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1 CADRE THÉORIQUE

1.2 La mémoire de travail (MdT)

1.2.1 Le modèle de mémoire de travail de Baddeley

La MdT est définie par Baddeley (2000) comme un système permettant le maintien temporaire et le traitement des informations nécessaires à la réalisation d’une grande variété d’activités cognitives complexes comme la compréhension du langage, l’apprentissage et le raisonnement. La MdT joue un rôle central dans l’accomplissement de nos tâches quotidiennes. Par exemple elle permet de retenir ce que dit notre interlocuteur lors d’une conversation, de faire un calcul mental ou encore de retenir un numéro de téléphone en le composant. Le modèle de MdT proposé par Baddeley et Hitch (1974) est le modèle le plus influent en psycholinguistique pour rendre compte des processus de maintien de l’information à court terme. Ce modèle est composé de trois systèmes qui intègrent l'administrateur central et deux sous-systèmes esclaves : la boucle phonologique et le calepin visuo-spatial. En 2000, Baddeley introduit une quatrième composante au modèle : le buffer épisodique (cf. Figure 1).

4 Tâches nécessitant en plus de la rétention la manipulation de l’information

Figure 1. Modèle révisé de la mémoire de travail à composants multiples (Baddeley, 2000).

L’administrateur central

Généralement le terme de mémoire de travail fait référence aux activités de l’administrateur central qui est un système de contrôle attentionnel de la MdT. Il se situe à l’interface entre les différents sous-systèmes. Ainsi, il coordonne et contrôle les différents flux d’informations, il gère les ressources attentionnelles et il guide et récupère les informations de la MLT. Les capacités de l’administrateur central sont évaluées en association avec un des deux sous-systèmes esclaves (boucle phonologique ou calepin visuo-spatial), par des tâches d’empans complexes qui nécessitent en plus du maintien de l’information, la manipulation de l’information d’une activité concurrente (Barrouillet & Camos, 2007). Par exemple, dans une tâche d’empan de chiffres envers, le sujet doit non seulement retenir les chiffres mais également effectuer une manipulation cognitive pour les restituer dans l’ordre inverse de présentation. L’implication des capacités attentionnelles semble importante à prendre en compte dans ce type de tâche. En effet, selon le modèle TBRS (The Time Based Resource Sharing Model) développé par Barrouillet, Bernardin et Camos (2004), il y aurait un partage temporel des ressources attentionnelles entre le stockage et le traitement de l’information.

Les processus de maintien et de traitement de l’information s’activeraient de manière séquentielle. Ainsi, si le focus attentionnel est occupé par le traitement, le maintien des informations en mémoire décline très rapidement car les ressources attentionnelles ne sont

plus disponibles pour aucun autre traitement. C’est pourquoi, dans des tâches d’empans complexes, tout au long de la tâche de traitement, les traces mnésiques doivent être rafraichies avant de disparaître grâce à une refocalisation attentionnelle lors de courtes pauses. Pour ce faire, un processus rapide et incessant de l’attention, le switching, entre le traitement et le maintien est nécessaire. Le contrôle attentionnel semble donc important pour le maintien des informations dans des tâches de MdT (Barrouillet & Camos, 2014).

La boucle phonologique

La boucle phonologique, appelée aussi MCT verbale, est un des sous-systèmes du modèle de MdT, elle permet de stocker et de manipuler les informations acoustiques et verbales. Selon Baddeley et Hitch (1974), elle se divise en deux composantes : le système de stockage phonologique qui permet de maintenir temporairement des informations verbales sous forme de traces mnésiques qui disparaîtront si elles ne sont pas rafraîchies par le système de récapitulation articulatoire qui maintient actives les informations dans le stock phonologique grâce à un processus de subvocalisation. Les capacités de la boucle phonologique sont évaluées par des tâches d’empans verbaux simples qui nécessitent un simple maintien de l’information (Barrouillet & Camos, 2007). Ainsi les tâches les plus fréquemment utilisées pour rendre compte des capacités de la boucle phonologique sont les empans de chiffres endroit, de mots ou de mots. D’ailleurs, la tâche de répétition de non-mots est considérée comme l’une des mesures les plus pures de la boucle phonologique (Baddeley, 2000). Cette composante a fait l’objet d’une révision de la part de Majerus, Poncelet, Greffe et Van der Linden en 2006. En effet, ces auteurs distinguent au sein de la MCT verbale la mémoire “item” et la mémoire “ordre sériel”. Jusqu’à présent ces deux composantes n’étaient pas dissociées au sein de la MCT verbale. Ainsi, dans une tâche d’empans simples, deux types d’informations doivent être traités via des systèmes différents : l’information “item” qui correspond aux composantes phonologiques, lexicales et sémantiques des items présentés et l’information “ordre sériel” qui représente l’ordre dans lequel les items sont présentés. Des études plus récentes (Majerus et al., 2010) ont montré que l’influence des connaissances langagières était plus importante pour le rappel de l’information “item” que pour le rappel de l’information “ordre sériel”. Ainsi on peut dire que le rappel de l’information “item” est fortement dépendant des connaissances langagières et passerait donc par le système langagier, alors que le stockage de l’information “ordre sériel”

