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Caractéristiques des habitats à characées de la région genevoise

Les characées sont globalement considérées comme des pionnières, indicatrices d’eau oligo-mésotrophes. Dans cette enveloppe environnementale restreinte, toutes les espèces n’occupent cependant pas les mêmes habitats comme le suggère les changements de répartition des espèces dans le temps et dans l’espace (voir chapitre 3 suivant).

La région genevoise dispose actuellement d’une variété d’habitats contrastés offrant des conditions favo-rables à plusieurs espèces de characées aux exigences écologiques diverses. Le Léman abrite des espèces diffé-rentes des plus petits écosystèmes. Parmi les plans d’eau de faibles superficies, deux grands types d’habitats à cha-racées peuvent être distingués : 1) les étangs et anciennes gravières plus ou moins profonds, alimentés par des eaux souterraines et offrant des conditions environnementales relativement stables ; 2) les étangs et mares peu pro-fondes, alimentés par des eaux de pluies et de ruisselle-ment, se réchauffant rapidement et étant susceptibles de s’assécher.

Le Léman

Le Léman abrite une partie de la flore charophy-tique de la région genevoise: Chara contraria, Chara denu-data, Chara globularis et Nitellopsis obtusa. Ce sont des espèces colonisant quasiment exclusivement les milieux lacustres et supportant mieux que la plupart des characées des niveaux trophiques relativement élevées (méso-trophes). Dans ces conditions profondes et d’inondation

toute l’année (stratégie pérenne) grâce à la multiplication végétative. La composition de la communauté charophy-tique évolue lentement, en fonction du phénomène de ré-oligotrophisation progressif du lac.

Les plaines alluviales

Un des « hotspot » à characées rencontrés dans la région regroupe les plans d’eau alimentés par des eaux souterraines. Ceux-ci sont situés dans les zones alluviales du Rhône et de l’Arve ainsi qu’au pied du Jura, à savoir:

quelques étangs de la réserve de l’Etournel à Pougny, les étangs Géroudet et Burnier-Blanchet des Teppes de Ver-bois, la résurgence des Eaux-Chaudes au bord de l’Allondon, l’étang Hainard de la réserve du Moulin de Vert, les étangs de la Touvière à Avully, le lavoir de Thoiry à la source de l’Allemogne, et le lac du Bois d’Avaz à Bonne-ville.

Alimentés par les eaux souterraines, ces étangs ont des eaux transparentes car pauvres en nutriments, très minéralisées et calcaires. La qualité physico-chimique des eaux étant en outre stable, la succession végétale est grandement ralentie, permettant le maintien de communau-tés de characées calciphiles sur plusieurs décennies. Par exemple, depuis une vingtaine d’années, une population de Nitella tenuissima et de Chara intermedia recouvre une majeure partie des pentes d’une ancienne gravière pro-fonde de la réserve de l’Etournel. La relative fraîcheur des eaux favorise en outre l’installation de populations pé-rennes d’espèces des eaux neutres à basiques,

spécia-opaca. Chara strigosa se maintient dans l’étang Hainard depuis sa création (1992). Nitella opaca est présente de-puis de nombreuses années aux Eaux-Chaudes et dans le lavoir de Thoiry, deux petites stations caractérisées par un ombrage important et des températures fraîches très

stables (entre 8 et 12 °C).

Les variations du niveau de ces plans d’eau sont fortement dépendantes des variations de niveaux du toit de la nappe ou de la source les alimentant. La superficie des zones pouvant être asséchées en période de basses eaux est ensuite fonction du profil des berges. Dans les an-ciennes gravières, la profondeur augmente rapidement ce qui restreint l’exposition des berges aux assèchements et

favorise surtout l’installation durable d’espèces calciphiles de milieux permanents (ex. Chara intermedia, Nitellopsis obtusa, Chara globularis). Les fluctuations de niveaux dans les gravières à la bathymétrie plus variée (ex. Géroudet, Burnier-Blanchet, Hainard) créent des conditions

hydrolo-giques variables, de secteurs peu profonds parfois assé-chés et d’autres plus profonds toujours en eau. Sur les bordures de ce type de milieux peuvent pousser des cha-racées calciphiles s’accommodant, ou nécessitant, des conditions d’inondations temporaires (ex. Tolypella glome-rata, Chara aspera, Nitella confervacea). La zonation ba-thymétrique des espèces est aussi probablement fonction de capacités d’acclimatation à la lumière différentes.

