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Mémoire de travail, attention et syntaxe complexe : quelles relations chez les enfants avec trouble développemental du langage ?

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Academic year: 2022

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Master

Reference

Mémoire de travail, attention et syntaxe complexe : quelles relations chez les enfants avec trouble développemental du langage ?

PONCELET, Stéphanie

Abstract

Les enfants atteints de troubles développemental du langage (TDL) rencontrent pour la plupart des difficultés au-delà de la sphère purement langagière, dans des domaines cognitifs associés comme l'attention et/ou la mémoire de travail (MT). Or la littérature met en évidence des liens entre les capacités en mémoire de travail, l'attention et les compétences langagières, en particulier au niveau syntaxique, chez les enfants au développement typique (DT) tout comme chez les enfants avec TDL. Ainsi, nous nous interrogeons dans cette étude sur les effets que pourrait avoir un entraînement spécifique et intensif en MT sur les compétences en syntaxe complexe et les capacités attentionnelles des enfants avec TDL et au DT. Nous investiguons également le rôle que peut jouer l'attention dans le fonctionnement de la MT, et par conséquent dans l'acquisition des compétences syntaxiques. Nous avons constitué un échantillon de 22 enfants répartis en deux groupes cognitifs (TDL vs DT). Nous leur avons proposé soit un entraînement cible en MT, soit un entraînement contrôle basé sur les compétences scolaires. [...]

PONCELET, Stéphanie. Mémoire de travail, attention et syntaxe complexe : quelles relations chez les enfants avec trouble développemental du langage ?. Master : Univ.

Genève, 2019

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:121664

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MAÎTRISE UNIVERSITAIRE EN LOGOPEDIE Section de Psychologie

Mémoire de travail, attention et syntaxe complexe : Quelles relations chez les enfants avec trouble

développemental du langage ?

Mémoire présenté par Stéphanie PONCELET Juin 2019

Directrice de recherche : Hélène DELAGE En collaboration avec : Emily STANFORD

Jury : Hélène DELAGE, Emily STANFORD et Pascal ZESIGER

Nombre de mots : 19 993

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REMERCIEMENTS

Je tiens à adresser mes plus vifs remerciements à Hélène Delage et Emily Stanford pour m’avoir accueillie dans leur équipe de recherche et solidement guidée avec grande bienveillance tout au long de ce parcours.

Je remercie également les autres professeurs et enseignants en logopédie, en particulier Pr. M.

Laganaro, J. Franck et Pr. P. Zesiger, pour leur accompagnement dans ce travail de recherche à travers le colloque, ainsi que pour leur feedback constructif et éclairant promulgué lors des séances de présentation des étudiantes.

Merci aussi à mes collègues de volée pour tous les moments de partage et d’entraide. Rien n’a été plus précieux que cette solidarité exemplaire ressentie pendant ces deux années de Master.

Je suis extrêmement reconnaissante envers les « pourvoyeurs de participants », et remercie ainsi plus qu’infiniment parents, enseignants, et logopédistes pour leur implication soutenue, la confiance et la disponibilité qu’ils m’ont accordées. Parmi les myriades de sollicitations, ils ont en effet accepté de s’engager à mes côtés dans un programme d’entraînement intensif pour « leur » enfant.

Un immense merci à tous les enfants que j’ai pu suivre dans leur participation aux programmes d’entraînement pour leur engagement, leur assiduité et leur persévérance, leurs moments de doute surpassés avec courage, leur bonne humeur et leur spontanéité tout au long de cette aventure.

Je remercie du plus profond de mon cœur mes propres enfants, qui ont non seulement été « petits participants » dans l’étude de 2017 précédent la nôtre, mais qui ont aussi compris et accepté la part d’énergie et de temps que leur maman avait décidé de mettre dans ce projet.

Enfin, mille et mille mercis à Renaud, qui, plus généralement et au-delà de ce travail, a su m’apporter son soutien continu dans la mise en œuvre de mon nouveau projet professionnel.

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TABLE DES MATIERES

LISTE DES ABREVIATIONS ___________________________________________________ 5 RESUME ________________________________________________________________ 6 INTRODUCTION __________________________________________________________ 7 1. CADRE THEORIQUE __________________________________________________ 8

1.1. Le Trouble du Développement du Langage : quelle interaction entre langage et

cognition ? _______________________________________________________________________8 1.1.1 Les difficultés langagières des enfants avec TDL _____________________________________ 8 1.1.2 Association des difficultés syntaxiques avec des difficultés impliquant les fonctions exécutives10 1.1.2.1. Le système de la mémoire de travail : mécanismes et capacités des enfants avec TDL _ 11 1.1.2.2. Liens observés entre les performances en syntaxe complexe et les performances en MT13 1.1.2.3. Les capacités attentionnelles et leur défaillance chez les enfants avec TDL __________ 14 1.2. Rôle de l’attention dans les processus de la MT et de traitement de la syntaxe

complexe ______________________________________________________________________ 16 1.2.1 Rôle de l’attention dans les processus de la mémoire de travail _____________________ 16 1.2.2 Rôle de l’attention dans le traitement de la syntaxe complexe ______________________ 19 1.3. Effets d’un entraînement des FE sur les compétences langagières ________________ 21 1.4. Hypothèses ____________________________________________________________ 22 1.4.1 Hypothèse préliminaire _____________________________________________________ 23 1.4.2 Hypothèse 1 (H1) – liens entre attention et MT, et entre attention et compétences syntaxiques chez les enfants avec TDL et au DT _____________________________________________ 23

