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Effet d'un entraînement de la mémoire de travail sur la syntaxe complexe chez des enfants de 6 à 12 ans avec ou sans difficultés langagière

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Academic year: 2022

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Master

Reference

Effet d'un entraînement de la mémoire de travail sur la syntaxe complexe chez des enfants de 6 à 12 ans avec ou sans difficultés

langagière

ZMIROU, Maëlle Adèle Nelly

Abstract

Cette étude s'interroge sur les effets d'un entraînement intensif de la mémoire de travail sur les performances syntaxiques chez des enfants âgés de 6 à 12 ans avec ou sans trouble développemental du langage (TDL). Ce questionnement fait suite aux travaux ayant mis en évidence un lien étroit entre la mémoire de travail (MdT) et la complexité syntaxique, et plus particulièrement, une relation prédictive forte entre la composante sérielle de la mémoire à court terme et la syntaxe complexe chez des enfants avec TDL (Delage & Frauenfelder, soumis). Ainsi, nous avons proposé un entraînement intensif des fonctions mnésiques qui cible spécifiquement les aspects de la MdT les plus prédictifs des compétences en syntaxe complexe. Ce programme d'entraînement intensif intitulé Magic Memory (MM) comprend 24 sessions d'environ 30 minutes réparties sur huit semaines. Des séries de préet de post-tests évaluant les compétences en MdT et en syntaxe ont été effectuées avant et après l'entraînement afin de pouvoir objectiver ses potentiels effets. Dix-neuf enfants âgés de 6 à 12 ans qui présentent soit [...]

ZMIROU, Maëlle Adèle Nelly. Effet d'un entraînement de la mémoire de travail sur la syntaxe complexe chez des enfants de 6 à 12 ans avec ou sans difficultés

langagière. Master : Univ. Genève, 2018

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:108723

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MAÎTRISE UNIVERSITAIRE EN LOGOPÉDIE Section de Psychologie

EFFET D’UN ENTRAÎNEMENT DE LA MÉMOIRE DE TRAVAIL SUR LA SYNTAXE COMPLEXE CHEZ DES ENFANTS DE 6 À 12 ANS

AVEC OU SANS DIFFICULTÉS LANGAGIÈRES

Mémoire présenté par Maëlle ZMIROU Juin 2018

Directrice de recherche : Hélène DELAGE En collaboration avec : Emily Stanford

Jury : Hélène DELAGE, Marina LAGANARO et Emily STANFORD

Nombre de mots : 19 871

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Remerciements

Je tiens sincèrement à remercier Mme Hélène DELAGE pour son accompagnement, son écoute, ses encouragements, et sa grande disponibilité tout au long de ce travail de recherche.

Merci aussi à Emily STANFORD pour sa gentillesse, son aide précieuse concernant les statistiques, ses conseils et ses relectures pour la rédaction de ce mémoire.

Je remercie également le professeur Marina LAGANARO qui me fait l’honneur de faire partie de mon jury.

Un grand merci à mes deux collègues de mémoire, Elodie GATIGNON et Valentine VULLEUMIER, avec qui j’ai vraiment eu beaucoup de plaisir à travailler durant ces deux années.

Je remercie Claire SACE qui m’a permis de découvrir sa pratique et m’a encouragée à poursuivre dans la voie de la logopédie. Je lui suis également reconnaissante de m’avoir adressé de nombreuses familles dans le cadre de ce travail.

Je remercie bien sûr toutes les familles, parents et enfants, qui ont accepté de participer à notre projet, pour leur implication, leur disponibilité et leur accueil durant ces longues semaines d’entraînement et de rencontres.

Merci également à mes responsables de stage, Mallory DUSSAUZE, Corinne JATON et Anaïs ZUFFEREY pour leur accueil, leur accompagnement, leur soutien et leurs précieux conseils tout au long de cette année.

Enfin, je tiens tout particulièrement à remercier, et là les mots ne suffisent plus, toute ma famille et mes amis pour leur soutien inconditionnel. Merci d’avoir été là à chaque moment, d’avoir cru en moi, de m’avoir portée et encouragée durant ces deux années.

Un immense merci à Boris sans qui ce projet fou de reprendre mes études n’aurait pu être possible, Merci pour ta patience, ton soutien, pour ta présence, tes petits repas et pour le super papa que tu es. Et bien-sûr une pensée toute particulière pour mes enfants, Romane et Diego, qui ont partagé leur maman avec les cours, les révisions, les stages, le mémoire, le soir, les week-ends et pendant les vacances. Merci pour votre patience, vos sourires et vos câlins qui m’ont donné la force d’aller jusqu’au bout.

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TABLE DES MATIÈRES

LISTES DES ABRÉVIATIONS ... 5

RÉSUMÉ ... 6

INTRODUCTION ... 7

1 CADRE THÉORIQUE ... 8

1.1 Le trouble développemental du langage (TDL)... 8

1.1.1 Définition ... 8

1.1.2 Complexité syntaxique chez les enfants avec TDL ... 9

1.1.3 Hypothèses explicatives ... 13

1.2 La mémoire de travail (MdT) ...15

1.2.1 Le modèle de mémoire de travail de Baddeley ... 15

1.2.2 Les capacités mnésiques des enfants avec TDL ... 18

1.3 Relations entre MdT et langage...19

1.3.1 Rôle de la MdT dans l’acquisition lexicale ... 19

1.3.2 Maturation de la MdT et complexification syntaxique... 20

1.3.3 Corrélations spécifiques entre MdT et syntaxe complexe ... 21

1.3.4 Relation prédictive entre MdT et syntaxe complexe... 23

1.4 Effets des entraînements de la MdT ...24

1.4.1 Programmes d’entraînement de la MdT et efficacité... 24

1.4.2 Résultats encourageants chez des enfants ayant de faibles habiletés langagières ... 26

1.4.3 Un programme d’entrainement spécifique ... 26

1.5 Hypothèse théorique ...27

2 MÉTHODOLOGIE ... 28

2.1 Design de l’étude ...28

2.2 Population...28

2.2.1 Procédure de recrutement ... 29

2.2.2 Critères d’inclusion et d’exclusion ... 30

2.3 Pré- et post-tests ...32

2.3.1 Évaluation des compétences en MdT ... 32

2.3.2 Évaluation des compétences en syntaxe complexe ... 35

2.4 Entraînements ...39

2.4.1 Entraînement de la mémoire de travail : Magic Memory ... 40

2.4.2 Entraînement des compétences scolaires : Squla ... 44

2.5 Variables expérimentales ...44

2.6 Méthodes statistiques ...46

2.6.1 Analyses descriptives ... 46

2.6.2 Analyses corrélationnelles ... 46

2.6.3 Comparaisons intra-groupes ... 47

2.7 Hypothèses opérationnelles...47

2.7.1 Hypothèses préliminaires ... 47

2.7.2 H1 : Effet direct de l’entraînement MM sur les performances en MdT ... 48

2.7.3 H2 : Effet de transfert de l’entraînement MM sur les performances en syntaxe complexe ... 48

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3 RÉSULTATS ... 49

3.1 Hypothèses préliminaires ...49

3.2 H1 : Effet direct de l’entraînement MM sur les performances en MdT...52

3.3 H2 : Effet de transfert de l’entraînement MM sur les performances en syntaxe complexe ...55

3.3.1 Production ... 55

3.3.2 Compréhension ... 60

3.4 Synthèse des résultats ...61

4 DISCUSSION ... 62

4.1 Hypothèses préliminaires ...62

4.2 Effet direct de l’entraînement MM sur les performances en MdT...64

4.3 Transfert des effets de l’entraînement MM sur la syntaxe complexe ...65

4.3.1 Effet de MM sur la production syntaxique... 66

4.3.2 Effet de MM sur la compréhension syntaxique ... 67

CONCLUSION ET PERSPECTIVES... 69

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ... 70

LISTE DES FIGURES ET DES TABLEAUX ... 77

ANNEXES ... 78

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LISTES DES ABRÉVIATIONS

CoCP : Épreuve de Compréhension de Phases Complexes DT : Développement Typique

ET : Ecart-Type

LME : Longueur moyenne d’énoncé MdT : Mémoire de Travail

MCT : Mémoire à Court Terme MLT : Mémoire à Long Terme MM : Magic Memory

OSV : Objet-Sujet-Verbe OVS : Objet-Verbe-Sujet QI : Quotient Intellectuel SQ : Squla

