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Changements des calendriers de fécondité dans les couches

Chapitre 4. Maitrise de la fécondité: spécificités du Niger par rapport au

4.2 Singularités nigériennes en matière de maîtrise de la fécondité

4.2.3 Changements des calendriers de fécondité dans les couches

Au delà du différentiel de niveau, il est intéressant de noter les décalages dans les calendriers de la fécondité suivant les pays. L'évolution de la descendance atteinte par groupes d'âges des femmes de 40-49 ans souligne davantage les spécificités de la fécondité au Niger. Alors que le niveau et le calendrier stagnent d'une génération à une autre au Niger (EDS1, EDS2 et EDS3), le Mali et le Burkina Faso enregistrent une baisse de parité par âge des générations anciennes vers les plus jeunes. Les différences sont encore plus nettes vers la fin de la vie reproductive.

L'analyse suivant les facteurs socioéconomiques montre que ces différences traduisent globalement un faible impact de l’urbanisation au Niger. La baisse selon les générations y est encore hésitante même en milieu urbain. Cela n'est pas le cas pour le Burkina Faso où les différences entres les jeunes et les anciennes générations sont bien marquées en milieu urbain. Même si elles sont moins marquées qu'au Burkina Faso, ces différences générationnelles de calendrier sont plus observables au Mali qu'au Niger.

Figure 4.3 – Descendance moyenne atteinte des femmes âgées de 40-49 ans aux différentes EDS selon l'âge, par milieu de résidence et niveau d'instruction

Niger Mali Burkina Faso

 Ensemble 40-49 ans

 Milieu de résidence

 Niveau d'instruction

Notes: EDS1, EDS2 et EDS3 correspondent respectivement aux années 1998, 2006 et 2012 (Niger); 1995, 2001 et 2006 (Mali); 1998, 2003 et 2010 (Burkina Faso). SSup = Secondaire ou supérieur.

Le niveau d'instruction est un facteur assez discriminant de la variation du calendrier de la fécondité selon les générations. Mais comparativement au Niger et au Mali, c'est au Burkina Faso que son effet est plus marqué. En effet, quelle

que soit la génération, la descendance finale moyenne atteinte à la fin de la vie reproductive est nettement en dessous de 5 enfants au Burkina Faso alors qu'elle est restée en dessus ou autour de cette valeur dans les autres pays.

Toutefois, sur les trois générations examinées, la fécondité des femmes plus instruites a connu un recul plus important au Mali qu'au Niger.

D'une manière générale, et quel que soit le pays, les changements en matière de fécondité ne s'opèrent qu'en milieu urbain et parmi les femmes plus instruites. En revanche, d'une génération à une autre, la situation de la fécondité stagne en milieu rural et parmi les femmes non instruites. Toutefois, le Niger se démarque des deux autres pays: d'une part, il affiche une moindre baisse de la fécondité en milieu urbain et parmi les plus instruites et de l'autre il connait une augmentation plus marquée de la fécondité en milieu rural et parmi les femmes non instruites.

Ces résultats suggèrent que résider en milieu urbain ou atteindre un certain niveau d'instruction n'a pas le même effet sur les comportements reproductifs d'un pays à un autre ou d'une société à une autre. Les normes sociales ou religieuses, les rapports de genre, l'accessibilité ou la qualité des services de planification familiale, etc. sont tant de facteurs qui varient selon les pays et qui peuvent donc entraver ou accélérer, selon les contextes, l'évolution des comportements reproductifs.

4.2.4 Fécondité idéale selon les classes socioéconomiques

Le niveau élevé de la fécondité au Niger pourrait s'expliquer par un penchant pour une descendance nombreuse. Le nombre idéal moyen d’enfants parmi les femmes en âge de procréer y est de 8,8 enfants en 2006, soit près de trois enfants de plus qu'au Mali (6,3 enfants, EDS 2006) et au Burkina Faso (5,6 enfants, EDS 2003). La figure 4.4 (Boîte à moustaches27) décrit la variabilité de la descendance idéale par pays et selon quelques critères socioéconomiques.

