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Effet d un entraînement explicite intensif en morphologie dérivationnelle sur l orthographe lexicale chez des enfants de 6P (CM1)

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Academic year: 2022

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Effet d’un entraînement explicite intensif en morphologie

dérivationnelle sur l’orthographe lexicale chez des enfants de 6P (CM1)

Estelle Ardanouy, Université de Genève, Acquisition et troubles du langage.

Hélène Delage, Université de Genève, Troubles du langage : évaluation et remédiation.

Pascal Zesiger, Université de Genève, Acquisition et troubles du langage.

Résumé. Notre première étude, avant une future application numérique, vise à entraîner spécifiquement la morphologie dérivationnelle de manière explicite dans le but d’améliorer les performances en orthographe lexicale.

Quatre classes participent à l’étude ; deux reçoivent un l’entraînement en morphologie et les deux autres un entraînement contrôle visuo-sémantique ciblant l’orthographe de mots inconsistants. Les résultats montrent un effet significatif uniquement de l’entraînement morphologique sur les mots entraînés (effet d’apprentissage) et non entraînés (effet de généralisation).

Abstract. Effect of intensive explicit training in derivational morphology on lexical spelling in grade 4 children. Our first study, prior to a future numerical application, aims to specifically train derivational morphology explicitly in order to improve lexical spelling performance. Four classes participated in the study; two received morphology training and the other two received visuo-semantic control training targeting the spelling of inconsistent words.

The results show a significant effect of morphology training only, on trained (learning effect) and untrained words (generalization effect).

1. Introduction

De nombreuses études suggèrent que la morphologie dérivationnelle aide à mieux orthographier, en particulier dans des langues opaques comme le français, grâce à son pouvoir génératif (Carlisle et Stone, 2005). La morphologie concerne l’étude de la formation des mots complexes et plus précisément l’étude des morphèmes qui sont les plus petites unités porteuses de sens au sein du mot (Nagy et al., 2014). La morphologie dérivationnelle est une partie du domaine de la linguistique qui concerne la formation des mots et permet la création de nouveaux mots par ajout à un radical ou une base d’un préfixe ou d’un suffixe.

L’influence de la morphologie augmente avec le nombre d’années d’exposition à la langue écrite (Kemp, 2006 ; Pacton et al., 2005). Deacon et collaborateurs (2009) établissent un lien prédictif et même un rapport de causalité entre la conscience morphologique et l’orthographe : un bon niveau en conscience morphologique au 2e grade (CE1) induirait un bon niveau ultérieur en orthographe, au 4e grade (CM1). Aucune étude longitudinale de ce type n’existe en langue française, à notre connaissance, même si plusieurs études ont mis en évidence des corrélations entre ces deux domaines en français aux 3e et 4e grade (Casalis et al., 2011 ; Fejzo, 2016).

De plus, plusieurs études montrent que les enfants orthographient mieux des mots qui ont une explication morphologique. C’est notamment le cas pour les lettres finales muettes de mots : les enfants écrivent correctement la lettre muette plus souvent dans la condition morphologique, c’est-à-dire quand l’enfant peut utiliser un mot de la même famille ou le féminin pour la déduire (le mot « bavard » est mieux écrit car on peut utiliser les mots

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« bavarder, bavarde ») que dans la condition contrôle (« foulard » qui n’a pas de dérivé morphologique) (Pacton et al., 2018 ; Sénéchal et al., 2006). Une étude de Casalis et collaborateurs (2011) montre également que les enfants orthographient mieux le graphème /ai/

dans les mots qui ont des dérivés morphologiques comme « lait » (laitage, laitier) vs « falaise » (pas de dérivé morphologique). Les apprenants utilisent donc leurs connaissances morphologiques pour écrire des mots reliés.

