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Chapitre II : Représentations et parcours de la chanson en classe de FLE

II. La chanson : discours et apprentissage

Dans son document intitulé Approches pédagogiques de la chanson, Michel Boiron définit l’apprentissage d’une langue comme suit :

Apprendre une langue, c'est aborder une autre manière de voir le monde, découvrir un univers culturel et linguistique différent de sa culture d'origine. La perception des autres, la compréhension, les repères personnels sont remis en question par ce projet. Réduire l'apprentissage de la langue à l'assimilation de vocabulaire, de structures de phrases, de règles grammaticales et d'un contenu de civilisation préétabli, équivaut à enseigner une langue morte

Et comme selon lui, la langue sert à communiquer, en permettant d’échanger des informations, d’exprimer des opinions, de réagir, etc. ; elle serait ainsi plus sollicitée au futur pour répondre aux besoins immédiats des personnes. Cette nécessité dictée par l’actualité du monde technologique qui ne cesse de développer ; suggère des moyens fructueux afin de faciliter l’accès à un apprentissage efficace : ces procédés esthétiques sont bien la chanson et la musique.

L'auteur continue à soutenir sa pensée en faveur de la chanson en considérant que celle-ci sert de lien entre les diverses cultures françaises et francophones. En plus, elle favorise le sens de l’interactivité en classe ; tout en assurant le facteur de divertissement.

En somme, comme l’apprentissage est avant tout une envie à nourrir, un talent à révéler ; il serait indispensable de fournir tous les atouts possibles qui « déclenchent » cette opération devenue de plus en plus compliquée. C’est là où intervient la chanson avec ses spécificités littéraire, culturelle, affective et esthétique, pour accommoder ce processus.

II.1.2. La chanson comme étant un genre discursif

Entamons cette partie par cette question : la chanson s’inscrit-elle sous quel genre de discours ?

Afin de situer la chanson dans un genre discursif, sachant qu’il est difficile d’en faire une classification, nous faisons un recueil des déclarations sous différents angles : didactique linguistique et sociolinguistique.

Dans l’article « langue française et chanson » (1977 : 13-17), il est émis un regard sur le genre discursif que retrace la chanson et cela en exposant un débat entre Jean- Louis Calvet, sociolinguiste spécialiste de la chanson, Francis Debyser et René Kochmann, didacticiens du FLE.

Qu’elle est la particularité du discours de la chanson qui la rend difficile à comprendre quand elle se chante, même si on connait bien la langue respective ?

Calvet (1980) dans son ouvrage, La chanson dans la classe de français langue étrangère, renvoie cette complexité à ce qu’on appelle le « jeux de mots ». D’après lui, ce sont les jeux de mots et les chansons qui constituent les plus grands obstacles dans l’apprentissage d’une langue étrangère. Quant à la chanson, Calvet (1977) trouve que cette difficulté n’est pas éprouvée uniquement par les étrangers :

C’est effectivement un problème de rapports à une forme d’expression qui est un peu différente et qui au départ nous trouble. Calvet 1977 : 14.

Sous un autre angle, René Kochmann (1977 : 13) trouve que mise à part les subtilités intrinsèques à l’oral, « la difficulté majeure, c’est l’existence de quatre types de rythmes dans

presque toutes les chansons » : le premier est lié à la versification, le deuxième au langage, le troisième à la mélodie et le dernier à l’instrumentation. A cette idée rejoint Calvet :

Il y aura à la fois un accent tonique, qui frappera ici ou là (…) et d’autre part, la mélodie et non plus le rythme : il va y avoir des syllabes qi vont être longues et brèves, ce qui n’existe plus linguistiquement en français. Calvet, (1980 : 14)

Le lien entre l’oral et l’écrit que la chanson représente est un autre motif qui fait partie de cette démarche de cerner la spécificité de la chanson. Il s’agit d’un thème de discussion depuis trois décennies : ce rapport entre langue littéraire et chanson. Dans ce sens, F. Debyser (1977 : 15) pense qu’il y a « une évolution qui va dans le sens d’un rapprochement très net de la langue orale (…) il ne faut pas faire croire aux enseignants que la chanson c’est de l’oral et non pas un texte chanté ». Tandis que R. Kochmann (1977 : 16) trouve que c’est plutôt « une oscillation pendulaire de la chanson entre l’assimilation, disons à l’écrit poétique soumis à des règles précises (…) et l’assimilation à l’oral spontané ». Pour lui, « c’est de l’écrit oralisé ». D’après Calvet (1977 : 17) : « c’est la rencontre de différentes directions pulsionnelles, de différents rythmes »

F. Debyser (1977 : 17) soulève une autre caractéristique de ce genre de discours en montrant qu’il est question d’une unité textuelle courte :

parmi les variétés d’écrit oralisé ou de message sonores, il en est peu qui se présentent comme un texte achevé, complet, avec une rhétorique interne qui est en elle-même un avantage pédagogique

Claude Duneton, le spécialiste de la chanson (1998) trouve qu’un texte réservé à la chanson n’est pas un texte poétique ordinaire.

Les vers d’une chanson ont curieusement besoin s’être plats, car ils doivent laisser la place à leur parure, à leur écharpe mélodique, à la musique qui les anime, au rythme qui les grossit, leur octroie leur pleine charge poétique.

Par la suite, nous distinguerons que la conception de la chanson par les spécialistes n’a pas toujours été prise en considération dans les approches didactiques de la chanson.

II.2. La représentation de la chanson par les auteurs-compositeurs

Sous cet angle, Charles Trénet nous apprend à travers les paroles de « L’âme des poètes »

1951, que les auteurs de la chanson ayant même disparu, la chanson se perpétue.

Longtemps longtemps longtemps Après que les poètes ont disparu Leurs chansons courent encore dans les rues

En les chantant, les gens de la rue assurent la longévité des chansons sans même en connaitre les concepteurs. Et ce sont les sentiments qui engagent les poètes à écrire une chanson :

La foule les chante un peu distraire En ignorant le nom de l’auteur Sans savoir pour qui battait leur cœur

Pour répondre à notre question, Georges Moustaki décrit la chanson comme une mosaïque :

La chanson ?

C’est du théâtre, un film, un roman, Une idée, un slogan, un acte de foi, Une danse, une fête, un chant d’amour, Une arme de combat, une denrée périssable,

Une compagnie, un moment de la vie (MOUSTAKI, cité par BONNIUEX, CORDEREIX, GIULIANI, 2004)