se ferait via un système spécifique encodant l’ordre dans lequel les items sont présentés, indépendamment des connaissances langagières.

Le calepin visuo-spatial

Le calepin visuo-spatial est le second sous-système du modèle de MdT de Baddeley et Hitch (1974). Il permet le stockage et la manipulation des informations visuelles et spatiales.

Il permet également la création d’images mentales. Cependant, cette composante du modèle ne sera pas développée dans le cadre de ce mémoire.

Le buffer épisodique

Dernière composante, le buffer épisodique a été ajouté au modèle plus tardivement. Il sert d’interface entre les deux sous-systèmes esclaves et l’activation des informations contenues en MLT. Il s’agit d’un système de stockage temporaire de capacité limitée qui intègre des éléments de différentes sources et de différentes natures avant qu’elles ne soient encodées en MLT. Il est également contrôlé par l’administrateur central qui y récupère régulièrement des informations.

1.2.2 Les capacités mnésiques des enfants avec TDL

De nombreuses recherches ont mis en évidence de faibles performances aux tâches d’empans simples chez les enfants avec TDL (Majerus & Van der Linden, 2003 ; Archibald &

Gathercole, 2006 ; Montgomery & Evans, 2009 ; Delage & Frauenfelder, soumis).

Effectivement, dans des tâches de répétition de non-mots, d’empans de chiffres ou de mots, les performances des enfants avec TDL sont bien inférieures à celles d’enfants DT appariés en âge chronologique mais également à celles d’enfants de même niveau linguistique. Ainsi un déficit avéré au niveau de la boucle phonologique est observé chez des enfants avec TDL.

Dans une autre étude, Majerus et ses collaborateurs (2009) ont testé les capacités mnésiques de 12 enfants TDL de 6 et 10 ans en comparaison à deux groupes contrôle d’enfants DT appariés en âge chronologique et linguistique. Les auteurs ont différencié la MCT “item” et la MCT “ordre sériel” pour vérifier la possibilité d’un déficit spécifique de la MCT “ordre sériel”.

Rappelons que la mémorisation de l’ordre sériel permet de rendre compte des capacités de stockage de la MCT verbale indépendamment des capacités langagières. Leurs résultats n’ont montré aucun déficit spécifique chez les enfants avec TDL dans les tâches proposées de mémoire “item” et de mémoire “ordre sériel”. Néanmoins, les performances des enfants avec TDL aux tâches de reconstruction de l’ordre sériel sont tout de même plus faibles que celles des enfants DT. D’autre part, dans une tâche répétition de non-mots qui fait intervenir les deux processus (rétention “item” et “ordre”), un déficit sévère est bien observé chez les

enfants avec TDL. Ainsi, selon cette étude, les enfants avec TDL ne montrent pas de déficiences spécifiquement pour une ou l’autre des composantes de la MCT, « item » ou

« ordre sériel », mais bien une limitation générale au niveau de la MCT verbale. D’autre part, les enfants avec TDL montrent de faibles performances aux tâches d’empans complexes (Montgomery, 2000 ; Hoffman & Gillam, 2004 ; Archibald & Gathercole, 2006 ; Delage &

Frauenfelder, soumis). Des différences significatives ont été trouvées entre les performances des enfants avec TDL et celles d’enfants DT dans des tâches de MdT nécessitant un double traitement de l’information (empans de chiffres envers, running span, listening span, counting span). Un déficit au niveau de l’administrateur central est donc avéré chez les enfants avec TDL. Ainsi, on peut dire que les capacités de MdT sont limitées chez les enfants présentant des difficultés langagières. Il semble alors judicieux de se demander quelles sont les relations existantes entre la MdT et les capacités langagières.