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Le Trouble Développemental du Langage (TDL)

I. Cadre théorique

5. Le Trouble Développemental du Langage (TDL)

5.1 Définition

Le TDL est un trouble neurodéveloppemental faisant partie des troubles de la communication (DSM-V, 2013). Selon Bishop et Léonard (2014), il concernerait environ 7%

des enfants âgés de 5 ans. Le TDL est caractérisé par des difficultés persistantes dans l’acquisition et l’utilisation du langage oral. Ces difficultés sont dues à des déficits de compréhension et/ou de production du langage et ne peuvent pas être attribuées à un manque d’exposition à la langue. Les habiletés langagières sont décrites comme « substantiellement et quantitativement en dessous du niveau attendu étant donné l’âge de l’enfant » (DSM-V, 2013).

Chez l’enfant, le TDL est identifié sur la base d’une émergence tardive du langage et d’un développement ralenti par rapport aux autres aires de développement. Le diagnostic de TDL ne peut pas être posé dans le cas d’un trouble acquis du langage oral comme une lésion cérébrale ou une aphasie de l’enfant avec épilepsie. En outre, il doit se manifester sans qu’il n’y ait de déficits sensoriels, neurologiques ou biologiques au préalable comme une surdité ou un syndrome de Down. On observe un QI non-verbal dans la norme, alors que le QI verbal de l’enfant est déficitaire. Enfin le déficit a un impact sur les interactions sociales, peut entraver la réussite scolaire de l’enfant, et persiste à l’adolescence, voire à l’âge adulte. Plus les difficultés langagières sont sévères et nombreuses dans l’enfance, plus il est probable de conserver un faible niveau langagier à l’âge adulte (Bishop & Léonard, 2014).

26 Plusieurs termes qualifient les enfants ayant des difficultés de langage oral : Trouble spécifique du langage oral ; Trouble primaire du langage ; Dysphasie. Or, depuis 2017, la terminologie de « TDL » a été adoptée (Bishop, Snowling, Thompson & Greenhalgh, 2016).

Les auteurs ont remarqué que les termes utilisés jusque-là ne définissaient pas forcément très bien l’ensemble des difficultés des enfants. Il arrive fréquemment qu’un enfant avec des difficultés en langage oral ait aussi d’autres difficultés dans le domaine de la motricité ou de l’attention. En cela, le trouble ne peut pas être qualifié de « spécifique » au langage. C’est pourquoi Bishop et collaborateurs ont réuni un panel d’experts ayant pour rôle de trouver un consensus parmi les nombreuses terminologies utilisées pour définir les difficultés de langage oral. Dès lors, le terme « trouble développemental du langage » est adopté afin de référer aux cas de trouble du langage sans condition biomédicale connue. Ensuite, même si l’enfant a de faibles habiletés non-verbales, cela n’empêche pas de poser le diagnostic de TDL. Enfin, et cela répond peut-être à beaucoup de problématiques rencontrées en clinique, le TDL peut être posé malgré la présence d’un autre trouble (tel qu’un TDAH ou une dyslexie) sans entretenir de relation causale, on parle alors de troubles associés.

5.2 Le déficit syntaxique dans le TDL

D’après la classification de Bishop (2004), le TDL peut s’exprimer de quatre manières différentes : par des troubles linguistiques, pragmatiques, praxiques ou par des troubles langagiers réceptifs sévères. La catégorie des troubles linguistiques serait la plus répandue, le TDL alors touche spécifiquement le niveau lexical, phonologique, syntaxique, discursif et pragmatique mais avec une prédominance des troubles phonologiques et syntaxiques (Jakubowicz & Tuller, 2008 ; Bishop et al., 2016). Dans le cadre de cette recherche nous nous intéressons particulièrement aux difficultés que rencontrent les enfants TDL sur le plan syntaxique. Ces dernières concernent aussi bien le versant de la compréhension que celui de la production.

Sur le versant réceptif, les enfants TDL présentent une compréhension des phrases complexes plus pauvre comparés à des enfants typiques du même âge. C’est ce qu’illustre l’étude de Montgomery et Evans (2009) dans laquelle 26 enfants TDL âgés de 6 à 10 ans effectuent une tâche d’appariement entre une phrase produite à l’oral et une image. La phrase pouvait être syntaxiquement simple ou complexe. Les résultats montrent que les enfants TDL

27 ont un niveau de compréhension équivalent aux enfants typiques pour les phrases simples mais un niveau de compréhension significativement plus faible pour les phrases complexes. Les énoncés contenant une ou plusieurs propositions enchâssées sont les plus difficiles à traiter pour les TDL et conduisent à une assignation erronée des rôles thématiques. Selon les auteurs, les TDL ayant des capacités en MdT limitées, ils se trouvent en difficultés pour le traitement de phrases complexes, notamment des passives. Les mêmes résultats sont répliqués dans l’étude de Marinis et Saddy (2013) chez 25 TDL âgés en moyenne de 7 ans. Encore une fois, pour une tâche d’appariement phrase-image, les TDL font plus d’erreurs d’appariement que les DT, traitent plus lentement les phrases passives et ont d’autant plus de difficultés de traitement dans le cas où il s’agit d’une phrase passive comportant plusieurs enchâssements.