La singularité du Niger en matière d'aspirations reproductives est telle que la descendance idéale médiane parmi les Nigériennes de niveau secondaire ou supérieur est comparable à celle parmi les Maliennes de niveau primaire et à celle parmi les Burkinabè sans aucun niveau d'instruction. De plus, cette valeur médiane parmi les Maliennes et les Burkinabè vivant dans des ménages pauvres est plus faible que ce qu'elle est parmi les Nigériennes vivant dans des ménages riches28.

27 Le principe de "boîte à moustaches" est le suivant: les limites inférieure et supérieure de chaque boite correspondent respectivement au premier quartile (25%) et au troisième quartile (75%) de la distribution. La bande interne correspond à la médiane (50%). Les moustaches inférieure et supérieure correspondent respectivement à la plus petite et à la plus grande valeur de la variable. Les points isolés correspondent aux valeurs atypiques (trop petites ou trop grandes).

28 La variable "niveau de vie du ménage" est l'indicateur composite calculé par les EDS et décliné en cinq modalités. Cette variable est ici recodée en trois classes: les deux premiers quintiles sont considérés comme "pauvres", le troisième "moyen" et les deux derniers "riches" (voir chapitre 3).

Par ailleurs, la relative homogénéité de la descendance idéale (faible dispersion) observée parmi les Burkinabè et les Maliennes citadines, plus instruites et plus riches ne s’observe pas dans les groupes homologues des Nigériennes. En milieu urbain, la proportion des femmes souhaitant moins de 5 enfants est d'environ 75% au Burkina Faso, 50% au Mali et seulement 25% au Niger. Aussi, contrairement aux deux autres pays, la descendance idéale au Niger est plus variable au sein des couches socialement favorisées (citadines, instruites et riches). Cela dénote un changement en cours des aspirations reproductives parmi les "élites" nigériennes. Une partie de celles-ci commencerait à souhaiter une descendance moins nombreuse alors qu'une autre partie resterait encore attachée aux valeurs natalistes. Parmi les couches socialement défavorisées par contre, il existerait une certaine unanimité autour de la nécessité d'une descendance nombreuse, d'où l'expression d'un idéal de fécondité assez homogène. Cela renvoie donc à la signification de "nombre social" que prend la fécondité idéale dans certains contextes.

Figure 4.4 – Distribution de la descendance idéale des femmes âgées de 15 à 49 ans selon quelques facteurs socioéconomiques

Niger (2006) Mali (2006) Burkina (2003)

Milieu de résidenceNiveau d'instructionNiveau de vie du ménage

En définitive, le souhait pour une descendance nombreuse est plus répandu au Niger qu'au Mali et au Burkina Faso. Dans ces deux derniers pays, les préférences en matière de fécondité ne varient que faiblement selon les couches socioéconomiques examinées. Au Niger par contre, vivre en milieu

urbain, être plus instruite ou vivre dans un ménage riche semble associé au souhait d'une descendance moins nombreuse. Par contre, on note une plus grande variation des aspirations reproductives parmi ces couches sociales privilégiées. Cela correspondrait, au sein de ces groupes d'élites, à un début de distanciation par rapport aux normes sociales natalistes qui prévalent dans la société nigérienne en générale.

4.2.5 Fécondité désirée, contraception et besoins en planification familiale

La prévalence contraceptive pour les méthodes modernes reste aujourd'hui encore faible au Niger. Elle est de 12% parmi les femmes mariées de 15-49 ans à l'EDS 2012. Comparativement à ce qu'il était en 2006 (5%), ce niveau d'utilisation de la contraception moderne constitue une nette progression, puisque maintenant le Niger semble avoir réduit son retard par rapport au Burkina Faso et au Mali. Par contre, lorsqu'on tient compte du désir d'enfants, notamment à travers l'indicateur des "besoins non satisfaits" en matière de planification familiale, les écarts apparaissent entre les trois pays, plus précisément entre le Niger et les deux autres. Le penchant des Nigériennes pour une descendance nombreuse n'est pas sans lien avec le faible niveau des

"besoins non satisfaits" de planification familiale que connait le pays. En effet, parmi les femmes qui n'utilisent pas la contraception et qui n'ont pas l'intention de le faire à l'avenir, 25% se justifient par le souhait d'autres enfants.