SVO : Sujet- Verbe-Objet

TBRS : Time Based Resource Sharing Model

TDAH : Trouble du Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité TDL : Trouble Développemental du Langage

VC : Variable Contrôlée VD : Variable Dépendante VI : Variable Indépendante

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RÉSUMÉ

Cette étude s’interroge sur les effets d’un entraînement intensif de la mémoire de travail sur les performances syntaxiques chez des enfants âgés de 6 à 12 ans avec ou sans trouble développemental du langage (TDL). Ce questionnement fait suite aux travaux ayant mis en évidence un lien étroit entre la mémoire de travail (MdT) et la complexité syntaxique, et plus particulièrement, une relation prédictive forte entre la composante sérielle de la mémoire à court terme et la syntaxe complexe chez des enfants avec TDL (Delage &

Frauenfelder, soumis). Ainsi, nous avons proposé un entraînement intensif des fonctions mnésiques qui cible spécifiquement les aspects de la MdT les plus prédictifs des compétences en syntaxe complexe. Ce programme d’entraînement intensif intitulé Magic Memory (MM) comprend 24 sessions d’environ 30 minutes réparties sur huit semaines. Des séries de pré- et de post-tests évaluant les compétences en MdT et en syntaxe ont été effectuées avant et après l’entraînement afin de pouvoir objectiver ses potentiels effets. Dix-neuf enfants âgés de 6 à 12 ans qui présentent soit un développement typique (DT) soit un TDL ont pu bénéficier de cet entraînement. Leurs résultats ont été comparés à ceux d’un groupe contrôle de 11 enfants ayant suivi un entraînement alternatif, sur les compétences scolaires, sans lien avec la MdT, afin de s’assurer de l’impact spécifique de l'entraînement MM. Nos résultats ont mis en évidence un effet direct de l’entraînement MM sur les compétences en MdT. Les enfants ayant suivi cet entraînement ont montré de meilleures performances aux post-tests, dans toutes les mesures de MdT, tant au niveau des empans simples que complexes, ce qui n’est pas le cas pour les enfants ayant suivi l’entraînement alternatif. D’autre part, nous observons un transfert des bénéfices de l’entraînement MM sur la production syntaxique, notamment en production de questions racines et en répétition de phrases complexes. Néanmoins, cet effet n’a pas été retrouvé en compréhension syntaxique. Nos résultats sont tout de même prometteurs et méritent d’être confirmés par des études ultérieures de plus grande envergure pour évaluer les réels impacts d’une remédiation des fonctions mnésiques sur le domaine langagier. Si nos résultats sont validés sur des échantillons plus grands, nous pourrions alors imaginer proposer ce type d’entraînement pour la prise en charge des troubles syntaxiques dans la clinique logopédique.

Mots clés : Mémoire de travail Syntaxe complexe

Trouble développemental du langage Entraînement

Magic Memory

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INTRODUCTION

La question de l’interdépendance du système langagier et de la cognition est plus que jamais d’actualité face aux théories explicatives récentes du trouble développemental du langage (TDL). En effet, certains auteurs attribuent les difficultés langagières observées dans le TDL à des déficits au niveau des traitements cognitifs impliqués dans le traitement du langage et notamment à des limitations mnésiques (Jakubowicz, 2011). L’étude qui a servi de base à notre projet a mis en évidence des liens très étroits entre la mémoire de travail (MdT) et la complexité syntaxique chez des enfants de 5 à 14 ans au développement typique (DT) et avec TDL (Delage & Frauenfelder, soumis). De plus, une relation prédictive entre la composante sérielle de la mémoire à court terme verbale et les compétences syntaxiques a été mise en avant chez les enfants avec TDL. Nous pouvons alors penser qu’une remédiation des fonctions mnésiques pourrait améliorer leurs capacités langagières et plus spécifiquement leurs performances en syntaxe complexe.

Ce travail de recherche s’interroge sur les effets d’un entraînement intensif de la MdT sur les performances syntaxiques des enfants avec TDL. Ainsi, nous avons proposé un entraînement des fonctions mnésiques qui cible spécifiquement les aspects de la MdT les plus prédictifs des compétences en syntaxe complexe. Ce programme d’entraînement intitulé Magic Memory comprend 24 sessions d’environ 30 minutes réparties sur huit semaines. Des séries de pré- et de post-tests évaluant les compétences en MdT et en syntaxe ont été effectuées avant et après l’entraînement afin de pouvoir objectiver les potentiels effets de celui-ci. Dix-neuf enfants âgés de 6 à 12 ans présentant soit un développement typique soit un TDL ont pu bénéficier de cet entraînement. Leurs résultats ont été comparés à ceux d’un groupe contrôle ayant suivi un entraînement alternatif, basé sur les compétences scolaires, sans lien avec la MdT afin de s’assurer de l’impact spécifique de l'entraînement Magic Memory. Ainsi, si nos résultats confirment l’efficacité de cet entraînement on pourrait alors imaginer de nouvelles perspectives pour la prise en charge logopédique des difficultés syntaxiques des enfants avec TDL.

Dans un premier temps, après avoir défini le TDL et détaillé les difficultés syntaxiques s’y rapportant, nous présenterons différentes approches théoriques de MdT. Nous nous attarderons ensuite sur les liens pouvant exister entre la MdT et les compétences syntaxiques et enfin nous montrerons les effets des différents programmes d’entrainement de la MdT existant actuellement sur le marché. Dans une seconde partie, nous détaillerons la méthodologie utilisée pour répondre à notre question de recherche et exposerons nos hypothèses opérationnelles. Enfin, nous présenterons l’ensemble des résultats obtenus suite à nos analyses statistiques et nous les discuterons dans une dernière partie.

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1 CADRE THÉORIQUE

1.1 Le trouble développemental du langage (TDL)

1.1.1 Définition

On trouve dans la littérature de nombreuses appellations pour désigner les troubles persistants du langage oral. En effet, dans les pays francophones, on utilise communément les termes de “dysphasie” ou de “trouble spécifique du développement du langage oral” pour nommer les difficultés d’acquisition du langage oral chez des enfants présentant par ailleurs un développement global tout à fait normal. Dans la littérature anglo-saxonne on parle de

“specific language impairement” (Leonard,1981), ou de ”primary language impairement”

(Ebert & Kohnert, 2009 ; Thordardottir et al., 2011). Afin de trouver un consensus concernant la terminologie à employer, Bishop, Snowling, Thompson et Greenhalgh (2017) ont réuni un panel d’experts pour réfléchir aux différents termes utilisés pour désigner les troubles du langage oral. En effet, la notion de spécificité est souvent remise en question car les difficultés ne sont pas toujours “spécifiques” au langage et sont souvent associées à d’autres troubles.

Il est vrai qu’en clinique il n’est pas rare qu’un enfant cumule plusieurs difficultés. D’ailleurs, des profils linguistiques similaires au TDL sont décrits chez des enfants atteints de difficultés auditives, motrices, attentionnelles ou cognitives (pour une revue, Campbell & Skarakis- Doyle, 2007). D’autre part, le DSM-5, publié en 2015 dans sa version française, n’a pas repris cette notion de spécificité suite au manque de consensus concernant ce critère diagnostique (Avenet, Lemaître & Vallée, 2016). Ainsi, Bishop et ses collaborateurs ont retenu l’appellation

“developmental language disorder” traduite “trouble développemental du langage” (TDL), et ils insistent pour que tous les acteurs impliqués auprès d’enfants avec un trouble du langage oral adoptent dès à présent cette terminologie.

Le TDL est défini comme un trouble développemental, sévère1 et persistant du langage oral qui affecte, sur le plan de l’expression et/ou de la compréhension, les différents niveaux langagiers (phonologie, lexique, syntaxe, sémantique, pragmatique) et qui interfère avec le développement de l’enfant (Leclercq & Leroy, 2012 ; Bishop et al., 2017). Les enfants atteints d’un TDL présentent un développement retardé dans toutes les étapes de l’acquisition du

1 Les critères de sévérité diffèrent selon les pays. Dans la littérature anglophone, pour qualifier un TDL, il faut au minimum deux scores inférieures à - 1,25 écart-types (ET) aux épreuves langagières que ce soit en expression et/ou en réception (Leonard, Weismer, Miller, Francis, Tomblin & Kail, 2007). Les critères francophones sont quant à eux un peu plus stricts car le seuil de pathologie est fixé à - 1,65 ET ou - 2 ET. Il existe alors une grande hétérogénéité des profils langagiers d’un pays à l’autre.

