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Attention et syntaxe : quelles relations chez les enfants DT, TDAH et TDL?

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Master

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Attention et syntaxe : quelles relations chez les enfants DT, TDAH et TDL?

BAUSSAND, Lou

Abstract

Notre étude cherche à comprendre comment les différents processus attentionnels influencent les performances en syntaxe complexe chez l'enfant. Notre population d'intérêt se compose d'enfants au développement typique (DT), mais aussi d'enfants présentant un trouble du développement du langage (TDL) ou un trouble déficitaire de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). En effet, ces deux populations cliniques sont connues comme ayant des difficultés avérées dans le domaine de l'attention et de la syntaxe. Nous avons administré à chaque enfant une batterie de tests attentionnels et syntaxiques, ainsi qu'une tâche d'amorçage dont le but était d'induire la production de phrases passives. Les résultats montrent tout d'abord des liens corrélationnels entre les performances attentionnelles et syntaxiques pour tous les groupes...

BAUSSAND, Lou. Attention et syntaxe : quelles relations chez les enfants DT, TDAH et TDL?. Master : Univ. Genève, 2020

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:139048

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Section de psychologie

MAITRISE UNIVERSITAIRE EN LOGOPEDIE

Attention et syntaxe : Quelles relations chez les enfants DT, TDAH et TDL ?

Mémoire réalisé par Lou Baussand

Genève, Juin 2020

Sous la direction du Dr Hélène DELAGE et la supervision d’Emily STANFORD

Jury :

Hélène DELAGE Emily STANFORD

Margaret WINKLER KEHOE

Nombre de mots : 19’816

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REMERCIEMENTS

Tout d’abord, je tiens à remercier sincèrement ma directrice de mémoire, le docteur Hélène Delage, pour son encadrement, sa disponibilité et ses encouragements tout au long de ce travail. Un grand merci aussi à Emily Stanford, pour son aide précieuse dans la réalisation de ce mémoire, pour ses conseils et ses paroles rassurantes.

Merci au professeure Margaret Winkler Kehoe d’avoir accepté d’évaluer ce mémoire en faisant partie de mon jury final.

J’ai eu beaucoup de plaisir à travailler avec Constance Terrail, Lory De Levrano, Lucile Da Silva et Marie Perrin. Je les remercie pour la belle collaboration que nous avons eue pendant ces années de maîtrise en logopédie.

Je remercie profondément les enfants et leurs familles ayant participés à cette étude, pour leur engagement et leur intérêt. Merci également du fond du cœur aux logopédistes, Alaïs Verdier et Marielle Bluteau, pour leur grande implication dans ce projet.

Une pensée toute particulière pour Cécile Fernex, qui a réussi dans les moments d’inquiétude et de doute, à me redonner confiance. Un immense merci pour son temps consacré à la relecture de ce mémoire, ainsi que pour son soutien infaillible.

Enfin, je souhaite remercier ma famille et mes proches pour leur présence ; merci pour votre patience et votre écoute. Vous avez su me donner de la force pour finaliser ce travail.

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Résumé

Notre étude cherche à comprendre comment les différents processus attentionnels influencent les performances en syntaxe complexe chez l’enfant. Notre population d’intérêt se compose d’enfants au développement typique (DT), mais aussi d’enfants présentant un trouble du développement du langage (TDL) ou un trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). En effet, ces deux populations cliniques sont connues comme ayant des difficultés avérées dans le domaine de l’attention et de la syntaxe. Nous avons administré à chaque enfant une batterie de tests attentionnels et syntaxiques, ainsi qu’une tâche d’amorçage dont le but était d’induire la production de phrases passives. Les résultats montrent tout d’abord des liens corrélationnels entre les performances attentionnelles et syntaxiques pour tous les groupes. Nous avons aussi mis en évidence deux liens prédictifs : le premier entre la MdT et la production syntaxique et le second entre l’attention sélective visuelle et la compréhension syntaxique. De plus, nous avons pu constater une forte comorbidité entre les groupes d’enfants TDL et TDAH, puisqu’ils obtiennent des performances similaires dans les tâches syntaxiques.

Concernant la tâche d’amorçage, elle offre à tous les enfants la possibilité d’augmenter leurs productions de phrases passives, contrairement à une condition sans amorce. La condition d’amorçage apportant l’aide maximale pour produire des phrases passives permet de constater une différence entre les enfants TDL et TDAH. Cette dernière information pourrait avoir d’importantes répercussions lors de l’évaluation et la prise en charge de ces enfants en logopédie.

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Table des matières

Introduction ………...………. 6

I. Cadre théorique ... 8

1. L’attention ... 8

1.1 Définition ... 8

1.2 Les composantes attentionnelles (Peterson & Posner, 2012) ... 8

1.3 Lien entre l’attention et les FE ...10

2. La syntaxe ... 12

2.1 La complexité syntaxique ...12

3. Relation entre l’attention et la syntaxe ... 17

3.1 Rôle de l’attention dans l’acquisition du langage. ...17

3.2 Lien entre l’attention et la compréhension syntaxique ...18

3.3 Lien entre l’attention et la production syntaxique ...19

4. Le Trouble De l’Attention avec ou sans Hyperactivité (TDAH) ... 23

4.1 Définition ...23

4.2 Le déficit attentionnel dans le TDAH ...24

4.3 Le déficit langagier dans le TDAH ...24

5. Le Trouble Développemental du Langage (TDL) ... 25

5.1 Définition ...25

5.2 Le déficit syntaxique dans le TDL ...26

5.3 Le déficit attentionnel dans le TDL ...28

6. Hypothèses théoriques ... 29

II. Méthode ...30

1. Méthodologie générale ... 30

2. Population ... 30

2.1 Critères d’inclusion et d’exclusion ...31

2.2 Procédure de recrutement ...32

2.3 Déroulement des passations ...33

3. Matériel ... 34

3.1 Matrices progressives de Raven (Raven & al., 1998) ...34

3.2 Questionnaire de Conners (Conners, 2008) ...35

3.3 Tâches syntaxiques ...35

3.4 Tâches attentionnelles ...38

3.5 Tâche d’amorçage syntaxique ...41

4. Variables expérimentales... 48

5. Méthode statistique ... 50

5.1 Analyses corrélationnelles ...51

(6)

5

5.2 Analyses prédictives ...51

5.3 Comparaison inter-groupes ...51

5.4 Comparaisons intra-groupes ...52

6. Hypothèses opérationnelles ... 52

6.1 Tâches attentionnelles et syntaxiques ...52

6.2 Tâche d’amorçage syntaxique ...53

III. Résultats ...55

1. Tâches attentionnelles et syntaxiques ... 55

1.2. Corrélations...56

1.3. Analyses prédictives ...57

1.4. Comparaison intergroupe ...58

2. Tâche d’amorçage ... 60

2.1. Effet de l’amorçage ...60

IV. Discussion ...67

1. Interprétation des résultats ... 67

1.1 Lien attention – syntaxe (corrélation et prédiction) ...67

1.2 Effet de groupe dans les tâches attentionnelles et syntaxiques ...68

1.3 Effet d’amorçage ...70

2. Limites de l’étude ... 72

2.1 Tâches attentionnelles et syntaxiques ...72

2.2 Tâche d’amorçage syntaxique ...73

3. Conclusion et ouverture : l’évaluation dynamique ... 74

V. Bibliographie ...76

VI. Annexes ...81

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6

Liste des abréviations :

