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Adam Fuss (né en 1961) est un photographe anglais vivant à New York. Ayant commencé à travailler en Australie, sans formation artistique particulière, il a appris la photographie par lui-même, étant autant intéressé par les appareils eux-mêmes que par l’image produite. Il a d’abord réalisé des images avec son appareil photographique en en détournant les fonctionnalités, en subvertissant son équipement : « flash en plein jour, longue exposition, flou

515 “So, somehow, the medium of photography and the wonder of the way in which it occurs in the dark – and then afterwards how it looks in the light – parallels making the invisible visible” dans Cameraless Photography, op.cit., p.9. 516 “For a crucial –perhaps the crucial – fact of her life is that she senses mind and body are aspects of a single underlying dimension” & “The act of choosing physical phenomena to stand for her internal reality continues to be at the heart of the way in which she works”. Bucklow Christopher, “Stars as Standing Waves; Standing Waves as Soul in the Field of Time”, dans Susan

Derges, cat.exp., Londres, Purdy Hicks Gallery, 2009, p.2.

517 “…the idea of a threshold where one would be on the edge of two interconnected worlds: one, an internal, imaginative or contemplative space and the other, an external, dynamic, magical world of nature”. Entretien avec Chandler David, Susan Berges, op.cit. (Purdy Hicks 2006), p.7, en ligne : <http://www.susanderges.com/>, consulté le 11 décembre 2015.

191 des sujets en mouvement, déplacements aléatoires de l’appareil518 ». Mais il était relativement insatisfait de ce qu’il pouvait ainsi accomplir, frustré par la « nécessité intrinsèque pour la photographie de représenter la réalité », et ressentant la nécessité de simplement explorer la structure de l’appareil « à partir de l’intérieur » 519. Certains ont vu là une réaction contre « la culture photographique techno-consommatrice dominante520 », mais lui-même ne revendiquait pas une position politique ou sociale militante, simplement un certain ennui devant la plupart des images existantes et leur mode de production, et un désir d’explorer d’autres voies, à l’écart des idées alors prédominantes, comme, dans un rare éclat, il l’écrira plus tard à Robert A Ackroyddams. Vers la fin des années 1980, à New York, se souvenant du conseil d’un de ses anciens instructeurs, il décida de se construire une camera

obscura. « Fabriquer son propre appareil, dit-il, c’est prendre le pouvoir,

contrôler le processus, démystifier le mystère de l’appareil photographique : comment il fonctionne, comment il capture le monde extérieur. C’est un art magique, un processus mystérieux que j’ai essayé d’explorer521 ». Avec elle, il réalisa alors, en particulier, des photographies en noir et blanc des statues du Musée du Vatican exposées au Metropolitan Museum, et ce travail intéressa la galerie de Massimo Audiello. Le critique du New York Times Andy Grunberg écrivit à son propos :

518 “…using my camera in a very free way: flash in daylight, slow shutter speed, people moving, camera movement”. Entretien avec Mark Haworth Booth,

Oral History of British Photography, 26 août 1998, British Library dossier

C459/103, bande 1. Voir Annexe B13b.

519 “The problem, as he saw it, was photography’s inextricable attachment to representation.” & “He began to think in the most simple terms, to explore the structure of the camera from the inside out”. Parry Eugenia, “Less of a Test Than Earth. The Art of Adam Fuss”, dans Adam Fuss, Santa Fe, Arena, 1997, p. 7.

520 “…against the pervasive technological-consumerist photographic culture”. Sullivan Constance & Pastan Amy (dir.), Pinhole Photographs. Adam Fuss, Washington DC & Londres, Smithsonian, 1996, p.6.

521 “ Making your own camera : very empowering, taking control over process, demystifying. Cameras are very mysterious thing; how does it work, how do you capture the outside world; magical art, mysterious process. I tried to explore that”. Notre entretien avec l’artiste par téléphone (Skype) le 1er décembre 2010. Voir Annexe B13a.