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langage. Selon Tomblin et Zhang (1999), leurs caractéristiques langagières sont similaires à celles d’enfants plus jeunes, ils suivent la même trajectoire développementale que les enfants au développement typique mais de manière très ralentie. La persistance du trouble, caractérisée par une évolution lente et difficile malgré une prise en charge adaptée, permet de différencier le TDL d’un retard de langage. Le diagnostic de TDL peut donc être posé lorsque les troubles langagiers perdurent au-delà de 6 ans. Certains auteurs mettent également en avant les répercussions des troubles langagiers dans les sphères sociales, scolaires et psycho-affectives chez les enfants avec TDL ainsi que leurs impacts sur leur développement (Campbell et al., 2007 ; Bishop et al., 2017). Ainsi, les profils langagiers du TDL sont hétérogènes car toutes les composantes du langage, tant sur le versant expressif que sur le versant réceptif, peuvent être touchées : phonologie, lexique, syntaxe, sémantique, pragmatique (ODAQ, 2004). De plus, les manifestations cliniques chez un même individu peuvent évoluer au fil du temps (Conti-Ramsden & Botting, 1999). Néanmoins, de nombreuses études s’accordent à dire que les sphères de la phonologie et de la syntaxe sont particulièrement vulnérables chez les enfants ayant des difficultés de parole, de langage et de communication (Maillart, 2003). Dans le cadre de ce travail nous nous intéressons aux compétences syntaxiques des enfants avec TDL et plus particulièrement à leurs difficultés au niveau de la syntaxe complexe. Voyons à présent, à travers la théorie de la complexité syntaxique avancée par Jakubowicz (2005), les caractéristiques linguistiques en syntaxe complexe des enfants ayant un TDL.

1.1.2 Complexité syntaxique chez les enfants avec TDL

Les troubles morphosyntaxiques des enfants avec TDL sont largement décrits dans la littérature (Maillart, 2003 ; Parisse et Maillart, 2004 ; Jakubowicz & Tuller, 2008). L’enfant doit maîtriser un certain nombre de dispositifs grammaticaux pour combiner et organiser les unités linguistiques dans un énoncé afin de produire et comprendre des structures syntaxiquement complexes qui respectent les règles de la langue (Bates & MacWhinney, 1987). Ces dispositifs grammaticaux sont décrits par Schelstraete, Bragard, Collette, Nossent et Van Schendel (2011) : l’ordre des mots dans la phrase, leur classe syntaxique, les relations hiérarchiques entre les mots, les mots fonctionnels (articles, prépositions…), la morphologie flexionnelle (accords en genre et en nombre, conjugaisons) et dérivationnelle (racines et affixes). Cependant, leur usage semble particulièrement vulnérable chez les enfants présentant un TDL et entrave leur développement langagier. Jakubowicz (2005, 2011) tente d’expliquer les difficultés langagières observées chez ces enfants à travers son hypothèse de la complexité dérivationnelle. Cette auteure définit la complexité syntaxique d’un énoncé par

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le nombre et la nature des opérations syntaxiques qui le constituent. Elle propose d’attribuer un degré de computation syntaxique à chaque énoncé en fonction des opérations syntaxiques nécessaires à son élaboration. Plus une phrase contient de déplacements syntaxiques plus elle sera complexe, et ce d’autant plus si ces mouvements bouleversent l’ordre canonique de la structure (en français, la structure de base est de type sujet-verbe-objet (SVO)). Ainsi, un énoncé ayant un degré de computation syntaxique élevé nécessiterait un traitement plus important et constituerait une charge cognitive trop élevée pour un enfant avec TDL. Cette surcharge cognitive pourrait expliquer l’omission ou l’évitement de certains éléments grammaticaux complexes dans le TDL (Jakubowicz, 2005, 2011 ; Jakubowicz & Tuller, 2008).

Pour illustrer cette « métrique » de la complexité dérivationnelle, nous allons voir que les enfants avec TDL présentent des difficultés spécifiques pour le traitement des structures impliquant des mouvements syntaxiques (phrases relatives objet, passives, pronoms clitiques objet, questions racines objet) et pour celles présentant une accumulation d’opérations syntaxiques (phrases enchâssées).

Les phrases relatives objet

Tout d’abord plusieurs études ont montré les difficultés des enfants avec TDL pour les phrases relatives (Novogrodsky & Friedmann, 2006 ; Delage, 2008 ; Contemori & Garraffa, 2010). Dans des tâches de production induite de relatives sujet et de relatives objet, Novrogodsky et Friedmann (2006) ont comparé les productions de 18 enfants avec TDL de langue hébraïque âgés de 9 à 14 ans avec celles d’un groupe contrôle DT apparié en âge linguistique. Leurs résultats mettent en avant plus de difficultés à produire des relatives objet que des relatives sujet pour les enfants avec TDL car celles-ci nécessitent un mouvement syntaxique plus complexe. Effectivement, une relative sujet qui ne bouleverse pas l’ordre canonique SVO comme dans l’exemple [1] sera moins complexe au niveau de la computation syntaxique qu’une relative objet comme en [2] qui nécessite un déplacement des éléments lexicaux au sein de la phase et qui bouleverse l’ordre canonique. De même, cette dernière sera moins complexe qu’une relative objet impliquant deux déplacements et qui inverse le sujet et le verbe comme dans l’exemple [3].

[1] La fille qui lit un livre sur la plage → ordre SVO [2] Le livre que la fille lit Ø sur la plage → ordre OSV

[3] Le livre que lit la fille Ø Ø sur la plage → ordre OVS

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Ainsi les enfants avec TDL présenteraient un déficit au niveau de la production des phrases relatives objet. Novrogodsky et Friedmann expliquent ce déficit par des difficultés à attribuer des rôles thématiques aux constituants dues à leurs déplacements au sein de la phrase, ce qui n’est pas le cas pour les relatives sujet.

Les phrases passives

Les enfants avec TDL montrent également des difficultés à traiter les phrases passives (Bishop, Bright, James, Bishop & Van der Lely, 2000 ; Montgomery & Evans, 2009). Van der Lely et Harris (1990) se sont intéressés à la compréhension des phrases passives réversibles à travers une tâche de mime d’action chez des enfants avec TDL de 6 ans et des enfants DT appariés en âge chronologique et linguistique. Les résultats des enfants avec TDL sont significativement inférieurs à ceux des groupes contrôles et montrent que les structures passives sont particulièrement problématiques pour ces enfants.

Les pronoms clitiques objet

D’autres recherches ont montré des difficultés chez les enfants avec TDL dans l’utilisation des pronoms clitiques objet (Jakubowicz, Nash, Rigaut & Gerard, 1998 ; Paradis et al., 2003 ; Parisse & Maillart, 2004 ; Tuller, Delage, Monjauze, Piller & Barthez, 2011).

D’ailleurs, l’omission des pronoms clitiques objet est considérée comme un marqueur clinique du TDL (Hamann et al., 2003 ; Bortolini, Arfé, Caselli, Degasperi, Deevy & Leonard, 2006).

L’utilisation d’un pronom clitique objet dans un énoncé augmente sa complexité syntaxique car cela implique un déplacement de l’objet habituellement situé après le verbe, comme dans l’exemple [4], sous une forme pronominalisée antéposée au verbe comme dans l’exemple [5].

[4] La fille lit un livre [5] La fille le lit Ø

Plusieurs recherches (Jakubowicz et al., 1998 ; Tuller & Delage, 2014 ; Delage, Durrleman &

Frauenfelder, 2016) ont mis en avant la complexité syntaxique du pronom clitique objet par rapport à l’article défini homophone (« le » ou « la »). Ces deux morphèmes homophones ne sont pas différents d’un point de vue perceptif mais le sont au niveau syntaxique.

Effectivement, les articles définis ne requièrent aucun déplacement syntaxique à la différence des pronoms clitiques objet. Les résultats de ces études montrent que les enfants avec TDL ont beaucoup plus de difficultés à produire et traiter des pronoms clitiques objet que des

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articles définis dans des tâches d’élicitation de phrases et de désignation d’images. D’autre part, Durrlemann et Delage (2016) ont ajouté que le traitement des pronoms clitiques objet requiert d’importantes ressources en MdT chez des enfants avec TDL de 5 à 16 ans car ces pronoms réfèrent à un élément non présent dans l’énoncé.