1.4.3 Hypothèse 2 (H2) – effets d’un entraînement en MT sur les capacités en MT et les compétences syntaxiques ______________________________________________________________ 24

1.4.4 Hypothèse 3 (H3) – interaction entre MT et attention : effet d’un entraînement en MT sur les capacités attentionnelles _______________________________________________________________ 25

2. METHODOLOGIE____________________________________________________ 26 2.1 Population _____________________________________________________________ 26

2.1.1 Composition de l’échantillon et répartition des groupes ___________________________ 26 2.1.2 Procédure de recrutement __________________________________________________ 26 2.1.3 Critères d’inclusion et d’exclusion _____________________________________________ 27 2.2 Procédure______________________________________________________________ 29

2.2.1 Protocole général __________________________________________________________ 29

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2.2.2 Description des pré- et post-tests _______________________________________________ 29 2.2.2.1 Evaluation des capacités attentionnelles _____________________________________ 30 2.2.2.2 Evaluation des compétences en MT _________________________________________ 31 2.2.2.3 Evaluation des compétences en syntaxe complexe _____________________________ 34 2.2.2.4 Synthèse des épreuves expérimentales des pré- et post-tests ____________________ 37 2.2.3 Entraînement _____________________________________________________________ 37 2.2.3.1 Entraînement de la mémoire de travail : Magic Memory _________________________ 38 2.2.3.2 Entraînement contrôle : Squla _____________________________________________ 42 1.3. Variables expérimentales _________________________________________________ 44 1.4. Méthodes statistiques ___________________________________________________ 45 1.4.1 Analyses descriptives _______________________________________________________ 45 1.4.2 Analyses corrélationnelles ___________________________________________________ 45 1.4.3 Comparaisons inter-groupes _________________________________________________ 45 1.4.4 Comparaisons intra-groupes _________________________________________________ 45 1.5. Hypothèses opérationnelles _______________________________________________ 46

1.5.1 Hypothèse préliminaire : performances en pré-test des enfants avec TDL inférieures à celles des enfants au DT ____________________________________________________________________ 46

1.5.2 H1 : liens entre attention et MT, entre attention et compétences syntaxiques chez les enfants avec TDL et au DT_____________________________________________________________________ 46

1.5.3 H2 : effets d’un entraînement en MT sur les capacités en MT et les compétences syntaxiques 46

1.5.4 H3 : interaction entre MT et attention : effet d’un entraînement en MT sur les capacités attentionnelles _______________________________________________________________________ 47

3. RESULTATS ________________________________________________________ 48 3.1. Analyses préliminaires ___________________________________________________ 48

3.1.1 Analyses descriptives _________________________________________________________ 48 3.1.2 Comparaisons inter-groupes ___________________________________________________ 48 3.1.2.1 Age _____________________________________________________________________ 48 3.1.2.2 Hypothèse préliminaire : performances aux épreuves en pré-test des enfants avec TDL vs enfants au DT______________________________________________________________________ 49 3.2. H1 : liens entre attention et MT, et entre attention et compétences syntaxiques chez les enfants avec TDL et au DT ______________________________________________________ 50

3.3. H2 : effets d’un entraînement en MT sur les capacités en MT et les compétences syntaxiques ____________________________________________________________________ 52

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3.4. H3 : interaction entre MT et attention : effet d’un entraînement en MT sur les

capacités attentionnelles _________________________________________________________ 54 3.5. Analyses complémentaires ________________________________________________ 58 4. DISCUSSION ET CONCLUSION _________________________________________ 60 BIBLIOGRAPHIE _________________________________________________________ 66 LISTE DES FIGURES ET DES TABLEAUX ________________________________________ 70 ANNEXES_______________________________________________________________ 71

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LISTE DES ABREVIATIONS

ATT : Attention

DT : Développement Typique EBP : Evidence-Based-Practice ET : Ecart-Type

FE : Fonctions Exécutives H : Hypothèse

MT : Mémoire de Travail MCT : Mémoire à Court Terme MM : Magic Memory

SYN : Syntaxe

TDL : Trouble Développemental du Langage VC : Variable Contrôlée

VD : Variable Dépendante VI : Variable Indépendante

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RESUME

Les enfants atteints de troubles développemental du langage (TDL) rencontrent pour la plupart des difficultés au-delà de la sphère purement langagière, dans des domaines cognitifs associés comme l’attention et/ou la mémoire de travail (MT). Or la littérature met en évidence des liens entre les capacités en mémoire de travail, l’attention et les compétences langagières, en particulier au niveau syntaxique, chez les enfants au développement typique (DT) tout comme chez les enfants avec TDL.

