méthodologique nécessaire au travail neuroscientifique et qui isole les éléments pour leur étude. Voir également Andrieu, 2001.

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Régulièrement on nous parle de biologie de la conscience, de cerveau des émotions, de neurones de l’empathie et de l’intentionnalité, des bases neurales de l’amour, du plaisir, de la jalousie, du doute, de l’inconscient et du langage. Voir par exemple le catalogue d’ouvrages grands publics de neuroscientifiques des éditions Odile Jacob : Changeux, J.-P. (2004) L' Homme de vérité, Paris, Odile Jacob, Damasio, A. R. (2003) Spinoza avait raison Joie et tristesse, le cerveau des émotions, Paris, Odile Jacob ; Damasio, A. R. (2006) L' Erreur de Descartes La raison des émotions, Paris, Odile Jacob ; Edelman, G. M. (1992) Biologie de la conscience, Paris, Odile Jacob ; Naccache, L. (2006) Le Nouvel Inconscient Freud, le Christophe Colomb des neurosciences, Paris, Odile Jacob ; ou les dossiers saisonniers des revues scientifiques de vulgarisation.

pathologiques entre la clinique et l’épistémologie21

Les neurosciences souhaiteraient nous confronter non seulement à la naturalisation des troubles psychiatriques (qui prendrait acte dans la recherche expérimentale qui va être notre objet d’étude) mais également à celle de tout un ensemble de processus mentaux. Elles veulent redéfinir les rapports entre le corps et l’esprit, le cerveau et le mental, l’organique et le fonctionnel, le neurologique et le psychiatrique, l’individu et la société, la philosophie et la neurobiologie. L’exergue de Jean-Pierre Changeux est assez significative de ce projet

) constitue un enjeu clef de ce projet. En réussissant à identifier leurs origines cérébrales et à les traiter, les neurosciences entérineraient en pratique leur projet naturaliste. C’est donc l’identité et la spécificité de la psychiatrie, de son travail, de ses malades et de ses objets qui est en jeu.

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Ces cas sont prolongés en philosophie pas les jeux de Brain In a Vat dans lesquels le cerveau devient un objet philosophique pour penser les rapports corps/esprit, la mémoire, l’identité, etc. (par exemple, si mon corps pouvait être sur Terre pendant que mon cerveau est sur la Lune, où serais-je ?). Voir le numéro spécial de Studies in History and Philosophy of Biological & Biomedical Sciences, 2004, 35.

. Ces ambitions ne sont pas nouvelles, depuis la fin du XIXème siècle, neurologues, anatomistes ou psychiatres tentent d’établir des théories sur certains de ces rapports. Les controverses (notamment la relation du corps à l’esprit, entre fonctionnel et neurologique) qui les accompagnent non plus. C’est un champ d’étude et un domaine de polémiques classiques en philosophie de l’esprit, en histoire et en épistémologie de la psychiatrie et de la psychopathologie. Les neurosciences sont des pratiques dans la continuité d’un héritage, d’un modèle scientifique et philosophique. L’une des causes majeures de ces avancées et du renouvellement de ces problématiques est contenue dans les nouveaux liens qui sont faits entre cerveau, esprit et société. Les neurosciences s’appuient sur des avancées technologiques et de nouveaux outils tels que la neuroimagerie et le développement de disciplines et nouveaux savoirs de la biomédecine. Aujourd’hui, cet arsenal scientifique permet de consolider ou créer ces liens en offrant une nouvelle administration des preuves qui nourrit

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Dans la même intervention il explique d’ailleurs à propos des bases neurales des conduites et des comportements : « Nous voilà au seuil d'un domaine des neurosciences où la révolution se fait le plus sentir, tant sur le plan des idées que sur celui des méthodes. Le débat sur les relations du corps et de l'esprit laisse désormais la place à une recherche objective des mécanismes cérébraux. » Jean-Pierre Changeux « La révolution des neurosciences », op. cit.