DT = Développement Typique

TDL = Trouble Développemental du Langage

TDAH = Trouble déficitaire de l’Attention avec ou sans Hyperactivité

MdT = Mémoire de Travail

FE = Fonctions Exécutives

SVO = Sujet – Verbe- Objet

RO = Relative Objet

TR = Temps de Réaction

VD = Variable Dépendante

VI = Variable Indépendante

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Introduction

Le but de notre travail est d’étudier l’influence de l’attention sur la syntaxe au sein d’une population d’enfants présentant un développement typique du langage (DT), un trouble développemental du langage (TDL) ou un trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Cette étude s’inscrit dans la continuité du projet FNS « Du langage à la cognition et vice versa » (Delage, 2016-2020), s’intéressant à l’interface entre langage et cognition chez l’enfant d’âge scolaire. La relation entre la MdT et la syntaxe a été grandement explorée dans la littérature : Delage et Frauenfelder (2020) montrent notamment que les scores en MdT prédisent ceux retrouvés dans des tâches de compréhension et de production de phrases complexes, chez des enfants DT et TDL. Des déficits en MdT pourraient alors être la cause potentielle des limitations syntaxiques décrites dans le TDL (Jakubowicz & Tuller, 2008 ; Jakubowicz, 2011). De plus, nous pouvons souligner qu’un entrainement de la MdT chez des enfants TDL leur permet d’obtenir de meilleures performances dans la production de structures syntaxiquement complexes (Stanford, Durrleman, & Delage, 2019 ; Delage, Piller, Stanford &

Durrleman, in press). La relation entre la MdT et l’attention est aussi démontrée puisque les ressources attentionnelles permettraient de sélectionner l’information à encoder en MdT, mais aussi d’empêcher les distracteurs d’interférer avec son traitement (Gathercole et Alloway, 2008). En outre, une composante attentionnelle est décrite dans la plupart des modèles cognitifs de la MdT, comme l’administrateur central que l’on trouve dans le modèle de Baddeley et Hitch (1986), ou le focus attentionnel du modèle TBRS (Barouillet & Camos, 2007). D’autres auteurs vont encore plus loin en proposant des modèles dans lesquels la plupart des fonctions cognitives reposent sur les compétences attentionnelles (Garon & al., 2008 ; Petersen & Posner, 2012).

Enfin, plusieurs études ont montré l’importance des ressources attentionnelles pour l’encodage en MdT des informations pertinentes à la réalisation de tâche syntaxiquement complexes (Myachykov, Garrod & Scheepers, 2009 ; Finney et al., 2014 ; Myachykov & al., 2017).

Néanmoins, il existe un nombre restreint d’études s’intéressant au lien entre l’attention et la syntaxe, et encore moins explorant cette relation dans des populations cliniques. C’est pourquoi notre étude visera à mettre en lumière l’influence de l’attention sur les performances syntaxiques d’enfants DT, TDL et TDAH. Pour ce faire, nous utiliserons un ensemble de tests attentionnels et syntaxiques ainsi qu’une tâche d’amorçage syntaxique. Dans une visée clinique, les résultats pourraient apporter de nouvelles informations sur le diagnostic différentiel et la prise en charge logopédique de ces enfants.

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I. Cadre théorique

1. L’attention

1.1 Définition

L’attention est un système complexe et hiérarchisé. Elle se définit comme étant notre habilité mentale à sélectionner des stimuli, réponses, souvenirs ou pensées qui sont pertinents pour notre comportement, parmi beaucoup d’autres qui ne le sont pas. (Corbetta, 1998). En d’autres termes, elle vient faciliter la sélection d’informations utiles, dans un environnement qui regorge d’une multitude d’informations. Parmi les modèles influents de l’attention dans la littérature, on retrouve le modèle de Petersen et Posner (2012). D’après ce modèle il y aurait trois réseaux attentionnels : l’alerting, l’orienting et l’executive. L’alerting ne fait pas l’objet de cette étude car nous ne disposons pas de tâche la mesurant dans notre protocole expérimental. Nous concentrerons donc notre réflexion autour de l’orienting et de l’executive.

1.2 Les composantes attentionnelles (Peterson & Posner, 2012) Le réseau orienting

Le réseau orienting, aussi appelé « attention sélective », permet de traiter spécifiquement un stimulus/une classe de stimuli en particulier par rapport à un ensemble de stimulations se trouvant dans l’environnement. Ce réseau attentionnel agit sur différentes modalités sensorielles ; on retrouve dans la littérature deux types de tâches pour mesurer cette fonction.

La première emprunte la modalité visuelle, comme la tâche de recherche visuelle conjointe (Tsal, Shlev & Mevorach, 2005) dans laquelle on demande au sujet de rechercher un item cible parmi des distracteurs. La deuxième utilise la modalité auditive, comme la tâche d’écoute dichotique (Maquestiaux, 2017), dans laquelle on présente deux messages auditifs différents aux oreilles des sujets en leur demandant de ne prêter attention qu’à un seul des deux messages.

Il s’agit d’un signal dit « bottom-up », puisque l’information est d’abord détectée dans l’environnement avant d’être traitée par le cerveau.

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9 Le réseau executive

L’executive est le réseau attentionnel activé quand nous détectons un conflit ou une erreur.

Il permet de prendre conscience des erreurs puis de les corriger ; en cela ce réseau est également appelé « attention focalisée ». Il s’agit d’un signal « top-down » puisque l’erreur est d’abord détectée par le cerveau avant d’être traitée. Ce réseau permet aussi la coordination de l’alerting et de l’orienting. Il contient trois composantes (Figure 1) : l’inhibition, l’updating et le shifting.

Figure 1. Schéma résumant les différents réseaux attentionnels selon Peterson & Posner (2012)

L’executive s’apparente à d’autres fonctions cognitives à savoir : les Fonctions Exécutives (FE). Celles-ci permettent à une personne de s’adapter à une situation nouvelle en faisant appel à des processus contrôlés. Dès lors, le modèle de Peterson et Posner (2012) nous permet d’entrevoir la relation étroite qui existe entre l’attention et les FE puisque chacune d’entre elles est sous-tendue par le réseau executive. Cette relation est décrite par Diamond (2013) : l’inhibition, ou le « contrôle inhibiteur » est la composante permettant le contrôle de son propre comportement, pour ne pas agir impulsivement, résister à certaines tentations ou encore faire un choix. Plus en lien avec le domaine de l’attention, cette composante permet de se concentrer sur une tâche sans se laisser distraire par des éléments extérieurs non pertinents pour le but visé.

Nous trouvons dans la littérature des tâches typiques permettant de mesurer cette inhibition comme la tâche du Stroop (Stroop, 1935). Le sujet voit par exemple le mot « bleu » écrit en jaune, et pour réussir la tâche, il doit parvenir à inhiber le traitement automatique de lecture du

Attention

Alerting

Sustained Phasic Orienting

Executive

Updating

Inhibition

Shifting

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10 mot afin de dénommer correctement la couleur des lettres. On trouve aussi la tâche « go/no- go » (Diamond, 2013). Elle consiste simplement à appuyer sur un bouton lorsqu’un stimulus cible apparaît à l’écran, par exemple un poisson, et ne pas appuyer si un autre stimulus apparaît, par exemple un requin (Abdul Rahman, Carroll, Espy & Wiebe, 2017). L’updating, aussi apparenté à la mise à jour de la Mémoire de Travail (MdT), permet de maintenir une information en mémoire tout en la manipulant. Cette composante est engagée dans des tâches dites « complexes » puisqu’elle manipule l’information, qu’elle soit verbale ou non-verbale.