Ainsi, nous nous interrogeons dans cette étude sur les effets que pourrait avoir un entraînement spécifique et intensif en MT sur les compétences en syntaxe complexe et les capacités attentionnelles des enfants avec TDL et au DT. Nous investiguons également le rôle que peut jouer l’attention dans le fonctionnement de la MT, et par conséquent dans l’acquisition des compétences syntaxiques.

Nous avons constitué un échantillon de 22 enfants répartis en deux groupes cognitifs (TDL vs DT).

Nous leur avons proposé soit un entraînement cible en MT, soit un entraînement contrôle basé sur les compétences scolaires. Le même protocole a été mis en œuvre pour les deux types d’entraînement.

Les enfants ont suivi un programme d’une durée de huit semaines contenant 24 sessions d’entraînement réalisées sur une application i-pad ou un ordinateur, à raison de trois séances par semaine. Avant et après la phase d’entraînement, nous avons pris des mesures à travers 11 tâches expérimentales dans les domaines de l’attention, de la MT et de la syntaxe complexe. Ceci nous a permis d’évaluer les progrès réalisés en pré- versus post-tests dans les domaines étudiés.

Les résultats mettent en évidence un effet direct de l’entraînement en MT sur les capacités en MT.

De plus, un effet de transfert de l’entraînement en MT sur les compétences en syntaxe complexe apparaît clairement. Enfin, un niveau d’attention sélective suffisant semble être une condition nécessaire pour une mise en œuvre fonctionnelle des mécanismes de MT et par conséquent pour le traitement de la syntaxe complexe. En retour, un entraînement en MT permettrait également d’augmenter les capacités attentionnelles, en particulier la flexibilité attentionnelle.

Mots clés : Fonctions exécutives, Attention, Mémoire de travail, Syntaxe complexe, Trouble développemental du langage, Entraînement.

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INTRODUCTION

Dans le contexte des nombreuses théories explicatives du trouble développemental du langage (TDL) apparues ces dernières années, cette étude s’intéresse à l’interaction entre langage et cognition chez les enfants atteints de TDL, et plus particulièrement aux liens entre attention, mémoire de travail et syntaxe complexe. Il a été avancé que le TDL était circonscrit au module langagier et à son dysfonctionnement, indépendamment d’autres modules cognitifs généralement préservés, d’où le terme « spécifique » longtemps utilisé. Pourtant, d’autres troubles associés au dysfonctionnement langagier ont été relevés, notamment en mémoire de travail (MT). Ceci a permis de mettre en avant les liens existant entre capacités de langage d’une part et capacités de MT d’autre part (Archibald &

Gathercole, 2007 ; Delage, 2015 ; Delage & Frauenfelder, sous presse ; Finney & al., 2014). De plus, la recherche a mis en évidence des capacités attentionnelles déficitaires chez les enfants avec TDL (Kapa

& Plante, 2015 ; Marton & Schwartz, 2003 ; Plante & Doubleday, 2017). Or certains auteurs ont montré des liens existant entre attention et syntaxe (Bock, 1982 ; Myachykov, Garrod & Sheepers, 2017 ; Tomlin, 1995). Ces observations ont ainsi ouvert la voie de la « réconciliation » entre langage et cognition.

Dans une optique de remédiation, l’interaction avérée entre les versants langage et cognition conduit à s’interroger sur les effets que pourrait avoir un entraînement en MT sur les compétences en syntaxe complexe chez les enfants atteints de TDL. Cette démarche s’inscrit dans le cadre d’une approche Evidence-Based-Practice (EBP) qui vise à appliquer les résultats issus de la recherche à la clinique. Elle a fait l’objet d’une première étude (Delage et al., soumis) qui a donné des résultats encourageants montrant les bénéfices d’un entraînement en MT sur le développement des compétences syntaxiques. Notre étude fait suite à cette dernière, en s’interrogeant plus spécifiquement sur le rôle joué par l’attention dans le fonctionnement de la MT ainsi que dans l’acquisition de la syntaxe complexe.

Dans une première partie, nous définirons tout d’abord le TDL, ainsi que les difficultés rencontrées par les enfants atteints de ce trouble dans les domaines langagiers et les domaines associés que sont l’attention et la MT. Nous présenterons également les liens étudiés entre attention, MT et syntaxe.

Puis, nous nous intéresserons plus particulièrement au rôle de l’attention dans les processus de la MT et de traitement de la syntaxe complexe. Enfin, nous présenterons les effets des différents types d’entraînement des FE sur les compétences langagières. Dans une deuxième partie, nous expliciterons la méthodologie utilisée pour répondre à notre question de recherche et détaillerons nos hypothèses opérationnelles. Pour terminer, nous présenterons les résultats obtenus suite à nos analyses statistiques et les discuterons.