Au regard du rôle de la morphologie dans la maîtrise de différents aspects du langage oral et écrit (orthographe, mais également lecture – décodage et compréhension, et lexique), plusieurs méta-analyses soulignent l’intérêt d’entraînement de la morphologie. Ainsi, celle de Goodwin et Ahn (2013) rapporte un effet faible à modéré d’entraînements morphologiques sur les compétences orthographiques (d = 0.30) chez des enfants sans trouble de la fin de la maternelle à la fin du collège. Il est noté un effet plus important chez les jeunes enfants comparativement aux plus âgés. Les interventions se révèlent efficaces à partir de la première heure de pratique. Il n’est pas relevé de différence significative lorsque l’entraînement est mené en grand groupe (d= 0.29), petit groupe (d = 0.35) ou en individuel (d = 0.42) même si une tendance se dessine pour un effet plus élevé dans les deux dernières conditions (pour une revue, voir Zesiger et Ardanouy, 2021).

Peu d’études en langue française ont porté sur l’entraînement de la morphologie dérivationnelle dans le but d’améliorer l’orthographe lexicale d’enfants en âge de primaire (Casalis et al., 2018). C’est pourquoi nous avons choisi de créer un entraînement en morphologie dérivationnelle et de vérifier son efficacité auprès d’enfants en CM1. L’objectif premier est de mesurer des progrès en conscience morphologique. Les objectifs secondaires sont (1) une généralisation à l’orthographe lexicale et à la lecture (vitesse et précision), et (2) le maintien de l’ensemble de ces effets dans le temps (post-test différé).

2. Méthode

2.1. Participants et matériel

Un total de 70 enfants (M = 9;8) en classe de 6P, équivalent au CM1, dans quatre écoles genevoises ont participé à l’étude. Deux groupes ont été constitués : un groupe de 36 enfants a suivi l’entraînement en morphologie dérivationnelle et un autre de 34 enfants a suivi l’entraînement contrôle visuo-sémantique. Les deux groupes ne différaient pas au niveau de l’âge, du lexique, du bilinguisme, du sexe, du raisonnement non verbal et en compétences en orthographe et en lecture.

Pour mesurer les compétences orthographiques, une épreuve de productions de mots a été construite afin de mesurer plusieurs effets de l’intervention :

- Effet d’apprentissage : une liste A de mots morphologiquement composés entraînée dans le groupe morphologie

- Effet de généralisation : une liste B de mots morphologiquement composés non entraînée (affixes étudiés mais pas les bases)

- Spécificité de l’intervention : une liste C de mots inconsistants mais non composés morphologiquement, entraînée dans le groupe contrôle visuo-sémantique mais pas dans le groupe morphologie9

- Spécificité de l’intervention : une liste D de mots inconsistants mais non composés morphologiquement, non entraînée.

9 Par exemple, le mot « verre » est considéré comme inconsistant parce qu’il a deux r mais pas

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Les mots des listes A et B sont notés sur 2 points : un point par affixe bien orthographié et un point par base bien orthographiée. Les mots de liste C et D, quant à eux, rapportent un point par mot bien écrit.

2.2. Intervention

Le design de l’étude est illustré sur la Figure 1. Les entraînements ont eu lieu au total sur une durée de 13-14 heures. Les deux entraînements ont eu lieu selon les mêmes conditions : menés par la même personne, en classe, en présence de l’enseignant pendant la même durée et avec la même fréquence. Sur les quatre classes, deux se trouvaient dans un quartier moyennement favorisé et deux dans un quartier avec un niveau socio-économique plutôt bas.

Une classe de chaque niveau a reçu l’entraînement morphologique et l’entraînement visuo- sémantique.

L’entraînement morphologique a été construit en fonction des recommandations de la littérature scientifique. L’apprentissage était explicite et utilisait la modalité écrite (Goodwin et Ahn, 2013 ; Nunes et al., 2012) mais également reprenait les quatre approches décrites par Carlisle et collaborateurs (2010). Ces approches reviennent à : 1. travailler l’analyse morphologique de mots, 2. se concentrer sur le sens des affixes et des bases, 3. aider à résoudre des situations complexes pour l’analyse morphologique et 4. faire des hypothèses sur le sens de mots composés morphologiques non familiers. L’intervention s’organisait en plusieurs séances dont la structure était identique :

- Explication du sens de plusieurs affixes en classe entière

- Mise en application sur des exercices variés à l’écrit en individuel ou en petits groupes - Correction en groupe classe en fin de séance

