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Chapitre II : Représentations et parcours de la chanson en classe de FLE

III. La chanson pour une perspective didactique

III.3. Le choix des chansons

Le choix des chansons fait l’objet de multiples interrogations. Le thème renvoie presque toujours à un point essentiel en didactique : celui des objectifs.Nous émettons cette question d’une manière plus générale, en tenant compte du genre ou du type de chanson, sans se référer aux titres de chansons.

III.3.1. Chanson folkloriques

Jean-Claude Demari (FDLM, 2001) estime que l’exploitation de la chanson en classe de langue remonte plus loin que la date à laquelle P. Dument en fait mention. En effet, il étudie sa situation dans les manuels d’après les méthodologies appliquées. Pour ce motif, il fait référence au niveau 2 du Cours de langue et de civilisation française (Mauger, 1955): il est présenté huit chansons folkloriques avec leurs partitions. Les exploitations de la chanson folklorique sont liées aux approches structuro-globales: le texte est un support pour les exercices structuraux contrebalancé par un certain regard civilisationnel.

III.3.2. Chansons à texte dites poétiques

Selon Demari, à partir des années 60, on passe de l’enseignement du « chant » à l’enseignement de la « chanson à texte » ou de la chanson poétique. Cette chanson « moderne », c’est celle de Brasses, Brel, Barbara et d’autres. Le texte étant le plus important à approcher, il fallait trier les meilleurs, autrement dit, des chansons de qualité, de par leurs textes presque uniquement.

Le Français Fondamental trouve un nouvel usage, innovant s’il en est : permettre de « catégoriser » les « bonnes chansons ». Demari, 1988 : 52

Ce mouvement est approuvé par les propositions pédagogiques conçues par Robert Damoiseau (FDLM, 1967), où il encourage les enseignants à utiliser la chanson « moderne », comme l’a dit, en proposant à titre d’exemple l’étude de la chanson « La montagne », de Jean Ferrat.

III.3.3. Intégration de tous les types de musiques

Vers la fin des années 70, avec les méthodologies communicatives et leur centration sur l’apprenant, et grâce aux études de J-L. Calvet sur la chanson, d’après Demari

tous les types de musiques, même celles qui étaient vues auparavant comme « commerciales », « inaudibles », « mal articulées » ou « argotiques », commencent à avoir droit de cité DEMARI, 1988 :53.

En effet, la chanson n’est plus considérée seulement pour son texte mais aussi pour sa mélodie, son rythme, l’interprétation, sa gestuelle sur scène, etc.

Par ailleurs, Jaques Pécheur, ancien rédacteur en chef du FDLM trouve qu’il existe une volonté plus idéologique d’octroyer au français en image vivante de prendre en compte

le fait que la chanson est une expression culturelle proche des étudiants, dans laquelle ils peuvent se reconnaître, ne serait-ce qu’au niveau musical. Cité par DEMARI, id, ibid.

A cette époque-là paraissent les deux ouvrages de J. L. Calvet autour de la chanson, le premier, adressé directement aux enseignants de français, La chanson dans la classe de français langue étrangère (1980) et le second Chanson et société (1981).

L’auteure Liliane Picciola (1982) nous l’évoque, en se demandant sur les traits culturels transmis à la fois par la chanson considérée comme poétique et sur ses divers succès populaires. Ainsi, elle se concentre sur le travail réalisé par Calvet et J-C Klein sur les chansons de l’équipe Revaux/Talas/Sardou dans Faut-il brûler Sardou ?paru en (1978).

le seul examen des textes interprétés par Sardou ne suffit pas pour éclairer leur message (…) il s’agit de bien d’éclaircir sa nature en montrant que l’alliance texte/musique/interprétation touche plus l’affectivité que l’intellect et qu’on se méprend très facilement sur la signification d’une chanson si l’on ne prête pas attention à tous ces éléments (id., p.91).

A leur tour, Demari et Caré (1988) ont au part à une prise de conscience par rapport à cette spécificité de la chanson. Ainsi, ils ont tendu à faire réduire la barrière existante entre genre

de chanson plébiscite par les Français –le rock – et la chanson que les professeurs apprennent à leurs élèves en classe.

Les auteurs, dans cet article, se basent sur un sondage sur le goût des Français en ce qui est de la musique, qui a montré leur goût pour le rock, et qui les conduits à réfléchir sur la place de la chanson dans la classe de langue. Ces auteurs pensent que

Son statut (de la chanson) n’est pas toujours bien défini car concepteurs de méthodes, formateurs et enseignants ne s’entendent pas encore sur deux questions essentielles : quelles chansons sélectionner ? Comment travailler avec elles ? (id, 48)

Ils ont identifié la difficulté, éprouvée par les enseignants, d’aborder une chanson du genre rock et, pour ce motif, ils consacrent une partie de cet article à exposer ce qu’est le rock (comme étant une forme et une écriture musicale), avec des exemples de chansons, avant de lancer leur analyse d’une chanson d’A. Bashung, Elégance.