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1. CADRE THEORIQUE

1.1. Le Trouble du Développement du Langage : quelle interaction entre langage et cognition ?

Depuis 2017, suite au consensus multidisciplinaire et international établi par Bishop et ses collaborateurs (Bishop, Snowling, Thompson & Greenhalgh, 2017), les chercheurs encouragent l’utilisation du terme « Trouble Développemental du Langage » (TDL) pour désigner les enfants communément diagnostiqués « dysphasiques », TSL (Trouble Spécifique du Langage) en français, ou SLI (Specific Language Impairment) en anglais. Bishop et ses collaborateurs (2017) sollicitent l’adoption de cette terminologie à grande échelle parce que le terme « spécifique » ne reflète pas suffisamment la réalité clinique et la complexité des profils des enfants atteints de tels troubles (Ebbels, 2014). Les enfants avec TDL présentent en effet un trouble d’acquisition du langage sévère et persistant affectant les différents niveaux linguistiques, phonologique, lexical et sémantique, morphosyntaxique, discursif et pragmatique. Pourtant, ce trouble du langage ne s’avère pas si spécifique, c’est-à-dire uniquement circonscrit au langage. De fait, les enfants atteints de TDL présentent également des difficultés dans d’autres domaines comme l’attention (Finneran, Francis & Leonard, 2009), la mémoire de travail (Bishop, 2006 ; Montgomery, Magimairaj & Finney, 2010) ou bien encore la sphère perceptivo-sensori- motrice (Bishop & McArthur, 2005). Le Trouble du Développement du Langage prend ainsi en compte trois critères (Bishop & al., 2017) :

1. Les conditions de différenciation : le sujet ne peut pas être diagnostiqué TDL lorsque le trouble du langage est associé à une pathologie biomédicale reconnue.

2. Les conditions de cooccurrence : des troubles de nature cognitive, sensorimotrice ou comportementale peuvent être associés au TDL, mais leurs liens causals et directionnels avec le langage restent obscurs.

3. Les facteurs de risques, qui englobent les facteurs biologiques et environnementaux dont on a observé un lien statistique avec le TDL.

1.1.1 Les difficultés langagières des enfants avec TDL

Comme mentionné plus haut, les difficultés langagières des enfants avec TDL touchent de manière variée les différents niveaux phonologique, lexical, syntaxique, discursif et pragmatique du langage, donnant ainsi lieu à des profils d’une grande hétérogénéité. Cependant, les difficultés syntaxiques sont prégnantes. Au-delà d’une maîtrise défaillante des morphèmes grammaticaux (accord des déterminants et des substantifs en nombre et en genre, flexion verbale), on observe chez les enfants

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atteints de TDL d’importantes difficultés avec les constructions complexes. Jakubowicz et Tuller (2008) ont caractérisé cette complexité à travers leur hypothèse de la complexité computationnelle. La complexité syntaxique d’une phrase dépend de la présence et du nombre de deux facteurs qui sont :

1. Les déplacements syntaxiques, qui bouleversent l’ordre canonique des phrases (SVO en français). Dans l’exemple ci-dessous, l’utilisation d’un pronom objet modifie l’ordre canonique SVO [1] des constituants syntaxiques, puisque le pronom se déplace devant le verbe [2] :

[1] [Marie] [mange [une pomme]]

S V O

[2] [Marie] [[la] mange]]

S O V

2. Les enchâssements, qui conduisent à une accumulation plus ou moins importante d’opérations syntaxiques. Ces opérations syntaxiques peuvent être de natures diverses. Il peut s’agir de la multiplication des mouvements d’éléments grammaticaux, comme en [3], de la présence d’un complémenteur comme que ou si [4], de l’ajout de flexions verbales [5] ou encore de dépendances morphologiques liées à la concordance des temps [6] (Delage, 2008 ; Jakubowicz

& Tuller, 2008 ; Tuller & al., 2011) :

[3] Veux-tu bien manger la pomme que je t’ai pelée ?

[4] Tu peux manger la pomme que je t’ai pelée.

[5] Tu as mangé la pomme que j’avais fait cuire.

[6] S’il avait fait beau, nous serions allés pique-niquer.

Par ailleurs, plus le nombre d’enchâssements dans une phrase est élevé, plus la structure de la phrase est profonde, et donc plus la complexité est importante (Delage, Monjauze, Hamann & Tuller, 2007), comme le montrent les exemples [7-9] ci-après :

[7] Marie veut une pomme Syntagme verbal

[8] Je pense [que Marie veut une pomme] Simple enchâssement

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[9] Il dit [que je pense [que Marie veut une pomme]] Enchâssement multiple

Avec ces éléments, on peut ainsi attribuer un degré de complexité à tout énoncé. Plus ce degré de complexité est élevé, plus le coût de traitement de la phrase, que ce soit en compréhension ou en production, est lui-même élevé. L’apparition plus tardive des constructions complexes et leur utilisation chez les enfants au développement typique (Delage, 2008 ; Hamann & al., 2007) seraient ainsi contraintes par le développement parallèle de capacités cognitives, en particulier la mémoire de travail (MT). Suivant l’hypothèse de Jakubowicz & Tuller (2008), les enfants avec TDL feraient preuve d’une surcharge cognitive en MT lors du traitement des structures de phrases complexes. Cette surcharge serait liée à une maturation incomplète de leur MT, ce qui impliquerait des difficultés dans le traitement de la syntaxe complexe. Leurs difficultés sont observées dans le traitement des phrases passives [10] (Montgomerry & Evans, 2009), des pronoms clitiques [11] (Tuller & al., 2011), des relatives objets [12] (Friedman & Novogorodsky, 2004) ou bien encore des phrases enchâssées [13]

(Hamann & al., 2007) :

[10] La petite voiture est poussée par le garçon [11] Le garçon la pousse

[12] La petite voiture que le garçon pousse

[13] Le garçon dit qu’il voudrait pousser sa petite voiture

Nous avons passé en revue la nature des difficultés syntaxiques des enfants avec TDL. Dans la section suivante, nous allons nous pencher sur les difficultés cognitives, et en particulier les fonctions exécutives, qui peuvent être associées à ces difficultés langagières.