Les questions objet

On observe également chez les enfants avec TDL des difficultés à produire des questions objet impliquant un mouvement syntaxique (Stavrakaki, 2006 ; Jakubowicz & Tuller, 2008). En effet, les enfants avec TDL comme les enfants DT plus jeunes ont tendance à produire des structures moins complexes syntaxiquement avec l’élément interrogatif (-wh) en position in situ comme dans l’exemple [6] plutôt que des structures de plus longue distance dans lesquelles il y a une antéposition de l’élément -wh en position initiale comme dans l’exemple [7]. Les structures plus complexes comme dans l’exemple [8] qui impliquent une inversion sujet-verbe en plus d’une antéposition du mot interrogatif sont acquises plus tardivement dans le développement typique et sont celles qui posent le plus de difficultés aux enfants présentant un TDL (Jakubowicz & Tuller, 2008).

[6] Tu coiffes qui ? [7] Qui tu coiffes ? [8] Qui coiffes-tu ?

Des difficultés au niveau du traitement et de la compréhension des structures -wh ont également été rapportées (Friedman & Novogrodsky, 2004 ; Marinis & Van der Lely, 2007).

Le degré d’enchâssement

La profondeur d’un enchâssement va également déterminer la complexité syntaxique d’un énoncé (Hamann, Tuller, Monjauze, Delage & Henry, 2007 ; Delage, 2008 ; Jakubowicz

& Tuller, 2008). Une phrase enchâssée implique l’insertion d’une phrase à l’intérieur d’une autre phrase. Plus l’enchâssement est profond, c’est-à-dire que plus il y a de subordonnées à l’intérieur d’autres subordonnées, plus le coût de la computation syntaxique sera élevé. Ces structures impliquent une accumulation d’opérations syntaxiques (assemblages d’éléments lexicaux, subordonnant, déplacements, ajout de flexions verbales…) nécessitant chacune un coût en termes de traitement. Les exemples ci-dessous permettent de se rendre compte de l’accroissement de la complexité d’un énoncé en fonction de la profondeur de son

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enchâssement. Ainsi, un énoncé verbal simple comme dans l’exemple [9] sera moins complexe sur le plan de la computation syntaxique qu’un énoncé contenant un enchâssement comme en [10]. Et ce dernier sera moins complexe qu’un énoncé contenant un enchâssement profond comme dans l’exemple [11].

[9] Le bébé veut son biberon

[10] Je sais [que le bébé veut son biberon]

[11] Tu crois [que je sais [que le bébé veut son biberon]]

Plusieurs recherches ont mis en avant les difficultés des enfants avec TDL face aux structures impliquant des enchâssements. En effet, Hamann et collaborateurs (2007) ont étudié le développement de la production de subordonnées dans des échantillons de langage spontané chez des enfants avec TDL et DT âgés de 5 à 10 ans. Les résultats montrent un taux de subordonnées et un taux d’enchâssement profond inférieurs ainsi qu’un taux d’erreurs dans les phrases complexes (c’est-à-dire comprenant au moins un enchâssement) plus élevé chez les enfants avec TDL comparativement aux enfants DT. D’autres études trouvent des résultats similaires et mettent en avant chez les enfants avec TDL un évitement des structures syntaxiques complexes (Delage, 2008 ; Tuller & Delage, 2014). De plus, lorsque ces enfants font des tentatives d'enchâssement, celles-ci sont souvent erronées. Ils mettent alors en place des stratégies compensatoires visant à éviter ce type de structures comme par exemple la juxtaposition de deux phrases simples. Ces structures moins complexes sont moins exigeantes en termes de traitements cognitifs. Cela va dans le sens de certaines hypothèses explicatives qui attribuent les difficultés langagières des enfants avec TDL à des limitations au niveau des traitements cognitifs. Intéressons-nous à présent aux différentes hypothèses explicatives des difficultés langagières observées dans le TDL.

1.1.3 Hypothèses explicatives

De nombreuses hypothèses sur l’étiologie du TDL sont décrites dans la littérature. Les théories actuellement avancées pour rendre compte de ce trouble font état de deux grands courants : les approches linguistiques et les approches cognitives2. En effet, certains auteurs attribuent les déficits langagiers observés chez des enfants avec TDL à des causes purement linguistiques. Ces auteurs mettent en avant une théorie qui expliquerait les difficultés

2 Pour une revue plus détaillée des différentes théories explicatives des troubles morphosyntaxiques dans le TDL, se référer à Maillart (2003).

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morphosyntaxiques de certains enfants avec TDL par un déficit purement grammatical (Gopnik & Crago, 1991 ; Van der Lely, 1998). Ainsi, les troubles langagiers pourraient être expliqués par des difficultés de représentations des relations syntaxiques de dépendance (Representational Deficit for Dependent Relationship) qui limiteraient la capacité de comprendre certains aspects de la grammaire (Van der Lely, 1998). Les enfants avec TDL seraient insensibles aux relations dérivationnelles ou flexionnelles et à la structure interne des mots. Ils présenteraient des difficultés avec les temps verbaux, avec les accords sujet-verbe qui impliquent une dépendance entre le sujet et le verbe, avec les flexions de nombre et de genre, et ne parviendraient pas à assigner correctement les rôles thématiques des constituants non adjacents dans les phrases complexes (enchâssement, clitiques objet…).

Cependant, cette hypothèse purement linguistique est souvent remise en cause car elle ne considère pas les interactions pouvant exister entre le module langagier et les autres modules qui entrent en compte dans le traitement du langage. De plus, elle ne permet pas d’expliquer l’ensemble des difficultés rencontrées dans le TDL. Ainsi, d’autres théories tentent d’expliquer l’étiologie du TDL. Certains auteurs proposent une théorie d’ordre perceptif, ils soutiennent l’hypothèse d’un déficit de traitement des signaux auditifs rapides à l’origine des difficultés langagières des enfants avec TDL (Tallal, 1990 ; Tallal, Bishop & Leonard, 2000). Les enfants avec TDL auraient des difficultés à segmenter et à traiter le signal de parole qui se présente de manière séquentielle et à une certaine vitesse. De ce fait, l’information perceptive serait traitée moins rapidement, le nombre d’éléments stockés serait réduit, les représentations phonologiques seraient donc moins distinctes ou incomplètes. Le développement du lexique et de la syntaxe, qui s’appuie en partie sur ces compétences phonologiques initiales, risquerait donc d’être compromis. Par ailleurs, d’autres recherches plus récentes (Montgomery, 2002 ; Jakubowicz & Tuller, 2008 ; Parisse & Mollier, 2008) attribuent les déficits linguistiques observés dans le TDL à des limitations au niveau mnésique, et notamment en mémoire de travail phonologique (Gathercole & Baddeley, 1990). En effet, dans une tâche de répétition de non-mots, ces auteurs ont montré que les enfants avec TDL ont beaucoup plus de difficultés à répéter des non-mots de trois ou quatre syllabes que des enfants DT appariés en âge ou de même niveau langagier. Ceci suggère que les enfants avec TDL ont des capacités de stockage de l’information réduite. De même, dans des tâches d’empans simples de chiffres ou de mots3, les enfants ayant un TDL se montrent particulièrement vulnérables en comparaison d’enfants contrôles sans difficultés langagières (Hick, Botting & Conti-Ramsden, 2005 ; Archibald & Gathercole, 2006). Par ailleurs, d’autres études ont montré des capacités limitées chez les enfants avec TDL dans des tâches d’empans complexes nécessitant la

3 Tâches nécessitant uniquement le maintien de l’information

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gestion d’une double tâche4 (Montgomery, 2002 ; Hoffman & Gillam, 2004 ; Archibald et Gathercole, 2006). Récemment, de nombreuses recherches ont mis en avant l’existence de liens étroits entre les capacités en MdT et le développement de la syntaxe complexe aussi bien chez les enfants DT (Montgomery, Magimairaj & O’Malley, 2008 ; De Abreu, Gathercole

& Martin, 2011) que chez les enfants avec TDL (Montgomery & Evans, 2009 ; Marinis &

Saddy, 2013 ; Frizelle & Fletcher, 2015 ; Delage & Frauenfelder, soumis). Le travail présenté ici s’inscrit dans cette perspective. Nous aborderons les différents liens entre la MdT et la syntaxe complexe au chapitre 1.3., mais avant cela il semble important de clarifier les différents modèles de mémoire de travail considérés dans cette recherche.