L’entraînement contrôle visuo-sémantique ciblait l’orthographe de mots inconsistants mais non composés morphologiquement. Pour cela, nous avons utilisé une méthode créée par l’équipe de Valdois et collaborateurs (2003), l’Orthographe illustrée, qui met en dessin les difficultés orthographiques d’un mot afin de mieux les retenir (voir Figure 1). En début d’intervention, les enfants étaient sensibilisés à l’imagerie mentale afin d’être capable de se représenter le mot. Ensuite, chaque session consistait en la rétention de 8 mots. À la fin de chaque semaine d’entraînement, une session de révision était réalisée.

Figure 1. Design de l’étude

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3. Résultats et Discussion

Les résultats pour la liste de mot A sont présentés en Figure 2. Une Anova à mesure répétée a permis de mettre en avant une amélioration significative des mots entraînés de la liste A à T2 (affixes : d = 2.9 ; bases : d = 2.1) mais également à T3 (affixes : d = 2.32 ; bases : d = 1.86).

En effet, il est noté une progression dans le groupe morphologie avec un maintien dans le temps, quatre mois plus tard. Une progression est également notée entre T1 et T3 pour l’orthographe des bases dans le groupe visuo-sémantique mais avec une taille d’effet bien plus faible (d = 0.21).

L’entraînement morphologique a donc permis une amélioration des mots entraînés, ce qui revient à affirmer qu’un effet d’apprentissage a été relevé dans le groupe morphologie.

Figure 2. Panneau de gauche : Résultats obtenus pour l’orthographe des affixes pour la liste entraînée par le groupe morphologie aux trois temps : T1, T2 et T3. MTG : groupe

morphologie. VSTG : groupe visuo-sémantique.

Panneau de droite : Résultats obtenus pour l’orthographe des bases pour la liste entraînée par le groupe morphologie aux trois temps : T1, T2 et T3.

Pour la liste B, une Anova à mesure répétée a permis de mettre en avant une amélioration significative des mots non entraînés de la liste B à T2 (affixes : d = 1.82 ; bases : d = 0.92) mais également à T3 (affixes : d = 1.76 ; bases : d = 0.96). En effet, il est noté une progression uniquement dans le groupe morphologie avec un maintien dans le temps, quatre mois plus tard.

L’entraînement morphologique a donc permis une amélioration des mots non entraînés, ce qui revient à affirmer qu’un effet de généralisation a été relevé dans le groupe morphologie. Ce résultat est très intéressant puisqu’il montre la capacité des enfants à analyser les mots en morphèmes et à repérer des bases ou des affixes connus pour mieux orthographier les mots complexes.

La liste C met en évidence un effet significatif seulement dans le groupe visuo-sémantique.

Aucun progrès n’est noté pour la liste D. Ces résultats signent la spécificité de l’intervention.

Les enfants du groupe morphologie n’ont pas simplement progressé de manière globale en orthographe mais ont bien progressé spécifiquement sur les mots morphologiquement composés.

Nos résultats rejoignent donc ceux de Casalis et collaborateurs (2018) en étendant leur portée. En effet, dans cette dernière étude, le groupe contrôle ne suivait pas d’entraînement

0 5 10 15 20

T1 T2 T3

Liste A : affixes

MTG VSTG

***

NS

0 5 10 15 20

T1 T2 T3

Liste A : bases

MTG VSTG

***

**

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spécifique ciblant l’orthographe et les intervenants menant l’étude n’étaient pas les mêmes. De plus, les effets d’apprentissage et de généralisation ont pu être mis en évidence sur un nombre d’items plus important (seulement 9 dans l’étude de Casalis et coll. contre 20 par liste pour la nôtre).

Cette étude a permis de mettre en évidence l’intérêt de l’utilisation la morphologie dérivationnelle en classe pour l’amélioration de l’orthographe lexicale. Une application numérique est en cours de réalisation afin de permettre aux enfants de s’entraîner de manière ludique, répétée et explicite, en classe ou à la maison.

Références bibliographiques

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