1.1.2 Association des difficultés syntaxiques avec des difficultés impliquant les fonctions exécutives

Les FE rassemblent des habiletés cognitives de haut-niveau qui permettent de contrôler et de coordonner l’attention, la pensée et le comportement (Kapa & Plante, 2015). Si l’on adopte le modèle de Garon et collaborateurs (2008), on dénombre dans ces fonctions trois composants qui se développent hiérarchiquement dans le temps :

- La mémoire de travail (MT), parfois désignée en terme de processus de mise à jour (updating)

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- L’inhibition, aussi appelée contrôle attentionnel - La flexibilité ou shifting

Ces trois composants sont sous-tendus par un quatrième composant socle qu’est l’attention sélective soutenue, comme l’illustre la figure 1 ci-après :

Figure 1. Illustration du développement hiérarchique des composants des fonctions exécutives selon le modèle développemental intégratif de Garon et al. (2008).

Or, parmi les difficultés que rencontrent les enfants avec TDL au-delà de leurs difficultés langagières, on peut observer une MT déficitaire ainsi que des capacités attentionnelles limitées (Delage & Frauenfelder, 2012 ; Finneran, Francis & Leonard, 2009 ; Marton & Schwartz, 2003 ; Kapa &

Plante, 2015 ; Kapa, Plante & Doubleday, 2017). Nous allons ci-dessous définir plus précisément ces deux systèmes cognitifs et nous intéresser à leurs dysfonctionnements chez les enfants atteints de TDL.

1.1.2.1. Le système de la mémoire de travail : mécanismes et capacités des enfants avec TDL

Selon Baddeley (2003), la mémoire de travail (MT) se définit comme un système cognitif à capacité limitée, qui a pour fonction le stockage d’informations à court-terme ainsi que la manipulation de ces informations. Il est composé d’un administrateur central qui coordonne deux sous-systèmes esclaves.

Le calepin visuo-spatial assure le stockage temporaire de l’information visuo-spatiale. La boucle phonologique assure le maintien en mémoire à court-terme d’informations verbales. Un dernier composant, le buffer épisodique, complète le système ; celui-ci se situe à un niveau intermédiaire entre la mémoire à court-terme et la mémoire à long-terme, et intègre les informations des deux

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systèmes esclaves. Afin d’évaluer les capacités de la boucle phonologique (empan de chiffres à l’endroit, empan de mots…), on utilise les tâches d’empan simple. Celles-ci impliquent le stockage et la récupération de l’information en mémoire. Les tâches d’empan complexe permettent d’évaluer l’administrateur central. Au-delà des ressources nécessaires pour le « simple » stockage de l’information en mémoire, ces épreuves nécessitent des ressources de traitement additionnelles qui permettent de réaliser une tâche parallèle à celle de mémorisation. Cette tâche parallèle peut être le dénombrement de collections, comme dans le counting span (Case, Kurland & Goldberg, 1982) ou la lecture de phrases à voix haute, comme dans le reading span (Daneman & Carpenter, 1980). Parmi les tâches d’empan complexe, on trouve également l’empan de chiffres à l’envers, le running span, ou le listening span (Delage, 2015).

Les enfants avec TDL obtiennent des performances inférieures par rapport aux enfants au DT sur des tâches de MT verbale tant pour des empans simples, comme dans l’épreuve d’empan de chiffres à l’endroit, que pour des empans complexes, comme dans l’épreuve d’empan de chiffres à l’envers (Archibald & Gathercole, 2007 ; Delage & Frauenfelder, soumis ; Marton & Schwartz, 2003). Ainsi, Marton et Schwartz (2003) ont par exemple montré que les enfants avec TDL obtenaient des performances inférieures à celles des enfants au DT dans une tâche d’empan complexe associant le stockage en mémoire de pseudo-mots et le traitement d’une phrase en compréhension. Dans cette tâche, on demandait à 13 enfants avec TDL et 13 enfants au DT âgés de 7 à 10 ans de bien écouter des phrases qui leur étaient présentées oralement. Chaque phrase s’achevait avec un pseudo-mot, intégré sous la forme du nom d’un lieu ou d’un personnage. Les sujets devaient tout d’abord restituer le pseudo-mot, puis répondre à une question de compréhension concernant la phrase entendue. Cette situation de double tâche exige tout d’abord la mise en œuvre de la mémoire à court terme verbale pour la mémorisation et le rappel des pseudo-mots. Elle exige aussi en parallèle le traitement de la phrase entendue afin de pouvoir répondre à la question posée sur contenu de la phrase. Les enfants avec TDL ont obtenu des scores inférieurs à ceux des enfants au DT tant au niveau du nombre de pseudo-mots correctement répétés qu’au niveau du nombre de réponses correctes aux questions de compréhension. Les auteurs ont de plus rapporté un effet de complexité syntaxique de la phrase dans les deux groupes : plus la phrase était complexe, plus le nombre d’erreurs dans les réponses aux questions de compréhension augmentait. Autrement dit, plus la phrase était complexe, plus le coût cognitif de traitement était élevé, entraînant davantage d’erreurs dans les réponses. Par ailleurs, plusieurs études relèvent également chez les enfants avec TDL des déficits en MT visuelle dans des tâches d’empan visuel (Marton & al., 2012) ou dans des tâches de N-back, dans lesquelles le sujet doit comparer une cible avec un stimulus présenté précédemment (Im-Bolter, Johnson & Pascual-Leone, 2006).