Elle permet par exemple de résoudre un calcul mentalement ou bien le traitement de la syntaxe complexe1 (Engel de Abreu, Gathercole, Martin, 2011 ; Delage & Frauenfelder, 2019). En rapport avec l’attention, l’updating consiste à intégrer une nouvelle information à une information déjà présente en mémoire. Les ressources attentionnelles permettent de sélectionner l’information à encoder en MdT (Gathercole & Alloway, 2008). On mesure les capacités de mise à jour de la MdT avec des épreuves d‘empan complexes comme la tâche de N-Back (Im-Bolter, Johnson & Pascual-Leone, 2006) dans laquelle on présente au sujet plusieurs objets qui défilent sur un écran. Le but est de cliquer dès que deux objets identiques se suivent (1- back). Si le sujet réussit, la tâche se complexifie car il doit cliquer lorsqu’un objet présenté dans la liste correspond à l’objet présenté 2 ou 3 positions avant. Enfin, le shifting ou flexibilité cognitive, permet de changer de perspective et d’ajuster son comportement par rapport à une nouvelle consigne. Cette dernière composante se construirait une fois que l’inhibition et l’updating sont en place (Diamond, 2013). En effet, pour réussir à changer de perspective (à rediriger son attention), il faut d’abord inhiber l’ancienne et ajouter en MdT les informations relatives à la nouvelle. La tâche du Wisconsin Card Sorting Task (Diamond, 2013) permet de mesurer le shifting. Elle consiste à trier des cartes selon différents critères (la couleur, la forme ou le chiffre), mais ce critère de tri peut varier au cours de la tâche. Il faut donc réussir à faire un switch d’une consigne à l’autre pour réussir.

1.3 Lien entre l’attention et les FE

A l’aide du modèle de Peterson et Posner (2012), nous pouvons constater le lien étroit existant entre le domaine de l’attention et celui des FE. Il semblerait que les FE soient intégrées au sein du réseau executive, mais aussi que le domaine de l’attention au sens large sous-tende

1 Ce point sera décrit plus précisément dans la section 2 de ce mémoire.

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11 le développement des FE. Il y a donc une relation unidirectionnelle entre ces différentes fonctions cognitives. D’autres auteurs ont montré ce lien étroit entre attention et FE. C’est le cas de Garon, Bryson et Smith (2008). Leur modèle s’appuie sur celui de Miyake (2000), mais tente d’expliquer le développement des FE et leur fonctionnement chez l’enfant, alors que le modèle de Miyake explique ces processus chez l’adulte. D’après le modèle de Garon (Figure 2), les FE se développent tout au long du processus de maturation cognitive de l’enfant, en suivant une hiérarchie précise. Dans un premier temps, ce serait l’attention soutenue et l’attention sélective qui sous-tendraient l’émergence des autres FE. Vient ensuite le développement de la mémoire de travail, puis celui de l’inhibition et enfin celui du shifting.

Dans ce modèle, l’attention permet le développement des autres fonctions exécutives ; ceci est donc congruent avec le modèle de Peterson et Posner (2012) présenté ci-dessus. Ce processus est engagé dès l’enfance, et tout au long du développement, les FE se coordonnent plus efficacement. On dit alors que ces différentes fonctions sont interreliées. Il semble que ce processus de maturation s’achève à l’âge de six ans chez l’enfant selon Garon et al. (2008). Ce modèle permet de rendre compte du développement typique des FE chez l’enfant, mais également du développement atypique des FE. En effet, si un enfant présente un déficit sur une des composantes exécutives inférieures, alors ce déficit va se répercuter sur les composantes supérieures lors de son développement. On parle d’un effet en cascade.

Figure 2. Développement des fonctions exécutives chez l’enfant selon Garon & al. (2008)

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12 Grâce aux modèles présentés jusqu’ici, nous voyons que l’attention est fortement liée aux FE et à leur développement. Nous présupposons alors que si une composante attentionnelle est déficitaire, alors le développement des FE sera impacté.

2. La syntaxe

2.1 La complexité syntaxique

La syntaxe d’une langue comporte différents niveaux de complexité. Pour rendre compte de ces différents niveaux, Jakubowicz (2005, 2011 voir aussi Delage & Frauenfelder, 2012, 2019) propose la théorie dite de la complexité syntaxique. Cette théorie permet d’expliquer pourquoi, lors du développement typique ou atypique du langage, certains éléments grammaticaux complexes sont omis lorsque les enfants produisent un énoncé. Un degré de complexité est attribué à chaque énoncé en fonction de deux facteurs : le nombre de déplacements syntaxiques et le degré d’enchâssement. L’idée principale de la théorie étant que plus un énoncé comporte ces facteurs, plus il est complexe et donc coûteux à produire. Dès lors, l’enfant va éviter sa production par principe d’économie et aussi car il ne dispose pas encore des processus cognitifs nécessaires pour le traiter (Jakubowicz & Tuller, 2008). On peut alors mesurer la complexité syntaxique d’un énoncé grâce à l’échelle de complexité syntaxique, proposée par l’auteure en fonction des deux critères décrits ci-après.

2.1.1 Nombre de déplacements syntaxiques

Certains déplacements syntaxiques impliquent que la structure de l’énoncé ne suive pas l’ordre canonique du français Sujet-Verbe-Objet (SVO). Ceci signifie qu’un élément de la phrase est déplacé vers une position plus haute dans la hiérarchie syntaxique et est remplacé par ce qu’on appelle une « trace » dans sa position basse. Plus un énoncé comporte de déplacements, plus il est complexe à traiter que ce soit sur le versant de la production ou sur celui de la compréhension. Ainsi, on parle de syntaxe simple lorsqu’une construction grammaticale suit l’ordre canonique SVO en français, comme c’est le cas des phrases déclaratives. A l’inverse, on parle de syntaxe complexe lorsque cette construction suit un autre

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13 ordre : c’est le cas des phrases relatives objet, des pronoms clitiques objet, des questions objets et des phrases passives que nous détaillons ci-dessous.

Phrases relatives

Une phrase relative sujet (Exemple 1a) est moins complexe qu’une phrase relative objet (Exemple 1b) selon la théorie de la complexité syntaxique. En effet, une phrase relative sujet suit l’ordre canonique SVO. En revanche, une phrase relative objet implique un déplacement puisque le patient (« la poule ») passe de la position postverbale de complément d’objet direct à une position finale préverbale. Ce déplacement laisse alors une trace (____).

Exemple 1. Déplacement syntaxique dans les phrases relatives.

Le déplacement syntaxique que l’on trouve dans les phrases relatives objet augmente leur coût de traitement, ce qui impacte leur acquisition au cours du développement typique. Les enfants tout-venant traiteraient mieux les énoncés lorsqu’il s’agit de phrases relatives sujet plutôt que de phrases relatives objet (Friedmann, Belletti & Rizzi, 2009). Dans cette étude, les auteurs présentent à des enfants DT âgés de trois à cinq ans deux images illustrant chacune un évènement (Exemple : un éléphant qui arrose un lion versus un lion qui arrose un éléphant).

L’expérimentateur décrit une des deux scènes en employant soit une relative sujet soit une relative objet. L’enfant doit alors désigner l’image correspondante. Cette mesure de compréhension révèle que les enfants désignent la bonne image lorsque l’énoncé inclut une relative sujet, mais qu’ils font des erreurs si l’énoncé inclut une relative objet. Les auteurs poursuivent l’expérience avec une tâche de production dans laquelle on demande à l’enfant de décrire une scénette entre deux animaux. De nouveau, les résultats montrent que les enfants utilisent préférentiellement les relatives sujets plutôt que les relatives objets. Cela illustre bien un évitement de la complexité syntaxique au profit d’un énoncé moins coûteux.

Pronoms clitiques objets

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14 En français, une phrase construite avec un pronom clitique sujet (Exemple 2b) conserve l’ordre canonique SVO au même titre qu’une phrase sans pronom clitique (Exemple 2a) puisqu’elle n’implique pas de déplacements. Par contre, une phrase employant un pronom clitique objet (Exemple 2c) est plus complexe car l’objet est déplacé de sa position postverbale vers une position préverbale, devenant alors une phrase suivant un ordre SOV.

Exemple 2. Déplacement syntaxique avec l’utilisation de pronoms clitiques.

La compréhension et la production des pronoms clitiques sujets sont maîtrisées plus tôt dans le développement que celles des pronoms clitiques objets, qui sont relativement tardives (Jakubowicz & Rigaut, 2000 ; Grüter, 2006). Ceci peut s’expliquer par la complexité plus élevée des phrases employant un pronom clitique objet.