192 « M. Fuss (28 ans) semble vouloir briser les frontières de la représentation photographique conventionnelle. La raison en est sans doute sa prise de conscience de la manière dont la photographie construit des stéréotypes culturels, et de notre perte de foi dans la vérité des images photographiques. Mais il y a aussi là un désir de faire renaître la capacité de l’art à transcender le monde matériel522. »

C’est ce désir permanent de transcender la réalité, de découvrir l’invisible, qui a gouverné tout son travail depuis.

Fuss découvrit un jour que sa camera obscura avait pris une photographie qui lui sembla incompréhensible, abstraite, étrange : la boîte avait été endommagée et avait laissé passer un peu de lumière, et les particules de poussière et débris de carton qui se trouvaient à l’intérieur avaient été réfléchis dans cette lumière imprévue et avaient impressionné la surface sensible (image 34). C’est par ce hasard total que Fuss comprit l’intérêt du photogramme et décida de désormais utiliser essentiellement cette technique. Frappé par l’étrange beauté de cette image, comme « un autre monde dont il n’était jusqu’alors pas conscient523 », il comprit qu’il n’avait plus besoin d’un appareil comme « béquille524 », qu’il n’avait plus besoin du monde extérieur et pouvait désormais travailler seul dans son atelier. Sans qu’il l’ait planifié, grâce au hasard, c’était là la continuation logique de son cheminement de simplification et d’internalisation graduelle, de

522 “Mr Fuss, 28, appears to want to break the boundaries of conventional photographic representation. This urge no doubt stems in part from an awareness of photography’s role in manufacturing cultural stereotypes, as well as of the demise of our belief in camera images as truth-bearing witnesses. But along with disillusionment there exists evidence of a longing for a revival of art’s ability to transcend the material world”. Grunberg Andy, “Photography View: Abstraction Returns to Photography”, The New York Times, 23 février 1990.

523 “When I processed it, I saw this world, this other world of image that I was unaware of. And that showed me that I didn’t need the camera any more”. Sand Michael, “Adam Fuss”, “On Location”, New York, Aperture, n°133, automne 1993, p.52.

524 “The camera is no longer any kind of crutch”. Entretien avec l’artiste le 1er décembre 2010.

193 l’appareil à la camera obscura au photogramme525. Ayant dès lors le sentiment de se trouver à l’intérieur même de l’appareil526, il se sentait désormais en mesure de « faire, et non pas de prendre des photographies527 ».

Fuss a depuis réalisé un grand nombre de photogrammes, la plupart du temps en couleur et de grandes dimensions. Il a en particulier beaucoup expérimenté avec l’eau, soit l’image très précise de gouttes d’eau tombant sur la surface sensible (Ark, 2007)528, soit l’image529 chaotique de baquets d’eau jetés à la volée sur cette même surface, dans un geste qui peut évoquer l’action painting et Jackson Pollock. Il a photographié des nouveau-nés déposés dans un bac d’eau peu profonde au fond duquel se trouve le papier sensible, qui semblent retrouver là la chaleur du liquide amniotique (Invocation, 1992, Image 35). Il a expérimenté avec différents produits, comme le talc qui lui a permis de conserver les traces du mouvement sur le papier. Il a photographié des serpents et les traces qu’ils laissent dans l’eau ou dans le talc (Image 36), et a beaucoup travaillé sur ce concept de « formes pas faites par sa main530 ». Si ces œuvres là témoignent d’une énergie radiante, d’autres sont par contre bien plus mélancoliques, évoquant la perte, le deuil, comme la série My Ghost (1997-

525 “It’s a logical progression into low tech, no tech, simplifying; for me not planned out, just intuitive, seemed right. Things happen accidentally, but in fact they are in a direction”. Entretien Fuss, Oral History of British Photography,

op.cit., bande 5.

526 “With the photogram, we’ve sort of walked inside the camera”. Brutvan Cheryl, “Adam Fuss. Back to the garden”, dans Adam Fuss, cat.exp., Madrid, Fundación Mapfre / TF Editores, 2010, p.29.

527 “Fuss now had the means to make, rather than take, images”. Ibid. p.26. L’exposition à la Fondation Mapfre peut se visiter virtuellement, en ligne: <http://exposiciones.fundacionmapfre.org/adamfuss/visita_virtual.html>, consulté le 23 décembre 2015.