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Les recherches de la littérature mettent donc en avant un dysfonctionnement des différents composants de la MT (boucle phonologique, calepin visuo-spatial et administrateur central) chez les enfants avec TDL. L’étude de Marton et Schwartz suggère aussi déjà en 2003 des liens entre performance en MT et syntaxe complexe, chez les enfants avec TDL ainsi que chez les enfants au DT.

Nous allons ci-après nous intéresser plus en détails à l’association des performances en syntaxe complexe et MT.

1.1.2.2. Liens observés entre les performances en syntaxe complexe et les performances en MT

Plusieurs recherches se sont intéressées au lien pouvant exister entre compétences syntaxiques et capacités en MT. Tout d’abord, des corrélations ont été identifiées entre performance en MT et traitement de la syntaxe complexe chez les enfants tout-venant. Plus précisément, Arosio, Guasti et Stucchi (2011) ont montré une association entre l’empan de chiffres à l’endroit et la compréhension des relatives objets chez des enfants âgés de neuf ans. Bentea, Durrleman et Rizzi (2016) ont relevé des corrélations entre les scores aux tâches d’empan de chiffres (endroit et envers) et la compréhension des questions et relatives objets chez des enfants au DT de cinq ans. Plus récemment encore, Delage et Frauenfelder (sous presse), ont montré une corrélation significative entre les empans simples et complexes et les mesures en syntaxe complexe sous toutes leurs modalités (répétition, compréhension et production spontanée) chez 48 enfants au DT âgés de 5 à 12 ans. Chez les enfants atteints de TDL, il existe également une association entre difficultés en MT et difficultés syntaxiques. Ainsi, Durrleman et Delage (2016) ont montré une corrélation entre l’empan de chiffres à l’envers et la production de pronoms clitiques objets chez 22 enfants francophones âgés de 5 à 16 ans. Marinis et Saddy (2013) ont rapporté un lien entre la compréhension des constructions passives et les scores en MT à travers une tâche de listening span1, toujours chez des enfants atteints de TDL.

Au-delà de ces corrélations, un lien prédictif entre MT et langage, et plus particulièrement pour la syntaxe complexe, a été démontré à la fois chez les enfants au DT et chez les enfants avec TDL. Chez les enfants au DT, Montgomery, Magimairaj et O’Malley (2008) ont montré que les empans complexes expliquent 30% de la variance de compréhension de phrases complexes impliquant un mouvement des constituants syntaxiques (phrases passives ou phrases contenant des pronoms réflexifs ou clitiques objets). Cette dépendance entre empans complexes et compréhension de phrases complexes a également été retrouvée chez des enfants avec TDL (Montgomery & Evans, 2009). Delage et Frauenfelder (sous presse) ont mis en évidence un lien prédictif entre les empans complexes et la

1 La tâche de listening span consiste à écouter des phrases et à en retenir le dernier mot. A la fin de la tâche, le sujet doit rappeler la liste de mots retenus dans l’ordre dans lequel il les a entendus.

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syntaxe complexe, tant en compréhension qu’en production. Dans ce cadre, l’épreuve du counting span apparaît comme la plus prédictive parmi les empans complexes. Chez les enfants avec TDL, les capacités de répétition de phrases relatives sont prédites par les empans complexes, en particulier les scores à la tâche de listening span (Frizelle & Fletcher, 2015). Enfin, dans l’étude de Delage et Frauenfelder (soumis) réalisée auprès de 28 enfants avec TDL âgés entre 5 et 14 ans les trois prédicteurs que sont les empans simples, les empans complexes et l’âge expliquent plus de 50% de variance des scores dans les tâches de compréhension et de répétition de phrases complexes.