Questions objets

En français, on trouve des questions sujets et des questions objets. Dans les questions sujets, le pronom interrogatif remplace le sujet de la phrase. Ces structures sont peu coûteuses à produire puisque l’ordre SVO est conservé, quelle que soit la structure employée (Exemple 3) : l’énoncé pose moins de difficulté de traitement à l’enfant.

Exemple 3. Structure syntaxique des questions relatives sujets.

A l’inverse, une question objet comporte plus de difficultés de traitement. Le mot interrogatif vient remplacer l’objet de la phrase, ce qui occasionne un ou plusieurs

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15 déplacements syntaxiques. On retrouve cette configuration dans plusieurs types de questions objets, ainsi on peut observer une complexité croissante. D’abord on trouve les questions objets

« in situ » (Exemple 4a), qui sont les plus simples sur le plan de la structure car l’ordre SVO est conservé. Puis on trouve les questions objets avec antéposition (Exemple 4b, 4c, 4d), qui impliquent un déplacement syntaxique où l’objet passe d’une position postverbale vers une position préverbale. Enfin, on trouve les questions objets avec antéposition de l’objet ainsi qu’avec une inversion sujet-verbe (Exemple 4e). Cette dernière structure implique deux déplacements syntaxiques, ce qui fait d’elle la structure la plus complexe.

Exemple 4. Déplacements syntaxiques dans les questions relatives objets.

En 2011, Jakubowicz propose une tâche de production de questions racines à des enfant DT de 3, 4 et 6 ans et à des enfants TDL de 8 et 11 ans. Quel que soit le groupe d’enfant, ils n’ont pas de difficultés significatives à produire de questions racines sujets. En revanche, les enfants TDL éprouvent des difficultés quand il s’agit de produire des questions objets. Ils ont tendance à éviter cette complexité en produisant des questions objet de type « in situ » et donc en conservant l’ordre SVO. Sur le versant de la compréhension, Friedmann et ses collaborateurs (2009) administrent une tâche de d’appariement question/image à 22 enfants DT âgés en moyenne de 4;3 ans. Les résultats montrent que les enfants réussissent un appariement correct lorsqu’il s’agit d’une question sujet comparée à une question objet.

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16

Phrases passives

La compréhension et la production de phrases passives comportent un certain degré de complexité syntaxique. Contrairement à une phrase active (Exemple 5a), une phrase passive (Exemple 5b) nécessite une antéposition de l’objet en début de phrase entraînant une inversion des rôles thématiques. Dans une phrase active, le sujet occupe le rôle thématique d’agent et l’objet celui de patient alors que dans une phrase passive, le sujet occupe le rôle de patient et l’objet celui de l’agent. Quand nous traitons une passive, nous attribuons le rôle de sujet de la phrase au premier groupe nominal rencontré, comme le suppose la plupart des structures SVO du français. C’est ensuite l’analyse du verbe qui suggère que la phrase est à la voix passive, entrainant alors une réattribution du rôle d’objet au premier constituant de la phrase. Ainsi, une relation est établie entre le sujet de la phrase et sa trace en position postverbale, position dans laquelle le sujet a reçu le rôle thématique de patient (Marinis & Douglas, 2013). Cette analyse des rôles thématiques dans les phrases passives est plus coûteuse que dans les phrases actives.

Exemple 5. Déplacement syntaxique dans les phrases passives.

L’acquisition de la voix passive dans le développement semble assez tardive. L’enfant serait d’abord capable de comprendre une phrase passive avant de pouvoir la produire (Baldie, 1976). De plus, avant 5-6 ans, l’enfant ne pourrait pas comprendre une phrase passive car, contraint par l’immaturité de son système grammatical et cognitif, il interprèterait les phrases passives littéralement comme des phrases actives (Marinis & Douglas, 2013). Sur le versant de la production, une étude de priming (Messenger, Branigan, McLean & Sorace, 2012) a montré que si l’on vient amorcer la structure passive chez des enfants anglophones DT âgés de 3 à 4 ans, ils produisent davantage de phrases passives que dans la condition où la structure active est amorcée. Les auteurs en concluent que, chez les enfants typiques, une représentation abstraite de la structure passive est acquise vers 3-4 ans. Ils seraient donc en mesure de produire une structure passive, mais ont tendance à éviter cette complexité en produisant préférentiellement des phrases actives.

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17 2.1.2 Le degré d’enchâssement

Le second facteur permettant de définir la complexité syntaxique d’un énoncé est le degré d’enchâssement2. L’enchâssement d’une ou plusieurs propositions dans une phrase rajoute de la complexité car de nouveaux éléments viennent compléter la phrase, qui devient alors plus longue à traiter. En d’autres termes, plus une phrase comporte d’enchâssements, plus elle nécessite d’opérations syntaxiques et par conséquent, plus elle est complexe. Les opérations à traiter peuvent être de nature différente : il peut s’agir de la présence d’un complémenteur (=subordonnant), d’ajout de flexion verbale, ou encore de dépendances morphologiques liées à la concordance des temps (Delage & Frauenfelder, 2012, 2019 ; Jakubowicz, & Tuller, 2008).

3. Relation entre l’attention et la syntaxe

3.1 Rôle de l’attention dans l’acquisition du langage.

Le système attentionnel contribuerait à l’acquisition du langage. En 1991, Mirsky, Anthony, Duncan, Ahearn et Kellam, proposent un modèle de l’attention en distinguant quatre composantes que nous allons mettre en lien avec le modèle de Peterson et Posner (2012) pour plus de cohérence. La première composante est le Focus, permettant de traiter une information particulière de l’environnement (comparable à l’orienting). Puis on trouve le Sustain engageant des ressources attentionnelles sur une plus longue durée afin de maintenir le Focus (comparable à l’alerting). Comme troisième composante attentionnelle, nous retrouvons le Shift, qui permet de changer le Focus, en le dirigeant vers une nouvelle information d’intérêt (comparable au shifting du réseau executive). La dernière composante est appelée Encode et permet d’engager des ressources attentionnelles pour mémoriser l’information dans le but de la réutiliser plus tard (comparable à l’updating du réseau executive). C’est en s’appuyant sur le modèle de Mirsky (1991), que d’autres auteurs font le lien entre l’attention et l’acquisition du langage (Gomes, Molholm, Christodoulou, Ritter & Cowan, 2000). Le Focus permet à l’individu qui développe son langage de porter son attention sur les informations pertinentes pour son apprentissage, en ignorant celles qui ne le sont pas. Il peut ou non maintenir ce Focus grâce au Sustain. Dans le cas où l’input langagier provient d’un nouvel interlocuteur, le locuteur doit effectuer le Shift

2 Le degré d’enchâssement ne fait pas l’objet de ce travail, d’où sa caractérisation brève ici.

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18 afin de déplacer son attention vers cette nouvelle source langagière. Enfin, le but final de ce processus est que l’individu puisse utiliser cet apprentissage langagier, il se sert alors de l’Encode pour retenir les informations pertinentes. D’après Gomes et collaborateurs (2000), le modèle de Mirsky (1991) permet d’entrevoir que l’acquisition du langage est possible grâce à la contribution du système attentionnel. L’importance de l’attention dans le développement du langage ne serait donc pas à sous-estimer.

3.2 Lien entre l’attention et la compréhension syntaxique

Jusqu’à présent, nous savons que l’attention soutient le développement des FE, et que ces dernières sont impliquées dans l’apprentissage du langage. Nous allons maintenant nous intéresser au lien entre les FE et la syntaxe réceptive.