528 Fuss réfute la comparaison avec les photographies quelque peu similaires de Minor White et de Harold Edgerton, disant : « c’est tellement ennuyeux, leur manière de voir, ça nous tue. Ce qu’on voit dans des photogrammes n’a jamais été dans un appareil, c’est la vie même qui est l’image » [“It’s so boring, this way of seeing. It’s killing us. What is seen [in photograms] has never been in a camera. Life itself is the image.”]. Conversation avec Eugenia Parry en 1997, citée dans Parry, Adam Fuss, op.cit (1997), p.14.

529 La plupart des pièces de Fuss n’ont pas de titre.

530 “ It is the idea of forms not made by my hand”. Entretien d’Adam Fuss avec Cheryl Butvan, en public au Museum of Fine Arts, Boston, le 13 novembre 2002, cité dans Butvan, Adam Fuss, op.cit. (2010), p.29.

194 2000). Il a ainsi réalisé des photogrammes d’une échelle géante (In Between, 5,33 x 1,52 m., 1994), de papillons, de robes de baptême, de fumée, de morceaux de vitraux, de foies de veau (Mary, 1995), de chrysalides. Ses cercles, qui semblent être des vortex hypnotiques, sont réalisés avec un pendule lumineux qui peut tourner jusqu’à deux heures au dessus du papier (Image 37). Il a fait peu de portraits, et très peu d’autoportraits, dont l’un, fragmentaire, ne représente que son pénis éjaculant, apparemment une prouesse technique de synchronisation531 (Image 38). Fuss fournit sans hésiter des explications techniques sur la manière dont ses photogrammes sont réalisés, tout en précisant que c’est ce qu’il y a de moins intéressant532. Et, comme nous l’écrivions lors de son exposition madrilène,

« il y a une mauvaise manière de visiter cette exposition, une approche erronée, néfaste, stérile, et pourtant si tentante, si séductrice : c'est de se demander comment diable ces photographies là sont faites, de vouloir savoir, d'oser poser la question, succombant, curieux et honteux en même temps de vouloir connaître ces secrets de cuisine. Mieux vaut ne pas savoir, ne pas lire la description technique, mieux vaut se laisser prendre par la beauté magique de ces images, sans se préoccuper de savoir si c'est là un daguerréotype, un photogramme, un sténopé ou une photographie ‘normale’533. »

531 “He says that the picture was extremely difficult to make. Ejaculating and the flash were to him the same thing”. Parry Eugenia, Adam Fuss, op.cit. (1997) note 131, p.131.

532 “Let me preface my answer by saying that the technical information about how the picture is made is the least interesting aspect of the picture”. Adam

Fuss. A conversation between the artist and Paul Arden, Londres, Timothy Taylor

Galllery, 2003.

533 Lunettes Rouges (pseudo) [Marc Lenot], Les images magiques d’Adam Fuss, 18

mars 2011, en ligne :

<http://lunettesrouges.blog.lemonde.fr/2011/03/18/10000/>, consulté le 23 décembre 2015.

195 Comme le dit Martin Barnes, Fuss peut révéler la mécanique, mais pas la magie534.

Toutes ses pièces sont uniques, mais il lui arrive parfois de refaire plusieurs photogrammes de suite avec les mêmes objets, chacun étant alors légèrement différent des autres535. Fuss est un expérimentateur incessant, toujours en recherche de nouveaux moyens d’expression, de nouvelles approches ou techniques. Thomas Kelley l’a comparé au responsable d’une expérience scientifique qui ne cesse d’explorer, de réviser et de raffiner les paramètres fondamentaux de la photographie536. Mais, en réponse à notre question537, lui- même dit « Suis-je un photographe expérimental ? Je n’en suis pas certain », en précisant par ailleurs : « Je mets juste des choses ensemble, je ne fabrique pas les matériaux, ils existent déjà. Je suis seulement un catalyseur, un agent538 ». Sa démarche créative consiste à faire émerger (voire à simplement laisser émerger) les qualités esthétiques de l’image au moyen de la technique appropriée, afin de générer une émotion, une interrogation. Le caractère direct et intime du photogramme lui permet d’exprimer le mieux possible cette démarche, comme s’il rendait compte ainsi d’un écho à la fois du monde réel et de ses propres émotions539.