Sur le versant productif, on observe d’importantes difficultés avec les constructions de phrases complexes. En accord avec la théorie de la complexité syntaxique (Jakubowicz, 2011), les phrases relatives objets, les pronoms clitiques objets, les questions racines, les phrases passives et les enchâssements propositionnels sont des structures qui posent problème aux TDL. Les travaux de Jakubowicz mettent en lumières ces difficultés. En 1998, Jakubowicz, Nash, Rigaut et Gerard démontrent que des TDL âgés de 5 à 13 ans produisent moins de pronoms clitiques objets que des DT appariés en âge pour une tâche d’élicitation de pronoms clitiques. En 2008, Jakubowicz et ses collaborateurs testent la production de questions racines et de questions avec une proposition enchâssée chez des TDL de 8 à 11 ans. Ces derniers ont tendance à éviter la production de ces structures complexes au profit de structures simples comme les questions de type in situ et les juxtapositions de phrases respectant l’ordre SVO.

Novogrodsky et Friedmann (2006), quant à eux, proposent une tâche de production de phrases relatives sujets et objets à 18 TDL de 9 à 14 ans. Les participants doivent décrire une image après que l’expérimentateur ait élicité la structure d’une relative sujet ou d’une relative objet.

Les TDL ont des difficultés significatives pour produire des relatives objets, leurs productions comportent une mauvaise assignation des rôles thématiques, révélant que l’opération de mouvement syntaxique présent dans les relatives objet n’a pas été traitée. Concernant la production de phrases passives, les études de Léonard (Leonard, Deevy, Miller, Rauf, Charest,

& Kurtz, 2003 ; Leonard, Wong, Deevy, Stokes, & Fletcher, 2006) attestent des difficultés des TDL pour ces structures. Pour les deux études, on administre une tâche de complétion d’énoncés aux participants TDL âgés en moyenne de 4 à 6 ans. L’expérimentateur amorce le début d’une passive soit en situation de description d’images soit en situation de jeu libre et

28 l’enfant doit la terminer en employant la voix passive. Les résultats montrent que les TDL produisent significativement moins de passives que des enfants DT appariés en âge.

Les structures syntaxiques complexes posent donc problèmes aux enfants TDL, elles leurs sont coûteuses à traiter mais aussi à produire, en raison des déplacements syntaxiques qu’elles nécessitent.

5.3 Le déficit attentionnel dans le TDL

L’étude de Redmond (2004) démontre qu’un recouvrement existe entre le TDL et le TDAH puisque l’on retrouve entre 30 et 50% d’enfants présentant à la fois des troubles du langage oral et des symptômes du TDAH. En effet, les TDL présentent d’importantes difficultés en attention soutenue (Finneran, Francis & Leonard, 2009 ; Ebert & Konhert, 2011). En lien avec le modèle de Peterson & Posner (2012), un déficit de l’executive existe chez ces enfants car ils présentent des déficits au niveau des FE, qu’elles traitent du domaine verbal ou non-verbal (Kapa & Plante, 2015 ; Kapa, Plante & Doubleday, 2017). Premièrement, les TDL manifestent des difficultés évidentes en MdT par rapport à des enfants contrôles du même âge, qu’il s’agisse d’une tâche effectuée en modalité visuelle, comme la tâche de N-back (Im-Bolter et al., 2006) ou en modalité auditive, comme la tâche de répétition de pseudo-mots (Parisse & Mollier, 2008).

Concernant l’inhibition, les TDL présentent à la fois des difficultés en modalité visuelle (Im-Bolter & al., 2006) lorsqu’il s’agit d’ignorer un indice non pertinent avant la présentation d’une cible, mais aussi en modalité orale quand on demande à des enfants TDL de dire « jour » lorsqu’on leur présente la cible « lune » et « nuit » pour la cible « soleil » dans une tâche de Stroop (Roello, Ferretti, Colonnello & Levi, 2015). Enfin, les TDL obtiennent des scores plus faibles dans les tâches de flexibilité attentionnelle. Ils sont moins précis et plus lents dans leurs réponses que des enfants typiques du même âge pour une tâche de switch du focus attentionnel entre des lettres et des chiffres (Im-Bolter et al., 2006). Roello et collaborateurs (2015), répliquent ces résultats à l’aide d’une tâche de catégorisation d’objets dans laquelle les performances des enfants TDL sont déficitaires lors du switch entre les propriétés visuelles des différents objets à catégoriser. Kapa et Plante (2015), concluent alors qu’un déficit général des FE pourrait expliquer les difficultés langagières des enfants avec TDL.

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