Pour rappel, Jean-Pierre Changeux a été Professeur au Collège de France, chef du laboratoire de neurobiologie moléculaire de l’Institut Pasteur à Paris et président du conseil scientifique de l’INSERM. Il est considéré comme l’un de ceux qui ont impulsé l’expansion des neurosciences en France. Il est en tout cas le plus médiatisé. Son ouvrage L'Homme neuronal (1983, Paris, Librairie Arthème Fayard.) reste fondateur en France des publications neuroscientifiques grand public exposant un programme de redéfinition de l’homme par une référence cérébrale. The New York Review of Books lui a récemment dédié quelques pages – au titre prometteur – lors de la traduction de plusieurs de ses ouvrages aux Etats-Unis : Rosenfield, I. et Ziff, E. (2008) “How the Mind Works: Revelations”, The New York Review of Books, 55(11), June26.

leur expansion. À l’image de la génétique à la fin du siècle précédant, toute nouvelle découverte dans la connaissance de fonctions cérébrales tend à passer très rapidement dans le domaine public dans l’espoir d’une application pratique. Pourtant, malgré les attentes portées par ces avancées théoriques et technologiques, les applications pratiques des neurosciences restent relativement pauvres que ce soit en neurologie ou en psychiatrie en regard des moyens, des budgets délégués et des discours développés23. La référence à l’étiologie cérébrale comme mode d’explication de la maladie mentale et de processus mentaux est devenue courante et se diffuse en dehors du monde neuroscientifique mais le changement paraît avant tout davantage porter sur la façon dont sont appréhendées les problématiques que sur les connaissances apportées. Comme le souligne Nancy Andreasen, éminente psychiatre américaine, qui a été entre autre rédactrice en chef pendant treize années d’une revue de référence, The American Journal of Psychiatry : la « révolution porte moins sur ce que nous connaissons que sur la manière dont nous percevons ce que nous connaissons »24.

L’étude ethnologique de l’application de la neurostimulation et du passage de pathologies psychiatriques à la neurologie et de leur traitement par des techniques neurochirurgicales dans une équipe de recherche qui se veut à la pointe des neurosciences peut éclairer certains des aspects et enjeux de ces controverses et de ce contexte. La neurostimulation entérinerait le passage d’un ensemble de théories et de recherches fondamentales sur le fonctionnement du cerveau articulées à un discours sur l’individu moderne « normal », au développement de thérapeutiques efficaces dans le traitement de troubles psychiatriques et de prises en charge de malades. Elle matérialiserait dans son application l’ensemble des courants conceptuels et des paradigmes des neurosciences. Par conséquent, si ce discours évoque comme perspective la possible fusion sur le plan clinique de la neurologie et de la psychiatrie, les modalités de cette pluridisciplinarité restent à décrire, à la fois dans le domaine de la recherche mais aussi, dans notre cas, de la collaboration thérapeutique. Il est nécessaire de l’observer sur le terrain dans cette mise en pratique. L’application de cette innovation nous permet d’endurer l’état de ces rapports de forces ainsi que l’état des connaissances et des techniques. C’est ce que nous appellerons les

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Depuis le développement de la psychopharmacologie dans les années 50, il n’y a pas eu de nouvelle « révolution » thérapeutique en psychiatrie à la hauteur de ce que les discours pourraient laisser présager. Il en est de même quant à la découverte de l’origine biologique de troubles (il existe essentiellement des faisceaux de preuves ou des corrélations toujours en controverses).

