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La bataille contre Dehak chez Aboul Hassan Ali Masoudi et Abū al-Qāsim Firdawsī : un mythe de fondation du peuple kurde

et le début de l’invention de la tradition Newroz

B. La bataille mythique entre Kawa et Dehak dans la littérature arabe et persane médiévale

2. La bataille contre Dehak chez Aboul Hassan Ali Masoudi et Abū al-Qāsim Firdawsī : un mythe de fondation du peuple kurde

Je vais présenter deux récits de cette bataille mythique, presque contemporains l’un de l’autre : le premier est d’Aboul Hassan Ali Masoudi, poète et historien arabe, et le second du poète persan Abū al-Qāsim Firdawsī, évoqué précédemment.

Le texte qui suit est tiré des Prairies d’or, ouvrage rédigé au milieu du Xe siècle

apr. J.-C. par Aboul Hassan Ali Masoudi, auteur prolixe dont les textes constituent une importante source pour l’historiographie islamique. Cet ouvrage s’appuie à la fois sur des informations compilées par l’auteur lors de ses nombreux voyages au Moyen-

153 Encore de nos jours, dans certaines parties de l’Iran, on peut assister au sacrifice d’un

Orient, en Asie centrale comme en Inde, mais également sur de très nombreux ouvrages rédigés par des historiens antérieurs, arabes et perses. L’auteur évoque la circulation en Perse de cette bataille mythique contre le dragon Dehak et mentionne un élément particulièrement intéressant : les débats sur l’origine ethnique de la créature. Il écrit :

« Djem eut pour successeur Biourasp, fils d’Arwadasp, fils de Ridwan […] Il est aussi nommé Dèhak, nom qui a été complétement modifié et que plusieurs Arabes prononcent Ed-Dahhak. D’autres le nomment Bohrasf, ce qui est une erreur : son véritable nom est Biourasp, comme nous l’avons adopté. Les historiens s’accordent à dire que Djem mourut par son ordre. L’origine de Biourasp est diversement rapportée : les uns le croient de race persane, les autres de race arabe. Cette dernière opinion est adoptée par les Persans ; ils dissent que Biourasp était un magicien qui se rendit maître des sept climats, qu’il régna mille ans et désola la terre par sa tyrannie et ses cruautés. Les légendes de la Perse entrent dans de longs détails sur ce roi et rapportent qu’il est étroitement attaché par des fers à la montagne de Donbawend (Démavend), entre Rey et le Tabarestan […] A Biourasp succeda Aferidoun, fils d’Ankiad, fils de Djem, roi des sept climats. Ce fut Aféridoun qui s’empara de Biourasp et l’enchaîna au mont Donbawend » (Masoudi, 1841, t. II : 113-114).

Masoudi rapporte ici que les Persans considère Dahak comme « de race arabe », ce qui montre bien que la narration du mythe à cette époque a déjà été adaptée aux circonstances politiques contemporaines : sous le joug arabe, la créature maléfique et sanguinaire se voit attribuer l’origine ethnique de l’envahisseur et usurpateur du pouvoir politique. Masoudi mentionne un autre cas d’attribution d’origine ethnique à Dehak. Il écrit :

« Biourasp est aussi mentionné par certains poètes arabes, anciens et modernes, entre autres par Abou Nowas, qui, en sa qualité d’affranchi de Saad el-Achirah le Yéménite, se glorifie de ce que Dahhak était originaire du Yémen154 » (ibid.).

154 L’adaptabilité du mythe à des situations politiques ressenties comme oppressantes (le joug

arabe, perse, mède, assyrien) est ainsi exploitée dans le Moyen-Orient médiéval, où le mythe fait déjà l’objet de différents mécanismes de réappropriation collective. Citons un autre exemple. Dans son ouvrage A history of Armenia, Vahan M. Kurkjan rapporte que la mythologie arménienne raconte la victoire du héros Tigrane, fils d’Erouand, qui vient à bout d’un serpent Azdhak, roi des Mèdes. Cet Azhdahak correspondrait selon certaines sources à