534 “He reveals the mechanics, but not the magic”. Barnes Martin, Shadow

Catchers, op.cit., p.150.

535 Notre entretien avec l’artiste, déjeuner à Paris le 18 novembre 2010. Voir Annexe B13a.

536 “… like the director of a scientific experiment” & “It is as if Fuss were constantly refining the fundamentals of photography”. Kelley Thomas, “Photograms of Life and Death”, Adam Fuss, cat.exp., Cologne, Walther König, 2003, p.5-25.

537 Lors de notre déjeuner avec l’artiste le 18 novembre 2010.

538 “Adam is really just bringing these things together. He’s not making the materials. The materials already exist. Adam is just a catalyst, or an agent”. M. Sand, On Location, op.cit., citant Fuss parlant de lui-même à la troisième personne.

539 “An echo is a good way to describe the photogram, which is a visual echo of the real object”. Frailey Stephen, “Thin Air. Adam Fuss’ Photographs”,

196 Une de ses séries les plus étonnantes se nomme Love (1992-1993 ; Image 39). Christopher Bucklow a fait le récit très précis de sa réalisation540 : il s’agit de deux lapins fraîchement tués et éviscérés, puis disposés face à face – affrontés, en vocabulaire héraldique – sur le papier photosensible dans l’obscurité, avec leurs entrailles répandues autour d’eux. Les sucs des viscères, le sang, la lymphe, l’urine réagissent avec les sels du papier. La prise de vue au flash n’a lieu qu’au bout de quelques heures : la réaction chimique génère des couleurs imprévisibles en forme de dentelle. Les compositions avec l’ensemble des corps ont suscité des réactions parfois négatives et, pour satisfaire son galeriste, Fuss a aussi réalisé des Details of Love, ne reprenant que l’image des entrailles, sans montrer les cadavres des lapins. Au photographe Robert Adams (né en 1937), qui s’indignait de cette pratique en se demandant métaphoriquement si l’homme n’est qu’un prédateur et qui trouvait le résultat obtenu trivial, plein de confusion et d’horreur541, Fuss répondit d’une manière très directe et révélatrice, affirmant vigoureusement sa position rebelle à l’égard de l’ordre établi, photographique ou autre, récusant ce « ton de paternalisme condescendant » et rejetant ces « tentatives de définir ce qui est et ce qui n’est pas une pratique artistique acceptable ». « Dans ma génération, ajouta-t-il, nous sommes beaucoup à avoir dû repousser les tentatives de voix ‘politiques’ et ‘religieuses’ s’exprimant depuis leur supposée plateforme de supériorité morale542. » Dans l’essai mentionné plus haut, Bucklow analyse ensuite longuement la philosophie de Fuss, sa dimension cosmique, son intérêt pour l’ésotérisme de Gurdjieff, pour l’alchimie, pour la mystique des Soufis, pour William Blake, et aussi son identification personnelle avec chacun de ses

540 Bucklow Christopher, “The Child Comes as Softly as Snow”, dans Adam

Fuss, op.cit. (2010), p.159-171.

541 “Are we no more than predators ? … almost invariably trivial … amounting to little more than a statement of unresolved confusion or horror”. Adams Robert, lettre à l’éditeur, dans Metamorphoses : Photography in the

Electronic Age, New York, Aperture n°136, été 1994, p.76.

542 “… the ring of well-meaning paternalism … attempts to define what is or is not acceptable artistic practice. Many of my generation have had to rebuff attempts from ‘political’ or ‘religious’ sources speaking from their perceived platform of moral superiority”. Fuss Adam, lettre à l’éditeur, Ibid., p.76-77.

197 sujets : « toutes ses pièces sont humaines, toutes sont des autoportraits de l’artiste, toutes sont des métaphores de sa vie543 ».