Reprenant ainsi l’hypothèse développée par Jakubowicz et Tuller (2008), c’est donc parce que les capacités en MT des enfants avec TDL seraient limitées, que leurs performances en syntaxe, notamment dans la compréhension et la production de phrases complexes (vs simples) seraient amoindries. Ces limitations persisteraient avec l’âge, ce qui entraverait leur développement langagier, en particulier le traitement de la syntaxe complexe. La question que nous pouvons alors nous poser est la suivante : pourquoi cette MT des enfants atteints de TDL serait-elle sujette à une maturation moins aboutie que celle des enfants tout-venant ? En d’autres termes, quels processus seraient à l’origine de plus faibles capacités en MT chez les enfants avec TDL par rapport aux enfants au DT ? Pour un premier élément de réponse, nous pouvons mentionner un résultat complémentaire obtenu dans l’étude précédemment citée de Marton et Schwartz (2003). En effet, une seconde épreuve de listening span (rappel des derniers mots d’un set de 5 phrases entendues) a été administrée aux enfants présentant un TDL. Ceux-ci ont non seulement effectué plus d’erreurs que les enfants au DT, mais l’analyse qualitative des erreurs a fait ressortir une majorité d’erreurs d’interférences chez les TDL. Au contraire, les erreurs commises par les enfants au DT étaient majoritairement des omissions. Cette sensibilité accrue aux interférences des enfants avec TDL dans cette épreuve pourrait faire suspecter, au-delà ou même en aval des déficits en MT, de possibles défaillances des capacités attentionnelles et plus particulièrement du contrôle attentionnel.

En lien avec ce questionnement, nous allons dans la section suivante nous intéresser aux autres fonctions exécutives qui, d’après le modèle développemental de Garon et collaborateurs (2008) interagissent avec la MT. Il s’agit des différentes capacités attentionnelles.

1.1.2.3. Les capacités attentionnelles et leur défaillance chez les enfants avec TDL

Dans le modèle intégratif des fonctions exécutives (FE) proposé par Garon et al. (2008) et repris dans les méta-analyses d’Ebert et Kohnert (2011) et Kapa et Plante (2015), l’attention correspond à l’attention sélective soutenue, c’est-à-dire la capacité à maintenir son attention sur une tâche

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spécifique, un stimulus ou un but pendant un certain temps. Elle s’inscrit comme un socle nécessaire dans le développement hiérarchique des composants exécutifs qui lui font suite (cf. Figure 2). Le niveau d’attention soutenue, mesuré par la durée, augmente régulièrement entre 3 et 18 mois (Richards, 2001). Au milieu de la seconde année, le processus est entièrement développé. Ce sont alors les composants attentionnels plus élaborés des fonctions exécutives qui vont se développer jusqu’au milieu de l’adolescence.

Dans une étude comparant chez deux groupes d’enfants d’âge préscolaire (TDL vs DT), les effets du domaine (tâches verbales vs tâches non-verbales), ainsi que les effets des différents composants des FE (attention sélective soutenue, MT, inhibition et flexibilité), Kapa et ses collaborateurs (2017) ont montré que :

1. Les performances des enfants avec TDL étaient significativement inférieures à celles des enfants au DT pour toutes les tâches faisant appel aux quatre composants des fonctions exécutives.

2. Les différences de groupe n’étaient pas plus importantes pour les tâches verbales que non- verbales. Cependant, dans les tâches d’inhibition, les performances des enfants avec TDL étaient inférieures à celles des enfants au DT uniquement pour les tâches verbales.

Cette configuration de résultats suggère bien un déficit général des fonctions exécutives chez les enfants avec TDL. De plus, les auteurs ont mis en évidence un fossé particulièrement important entre les performances des enfants avec TDL et celles des enfants au DT sur la composante purement attentionnelle. Ils ont également fait apparaître des différences de groupe s’élargissant au fur et à mesure de la progression hiérarchique des trois composants des FE, à savoir MT, inhibition puis flexibilité. Ceci pourrait signifier que l’attention sélective soutenue se positionne comme fondement des autres fonctions se développant ultérieurement. Finalement, une autre étude menée par Finneran et al. (2009) auprès de 26 enfants (TDL vs DT) de 5 ans a montré des capacités limitées de l’attention soutenue chez les enfants avec TDL. Dans cette étude, les enfants étaient soumis à des CPT-based tasks (Continuous Performance Tasks) lors desquelles on présente au sujet de manière continue pendant un certain temps des stimuli-cibles et des stimuli-distracteurs. Lorsque le sujet repère un stimulus-cible, il doit appuyer sur une touche et lorsqu’il repère stimulus-distracteur, il doit inhiber toute réponse. Les enfants avec TDL ont produit plus d’erreurs que les enfants du groupe contrôle. Dans les deux groupes, les auteurs ont constaté une baisse de performance liée au temps passée sur la tâche, mais cette baisse s’est avérée plus marquée et plus rapide pour les enfants avec TDL. Ainsi, selon les auteurs, les capacités limitées de l’attention soutenue chez les enfants avec TDL pourraient entraîner des limitations dans le traitement de l’information. Ces limitations dans le traitement de l’information entraîneraient à leur tour des limitations dans les processus d’acquisition du langage.

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En résumé, les enfants avec TDL font preuve de difficultés notoires en syntaxe, et plus particulièrement en syntaxe complexe. Mais, loin de présenter des compétences amoindries circonscrites à la sphère langagière, ils présentent également des difficultés dans la sphère cognitive, et plus précisément dans le domaine des FE. Dans les sections suivantes, nous nous interrogeons sur le rôle que peut jouer l’attention dans les processus de la MT et dans le traitement de la syntaxe complexe.

