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I. Cadre théorique

1. L’attention

1.1 Définition

L’attention est un système complexe et hiérarchisé. Elle se définit comme étant notre habilité mentale à sélectionner des stimuli, réponses, souvenirs ou pensées qui sont pertinents pour notre comportement, parmi beaucoup d’autres qui ne le sont pas. (Corbetta, 1998). En d’autres termes, elle vient faciliter la sélection d’informations utiles, dans un environnement qui regorge d’une multitude d’informations. Parmi les modèles influents de l’attention dans la littérature, on retrouve le modèle de Petersen et Posner (2012). D’après ce modèle il y aurait trois réseaux attentionnels : l’alerting, l’orienting et l’executive. L’alerting ne fait pas l’objet de cette étude car nous ne disposons pas de tâche la mesurant dans notre protocole expérimental. Nous concentrerons donc notre réflexion autour de l’orienting et de l’executive.

1.2 Les composantes attentionnelles (Peterson & Posner, 2012) Le réseau orienting

Le réseau orienting, aussi appelé « attention sélective », permet de traiter spécifiquement un stimulus/une classe de stimuli en particulier par rapport à un ensemble de stimulations se trouvant dans l’environnement. Ce réseau attentionnel agit sur différentes modalités sensorielles ; on retrouve dans la littérature deux types de tâches pour mesurer cette fonction.

La première emprunte la modalité visuelle, comme la tâche de recherche visuelle conjointe (Tsal, Shlev & Mevorach, 2005) dans laquelle on demande au sujet de rechercher un item cible parmi des distracteurs. La deuxième utilise la modalité auditive, comme la tâche d’écoute dichotique (Maquestiaux, 2017), dans laquelle on présente deux messages auditifs différents aux oreilles des sujets en leur demandant de ne prêter attention qu’à un seul des deux messages.

Il s’agit d’un signal dit « bottom-up », puisque l’information est d’abord détectée dans l’environnement avant d’être traitée par le cerveau.

9 Le réseau executive

L’executive est le réseau attentionnel activé quand nous détectons un conflit ou une erreur.

Il permet de prendre conscience des erreurs puis de les corriger ; en cela ce réseau est également appelé « attention focalisée ». Il s’agit d’un signal « top-down » puisque l’erreur est d’abord détectée par le cerveau avant d’être traitée. Ce réseau permet aussi la coordination de l’alerting et de l’orienting. Il contient trois composantes (Figure 1) : l’inhibition, l’updating et le shifting.

Figure 1. Schéma résumant les différents réseaux attentionnels selon Peterson & Posner (2012)

L’executive s’apparente à d’autres fonctions cognitives à savoir : les Fonctions Exécutives (FE). Celles-ci permettent à une personne de s’adapter à une situation nouvelle en faisant appel à des processus contrôlés. Dès lors, le modèle de Peterson et Posner (2012) nous permet d’entrevoir la relation étroite qui existe entre l’attention et les FE puisque chacune d’entre elles est sous-tendue par le réseau executive. Cette relation est décrite par Diamond (2013) : l’inhibition, ou le « contrôle inhibiteur » est la composante permettant le contrôle de son propre comportement, pour ne pas agir impulsivement, résister à certaines tentations ou encore faire un choix. Plus en lien avec le domaine de l’attention, cette composante permet de se concentrer sur une tâche sans se laisser distraire par des éléments extérieurs non pertinents pour le but visé.

Nous trouvons dans la littérature des tâches typiques permettant de mesurer cette inhibition comme la tâche du Stroop (Stroop, 1935). Le sujet voit par exemple le mot « bleu » écrit en jaune, et pour réussir la tâche, il doit parvenir à inhiber le traitement automatique de lecture du

Attention

Alerting

Sustained Phasic Orienting

Executive

Updating

Inhibition

Shifting

10 mot afin de dénommer correctement la couleur des lettres. On trouve aussi la tâche « go/no-go » (Diamond, 2013). Elle consiste simplement à appuyer sur un bouton lorsqu’un stimulus cible apparaît à l’écran, par exemple un poisson, et ne pas appuyer si un autre stimulus apparaît, par exemple un requin (Abdul Rahman, Carroll, Espy & Wiebe, 2017). L’updating, aussi apparenté à la mise à jour de la Mémoire de Travail (MdT), permet de maintenir une information en mémoire tout en la manipulant. Cette composante est engagée dans des tâches dites « complexes » puisqu’elle manipule l’information, qu’elle soit verbale ou non-verbale.