White, Alexander et Greenfield (2017), étudient le lien entre le domaine des FE (décrit comme incluant la flexibilité, l’inhibition et la MdT) et trois aspects du langage à savoir le lexique, la syntaxe et la capacité à apprendre de nouveaux mots. Pour cela, une série de tests est administrée à 182 enfants anglophones au développement typique âgés de 3 à 5 ans. Les résultats révèlent que les mesures de FE expliquent 37 % de la variance des résultats aux tests langagiers, tous aspects confondus. De plus, si on s’intéresse uniquement au lien entre les FE et les différents aspects langagiers, les FE expliquent 21 % de la variance des résultats en syntaxe réceptive, 20 % de la variance en lexique réceptif et 13 % de la variance en apprentissage de nouveaux mots. L’étude de Finney, Montgomery, Gillam et Evans (2014), appuie également ces résultats. Elle explore les liens entre la syntaxe et deux mesures des FE, à savoir la MdT et le shifting attentionnel. Les participants sont 44 enfants anglophones au développement typique, âgés de 7 à 11 ans. Ces derniers doivent effectuer trois tâches. D’abord une tâche de MdT complexe dans laquelle on présente à l’enfant une phrase de type SVO pour laquelle il doit émettre un jugement de vérité (juste versus faux). Après la phrase, apparaît un chiffre à retenir. Suite à une série de phrases, on lui demande de rappeler l’ensemble des chiffres présentés dans le bon ordre. Les enfants effectuent ensuite une tâche de shifting attentionnel dans laquelle ils écoutent une série de sons graves et aigus, le but étant de rappeler le nombre exact de sons graves et aigus à la fin de la présentation des items. Au fur et à mesure de la tâche, l’enfant doit mettre à jour son comptage. Enfin, on administre aux enfants une tâche syntaxique de compréhension de phrases Relatives Objets (RO). Le sujet est devant un écran d’ordinateur,

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19 puis entend une phrase RO dans laquelle « un animal fait quelque chose à un autre animal ».

La consigne est de choisir l’agent de la phrase en cliquant le plus rapidement possible sur une des deux images d’animaux, affichées à l’écran en même temps que la phrase entendue. Après avoir recueilli ces trois mesures, on observe les résultats suivants : les deux mesures de FE prédisent les performances des enfants à la tâche de compréhension de phrases RO. Si l’on observe séparément les effets, la MdT explique 15 % de la variance en compréhension de phrases RO, car elle permet de retenir les deux syntagmes nominaux de la phrase jusqu’au moment de leur intégration dans la structure complète. Le shifting attentionnel explique 14 % de la variance en compréhension de phrases RO. Ainsi, l’attention executive (Peterson &

Posner, 2012) est partagée entre la réactivation du premier syntagme et le traitement de la phrase dans son ensemble. Les auteurs concluent donc à un switch du focus attentionnel entre le traitement de phrase et son stockage en MdT.

Ces études nous permettent de conclure à une réelle implication des FE pour le traitement de la syntaxe en compréhension chez l’enfant typique. De faibles capacités en FE pourraient causer des limitations langagières et inversement.

3.3 Lien entre l’attention et la production syntaxique

Nous avons vu que l’attention et les FE entretiennent une relation bidirectionnelle et jouent un rôle déterminant dans le traitement du langage. Sans un bon développement de l’attention, d’autres fonctions cognitives sont impactées, ce qui peut avoir des répercussions sur le langage.

Nous allons maintenant plus particulièrement nous intéresser aux liens existant entre l’attention et la syntaxe en production, sujet central de cette recherche.

Posner (1980) démontre avec une tâche d’indiçage attentionnel que rendre un stimulus saillant permet en retour d’attirer l’attention vers lui. Cet indiçage peut être soit explicite, c’est- à-dire qu’il est vu consciemment par la personne (par exemple une flèche pointant un référent de la phrase), soit implicite, c’est-à-dire qu’il est perçu en dessous du seuil de la conscience.

Ce paradigme, appelé le paradigme de Posner (1980), est repris dans plusieurs études sur l’attention. C’est le cas des travaux de Myachikov et collaborateurs (2008, 2009, 2017) qui s’intéressent particulièrement aux liens existant entre l’attention et la syntaxe en production. Il existe deux types d’amorces permettant d’évaluer le rôle de l’attention sur le choix de la structure syntaxique utilisée. D’un côté l’amorçage perceptuel, consistant à focaliser l’attention

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20 du sujet sur un référent à l’aide d’un indice visuel et de l’autre, l’amorçage référentiel dans lequel on amorce directement l’image d’un référent.

3.3.1 Amorçage perceptuel

Dans leur revue de littérature, Myachykov, Garrod et Scheepers (2009), avancent que l’attention influence la syntaxe en production car elle va permettre de déterminer l’ordre des constituants d’une phrase. Ce propos est corroboré par l’hypothèse dite du « point de départ » qui suggère qu’un des facteurs déterminant l’assignation des rôles grammaticaux dans une phrase serait le focus attentionnel du locuteur. Le référent se trouvant dans le focus deviendrait alors le premier constituant produit par le locuteur, mais sans être nécessairement le sujet de la phrase. Le design expérimental de Tomlin, appelé « Le Film du Poisson » (Tomlin, 1997 ; Myachykov & Tomlin, 2008), permet aux auteurs de tester cette hypothèse. Dans ces études, on utilise le paradigme d’amorçage perceptuel avec lequel on dirige l’attention des participants sur l’un ou l’autre des référents d’une action, puis on leur demande de produire une phrase permettant de la décrire. Chaque essai est une image mettant en scène une interaction entre deux poissons, dont l’un se fait finalement manger par l’autre (Figure 3). Un indice explicite (une flèche) est placé au-dessus de l’un des deux poissons afin de diriger l’attention des sujets sur ce dernier. Les résultats corroborent l’hypothèse du point de départ : lorsque la flèche est placée sur l’agent, les participants produisent des phrases actives (Exemple 6a) selon un ordre canonique SVO. En revanche lorsque la flèche est placée sur le patient, les participants produisent des phrases passives de type OVS (Exemple 6b).

Figure 3. Exemple d’essai pour le « film du Poisson » de Tomlin (1997)

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21

Figure 6. Types de phrases attendues dans le design expérimental de Tomlin.

Ces résultats révèlent que l’amorçage perceptuel, et donc le focus attentionnel du locuteur, vient influencer l’assignation des rôles grammaticaux dans la phrase. L’élément amorcé visuellement devient le plus disponible lors de la production de la phrase et les autres éléments quant à eux, sont agencés en fonction du premier constituant (Myachykov et al., 2009).

3.3.2 Amorçage référentiel

Un autre moyen d’étudier l’influence de l’attention sur la syntaxe est le paradigme de l’amorçage référentiel (Myachykov et al., 2009, 2017). Contrairement à l’amorçage perceptuel dans lequel on focalise l’attention du sujet grâce à un indice visuel, dans l’amorçage référentiel on amorce directement l’un des référents avant que le participant ne décrive l’évènement.

L’hypothèse est que si on amorce le référent ayant pour rôle l’agent de l’action, alors nous produirons plus facilement une phrase active. Mais si on amorce le référent ayant pour rôle le patient de l’action, nous produiront une phrase passive. Par ailleurs, Myachikov et collaborateurs (2017) suggèrent qu’amorcer le référent vient l’activer en MdT et faciliterait dès lors la production de ce dernier lors de la tâche. L’attention jouerait un rôle dans la sélection des structures syntaxiques utilisées, et grâce au paradigme d’amorçage référentiel, on vient encore plus faciliter la production du référent puisqu’il est activé en MdT. Ces mêmes auteurs ont comparé les effets de l’amorçage perceptuel et celui de l’amorçage référentiel. Dans cette étude, les sujets recrutés étaient 24 adultes tout-venants anglophones. La tâche se déroule sur ordinateur et consiste pour les sujets à regarder l’indice qui leur est présenté à l’écran. Il s’agit soit d’un point rouge (amorçage perceptuel, Figure 4), soit d’un des référents de l’action qui suit (amorçage référentiel, Figure 5). La durée de présentation de l’indice est également manipulée : 70 millisecondes pour un amorçage implicite, contre 700 millisecondes pour un amorçage explicite. Dans un troisième temps, on présente à l’écran l’image d’un évènement que les participants doivent décrire avec une seule phrase.