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« neurosciences en action »25

Avant toutes choses, il faut décrire ce que sont les conditions techniques et structurelles qui permettent cette collaboration. Dans les deux premières parties de cette thèse, il s’agit d’analyser une médecine expérimentale « en train de se faire » au sein d’une structure hospitalière, le Centre d’investigation clinique de la Pitié-Salpêtrière (CIC par la suite), dont l’activité est partagée entre plusieurs paradigmes de compréhension clinique et de recherches. Le CIC se situe à la convergence de la biomédecine et des neurosciences, de la clinique et de l’expérimentation, de la neurologie et de la psychiatrie. La rencontre de ces mondes de pratiques va créer des points de tension qui structurent le service et ses activités. La première partie interroge les conditions et les moyens qui ont permis la mise en place du protocole de recherche qui nous intéresse. Le premier chapitre sera une ethnographie du CIC. Où sommes-nous et avec qui ? Surtout, pourquoi sommes-nous ici ? Nous verrons comment « le Professeur », qui a monté ce service, a su mobiliser des êtres hybrides pour transcender les tensions qui auraient pu faire obstacle aux pratiques qu’il souhaitait élaborer mais qui vont en devenir constitutives et les structurer pour leur donner leur force. Notre seconde interrogation sera de savoir pourquoi ils expérimentent cette technique et pas une autre (deuxième chapitre). Nous montrerons alors que l’application clinique expérimentale de la DBS à des troubles psychiatriques n’est pas uniquement le fruit d’un hasard mais également de la politique scientifique d’une structure hospitalière qui a développé un réseau de recherches, de technologies et de pratiques cliniques dont elle va concrétiser la matérialité. La DBS s’inscrit dans ce projet en permettant de faire le lien et de réaliser les transferts entre différents modèles pathologiques expérimentaux et la clinique. Elle va être une technique d’exploration du cerveau humain in vivo et une thérapeutique.

. La DBS nous sert de point d’entrée pour un état des lieux de ces pratiques et des transformations qu’elles imposent. L’objet de cette thèse est donc de décrire ce que sont ces « neurosciences en action ». Nous souhaitons comprendre comment la neurologie et la psychiatrie collaborent autour de malades et quelles maladies et quels malades sont pris dans de ces pratiques.

Dans une deuxième partie, qui correspond au premier temps de la description du déroulement de cette recherche médicale, nous rechercherons sur quels termes se réalisent les accords entre les différents mondes de pratiques, car, pour légitimer l’implantation d’électrodes dans le cerveau de patients psychiatriques et prétendre pouvoir les soigner, cela

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Nous empruntons la forme de l’expression à Bruno Latour (1989). Nous développons le sens de son utilisation par la suite.

nécessite de savoir ce qu’est le TOC. Comment fait-on entrer la maladie dans le cerveau ? Cet accord se base-t-il sur des éléments partagés par tous les acteurs, qu’ils soient neurologues, psychiatres ou neurochirurgiens ? Nous nous demanderons alors si la définition du trouble qui soutient cette application est la même pour tous et comment ils en en arrivent à un consensus. Nous retraçons dans le troisième chapitre l’histoire de cette recherche et de la construction de sa légitimation afin de montrer que si la DBS tire sa puissance des intérêts qu’elle unit, cela n’en complexifie pas moins la tâche de ceux qui souhaitent harmoniser les pratiques en trouvant des points d’accords qui satisfassent le plus grand nombre. L’entreprise de recherche va devoir autant trouver les moyens de se justifier et de se protéger, que de réguler et standardiser sa propre pratique et réussir à coordonner la multiplicité des intervenants et des acteurs. Le quatrième chapitre nous confrontera au déroulement du protocole. Notre travail consistera en la description d’un agencement complexe d’une constellation de pratiques cliniques et expérimentales qu’une telle entreprise nécessite mais aussi autorise. Cet ensemble, par une investigation clinique et outillée du cerveau, entérine une série de transformations autour de la définition des troubles psychiatriques entamées depuis une vingtaine d’années par les neurosciences et fait émerger plusieurs figures du malade. Nous proposerons une analyse dynamique des transformations que ces savoirs, ces pratiques et ces technologies entraînent dans le champ de la psychiatrie et de la neurologie, cela au travers de la redéfinition les uns par rapport aux autres d’un ensemble de syndromes et d’entités morbides trouvant leur origine dans le système nerveux central qui serait source de tous les