Milieux à characées alimentés par des eaux souterraines : A) Etang amont de la Touvière (Avully), alimenté par la nappe du Rhône et abritant Chara vulgaris ; B) Ancien lavoir de Thoiry alimenté par la source karstique de l’Allemogne où pousse Nitella opaca ;C) Etang Hainard alimenté par la nappe du Rhône où plusieurs espèces de characées se succèdent le long du gradient de profondeur.

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Des études supplémentaires sont toutefois nécessaires pour détermi-ner l’impact des régimes hydrologique, thermique et lumineux sur la répartition et le cycle de vie des characées dans un milieu donné.

Les marais

Les marais constituent un autre type d’habitat à characées rencontrés dans la région genevoise, essentielle-ment dans sa partie orientale (les étangs des Bois de Jussy et l’étang des Prés de l’Oie à Sionnet). Contrairement aux étangs situés en plaine alluviale, les marais sont généralement peu profonds et alimentés directement par les eaux de pluie. Dans ces milieux de faible profon-deur, la température de l’eau est forte-ment corrélée à celle de l’air et montre donc des variations journalières et sai-sonnières très importantes. Le régime des eaux étant également fortement dépendant des conditions atmosphé-riques, de larges secteurs peuvent être

asséchés au cours de l’été ou de l’automne. Dans les marais, les ressources en énergie (lumière et température) et en matière (nutriments phosphorés et azotés) sont suffi-santes pour permettre l’installation de plantes vasculaires et d’algues filamenteuses plus compétitrices que les cha-racées. La survie de ces dernières dépend donc proba-blement des assèchements, qui leur offrent des opportuni-tés d’installation en supprimant la compétition. Ces milieux offrent ainsi des conditions favorables pour les espèces de milieux neutres à faiblement alcalins (surtout des Nitella),

alimentés par des eaux souterraines, les characées doi-vent ici s’accommoder de ces conditions environ-nementales changeantes en adaptant leur cycle de vie.

Alors qu’elles forment régulièrement des populations pé-rennes dans les milieux stables oligo-mésotrophes (lac et étangs de plaine alluviale), elles adoptent un cycle de vie annuel dans ces milieux temporaires afin de produire une banque d’oospores dense et résistante avant la période défavorable (développement de plantes vasculaires com-pétitrices, réchauffement délétère, assèchements). Nitella Marais faiblement calcaires à Nitella : A) Etang des Prés de l’Oie (Meinier) où Nitella mucronata a été observée ; B) Marais des Prés-de-Villette (Jussy) abritant notamment Nitella opaca et Nitella gracilis ; C) Mares récemment recreusées aux Prés Bordon où Nitella opaca et Nitella batrachosperma ont pu être observées.

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gracilis et Nitella opaca trouve notamment des conditions favorables aux Prés de Villette et aux Prés Bordon.

L’occupation du sol autour de ces marais a éga-lement un impact sur la qualité des eaux et donc sur la composition des communautés de characées. Quelques espèces de characées semblent tolérer des niveaux tro-phiques relativement élevés. Mises à part les espèces les plus communes telles que Chara vulgaris et Chara globula-ris, Nitella mucronata est parvenue à pousser dans la

Seymaz et sur quelques bordures de l’étang des Prés de l’Oie dont la qualité physico-chimique est dégradée par les pollutions nutritives diffuses liées aux activités agricoles.

Des études supplémentaires sont indispensables pour comprendre l’influence des variations de niveaux et de température sur la croissance et la phénologie des espèces de characées dans ce type de milieux.