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Figure 4. Procédure d’amorçage perceptuel dans l’étude de Myachykov et al. (2017)

Figure 5. Procédure d’amorçage référentiel dans l’étude de Myachykov et al. (2017)

Les résultats obtenus montrent d’abord un effet de la localisation de l’indice : dans la condition patient, la proportion de phrases passives est plus élevée que dans la condition agent.

Cependant, il n’y a pas de différences entre les types d’amorces, c’est-à-dire que l’amorçage perceptuel et l’amorçage référentiel induisent tous deux la production de phrases actives et passives. Cette absence d’effet du type d’indice illustre que l’attention en général joue un rôle évident dans le choix de la structure syntaxique utilisée par les participants et ce, indépendamment de l’accessibilité conceptuelle au référent. En revanche, l’amorçage

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23 référentiel induit une production d’énoncés plus rapide que l’amorçage perceptuel, dans la condition explicite. Lorsque l’indice amorcé est davantage informatif et qu’il est présenté longtemps, cela permet aux participants d’initier leur réponse plus rapidement, grâce à l’implication de la MdT. Les auteurs relèvent aussi un effet d’interaction entre la durée de présentation de l’indice et la localisation de l’indice. Dans la condition patient, les sujets produisent plus de phrases passives quand l’indice est présenté de manière explicite (pendant 700 ms) plutôt qu’implicite (pendant 70 ms). Ce résultat traduit que, plus nous présentons un indice stable dans le temps aux sujets et plus ils seront enclins à produire une structure syntaxique qu’ils n’utilisent pas habituellement (ici, le passif). Ainsi, l’activation de la structure passive nécessite plus de temps que celle de la structure active.

Cette étude démontre donc que l’accessibilité conceptuelle au référent (qui requiert l’attention mais aussi la MdT) et l’attention visuelle (qui requiert seulement l’attention sélective) jouent un rôle différent lors de la production d’énoncés. Alors que l’attention visuelle permet de choisir la structure syntaxique qui va être utilisée, l’accessibilité conceptuelle au référent vient faciliter l’assemblage des différents constituants de l’énoncé. De plus, la production d’une structure non-canonique nécessite plus de temps que la production d’une structure canonique. Cela implique qu’il faut privilégier davantage un amorçage explicite si l’on souhaite manipuler expérimentalement la structure syntaxique passive.

Nous savons à présent que l’attention et la syntaxe sont étroitement liées. Nous allons maintenant nous intéresser à deux populations d’enfants reconnues pour avoir des difficultés en attention, à savoir les enfants TDAH ; ou en syntaxe, à savoir les enfants TDL. Nous verrons également que les frontières diagnostiques entre ces deux troubles peuvent être difficiles à distinguer.

4. Le Trouble De l’Attention avec ou sans Hyperactivité (TDAH)

4.1 Définition

Le TDAH est un trouble neurodéveloppemental que l’on retrouve fréquemment chez l’enfant d’âge scolaire. En effet, sa prévalence est assez élevée, allant de 5 à 10% (Scahill &

Schwab-Stone, 2000 ; Noël, Bastin, Schneider & Pottelle, 2007). Il est caractérisé par un mode

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24 persistant d’inattention et/ou d’hyperactivité-impulsivité qui interfère avec le fonctionnement ou le développement de l’enfant (DSM-V, 2013). Le trouble de l’attention est souvent, mais pas nécessairement, associé à de l’hyperactivité. C’est pourquoi on peut distinguer trois sous- types cliniques : le sous-type inattention prédominante ; le sous-type hyperactivité-impulsivité prédominante et le sous-type mixte, c’est-à-dire un déficit à la fois de l’attention avec de l’hyperactivité associée.

4.2 Le déficit attentionnel dans le TDAH

Le plus souvent, lorsqu’on parle de TDAH, on englobe un déficit attentionnel général.

Cependant, il existe une certaine hétérogénéité dans l’expression du TDAH, avec différents patterns au niveau de l’attention soutenue, de l’attention sélective, de l’inhibition et de la flexibilité attentionnelle. Dans leur étude, Tsal et collaborateurs (2005) tentent d’explorer cette hétérogénéité sur un échantillon de 27 enfants TDAH et de 15 enfants contrôles. Après avoir testé les participants sur chacune des composantes attentionnelles, les auteurs concluent que les enfants TDAH présentent des difficultés significatives dans chacune des composantes attentionnelles par rapport aux contrôles, mais s’exprimant de différentes manières. Le déficit en attention soutenue concerne la majorité des enfants TDAH de l’échantillon, en revanche les déficits en attention sélective, inhibition et flexibilité attentionnelle ne concernent pas forcément les mêmes enfants. Ces déficits se traduisent respectivement par des difficultés à tirer parti d’indices visuels précis, à inhiber des informations non pertinentes et par un coût de désengagement/ réengagement de l’attention très important. Les auteurs remarquent aussi que si l’on compare les TDAH qui ont le score d’inattention le plus faible au groupe contrôle, il n’y a pas de différences significatives. A l’inverse, si l’on compare les TDAH qui ont le score d’inattention le plus élevé avec le groupe contrôle, une différence significative entre ces deux groupes est observée. Ceci démontre la grande hétérogénéité existant au sein du groupe clinique d’enfants avec TDAH. L’expression de ce trouble sur les composantes attentionnelles est propre à chaque individu, ce qui peut le rendre complexe à appréhender. Les composantes de l’attention sont donc à considérer comme étant indépendantes dans l’expression du TDAH.

4.3 Le déficit langagier dans le TDAH

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25 Il existe peu d’études concernant le langage des enfants présentant un TDAH. Cependant, elles s’accordent toutes sur le fait que l’on retrouve des faiblesses en langage oral chez ces enfants. En effet, 40 à 60% des enfants TDAH ont des déficits langagiers comorbides (Tannock

& Scharchar, 1996 ; Oram, Okamoto & Tannock, 1999). Les déficits seraient morphosyntaxiques et pragmatiques majoritairement et concerneraient davantage le versant productif que réceptif (Parriger, 2012). En effet, les enfants TDAH ont tendance à éviter la production de phrases complexes (Van Lambalgen, Van Kruistum & Parigger, 2008 ; Parriger, 2012). De plus, ils ont des difficultés significatives en répétition de phrases complexes au même titre que les enfants TDL (Redmond, 2004), ce qui démontre une limitation syntaxique.

5. Le Trouble Développemental du Langage (TDL)

5.1 Définition

Le TDL est un trouble neurodéveloppemental faisant partie des troubles de la communication (DSM-V, 2013). Selon Bishop et Léonard (2014), il concernerait environ 7%

des enfants âgés de 5 ans. Le TDL est caractérisé par des difficultés persistantes dans l’acquisition et l’utilisation du langage oral. Ces difficultés sont dues à des déficits de compréhension et/ou de production du langage et ne peuvent pas être attribuées à un manque d’exposition à la langue. Les habiletés langagières sont décrites comme « substantiellement et quantitativement en dessous du niveau attendu étant donné l’âge de l’enfant » (DSM-V, 2013).

Chez l’enfant, le TDL est identifié sur la base d’une émergence tardive du langage et d’un développement ralenti par rapport aux autres aires de développement. Le diagnostic de TDL ne peut pas être posé dans le cas d’un trouble acquis du langage oral comme une lésion cérébrale ou une aphasie de l’enfant avec épilepsie. En outre, il doit se manifester sans qu’il n’y ait de déficits sensoriels, neurologiques ou biologiques au préalable comme une surdité ou un syndrome de Down. On observe un QI non-verbal dans la norme, alors que le QI verbal de l’enfant est déficitaire. Enfin le déficit a un impact sur les interactions sociales, peut entraver la réussite scolaire de l’enfant, et persiste à l’adolescence, voire à l’âge adulte. Plus les difficultés langagières sont sévères et nombreuses dans l’enfance, plus il est probable de conserver un faible niveau langagier à l’âge adulte (Bishop & Léonard, 2014).