1.2 La mémoire de travail (MdT)

1.2.1 Le modèle de mémoire de travail de Baddeley

La MdT est définie par Baddeley (2000) comme un système permettant le maintien temporaire et le traitement des informations nécessaires à la réalisation d’une grande variété d’activités cognitives complexes comme la compréhension du langage, l’apprentissage et le raisonnement. La MdT joue un rôle central dans l’accomplissement de nos tâches quotidiennes. Par exemple elle permet de retenir ce que dit notre interlocuteur lors d’une conversation, de faire un calcul mental ou encore de retenir un numéro de téléphone en le composant. Le modèle de MdT proposé par Baddeley et Hitch (1974) est le modèle le plus influent en psycholinguistique pour rendre compte des processus de maintien de l’information à court terme. Ce modèle est composé de trois systèmes qui intègrent l'administrateur central et deux sous-systèmes esclaves : la boucle phonologique et le calepin visuo-spatial. En 2000, Baddeley introduit une quatrième composante au modèle : le buffer épisodique (cf. Figure 1).

4 Tâches nécessitant en plus de la rétention la manipulation de l’information

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Figure 1. Modèle révisé de la mémoire de travail à composants multiples (Baddeley, 2000).

L’administrateur central

Généralement le terme de mémoire de travail fait référence aux activités de l’administrateur central qui est un système de contrôle attentionnel de la MdT. Il se situe à l’interface entre les différents sous-systèmes. Ainsi, il coordonne et contrôle les différents flux d’informations, il gère les ressources attentionnelles et il guide et récupère les informations de la MLT. Les capacités de l’administrateur central sont évaluées en association avec un des deux sous-systèmes esclaves (boucle phonologique ou calepin visuo-spatial), par des tâches d’empans complexes qui nécessitent en plus du maintien de l’information, la manipulation de l’information d’une activité concurrente (Barrouillet & Camos, 2007). Par exemple, dans une tâche d’empan de chiffres envers, le sujet doit non seulement retenir les chiffres mais également effectuer une manipulation cognitive pour les restituer dans l’ordre inverse de présentation. L’implication des capacités attentionnelles semble importante à prendre en compte dans ce type de tâche. En effet, selon le modèle TBRS (The Time Based Resource Sharing Model) développé par Barrouillet, Bernardin et Camos (2004), il y aurait un partage temporel des ressources attentionnelles entre le stockage et le traitement de l’information.

Les processus de maintien et de traitement de l’information s’activeraient de manière séquentielle. Ainsi, si le focus attentionnel est occupé par le traitement, le maintien des informations en mémoire décline très rapidement car les ressources attentionnelles ne sont

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plus disponibles pour aucun autre traitement. C’est pourquoi, dans des tâches d’empans complexes, tout au long de la tâche de traitement, les traces mnésiques doivent être rafraichies avant de disparaître grâce à une refocalisation attentionnelle lors de courtes pauses. Pour ce faire, un processus rapide et incessant de l’attention, le switching, entre le traitement et le maintien est nécessaire. Le contrôle attentionnel semble donc important pour le maintien des informations dans des tâches de MdT (Barrouillet & Camos, 2014).

La boucle phonologique

La boucle phonologique, appelée aussi MCT verbale, est un des sous-systèmes du modèle de MdT, elle permet de stocker et de manipuler les informations acoustiques et verbales. Selon Baddeley et Hitch (1974), elle se divise en deux composantes : le système de stockage phonologique qui permet de maintenir temporairement des informations verbales sous forme de traces mnésiques qui disparaîtront si elles ne sont pas rafraîchies par le système de récapitulation articulatoire qui maintient actives les informations dans le stock phonologique grâce à un processus de subvocalisation. Les capacités de la boucle phonologique sont évaluées par des tâches d’empans verbaux simples qui nécessitent un simple maintien de l’information (Barrouillet & Camos, 2007). Ainsi les tâches les plus fréquemment utilisées pour rendre compte des capacités de la boucle phonologique sont les empans de chiffres endroit, de mots ou de non-mots. D’ailleurs, la tâche de répétition de non- mots est considérée comme l’une des mesures les plus pures de la boucle phonologique (Baddeley, 2000). Cette composante a fait l’objet d’une révision de la part de Majerus, Poncelet, Greffe et Van der Linden en 2006. En effet, ces auteurs distinguent au sein de la MCT verbale la mémoire “item” et la mémoire “ordre sériel”. Jusqu’à présent ces deux composantes n’étaient pas dissociées au sein de la MCT verbale. Ainsi, dans une tâche d’empans simples, deux types d’informations doivent être traités via des systèmes différents : l’information “item” qui correspond aux composantes phonologiques, lexicales et sémantiques des items présentés et l’information “ordre sériel” qui représente l’ordre dans lequel les items sont présentés. Des études plus récentes (Majerus et al., 2010) ont montré que l’influence des connaissances langagières était plus importante pour le rappel de l’information “item” que pour le rappel de l’information “ordre sériel”. Ainsi on peut dire que le rappel de l’information “item” est fortement dépendant des connaissances langagières et passerait donc par le système langagier, alors que le stockage de l’information “ordre sériel”

se ferait via un système spécifique encodant l’ordre dans lequel les items sont présentés, indépendamment des connaissances langagières.

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Le calepin visuo-spatial

Le calepin visuo-spatial est le second sous-système du modèle de MdT de Baddeley et Hitch (1974). Il permet le stockage et la manipulation des informations visuelles et spatiales.

Il permet également la création d’images mentales. Cependant, cette composante du modèle ne sera pas développée dans le cadre de ce mémoire.

Le buffer épisodique

Dernière composante, le buffer épisodique a été ajouté au modèle plus tardivement. Il sert d’interface entre les deux sous-systèmes esclaves et l’activation des informations contenues en MLT. Il s’agit d’un système de stockage temporaire de capacité limitée qui intègre des éléments de différentes sources et de différentes natures avant qu’elles ne soient encodées en MLT. Il est également contrôlé par l’administrateur central qui y récupère régulièrement des informations.

1.2.2 Les capacités mnésiques des enfants avec TDL

De nombreuses recherches ont mis en évidence de faibles performances aux tâches d’empans simples chez les enfants avec TDL (Majerus & Van der Linden, 2003 ; Archibald &

Gathercole, 2006 ; Montgomery & Evans, 2009 ; Delage & Frauenfelder, soumis).

Effectivement, dans des tâches de répétition de non-mots, d’empans de chiffres ou de mots, les performances des enfants avec TDL sont bien inférieures à celles d’enfants DT appariés en âge chronologique mais également à celles d’enfants de même niveau linguistique. Ainsi un déficit avéré au niveau de la boucle phonologique est observé chez des enfants avec TDL.

Dans une autre étude, Majerus et ses collaborateurs (2009) ont testé les capacités mnésiques de 12 enfants TDL de 6 et 10 ans en comparaison à deux groupes contrôle d’enfants DT appariés en âge chronologique et linguistique. Les auteurs ont différencié la MCT “item” et la MCT “ordre sériel” pour vérifier la possibilité d’un déficit spécifique de la MCT “ordre sériel”.

Rappelons que la mémorisation de l’ordre sériel permet de rendre compte des capacités de stockage de la MCT verbale indépendamment des capacités langagières. Leurs résultats n’ont montré aucun déficit spécifique chez les enfants avec TDL dans les tâches proposées de mémoire “item” et de mémoire “ordre sériel”. Néanmoins, les performances des enfants avec TDL aux tâches de reconstruction de l’ordre sériel sont tout de même plus faibles que celles des enfants DT. D’autre part, dans une tâche répétition de non-mots qui fait intervenir les deux processus (rétention “item” et “ordre”), un déficit sévère est bien observé chez les

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enfants avec TDL. Ainsi, selon cette étude, les enfants avec TDL ne montrent pas de déficiences spécifiquement pour une ou l’autre des composantes de la MCT, « item » ou

« ordre sériel », mais bien une limitation générale au niveau de la MCT verbale. D’autre part, les enfants avec TDL montrent de faibles performances aux tâches d’empans complexes (Montgomery, 2000 ; Hoffman & Gillam, 2004 ; Archibald & Gathercole, 2006 ; Delage &

Frauenfelder, soumis). Des différences significatives ont été trouvées entre les performances des enfants avec TDL et celles d’enfants DT dans des tâches de MdT nécessitant un double traitement de l’information (empans de chiffres envers, running span, listening span, counting span). Un déficit au niveau de l’administrateur central est donc avéré chez les enfants avec TDL. Ainsi, on peut dire que les capacités de MdT sont limitées chez les enfants présentant des difficultés langagières. Il semble alors judicieux de se demander quelles sont les relations existantes entre la MdT et les capacités langagières.