Le travail de Fuss est en effet éminemment métaphorique et symbolique, et lui- même reconnaît que sa vie spirituelle passe par son travail544. Ses images, dit- il545, sont avant tout des sensations, des sentiments, davantage que des représentations, des enregistrements. La lumière est bien sûr l’élément essentiel de son approche, pas seulement dans un sens matériel et technique, mais aussi parce qu’elle représente pour lui une métaphore de l’univers, de l’information, de la spiritualité. L’interviewant pour le magazine BOMB, le peintre Ross Bleckner lui dit : « la lumière est un élément viscéral de ton travail, une absence et une présence en rapport avec l’image, qui souvent est aussi forte ou plus forte que l’image même », ce à quoi Fuss répond que, pour lui, « la lumière est une compréhension sans fin »546. Sans nous livrer, comme certains critiques, à des exégèses mystiques, on peut dire que le travail d’Adam Fuss offre une rencontre émotionnelle forte et séduisante entre le spectateur et l’œuvre, car il concerne des thèmes essentiels, le temps, l’énergie, la mémoire, l’absence, la perte, bien davantage que la forme matérielle de ses motifs. Les sujets de ces photographies sont à la fois présents et absents, ici et là-bas, et leur position ambigüe a amené Thomas Kelley à évoquer à leur sujet l’indétermination quantique : « Fuss est un maître de l’indétermination esthétique, décrivant les

543 “These are all human. These are all the artist; all self portraits. None of these things are only themselves, they are all metaphors within a life; for a life – the life lived by this one man”. Bucklow Christopher, Adam Fuss, op.cit. (2010), p.161.

544 “…making pictures allowed me the possibility of a spiritual life”. Parry Eugenia, Adam Fuss, op.cit. (1997), p.28, citation de leur conversation.

545 "Image of a feeling, of a sensation rather than representation of baby in water. It is not just a scientific experiment; my focus is on the aesthetics of the picture; it is not just a record”. Entretien Fuss, Oral History of British Photography,

op.cit., bande 5.

546 light “as a very visceral element in your work, as an absence and a presence in relation to an image. An absence and a presence which, a lot of the time, is as strong or stronger than the image” & “I work with light, and the light represents understanding. Understanding that doesn’t have an end to it”. Entretien d’Adam Fuss avec Ross Bleckner, BOMB Magazine, n°39, printemps 1992, en ligne : <http://bombmagazine.org/article/1524/>, consulté le 23 décembre 2015.

198 éléments – comme s’il démontrait un principe de mécanique quantique – comme des ‘ondes de probabilité’547 ». Fuss tente en effet de montrer ce qui n’est pas immédiatement visible, d’exhumer ce qui a été enfoui dans la mémoire involontaire, de recréer ce qui a été perdu. La critique du New York

Times Susan Kandel écrit, en faisant sans doute allusion à La Chambre claire, que

ses images « permettent tranquillement et habilement de couper la relation entre la beauté et la mort, et ainsi de briser un des mythes les plus récalcitrants de la photographie548 ». On peut aussi noter, comme le fait le photographe et esthéticien David Brunel, qu’il cherche « ce qu’est la photographie dans son en-soi », dans une « quête ontologique à l’égard du médium » qui s’inscrit dans le registre « de la photographie comme métaphore d’elle-même »549. Brunel prend comme exemple un des photogrammes de serpent dans l’eau et, faisant l’analogie entre ces ondulations dans l’eau et les ondes électromagnétiques lumineuses, il écrit :

« C’est la lumière qui est ici mise en abyme, déclinée allégoriquement. Cette photographie répète effectivement ce qu’est la lumière en déclinant sa nature ondulatoire, oscillante, colorante… Beaucoup d’éléments dominants et intrinsèques se rejoignent et se dialectisent dans ce photogramme : ondes lumineuses, la question de la surface, instantanéité, répétition des ondes, unicité de l’épreuve, et, essentiellement, l’empreinte indicielle que sous-tend plus que les autres photographies le photogramme, ce contact direct550 ».

Une autre expérimentation d’Adam Fuss a consisté à réaliser des photogrammes sur daguerréotype, ce qui n’avait apparemment jamais été fait

547 “..a master of aesthetic indeterminacy, depicting elements – as though demonstrating a principle of quantum mechanics – as ‘probability waves’”. Kelley Thomas, Adam Fuss, op.cit. (2003).