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26 Plusieurs termes qualifient les enfants ayant des difficultés de langage oral : Trouble spécifique du langage oral ; Trouble primaire du langage ; Dysphasie. Or, depuis 2017, la terminologie de « TDL » a été adoptée (Bishop, Snowling, Thompson & Greenhalgh, 2016).

Les auteurs ont remarqué que les termes utilisés jusque-là ne définissaient pas forcément très bien l’ensemble des difficultés des enfants. Il arrive fréquemment qu’un enfant avec des difficultés en langage oral ait aussi d’autres difficultés dans le domaine de la motricité ou de l’attention. En cela, le trouble ne peut pas être qualifié de « spécifique » au langage. C’est pourquoi Bishop et collaborateurs ont réuni un panel d’experts ayant pour rôle de trouver un consensus parmi les nombreuses terminologies utilisées pour définir les difficultés de langage oral. Dès lors, le terme « trouble développemental du langage » est adopté afin de référer aux cas de trouble du langage sans condition biomédicale connue. Ensuite, même si l’enfant a de faibles habiletés non-verbales, cela n’empêche pas de poser le diagnostic de TDL. Enfin, et cela répond peut-être à beaucoup de problématiques rencontrées en clinique, le TDL peut être posé malgré la présence d’un autre trouble (tel qu’un TDAH ou une dyslexie) sans entretenir de relation causale, on parle alors de troubles associés.

5.2 Le déficit syntaxique dans le TDL

D’après la classification de Bishop (2004), le TDL peut s’exprimer de quatre manières différentes : par des troubles linguistiques, pragmatiques, praxiques ou par des troubles langagiers réceptifs sévères. La catégorie des troubles linguistiques serait la plus répandue, le TDL alors touche spécifiquement le niveau lexical, phonologique, syntaxique, discursif et pragmatique mais avec une prédominance des troubles phonologiques et syntaxiques (Jakubowicz & Tuller, 2008 ; Bishop et al., 2016). Dans le cadre de cette recherche nous nous intéressons particulièrement aux difficultés que rencontrent les enfants TDL sur le plan syntaxique. Ces dernières concernent aussi bien le versant de la compréhension que celui de la production.

Sur le versant réceptif, les enfants TDL présentent une compréhension des phrases complexes plus pauvre comparés à des enfants typiques du même âge. C’est ce qu’illustre l’étude de Montgomery et Evans (2009) dans laquelle 26 enfants TDL âgés de 6 à 10 ans effectuent une tâche d’appariement entre une phrase produite à l’oral et une image. La phrase pouvait être syntaxiquement simple ou complexe. Les résultats montrent que les enfants TDL

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27 ont un niveau de compréhension équivalent aux enfants typiques pour les phrases simples mais un niveau de compréhension significativement plus faible pour les phrases complexes. Les énoncés contenant une ou plusieurs propositions enchâssées sont les plus difficiles à traiter pour les TDL et conduisent à une assignation erronée des rôles thématiques. Selon les auteurs, les TDL ayant des capacités en MdT limitées, ils se trouvent en difficultés pour le traitement de phrases complexes, notamment des passives. Les mêmes résultats sont répliqués dans l’étude de Marinis et Saddy (2013) chez 25 TDL âgés en moyenne de 7 ans. Encore une fois, pour une tâche d’appariement phrase-image, les TDL font plus d’erreurs d’appariement que les DT, traitent plus lentement les phrases passives et ont d’autant plus de difficultés de traitement dans le cas où il s’agit d’une phrase passive comportant plusieurs enchâssements.

Sur le versant productif, on observe d’importantes difficultés avec les constructions de phrases complexes. En accord avec la théorie de la complexité syntaxique (Jakubowicz, 2011), les phrases relatives objets, les pronoms clitiques objets, les questions racines, les phrases passives et les enchâssements propositionnels sont des structures qui posent problème aux TDL. Les travaux de Jakubowicz mettent en lumières ces difficultés. En 1998, Jakubowicz, Nash, Rigaut et Gerard démontrent que des TDL âgés de 5 à 13 ans produisent moins de pronoms clitiques objets que des DT appariés en âge pour une tâche d’élicitation de pronoms clitiques. En 2008, Jakubowicz et ses collaborateurs testent la production de questions racines et de questions avec une proposition enchâssée chez des TDL de 8 à 11 ans. Ces derniers ont tendance à éviter la production de ces structures complexes au profit de structures simples comme les questions de type in situ et les juxtapositions de phrases respectant l’ordre SVO.

Novogrodsky et Friedmann (2006), quant à eux, proposent une tâche de production de phrases relatives sujets et objets à 18 TDL de 9 à 14 ans. Les participants doivent décrire une image après que l’expérimentateur ait élicité la structure d’une relative sujet ou d’une relative objet.

Les TDL ont des difficultés significatives pour produire des relatives objets, leurs productions comportent une mauvaise assignation des rôles thématiques, révélant que l’opération de mouvement syntaxique présent dans les relatives objet n’a pas été traitée. Concernant la production de phrases passives, les études de Léonard (Leonard, Deevy, Miller, Rauf, Charest,

& Kurtz, 2003 ; Leonard, Wong, Deevy, Stokes, & Fletcher, 2006) attestent des difficultés des TDL pour ces structures. Pour les deux études, on administre une tâche de complétion d’énoncés aux participants TDL âgés en moyenne de 4 à 6 ans. L’expérimentateur amorce le début d’une passive soit en situation de description d’images soit en situation de jeu libre et

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28 l’enfant doit la terminer en employant la voix passive. Les résultats montrent que les TDL produisent significativement moins de passives que des enfants DT appariés en âge.

Les structures syntaxiques complexes posent donc problèmes aux enfants TDL, elles leurs sont coûteuses à traiter mais aussi à produire, en raison des déplacements syntaxiques qu’elles nécessitent.

5.3 Le déficit attentionnel dans le TDL

L’étude de Redmond (2004) démontre qu’un recouvrement existe entre le TDL et le TDAH puisque l’on retrouve entre 30 et 50% d’enfants présentant à la fois des troubles du langage oral et des symptômes du TDAH. En effet, les TDL présentent d’importantes difficultés en attention soutenue (Finneran, Francis & Leonard, 2009 ; Ebert & Konhert, 2011). En lien avec le modèle de Peterson & Posner (2012), un déficit de l’executive existe chez ces enfants car ils présentent des déficits au niveau des FE, qu’elles traitent du domaine verbal ou non-verbal (Kapa & Plante, 2015 ; Kapa, Plante & Doubleday, 2017). Premièrement, les TDL manifestent des difficultés évidentes en MdT par rapport à des enfants contrôles du même âge, qu’il s’agisse d’une tâche effectuée en modalité visuelle, comme la tâche de N-back (Im-Bolter et al., 2006) ou en modalité auditive, comme la tâche de répétition de pseudo-mots (Parisse & Mollier, 2008).

Concernant l’inhibition, les TDL présentent à la fois des difficultés en modalité visuelle (Im- Bolter & al., 2006) lorsqu’il s’agit d’ignorer un indice non pertinent avant la présentation d’une cible, mais aussi en modalité orale quand on demande à des enfants TDL de dire « jour » lorsqu’on leur présente la cible « lune » et « nuit » pour la cible « soleil » dans une tâche de Stroop (Roello, Ferretti, Colonnello & Levi, 2015). Enfin, les TDL obtiennent des scores plus faibles dans les tâches de flexibilité attentionnelle. Ils sont moins précis et plus lents dans leurs réponses que des enfants typiques du même âge pour une tâche de switch du focus attentionnel entre des lettres et des chiffres (Im-Bolter et al., 2006). Roello et collaborateurs (2015), répliquent ces résultats à l’aide d’une tâche de catégorisation d’objets dans laquelle les performances des enfants TDL sont déficitaires lors du switch entre les propriétés visuelles des différents objets à catégoriser. Kapa et Plante (2015), concluent alors qu’un déficit général des FE pourrait expliquer les difficultés langagières des enfants avec TDL.