1.3 Relations entre MdT et langage

1.3.1 Rôle de la MdT dans l’acquisition lexicale

De nombreux travaux ont mis en évidence un lien direct entre les capacités de MdT et l’acquisition du vocabulaire chez les enfants. La boucle phonologique semble jouer un rôle majeur dans l’acquisition lexicale (Gathercole & Baddeley, 1990 ; Adams & Gathercole, 2000

; Willis & Gathercole, 2001 ; De Abreu et al., 2011). Lors de l’apprentissage de nouveaux mots, l’enfant doit non seulement identifier les phonèmes constitutifs mais également mémoriser leur ordre. L’acquisition lexicale semble alors intimement liée aux capacités de rétention de l’information verbale. Gathercole et Baddeley (1990) ont comparé les performances d’enfants avec TDL âgés de 7 à 9 ans en MCT verbale (rappel de listes de mots) et en répétition de non-mots avec celles d’un groupe contrôle apparié en âge linguistique. Leurs résultats mettent en avant une corrélation entre les performances en répétition de non-mots (considérée comme une des mesures les plus pures de la boucle phonologique) et les capacités d’apprentissage des nouveaux mots. D’autres études ont montré que les enfants de 3 à 5 ans montrant de bonnes capacités au niveau de la boucle phonologique présentent une diversité lexicale plus large, produisent des énoncés plus longs et plus complexes que des enfants ayant des performances plus faibles aux tâches d’empans simples (Adams & Gathercole, 2000 ; Willis & Gathercole, 2001). D’autre part, De Abreu et collaborateurs (2011) ont souhaité préciser la contribution de la boucle phonologique et de l’administrateur central dans l’acquisition du langage chez des enfants âgés de 6 ans. Pour

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cela, ils ont testé leurs capacités en MdT à travers des tâches d’empans simples (empan de chiffres endroit et répétition de non-mots) et d’empans complexes (empan de chiffres envers et counting span), et leurs performances langagières en vocabulaire (dénomination d’images) et en syntaxe (désignation d’images). Leurs résultats font ressortir que ces deux entités de la MdT ont des rôles différents dans le développement du langage. En effet, les empans simples semblent liés aux capacités lexicales des enfants car ils expliquent 27% de la variance en vocabulaire. Alors que les empans complexes seraient plutôt liés à la compréhension syntaxique. Effectivement, les scores aux empans complexes (et particulièrement l’épreuve de counting span) expliquent 44% de la variance des performances en compréhension syntaxique.

Jusqu’à présent, les tâches mesurant les capacités de la boucle phonologique ne distinguaient pas les deux composantes de la MCT verbale à savoir la mémoire “item” et la mémoire “ordre sériel”. Majerus et collaborateurs (2006) ont cherché à dissocier le rôle de ces deux composantes dans l’acquisition du vocabulaire. Leurs résultats mettent en évidence un lien étroit entre l’acquisition lexicale et les compétences en mémorisation de l’ordre sériel chez des enfants DT entre 4 et à 6 ans. Les performances en mémoire “ordre sériel” entre 4 et 6 ans sont corrélées aux performances en vocabulaire au cours de la même période (Leclerq &

Majerus, 2010). La composante “ordre sériel” de la MCT verbale semble alors jouer un rôle non négligeable dans l’apprentissage de nouvelles formes lexicales et la formation de représentations solides en MLT. La MdT (mesurée par des tâches d’empans complexes) semble quant à elle davantage liée au développement de la syntaxe. Nous avons vu plus haut que les enfants avec TDL présentaient de faibles capacités tant au niveau de la boucle phonologique qu’au niveau de l’administrateur central, nous pouvons ainsi faire le lien entre les difficultés langagières observées dans le TDL et les limitations en MdT. Cela rejoint l’hypothèse de Jakubowicz (2005) selon laquelle une limitation des capacités de MdT entraverait le développement des capacités en syntaxe complexe chez les enfants avec TDL.

C’est pourquoi nous allons nous intéresser dans le prochain chapitre aux liens pouvant exister entre la MdT et le développement de la syntaxe complexe.

1.3.2 Maturation de la MdT et complexification syntaxique

Si l’on s’intéresse au développement des capacités en MdT et en syntaxe complexe, nous pouvons voir un lien direct entre la maturation des capacités en MdT et l’utilisation de la syntaxe complexe. Tout d’abord, chez les enfants DT, nous observons un effet d’âge significatif sur les performances en MdT et en syntaxe complexe (Delage & Frauenfelder,

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soumis). Avec l’âge, on assiste dans le développement typique à une maturation progressive des capacités en MdT et en syntaxe complexe. D’une part, les capacités en MdT se développent de manière régulière dès l’âge de 5 ans jusqu’à l’adolescence (Barrouillet &

Camos, 2007 ; Delage & Frauenfelder, soumis). Et en parallèle, l’enfant est capable de traiter et de produire davantage de phrases complexes (Hamann et al., 2007 ; Delage, 2008). On peut alors se poser la question de l’existence d’un lien entre le traitement des phrases complexes et les capacités en MdT. En effet, face à une structure complexe, il est nécessaire de garder en mémoire les informations récoltées au fur et à mesure de l’énoncé pour pouvoir effectuer les réajustements nécessaires en fonction des nouvelles informations disponibles pour accéder au sens de la phrase. Cela soutient l’hypothèse de Jakubowicz (2005, 2011) d’un lien direct entre la maturation des capacités en MdT et l’utilisation de la syntaxe complexe. Cette maturation progressive de la MdT libérerait des ressources permettant à l’enfant d’effectuer un nombre plus important d’opérations syntaxiques pour traiter un énoncé et donc de produire et de comprendre davantage de phrases complexes. Ainsi, la maturation de la MdT au cours du développement pourrait permettre une complexification de la syntaxe chez les enfants DT. Chez des enfants avec TDL, on retrouve également une progression avec l’âge, entre 5 et 14 ans, des performances en MdT et en syntaxe complexe mais cette progression est nettement moins marquée et beaucoup plus lente que chez des enfants DT appariés en âge linguistique (Delage & Frauenfelder, soumis). On assiste donc à une limitation des capacités en MdT ainsi qu’à des difficultés en syntaxe complexe qui perdurent chez les enfants avec TDL (Jakubowicz & Tuller, 2008). Selon l’hypothèse de Jakubowicz, détaillée plus haut, c’est cette immaturité de la MdT qui entraverait le développement des capacités en syntaxe complexe chez les enfants avec TDL. Effectivement, le traitement et la production de phrases complexes, nécessitant des ressources en MdT, constitueraient une surcharge pour une MdT limitée chez ces enfants. Cette limitation des capacités de MdT pourrait donc empêcher la complexification de la syntaxe chez les enfants avec TDL. Voyons à présent dans quelles mesures les capacités en MdT peuvent être liées aux compétences syntaxiques.

1.3.3 Corrélations spécifiques entre MdT et syntaxe complexe

Compréhension syntaxique et MdT

L’existence de liens étroits entre les capacités en MdT et la compréhension syntaxique a été relevée dans plusieurs recherches (Marton & Schwartz, 2003 ; Montgomery et al., 2008 ; Montgomery & Evans, 2009 ; Marinis & Saddy, 2013 ; Fortunato-Tavarès et al., 2015 ; Vugs, Knoors, Cuperus, Hendriks & Verhoeven, 2016 ; Delage & Frauenfelder, soumis). En effet, en

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2008, Montgomery et collaborateurs ont comparé le rôle des empans simples (évalués par une épreuve de répétition de non-mots) et des empans complexes (évalués par une tâche de listening span) sur les performances en compréhension syntaxique chez des enfants DT âgés de 6 à 12 ans. Leurs analyses ont mis en avant un lien spécifique entre les empans complexes et la compréhension de phrases complexes mais aucune corrélation n’est apparue entre l’épreuve de répétition de non-mots et la compréhension syntaxique. En 2009, Montgomery et Evans ont répliqué cette étude chez des enfants avec TDL. Leurs résultats sont similaires à ceux des enfants DT. Les performances des enfants avec TDL dans une tâche de listening span (empans complexes) corrèlent avec leur niveau de compréhension de phrases complexes. La MdT dans sa composante la plus complexe semble donc impliquée dans la compréhension syntaxique. Dans une étude plus récente, Vugs et ses collaborateurs (2016) ont également tenté d’analyser l’implication de la MdT dans les capacités langagières chez 58 enfants avec TDL et 58 enfants sans difficultés langagières âgés de 4 à 5 ans. Leurs résultats rejoignent ceux des études précédentes et montrent que chez les enfants avec TDL, la MdT, et plus spécifiquement les performances aux empans complexes, est fortement impliquée dans un large éventail de compétences linguistiques, et notamment en compréhension syntaxique.