Concentrons-nous maintenant sur le récit de la bataille et abordons un élément fondamental pour notre étude : Masoudi rapporte dans son ouvrage que la bataille contre Dehak circule comme mythe fondateur du peuple kurde. Il expose trois différentes explications de l’origine de « la race kurde ». Deux des versions rapportées rattachent les Kurdes à la généalogie du prophète, en faisant ainsi des cousins éloignés des tribus arabes, leur séparation remontant à la haute Antiquité. La troisième version rattache l’origine du peuple kurde à cette bataille mythique contre Dehak :

« Nous avons parlé précédemment de Dahhak Doul Ahwah (Zohak) et des discussions soulevées entre les Persans et les Arabes, pour savoir s’il appartenait à l’une ou l’autre race. Sur les épaules de ce tyran s’étaient formés deux serpents qui se nourrissaient de cervelles humaines. Les Perses, indignés des massacres accomplis parmi eux par Dahhak, se soulevèrent en nombre considérable, mirent à leur tête Aferidoun et arborèrent un étendard de cuir qu’ils nommaient, dans leur langue, dirach-kawan. Comme on l’a déjà vu, Aferidoun s’empara de Dahhak et l’enchaîna sur le mont Demavend. Or le tyran égorgeait chaque jour un bélier et un homme et mélangeait leur cervelle pour nourrir les serpents nés sur les épaules de Dahhak. Les Perses qui échappèrent au supplice furent chassés dans les montagnes et y vécurent à l’état sauvage. Plus tard, ils s’allièrent dans ces parages et donnèrent naissance à la famille kurde. Les Kurdes actuels seraient donc leurs descendants répartis en plusieurs fractions de tribus. L’histoire de Dahhak n’est révoquée ni par les Persans, ni par les chroniqueurs anciens et modernes » (Masoudi, 1841, vol. II : 252, cité par Kutschera, 1998 : 17).

La bataille contre le despote Dahak est donc présentée ici comme mythe fondateur du peuple kurde. Il est également important de noter que dans les textes de Masoudi, la célébration de cette bataille mythique n’est pas liée au nouvel an Newroz, mais à la fête nommée Mehrédjan. Masoudi écrit :

« D’après l’opinion des Persans, ou de ceux qui ont étudié leur histoire […] Aféridoun institua une fête pour célébrer l’anniversaire de la captivité de Dahhak. C’est ce qu’on nomma Mehrédjan […] » (Massoudi, 19981, t. II : 113-114).

Astiag, un roi mède détrôné par le roi perse Cyrus II et le roi arménien Tigrane Ier en 550 av. J.-C. Une autre réappropriation du mythe de la bataille entre Kawa est Dehak, celle-ci plus récente, est décrite par Aksoy, qui rapporte qu’au cours de la Seconde Guerre mondiale, les Tadjiks ont comparé les Allemands et leur führer au « dragon tsar Dehak », ce qui par ailleurs souligne la circulation de ces récits en Asie centrale.

Nous avons vu que la Kürdistan Taali Jamiyati (KTJ), faisait reference à cette celebration dans la region de Demavend festival “célébrée uniquement par des Kurdes”. Cela correspondrait à la fête nommée Iyd-i Kurd, décrite notamment par James Morier, diplomate britannique ayant sillonnée la Perse au début du XIXème

siècle. La KTJ avance que la date serait le 31 aout, amis nous savons que cette victoire de Feridoun sur Dehak correpsond chez les Perses à la célébration de Mihrigan, à l’équinoxe d’automne. Ce point mérite donc des approfondissements.

On notera bien sûr que le héros qui vient à bout de Dehak est Aferidoun, de lignée royale, sans qu’aucune mention soit faite de Kawa le forgeron.

Penchons-nous maintenant sur l’œuvre du poète persan Abū al-Qāsim Firdawsī (940-1020). Il me semble important de retranscrire ici les étapes principales du mythe de la bataille entre Kawa et Dehak, dans la mesure où le discours actuel du mouvement kurde s’en inspire très largement. Dans le Shah Nameh de Firdawsī, Dehak (appelé « Zohak ») est le fils « simple et bon » d’un roi décrit comme « un roi arabe155 ». L’entité maléfique qui vient le tenter et le transformera en être surnaturel malveillant est tour à tour nommée Ahriman et Iblis. Cette figure maléfique de la cosmologie islamique est un ange déchu, un djinn ayant refusé de se prosterner devant Adam.