Elle permet par exemple de résoudre un calcul mentalement ou bien le traitement de la syntaxe complexe1 (Engel de Abreu, Gathercole, Martin, 2011 ; Delage & Frauenfelder, 2019). En rapport avec l’attention, l’updating consiste à intégrer une nouvelle information à une information déjà présente en mémoire. Les ressources attentionnelles permettent de sélectionner l’information à encoder en MdT (Gathercole & Alloway, 2008). On mesure les capacités de mise à jour de la MdT avec des épreuves d‘empan complexes comme la tâche de N-Back (Im-Bolter, Johnson & Pascual-Leone, 2006) dans laquelle on présente au sujet plusieurs objets qui défilent sur un écran. Le but est de cliquer dès que deux objets identiques se suivent (1- back). Si le sujet réussit, la tâche se complexifie car il doit cliquer lorsqu’un objet présenté dans la liste correspond à l’objet présenté 2 ou 3 positions avant. Enfin, le shifting ou flexibilité cognitive, permet de changer de perspective et d’ajuster son comportement par rapport à une nouvelle consigne. Cette dernière composante se construirait une fois que l’inhibition et l’updating sont en place (Diamond, 2013). En effet, pour réussir à changer de perspective (à rediriger son attention), il faut d’abord inhiber l’ancienne et ajouter en MdT les informations relatives à la nouvelle. La tâche du Wisconsin Card Sorting Task (Diamond, 2013) permet de mesurer le shifting. Elle consiste à trier des cartes selon différents critères (la couleur, la forme ou le chiffre), mais ce critère de tri peut varier au cours de la tâche. Il faut donc réussir à faire un switch d’une consigne à l’autre pour réussir.

1.3 Lien entre l’attention et les FE

A l’aide du modèle de Peterson et Posner (2012), nous pouvons constater le lien étroit existant entre le domaine de l’attention et celui des FE. Il semblerait que les FE soient intégrées au sein du réseau executive, mais aussi que le domaine de l’attention au sens large sous-tende

1 Ce point sera décrit plus précisément dans la section 2 de ce mémoire.

11 le développement des FE. Il y a donc une relation unidirectionnelle entre ces différentes fonctions cognitives. D’autres auteurs ont montré ce lien étroit entre attention et FE. C’est le cas de Garon, Bryson et Smith (2008). Leur modèle s’appuie sur celui de Miyake (2000), mais tente d’expliquer le développement des FE et leur fonctionnement chez l’enfant, alors que le modèle de Miyake explique ces processus chez l’adulte. D’après le modèle de Garon (Figure 2), les FE se développent tout au long du processus de maturation cognitive de l’enfant, en suivant une hiérarchie précise. Dans un premier temps, ce serait l’attention soutenue et l’attention sélective qui sous-tendraient l’émergence des autres FE. Vient ensuite le développement de la mémoire de travail, puis celui de l’inhibition et enfin celui du shifting.

Dans ce modèle, l’attention permet le développement des autres fonctions exécutives ; ceci est donc congruent avec le modèle de Peterson et Posner (2012) présenté ci-dessus. Ce processus est engagé dès l’enfance, et tout au long du développement, les FE se coordonnent plus efficacement. On dit alors que ces différentes fonctions sont interreliées. Il semble que ce processus de maturation s’achève à l’âge de six ans chez l’enfant selon Garon et al. (2008). Ce modèle permet de rendre compte du développement typique des FE chez l’enfant, mais également du développement atypique des FE. En effet, si un enfant présente un déficit sur une des composantes exécutives inférieures, alors ce déficit va se répercuter sur les composantes supérieures lors de son développement. On parle d’un effet en cascade.

Figure 2. Développement des fonctions exécutives chez l’enfant selon Garon & al. (2008)

12 Grâce aux modèles présentés jusqu’ici, nous voyons que l’attention est fortement liée aux FE et à leur développement. Nous présupposons alors que si une composante attentionnelle est déficitaire, alors le développement des FE sera impacté.