Dans leur article intitulé Chanson et classe de langue : état des lieux, Joël Boudou et Andreu Rigo Isern (1984 : 31), résument ainsi ce cheminement progressif de la chanson

Longtemps suspectés de perturber la compréhension du message linguistique et souhaités pour cela les plus neutres possibles, la voix, le rythme, l’accompagnement musical sont de plus en plus sollicités pour faciliter l’accès au sens global par des techniques visant à l’amélioration de l’écoute. Ces approches, assumant le fait qu’aucune chanson n’a été écrite dans un but pédagogique, sont axées davantage sur le plaisir. Cela devrait permettre l’élargissement d’un répertoire qui relève encore trop souvent du seul choix de l’enseignant. Boudou, Isern (1984 : 31)

Deux décennies plus tard, Calvet (2001 : 49) présente ainsi, le dossier dit « Musiques actuelles, quatrième génération » :

De 1981 à 1986, de l’Allemagne au Gabon, de l’Italie à l’Autriche et à la Grande Bretagne, j’ai mené des enquêtes sur les goûts des professeurs de français en matière de chanson francophone…

Ce que les étudiants comme les professeurs plus âgés plébiscitent, c’est une certaine chanson française, caractérisée par la prééminence du texte, son aspect poétique, une chanson née il y a plus d’un demi-siècle dans les cabarets parisiens. id., p.49

Pour lui, c’est un résultat impressionnant :

Ce qui frappe le plus, c’est le déséquilibre entre cette image un peu figée de la chanson francophone et l’extrême créativité des nouveaux talents. id., ibid.

Ainsi, il cite l’exemple de la chanson rap (« on rappe partout, en toutes les langues ») et de Manu Chao, qui mêle l’espagnol, le français, le galicien et l’anglais, et il finit par nous faire une sorte d’instruction et de suggestion :

Ce décalage entre le goût des enseignants ou des futurs enseignants et de ceux de leurs élèves potentiels risque d’être dramatique, car il ne suffit pas de faire écouter des chansons en classe de langue pour atteindre son but : il faut encore y intéresser les élèves qui sont souvent mieux renseignés que leurs professeurs. Allez chers collègues, encore un effort ! Id. ; ibid.

C’est afin de favoriser cet effort que Michel Boiron (2001), donne ses propositions, dans l’article Chansons en classe, mode d’emploi, dans ce même dossier.

En ce qui est du choix des documents, l’auteur n’infère que le fait d’opter pour des chansons très récentes

renforcent l’actualité de la langue apprise, son insertion dans le monde d’aujourd’hui. Elles peuvent contribuer à consolider la complicité entre enseignants et apprenants dans le projet d’apprentissage. Id. ; ibid.

Le côté culturel, quant à lui est toujours présent :

la chanson est un lien avec la culture de l’autre dans sa diversité. Les musiques actuelles francophones sont un lieu de découverte de la réalité multiculturelle française et francophone. id., p55

Ce même souci revient, découvert à partir des années 80 (Calvet, 1980 ; DUMENT, 1999) qui attribue à la chanson le statut de document authentique : son rapport avec la société et avec la culture, propre à un document qui utilise une langue vivante. Par la suite, Boiron nous liste un certain nombre de critères de choix d’une chanson (id., ibid.), à savoir :

 La proposition de la chanson est faite par un des élèves  Elle passe à la radio et a du succès ;

 Elle convient au goût de l’enseignant  Elle capte, elle est différente

 Son thème est conforme au thème abordé au cours ;  Elle répond aux habitudes d’écoute des élèves

 Avoir la possibilité de chanter, de l’exploiter pour un spectacle, etc. Et il avance en faveur de sa sélection des musiques actuelles :

Elles sont aussi une mission de plaisir, de divertissement…apprendre le français, c’est aussi découvrir le plaisir d’apprendre…Id., ibid.

D’après ce qui a été noté, le choix des chansons nous semble plus liée à ce que véhicule le texte, si la sélection est faite par l’enseignant, visant d’abord la langue, le contenu (les thèmes de la vie quotidienne) et surtout la forme linguistique (syntaxique, vocabulaire, niveaux de langue, etc.). Cela se voit, bien que ce ne soit pas désirable. Car si l’on veut octroyer le droit de citer à l’étudiant, lui, préfère surtout, dans la chanson, sa mélodie, son rythme et son interprétation, ce qui ne nécessite pas de savoirs spécifiques dans le domaine, pour l’apprécier car ce sont ces éléments qui favorisent sa motivation plus que le texte.