Production syntaxique et MdT

D’autre part, une relation étroite entre MdT et production de phrases complexes a pu être établie. Tout d’abord, chez les enfants DT, des liens entre les performances en MdT et les performances en répétition de phrases ont été mis en avant (Poll et al., 2013 ; Delage &

Frauenfelder, soumis). Ensuite, chez les enfants avec TDL, il existe également des associations significatives entre les compétences en MdT et la production de phrases relatives. Dans une étude, portant sur 35 enfants avec TDL et un groupe contrôle DT âgés de 6 à 8 ans, Frizelle et Fletcher (2015) ont trouvé que les performances aux empans simples des enfants avec TDL étaient corrélées aux phrases relatives les moins complexes alors que les empans complexes étaient davantage liés aux relatives les plus complexes, dans une tâche de répétition de phrases complexes. Enfin, d’autres études ont trouvé des corrélations spécifiques entre les capacités en MdT et la production de pronoms clitiques objet. En effet, Durrleman et Delage (2016) ont montré que les difficultés à produire des pronoms clitiques objet 3ème personne sont corrélées à leurs scores déficitaires en MdT chez des enfants et adolescents francophones avec TDL âgés de 5 à 16 ans. Cette association entre capacités en MdT et production de pronoms clitiques objet avait déjà émergé chez des enfants DT hispanophones de 2 à 4 ans (Mateu, 2014).

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1.3.4 Relation prédictive entre MdT et syntaxe complexe

Dans l’étude qui est à la base de notre projet, des corrélations spécifiques entre les mesures en MdT et les performances en syntaxe complexe chez des enfants DT et avec TDL ont également été mises en avant (Delage & Frauenfelder, soumis). Néanmoins, ces corrélations n’ont pas été retrouvées pour des énoncés grammaticaux moins complexes. On peut ainsi affirmer que la MdT est impliquée spécifiquement dans la syntaxe complexe et non dans la grammaire en générale. D’autre part, une relation prédictive forte entre la MdT et la syntaxe complexe tant chez les enfants DT que chez les enfants avec TDL a été mise en évidence. En effet, ces auteurs ont testé les capacités en MdT, par des tâches d’empans simples et complexes, ainsi qu’en syntaxe, par des épreuves de compréhension et production syntaxique, chez 28 enfants présentant un TDL âgés de 5 à 14 ans, ainsi que chez 48 enfants DT du même âge. Les résultats révèlent que pour les deux groupes, la combinaison des empans simples, des empans complexes et l’âge explique plus de 50% de la variance des résultats obtenus en compréhension de phrases complexes. Les mêmes prédicteurs permettent également d’expliquer 50 % de la variance des scores obtenus en répétition de phrases complexes chez les enfants DT et jusqu’à 58% de la variance chez les enfants avec TDL. Cependant ces deux groupes d’enfants diffèrent en ce qui concerne les aspects de la MdT qui sont les plus prédicteurs de leurs performances en syntaxe.

Tout d’abord, pour le groupe d’enfants DT, les empans complexes apparaissent comme les plus robustes pour prédire les performances en syntaxe complexe. L’épreuve de counting span (présentée au point 2.3.1.2 de la partie méthodologie) se révèle être celle qui prédit le plus fortement les performances en syntaxe complexe des enfants DT. En effet, cette épreuve prédit 25 % de la variance de la longueur moyenne des énoncés (LME), environ 20 % de la variance du taux de subordination et du taux d’enchâssement profond et 44 % de la variance de la compréhension syntaxique. Montgomery et collaborateurs (2008) avaient également montré que les empans complexes expliquaient 30 % de la variance des scores obtenus en compréhension syntaxique chez des enfants DT.

D’autre part, chez les enfants avec TDL, ce sont les performances aux empans simples qui apparaissent comme les plus prédictives des performances en syntaxe complexe, ils expliquent notamment 35% de la variance de la LME et 22% de la variance du taux d’enchâssement. Un résultat qui nous intéresse particulièrement est la relation prédictive forte entre la composante sérielle de la MCT verbale et les capacités syntaxiques des enfants avec TDL. Effectivement, l’épreuve de mémoire sérielle, la course des animaux (Majerus et al., 2006 ; Majerus, 2008) est une tâche qui limite au maximum l’implication des compétences langagières et se présente comme une des plus prédictives des performances en syntaxe complexe chez les enfants avec TDL. Le fait que cette tâche soit la plus robuste pour rendre

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compte des capacités de stockage de la MCT verbale, car indépendante du système langagier, et qu’elle prédise fortement les performances en syntaxe complexe, permet de dire que la MdT entretient un lien très particulier dans sa relation prédictive avec la syntaxe complexe. Ces résultats soutiennent l’hypothèse de Jakubowicz (2005, 2011) selon laquelle le développement des habiletés en syntaxe complexe chez les enfants avec TDL serait entravé par une immaturité des capacités de MdT. On peut alors imaginer qu’une rééducation axée sur la MdT pourrait avoir des impacts positifs sur les performances syntaxiques des enfants avec TDL. Nous allons voir que de nombreux programmes d’entrainement de la MdT existent déjà sur le marché avec des effets à plus ou moins long terme sur les différentes fonctions cognitives ciblées.

1.4 Effets des entraînements de la MdT

1.4.1 Programmes d’entraînement de la MdT et efficacité

Les programmes d’entrainement existants, tels que Cogmed, Jungle Memory ou Cognifit, se présentent comme des batteries informatisées générales avec des tâches variées qui ciblent les différents aspects de la MdT. Prenons l’exemple de Cogmed, le programme de remédiation de la MdT le plus utilisé et le plus étudié actuellement. Il offre un entrainement de la MdT intensif sur cinq semaines à raison de trois à cinq séances de 25 à 45 minutes par semaine. Ce programme propose des exercices mobilisant un traitement visuo-spatial et auditivo-verbal. De nombreuses études ont tenté d’analyser les effets de ce type d’entrainement. Cependant, les résultats de ces études sont contradictoires et la méthodologie utilisée est très souvent remise en question (Melby-Lervåg et Hulme, 2013 ; McLaughlin, 2016 ; Majerus, 2017). De plus, ces programmes ne sont pas basés sur des modèles théoriques, ni sur des études montrant leur efficacité. Ils sont souvent qualifiés de trop généralistes et axés majoritairement sur des activités visuo-spatiales. En effet, Melby- Lervåg et Hulme (2013), dans une méta-analyse, émettent des doutes quant à l’efficacité de ces entrainements de la MdT sur les fonctions cognitives chez des personnes au développement typique. Leurs résultats montrent de légères améliorations à court terme en MdT verbale et en MdT visuo-spatiale suite à un entrainement de la MdT mais il n’y a pas de maintien à long terme ni de généralisation à d’autres capacités cognitives. Les effets sont souvent limités aux tâches entraînées et il n’y a pas de transfert sur les tâches non entraînées.

De plus, cette méta-analyse met en avant le fait que de nombreuses études visant à examiner les effets de ce type d’entrainement n’appliquent pas de critères méthodologiques fiables.

Plus précisément, on trouve des études sans groupe contrôle, ou avec un groupe contrôle qui ne fait pas d’entrainement alternatif, de ce fait on ne peut pas savoir si la présence d’un effet

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est due directement à l’entrainement proposé ou si cela est dû au développement normal.

D’autre part, ces études portent souvent sur un nombre limité de participants ou sur des études de cas et l’hétérogénéité des participants d’une étude à l’autre semble limiter la portée des résultats.