Figure 4.5 – Évolution des besoins non satisfaits, prévalence contraceptive moderne, indice synthétique de fécondité (ISF) et indice synthétique de fécondité désirée (ISFD) selon les pays

Source des données: EDS Burkina Faso (1993, 1998, 2003, 2010); EDS Mali (1987, 1995, 2001, 2006) et EDS Niger (1992, 1998, 2006, 2012)

Dans le cas du Niger, cette réalité s'est traduite par un faible écart entre les niveaux de la fécondité réalisée et de la fécondité désirée. Si cet écart est quasiment nul jusqu'à 2006 au Niger, il est resté régulièrement important au Burkina Faso et au Mali. Sa variation dans les différents pays dénote un faible potentiel de réduction de la fécondité au Niger alors que dans les deux autres pays la fécondité réalisée est potentiellement réductible, à travers notamment

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des politiques visant une satisfaction des besoins en planification familiale.

Ainsi, une première étape vers une maitrise de la fécondité au Niger consisterait à promouvoir un changement des aspirations reproductives, de sorte que le souhait d'une descendance moins nombreuse soit fréquent.

4.2.6 Potentiel de réduction de la fécondité selon les couches socioéconomiques

Quel que soit le pays et quelle que soit la catégorie sociale considérée, l'écart entre l'ISF et l'ISF désiré est positif. Mais c'est au Niger qu'il est non seulement le plus faible mais aussi le plus homogène entre les différentes couches sociales. Il n'y a donc pas plus de possibilité de réduction de la fécondité chez les "élites" que chez les femmes socialement défavorisées. S'il est moyennement important et hétérogène au Burkina Faso, c'est au Mali que cet écart est le plus élevé et le plus hétérogène. Contrairement au Niger, la fécondité malienne baisserait nettement si les Maliennes arrivent à bien planifier leurs naissances. Au Burkina Faso comme au Mali, le potentiel de réduction de la fécondité est plus important parmi les femmes rurales, moins instruites ou vivant dans des ménages pauvres comparativement et respectivement aux femmes urbaines, plus instruites ou vivant dans des ménages riches. Cela peut s'interpréter par une plus grande capacité des femmes plus favorisées à éviter les naissances "non désirées" en tirant avantage de leurs situations d'élites (ressources du milieu urbain, avantages d'une meilleure instruction et richesse du ménage).

Figure 4.6 – Écart entre ISF et ISFD aux dernières EDS selon le milieu de résidence, le niveau d'instruction et le niveau de vie selon les pays

Source des données: EDS Burkina Faso (1998, 2003, 2010); EDS Mali (1995, 2001, 2006) et EDS Niger (1998, 2006, 2012)

La faiblesse et l'homogénéité des écarts entre l'ISF et l'ISFD au Niger pourraient en partie s'expliquer par une adaptation des préférences aux réalisations fécondes. En effet, il existe des écarts importants entre les sous-groupes sociaux en matière de fécondité réalisée: selon l'EDS 2012, l'ISF y est de 8,1 enfants en milieu rural contre 5,6 en milieu urbain; 8,0 enfants pour les femmes non instruites contre 4,9 pour celles ayant un niveau secondaire ou plus et 8,2 enfants pour le premier quintile du bien-être économique contre 7,6 pour le dernier. Lorsque les femmes ont tendance à ne pas déclarer une naissance ou une grossesse comme non voulue, comme c'est le cas dans le contexte nigérien, l'écart entre les aspirations et les réalisations en matière de fécondité devient faible, indépendamment du niveau de fécondité réalisée. Ces résultats suggèrent qu'au Niger, contrairement au Mali et au Burkina Faso, les descendance, le Niger semble se démarquer. Plus préoccupante, sa situation en matière de maitrise de la fécondité peut avoir une double explication. Au

caractéristiques socioéconomiques clés sur les comportements reproductifs. Au niveau macro, en plus d’un contexte socioéconomique défavorable comme précédemment discuté, l'effort de planification familiale consenti par les États peut faire une différence.