Firdawsī décrit Iblis comme « le chef des féroces Divs » (div étant le terme farsi dérivant de l’avestique daeva). L’utilisation du nom d’Iblis, inconnu dans la cosmogonie zoroastrienne, au lieu de celui d’Ahriman, montre bien l’influence de la civilisation islamique sur la rédaction de ce texte156. Iblis prend une forme humaine et vient séduire le jeune homme. Il lui dit :

155 Dans le Shah Nameh traduit par James Atkinson, on lit « Les vieux historiens rapportent

que Mirtas était le nom d’un roi des Arabes » (Atkinson, 1832). Dans une autre traduction, plus récente, offerte par Dick Davis, on peut lire « En ces temps, dans la terre des Arabes, il y avait un roi bon et raffiné qui craignait Dieu. Son nom était Merdas, et il était un homme d’une grande générosité et très juste » (Davis, 2006 : 9). Il est intéressant de noter que cette mention est absente du début du texte relatif à Zahak dans de la traduction française publiée par Jules Mohl en 1838. La mention apparaît cependant plus tard, lorsqu’il décrit un geste d’Iblis envers Zahak « Il enveloppa ainsi de ses filets la tête de l’Arabe, et l’amena à se décider à lui obéir ». Plus tard, on trouve “Le roi des Arabes se mit à en manger, et abandonna son esprit imprudent à son penchant pour Iblis […] ». Dans la traduction du Shah Nameh de Warner et Warner, publiée en 1905 et réeditée en 2000, on observe une nouvelle version, le père de Zahak est

décrit comme un roi des “bédoins du désert” (Warner et Warner, 2002 : 135)!

156 Dans d’autres parties du Shah Nameh, les personnages maléfiques sont incarnés par

Ahriman ou des alliés d’Ahriman. Mes recherches ne m’ont pas permis de mettre au jour les causes exactes de l’insertion du personnage d’Iblis à cet endroit de l’œuvre de Firdawsī, mais

« Pourquoi y aurait-il dans le palais un autre maître que toi, ô seigneur illustre ? À quoi bon un père quand il y a un fils comme toi ? Écoute maintenant mon conseil. La vie de ce vieillard sera encore longue, et pendant ce temps tu resteras dans l’obscurité. Prends son trône puissant ; c’est à toi que doit appartenir sa place ; et si tu veux suivre mon avis, tu seras un grand roi sur la terre ».

Zohak se rend complice du meurtre de son père, orchestré par Iblis, et monte sur le trône. Iblis prend ensuite les traits d’un cuisinier pour entrer au service du roi ; il nourrit alors Zohak principalement avec du sang animal et de la viande, alors que la cuisine jusqu’alors était exclusivement végétarienne. Séduit par la cuisine de ce jeune employé, le roi demande à le voir et le prie de lui indiquer comment le remercier pour ses bons services. Ahriman/Iblis lui répond :

« Ô roi, puisses-tu vivre content et puissant à jamais ! Mon cœur est plein dʼamour pour toi, et te voir est tout ce que mon âme désire. Je nʼai quʼune chose à demander au roi, bien que cet honneur soit au- dessus de moi, cʼest quʼil veuille permettre que je baise le haut de ses épaules et que jʼy applique mes yeux et ma face ».

Zohak accepte et du baiser apposé sur ses épaules jaillissent deux serpents noirs. Ahriman réapparaît ensuite sous les traits d’un médecin et explique :

« Laisse les serpents, et ne les coupe pas aussi longtemps quʼil y aura de la vie en eux. Prépare-leur de la nourriture, et fais-les manger pour les apaiser ; cʼest le seul remède dont tu doives te servir. Ne leur donne à manger que des cervelles dʼhomme ; il se peut que cet aliment les fasse mourir ».