Par ailleurs, Peijnenborgh, Hurks, Aldenkamp, Vles et Hendriksen (2015) se sont intéressés, via une méta-analyse, aux effets des entraînements de la MdT chez des enfants et adolescents ayant des troubles d’apprentissages et/ou atteints d’un trouble du déficit d’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Leurs conclusions vont dans le sens de celles développées dans la méta-analyse de 2012, à savoir qu’un effet à court terme est observé dans les tâches de MdT entraînées. Néanmoins ces auteurs mettent en avant un effet de “far transfer”, c’est-à-dire que des effets ont été observés dans d’autres domaines que ceux entraînés. Ainsi, un effet positif faible mais néanmoins significatif est ressorti, immédiatement après l’entraînement, dans des tâches impliquant la vitesse et la précision du décodage de mots. Dans une autre méta-analyse, McLaughlin (2016) relève une diminution significative des symptômes d’inattention et d’hyperactivité chez des enfants TDAH. Cependant, les mêmes critiques méthodologiques que les précédentes méta-analyses ressortent et limitent l’interprétation des résultats. En outre, des études ont remis en cause l’utilité d’un tel entraînement pour les personnes avec TDAH et n’ont trouvé aucun effet sur les performances académiques ou sur les symptômes à court et moyen terme chez des enfants avec TDAH (Cortese et al., 2015 ; Van der Donk, Hiemstra-Beernink, Tjeenk-Kalff, Van der Leij &

Lindauer, 2015).

D’autres études, portant sur des patients aphasiques, ont mis en évidence un transfert des effets d’un entraînement dans d’autres domaines que ceux entraînés. En 2016, Zakariás, Keresztes, Marton et Wartenburger ont proposé un entraînement de la MdT et des fonctions exécutives à trois patients aphasiques. Pour deux de ces patients, ils ont observé une amélioration significative entre les pré- et les post-tests aux tâches de MdT et des fonctions exécutives mais également dans une épreuve de compréhension de phrases. Cependant ces résultats sont à prendre avec prudence au vu du faible nombre de participants et au fait qu’aucun entraînement alternatif ne fut proposé au groupe contrôle. Dans un article récent, Majerus (2017) a passé en revue 15 études portant sur un entraînement de la MdT chez des patients aphasiques. Il en ressort, chez ces patients, des effets proches robustes et des effets lointains plutôt faibles suite à un entrainement de la MdT. Cependant, Majerus conclue que la majorité des études portant sur des patients aphasiques sont des études de cas et ne permettent pas une généralisation à une population d’enfants. De plus, il précise qu’il est difficile d’estimer l’impact du biais de publication sur les effets observés au vu du peu d’études publiées relevant des résultats négatifs suite à un entrainement de la MdT.

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1.4.2 Résultats encourageants chez des enfants ayant de faibles habiletés langagières

Concernant les effets d’un entraînement cognitif chez des enfants ayant des difficultés langagières, à notre connaissance, il n’existe actuellement qu’une seule étude sur le sujet.

Effectivement, Holmes et collaborateurs (2015) ont proposé un entraînement de la MdT via le programme Cogmed à 12 enfants ayant de faibles habiletés langagières âgés de 8 à 10 ans ainsi qu’à un groupe contrôle apparié en âge chronologique sans difficultés de langage. Des évaluations de la MdT, de la MCT, du langage et du QI ont été faites avant et après l’entrainement. La phase d’entraînement a duré huit semaines à raison de 2 sessions de 45 minutes par semaine. Les résultats ont montré une augmentation significative des performances en MdT visuo-spatiale pour les deux groupes, ceci est à mettre en lien avec la prédominance d’exercices visuo-spatiaux dans le programme Cogmed. On observe également une amélioration pour les mesures de MCT verbale mais pas significative. Il ressort aussi que les enfants ayant un QI verbal faible ont eu plus de gain en MCT verbale, alors que ceux avec un QI verbal plus élevé ont eu plus de bénéfice en MCT visuo-spatiale. Cette étude constitue une preuve préliminaire qu’un entraînement intensif de la MdT peut être efficace pour améliorer les aspects les plus faibles de la MCT chez des enfants ayant de faibles capacités verbales. Cependant, les résultats de cette étude, bien qu’encourageants, ne sont pas probants. On peut alors se questionner sur les points de vigilance à avoir pour proposer ce type d’entrainement et pour espérer des résultats plus significatifs.

1.4.3 Un programme d’entrainement spécifique

Face aux conclusions plutôt mitigées des différentes méta-analyses et recherches présentées (Melby-Lervåg & Hulme, 2013 ; Holmes et al., 2015 ; Peijnenborgh et al., 2015 ; McLaughlin, 2016 ; Zakariás et al., 2016 ; Majerus, 2017), nous ne privilégierons pas ces types de programmes pour notre recherche. Néanmoins, on peut se demander si un programme d’entrainement plus spécifique visant les processus de la MdT déficitaires serait plus efficace qu’un programme de remédiation plus généraliste visant toutes les composantes de la MdT. L’intensité de l’entrainement semble également être un critère important. Les études antérieures préconisent une durée moyenne de formation de 12h sur 12 à 16 semaines à raison de deux fois par semaine pour avoir des effets plus significatifs. De plus, pour pouvoir vérifier l’effet direct de l’entrainement proposé, un entraînement alternatif sans lien direct avec la MdT doit être proposé à un groupe contrôle. Le fait que le groupe contrôle effectue un entraînement alternatif permettra aussi d’éviter des biais potentiels, notamment pour s’assurer qu’une éventuelle amélioration des performances ne soit pas due uniquement au

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développement normal ou au fait qu’une prise en charge soit mise en place. Dans le cadre de notre recherche, afin d’optimiser nos résultats, nous proposons un programme d’entraînement de la MdT spécifique qui tient compte des différents paramètres qui viennent d’être exposés et qui est basé sur les composantes de la MdT les plus prédictives des performances en syntaxe complexe. Ce programme d’entraînement nommé Magic Memory (MM) sera présenté plus en détail dans la partie méthodologie.

1.5 Hypothèse théorique

Pour rappel, l’objectif de notre étude est de montrer qu’un entraînement spécifique de la MdT peut avoir des effets sur les performances en syntaxe complexe chez des enfants avec TDL. Nous avons vu que la MdT et la syntaxe complexe étaient intimement liées. En effet, la MdT semble impliquée dans l’acquisition du vocabulaire (Adams & Gathercole, 2000

; Majerus et al., 2006 ; De Abreu et al., 2011 ; Vugs et al., 2016) et dans la complexification syntaxique (Jakubowicz, 2005, 2011 ; Delage & Frauenfelder, soumis). Des corrélations spécifiques entre la MdT et la production et la compréhension de phrases complexes ont été mises en avant De plus, l’étude préliminaire à notre projet a montré une relation prédictive forte entre la MdT et la syntaxe complexe chez les enfants avec TDL (Delage & Frauenfelder, soumis). La composante sérielle de la MCT verbale et les empans complexes apparaissent comme les prédicteurs les plus forts des performances en syntaxe complexe chez les enfants DT et chez les enfants avec TDL. Ces résultats vont dans le sens de l’hypothèse avancée par Jakubowicz (2005, 2011) qui attribue les déficits observés en syntaxe complexe dans le TDL à des limitations au niveau de la MdT. Ainsi, une rééducation axée sur les capacités mnésiques de ces enfants semble tout indiquée pour améliorer leurs performances syntaxiques. Nous avons vu également que de nombreux programmes de remédiation de la MdT existent déjà sur le marché. Cependant, les études qui se sont intéressées à leur efficacité ont souvent été critiquées et non validées scientifiquement de par la méthodologie utilisée et la variabilité de leurs résultats (Melby-Lervåg & Hulme, 2013 ; Peijnenborgh et al., 2015 ; McLaughlin 2016). De plus, ces programmes d’entraînement, souvent qualifiés de trop généralistes et ciblant majoritairement la mémoire visuo-spatiale, ne montrent pas d’effet à long terme ni de transfert sur d’autres capacités cognitives. C’est pourquoi, en proposant un entraînement intensif de la MdT plus spécifique qui cible les composantes de MdT les plus prédictives des performances en syntaxe complexe chez des enfants avec TDL, nous posons l’hypothèse suivante : puisque la MdT est fortement impliquée dans la production et la compréhension syntaxique, alors un entraînement intensif des fonctions mnésiques en jeu dans la syntaxe complexe pourrait avoir des effets sur les compétences en syntaxe complexe des enfants DT et avec TDL.

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