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29

6. Hypothèses théoriques

Nous avons vu qu’une relation étroite existait entre les capacités attentionnelles et syntaxiques, puisque de bonnes ressources attentionnelles permettent le traitement de phrases complexes chez les enfants tout-venant (Finney et al., 2014). Plusieurs modèles (Garon, 2008 ; Peterson & Posner, 2012) révèlent le rôle prépondérant de l’attention dans le développement des FE, elles-mêmes grandement impliquées dans les épreuves syntaxiques (Kapa & Plante, 2015 ; Kapa et al., 2017 ; White et al., 2017). De plus, la comorbidité entre le TDAH et le TDL s’élève à 20-40% (Cardy, Tannock, Johnson & Johnson, 2010) ; on retrouve dans ces deux populations des déficits sur le plan syntaxique mais aussi sur le plan attentionnel. Cependant, dans la littérature, peu de données sont présentes concernant l’état de la relation entre attention et syntaxe chez des enfants francophones au développement langagier typique et atypique.

C’est pourquoi nous formulons l’hypothèse selon laquelle les performances en syntaxe complexe sont liées aux capacités attentionnelles des enfants DT, TDAH et TDL. Nous testerons cette première hypothèse à l’aide d’une batterie de tests attentionnels et syntaxiques.

Les études récentes d’amorçage syntaxique réalisées auprès d’adultes tout-venant (Myachykov & Tomlin, 2008 ; Myachykov et al., 2009, 2017) suggèrent que l’attention joue un rôle dans la production de phrases syntaxiquement complexes, notamment les passives. En outre, avec un amorçage attentionnel, qu’il soit perceptif ou référentiel, il est possible d’influencer la production syntaxique des participants. Or, les enfants ont tendance à utiliser préférentiellement la voix active respectant l’ordre canonique SVO, qui par conséquent n’engendre pas d’opérations syntaxiques supplémentaires, et évitent d’employer la voix passive (Jakubowicz, 2011 ; Messenger et al., 2012). Il serait donc intéressant d’amorcer chez des enfants DT francophones la structure passive et observer si cela peut influencer leurs productions en les amenant à produire davantage de phrases passives. De la même façon, il s’agira d’investiguer l’effet des mêmes indices attentionnels présentés à des enfants TDAH et TDL francophones qui éprouvent de réelles difficultés avec l’emploi des structures syntaxiquement complexes bouleversant l’ordre canonique. Notre seconde hypothèse théorique est que chez les enfants DT, TDL et TDAH, le focus attentionnel va influencer le choix de la structure syntaxique produite. Nous testerons cette hypothèse à l’aide d’une tâche d’amorçage syntaxique.

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30

II. Méthode

1. Méthodologie générale

Notre étude explore la relation existant entre le domaine de l’attention et celui de la syntaxe chez des enfants francophones DT, TDL ou TDAH. Dans ces populations, le niveau d’attention et les compétences syntaxiques seraient étroitement liés. Afin de tester cette hypothèse, nous avons appliqué la procédure suivante (Figure 6) : dans un premier temps, nous avons sélectionné nos participants sur la base d’un test de raisonnement non-verbal faisant office de critère d’inclusion. Ensuite, lors de la première séance de testing, nous leur avons administré une batterie de tests afin d’évaluer les capacités attentionnelles et syntaxiques de chacun. Enfin, lors de la deuxième séance de testing, une tâche de production syntaxique par amorçage, créée expressément pour cette étude, leur a été soumise. Cette dernière visait à observer dans quelle mesure l’attention influence la production syntaxique.

Figure 6. Déroulement de la procédure.

2. Population

Notre étude porte sur 60 enfants francophones, âgés de 6 à 12 ans (M = 8;7 ; ET = 1.6).

Les enfants testés sont répartis en trois groupes : vingt enfants avec un TDL, âgés de 6 à 12 ans3 ; vingt enfants présentant TDAH, âgés de 6 à 10 ans4 ; et vingt enfants DT, âgés de 6 à 8 ans. Parmi ces enfants nous comptons 27 filles (M = 8.8 ; ET = 1.5) et 33 garçons (M = 8.5 ; ET = 1.6). Nous avons exclu sept enfants de l’étude car ils ne remplissaient pas les critères

3 Selon Kapa et Plante (2015), sur 27 études récentes traitant des FE chez les enfants TDL, la tranche d’âge étudiée va de 4 à 12 ans.

4 Selon la méta-analyse de Korrel, Mueller, Silk, Anderson et Sciberras (2017) portant sur 21 études traitant du langage des enfants TDAH, la tranche d’âge la plus communément étudiée est de 7-11 ans.

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31 d’inclusion décrits plus bas. Le tableau 1 présente la répartition de nos participants selon le groupe expérimental.

Tableau 1

Répartition des participants en fonction de leur groupe expérimental

2.1 Critères d’inclusion et d’exclusion

2.1.1 Critères généraux

Les enfants recrutés devaient être âgés entre 6 et 12 ans5, être de langue maternelle française et obtenir des scores dans les normes à l’épreuve de raisonnement non-verbal des matrices progressives de Raven (Raven et al., 1998). L’enfant présentant un bilinguisme consécutif pouvait être inclus dans la cohorte à condition d’avoir été exposé au français à l’âge de trois ans au plus tard, afin que les éventuelles difficultés relevées en français ne soient pas attribuées à une exposition langagière tardive.

2.1.2 Critères d’inclusion pour les groupes cliniques

Les enfants présentant un TDL et ceux présentant un TDAH devaient avoir reçu un diagnostic officiel posé par un clinicien. Aussi, les enfants obtenant des résultats au-dessus du 10ème percentile aux matrices progressives de Raven (Raven & al., 1998) ont été retenus. En effet, aussi bien le TDL que le TDAH sont typiquement diagnostiqués en l’absence de déficience intellectuelle. Cependant, en ce qui concerne les critères diagnostiques du TDL, une

5 En lien avec les processus exécutifs les plus complexes mis en place à 6 ans (Garon et al., 2008).

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32 révision a récemment été faite avec la nouvelle définition de Bishop (2017). Celle-ci permet l’inclusion d’enfants présentant des atteintes neuro-développementales diverses, dont un faible QI.

2.1.2.1. Critères d’inclusion spécifiques aux enfants TDL

Concernant plus spécifiquement les enfants TDL, outre le diagnostic officiel, les scores obtenus au test standardisé de syntaxe (BILO 3-C, Khomsi et al., 2007) doivent être déficitaires, c’est-à-dire en-dessous de -1.25 écarts-types6, afin d’obtenir un échantillon d’enfants avec des troubles syntaxiques avérés.

2.1.2.2 Critères d’inclusion spécifiques aux enfants TDAH

Concernant plus spécifiquement les enfants TDAH, le critère d’inclusion principal faisant foi est le diagnostic posé par un psychologue. Les enfants devaient avoir des résultats déficitaires aux évaluations standardisées en attention (NEPSY-II, Korkman et al., 2014). Il a également été demandé, dans la mesure du possible, que les enfants TDAH habituellement sous médication ne le soient pas lors des passations. Cependant, le non-respect de ce critère n’entrainait pas l’exclusion du participant.

2.1.3 Critères d’inclusion pour le groupe contrôle

Les enfants au développement typique doivent, quant à eux, présenter un score dans les normes pour les épreuves de raisonnement non-verbal, d’attention et de syntaxe (BILO 3-C, Khomsi et al., 2007). Autrement dit, un score inférieur à -1 écart-type dans ces tests entraînait l’exclusion du participant

2.2 Procédure de recrutement

6 Selon les critères utilisés dans la littérature anglo-saxonne (Leonard, 2014).

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