C’est après cet épisode, explique Firdawsī, que le chaos s’abat sur l’Iran. Il écrit :

« Après cela, de grands tumultes remplirent l’Iran, et de tous côtés il n’y eut que combats et discordes ; le jour brillant et pur devint noir ;

les hommes brisèrent les liens de Djemschid, la grâce de Dieu se

retira de lui, et il tomba dans la tyrannie et la démence. De tous côtés s’élevèrent des rois ; sur toutes les frontières se montrèrent des grands de l’empire, qui rassemblèrent des armées et se préparèrent

elle montre tout de même une certaine influence islamique. Pour une exploration du rôle d’Iblis dans la chute d’Adam et Eve, voir Zilio-Grandi (Zilio-Grandi, 1999).

pour le combat, car ils avaient arraché de leur cœur l’amour de Djemschid. Tout à coup une armée sortit de l’Iran, et se dirigea vers le pays des Arabes. Ils avaient entendu dire qu’il y avait là un homme inspirant la terreur, à face de serpent ; et les guerriers de l’Iran, qui tous demandaient un roi, se dirigèrent vers Zohak. Ils lui rendirent hommage, comme à leur maître ; ils lui donnèrent le titre de roi de l’Iran. L’homme à face de serpent vint dans l’Iran, rapide comme le vent, pour se mettre la couronne sur la tête ; il rassembla une armée de toutes les provinces de l’Iran et de l’Arabie. Il tourna son regard vers le trône de Djemschid, il prit le monde comme une bague pour le doigt. La fortune abandonna Djemschid, et le nouveau roi le serrant de près, il s’enfuit et lui laissa le trône et la couronne, le pouvoir, la tiare, le trésor et l’armée ; il disparut, et le monde devint noir pour lui, quand il eut abandonné à Zohak son trône et son diadème ».

Zohak reprend donc le pouvoir de Jamshid, devient roi d’Iran, et y fait régner la terreur. Chaque jour, deux jeunes gens sont sacrifiés :

« Le cuisinier amenait chaque nuit dans le palais du roi deux jeunes gens, tantôt d’humble naissance, tantôt de noble origine, pour en préparer un remède à Zohak. Il les tuait, ôtait leurs cervelles et en faisait une nourriture pour les serpents. Or, il y avait dans le pays du roi deux hommes purs, deux hommes nobles, de race Parsi : l’un se nommait Irmaïl le pieux ; l’autre, Guirmaïl le clairvoyant. Il arriva qu’un jour, se trouvant ensemble, ils parlèrent de toute chose, grande et petite, du roi injuste, de son armée, et de ces horribles coutumes dignes de lui. L’un dit : Nous devrions, par l’art de la cuisine, nous introduire auprès du roi, et appliquer notre esprit à imaginer quelque moyen de sauver chaque jour un de ces deux hommes dont on verse le sang ».

Engagés aux cuisines royales, ils épargnent chaque jour un des deux hommes, et remplaçent sa cervelle par une cervelle de mouton. Puis, à chaque survivant, ils disent :

« Prends les moyens de te sauver secrètement ; garde-toi de séjourner dans une ville habitée ; ta part dans le monde sera le désert et la montagne ».

« De cette manière, trente jeunes gens étaient sauvés chaque mois ; et lorsque les cuisiniers en avaient rassemblé deux cents, ils leur donnaient quelques chèvres et quelques moutons, sans que les jeunes gens sussent de qui leur venait ce don, et ils les envoyaient dans le désert. Cʼest dʼeux quʼest née la race actuelle des Kurdes, qui ne connaissent aucune habitation fixe, dont les maisons sont des tentes, et qui nʼont dans le cœur aucune crainte de Dieu ».

Nous retrouvons ici le récit de la fondation du peuple kurde, comme dans le texte du poète arabe Masoudi. Continuons de présenter le récit de Firdawsī, et retrouvons le personnage de Kawa. Un soir, le despote fait un cauchemar : un jeune homme lui assène deux coups de massue puis l’enchaîne au mont Demavand. Effrayé par ce songe, Zahak fait venir auprès de lui les Mobeds (prêtres zoroastriens qualifiés). L’un d’eux lui annonce :

« Il y aura quelqu’un qui héritera de ton trône, et qui renversera ta fortune. Son nom sera Feridoun, et il sera pour la terre un ciel auguste. Il nʼest pas encore sorti du sein de sa mère, et le temps de craindre et de soupirer nʼest pas encore venu. Étant né dʼune mère pleine de vertu, il croîtra comme un arbre qui doit porter fruit ; et quand il sera devenu un homme, sa tête touchera à la lune, puis il demandera la ceinture et la couronne, et le trône et le diadème. Sa taille sera comme un haut cyprès, il portera sur son épaule une massue dʼacier. Il te frappera de sa massue à tête de bœuf, et te traînera en chaînes hors de ton palais ».

Zohak entreprend alors de trouver Feridoun par tous les moyens. Il parvient à le localiser et fait tuer son père, Abtin. La mère du jeune homme, craignant que son fils subisse le même sort, le confie à un homme pieux du mont Elborz (chaîne de montagnes située au nord de l’actuel Teheran, au Sud de la mer Caspienne). Lorsqu’il parvient à l’âge de 16 ans, sa mère lui révèle son histoire. C’est alors qu’intervient Kawa, ici transcrit Kaweh, qui exerce l’office de forgeron. Son dernier fils ayant été capturé pour servir de nourriture aux serpents maléfiques, il se rend à la cour du roi, et dit :

« Je suis Kaweh ; ô roi, je demande justice. Rends-moi justice ; je suis venu en hâte, et cʼest toi que jʼaccuse dans lʼamertume de mon âme. Si tu voulais être juste, ô roi, tu augmenterais ta propre fortune. Il y a longtemps que tu exerces sur moi ta tyrannie, et tu mʼas souvent enfoncé un poignard dans le cœur. Si tu nʼas pas eu la

volonté de mʼopprimer, pourquoi as-tu porté la main sur mes fils ? Jʼavais dix-sept fils, maintenant il ne mʼen reste quʼun. Rends-moi ce seul enfant ; pense que mon cœur brûlera de douleur toute ma vie. Ô roi, dis-moi une fois quel mal jʼai fait ; et si je suis sans faute, ne cherche pas un prétexte contre moi. Pense à mon état, ô roi, et nʼaccumule pas les malheurs sur ma tête. Le temps a courbé mon dos, mon cœur est sans espoir, ma tête pleine de douleur. Je nʼai plus de jeunesse, je nʼai plus de fils, et il nʼy a dans le monde aucun lien comme celui qui nous lie à nos enfants. L’injustice doit avoir un milieu et une fin, et la tyrannie même a besoin dʼun prétexte ; mais dis-moi sous quel prétexte tu verses des malheurs sur moi. Je suis un homme innocent, un forgeron ; mais le roi a jeté du feu sur ma tête. Tu es roi, et tu as beau avoir la figure dʼun serpent, tu me dois justice en cette occasion. Tu es le maître des sept zones de la terre ; mais pourquoi tous les malheurs et toutes les misères sont-ils notre partage ? Tu me dois compte de ce que tu as fait, et le monde en sera stupéfait. Il verra, par le compte que tu me rendras, quel a été mon sort sur la terre, et quʼil a fallu donner à tes serpents les cervelles de tous mes fils ».

Zohak, à la grande surprise de sa cour, ordonne de libérer le dernier fils du forgeron. Une fois sorti du palais, Kaweh apostrophe la foule, rassemblée à l’heure du marché.

« Il criait, demandant du secours et appelant le monde entier pour obtenir justice. Il prit le tablier avec lequel les forgerons se couvrent les pieds quand ils frappent avec le marteau, il le mit au bout dʼune lance, et fit lever la poussière dans le bazar. Il marchait avec sa lance en criant : “Ô hommes illustres, vous qui adorez Dieu, vous tous qui avez de lʼaffection pour Feridoun, qui désirez vous délivrer des liens de Zohak, allons tous auprès de Feridoun, et reposons-nous dans lʼombre de sa majesté ! Déclarez tous que votre maître est un Ahriman, et dans son cœur ennemi de Dieu ; ce tablier sans valeur et

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