1.2. Rôle de l’attention dans les processus de la MT et de traitement de la syntaxe complexe

1.2.1 Rôle de l’attention dans les processus de la mémoire de travail

Dans son premier modèle de MT en 1974, Baddeley attribuait déjà une place primordiale à l’attention dans les mécanismes propres au fonctionnement de la MT, et en particulier l’administrateur central (Baddeley & Hitch, 1974). En effet, il a montré que l’impact sur les performances dans des tâches de raisonnement réalisées conjointement à une tâche de mémoire dépend de l’attention portée à telle ou telle tâche. En d’autres termes, si l’on spécifie au sujet de bien retenir la séquence de chiffres présentée (tâche de mémoire, « pre-load memory task »), alors les temps de réalisation de la tâche de raisonnement augmentent. En revanche, si l’on spécifie aux sujets que les deux tâches sont d’importance égale et qu’ils doivent fournir tous les efforts possibles pour les réussir, l’impact de la tâche de mémorisation sur le temps de réalisation de la tâche de raisonnement s’amenuise considérablement. L’explication proposée est la suivante : selon les besoins, qui semblent dicter le focus attentionnel conséquent, l’administrateur central peut dédier une partie de sa capacité à du stockage additionnel d’informations, suppléant ainsi aux capacités de stockage de la boucle phonologique. Ceci suggère déjà une modulation par l’attention des mécanismes de la MT.

Depuis, de nombreux modèles se sont intéressés au rôle joué par l’attention dans les processus de la MT. En particulier, le modèle Time-Based Resource-Sharing (TBRS, Camos & Barrouillet, 2014) stipule également que l’attention n’intervient que dans les mécanismes inhérents à l’exécuteur central, et ce de manière séquentielle, en ne traitant qu’un seul élément à la fois. Ainsi, soit elle réactive un élément stocké (= maintien), soit elle traite un élément, cette dernière action engendrant un effet temporel de déclin des traces mémorielle stockées. Un « switching » permanent et rapide entre maintien et

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traitement au sein de l’exécuteur central a donc lieu2. Par ailleurs, alors que l’exécuteur central requiert le système attentionnel pour un traitement d’informations multimodales, la boucle phonologique, quant à elle, est fondée sur un système non-attentionnel. Elle est uniquement dédiée au maintien à court-terme de l’information verbale sous un code phonologique. Ceci explique les différentes stratégies qui peuvent être utilisées dans les tâches d’empan en fonction des contraintes liées à la tâche : soit le maintien a lieu à travers la récapitulation articulatoire générée par la boucle phonologique qui ne requiert pas l’attention, soit le maintien est effectué via l’exécuteur central par un mécanisme de rafraîchissement de la trace mémorielle qui, lui, sollicite l’attention. Cette dualité et le choix adaptatif de l’une ou l’autre des entités dans la mémorisation d’items expliquent les effets de similarité phonologique (Camos & Barrouillet, 2014). Dans une tâche où l’on demande aux participants de mémoriser et de rappeler une liste de mots, phonologiquement similaires ou dissimilaires, l’effet de similarité phonologique dépend du niveau de ressources attentionnelles requis dans la double tâche. Ainsi, l’effet de similarité phonologique émerge lorsque la double tâche sollicite un niveau d’attention élevé, entraînant ainsi une « saturation » de l’exécuteur central qui délègue alors la fonction de maintien à la boucle phonologique via la récapitulation articulatoire, alors qu’il n’apparaît pas lorsque la double tâche n’exige que peu de ressources attentionnelles, suscitant l’utilisation de l’exécuteur central pour le maintien en mémoire des items. Toutefois, ces résultats ont été retrouvés chez des participants ne présentant pas de troubles phonologiques, chez qui les mécanismes de la boucle phonologique peuvent en effet être « automatisés ». On peut de ce fait s’interroger sur les ressources cognitives nécessaires, et en particulier l’attention, lorsque la boucle phonologique est atteinte et que le processus de récapitulation articulatoire doit pourtant être mis en œuvre. Ainsi, chez les enfants avec TDL présentant des troubles phonologiques, on pourrait supposer que l’utilisation de la boucle phonologique dans la fonction de maintien d’items requiert l’attention parce que les processus de récapitulation articulatoire ne sont pas automatisés. L’attention serait alors moins disponible pour le traitement via l’exécuteur central.

Bertrand et Camos (2014) ont par ailleurs étudié la mise en place du système attentionnel comme support de la mémoire verbale au cours du développement. Ils concluent que les enfants d’âge préscolaire (4-6 ans) présentent des difficultés marquées dans des tâches d’empan simple de MT uniquement s’ils ne sont pas motivés par un but. Autrement dit, c’est leur attention, soutenue par un but, qui leur permet de maintenir en mémoire des informations verbales. En effet, l’attention soutenue, qui évolue jusqu’à l’âge de 14 ans, présente auparavant une stabilité insuffisante, et serait

2 Exemple de switching dans l’épreuve du counting span : le sujet doit constamment switcher entre le comptage des points et l’attention portée à la liste des résultats stockés en mémoire.

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ainsi affectée par des interférences liées au « vagabondage de la pensée3 ». Le système attentionnel agit ainsi comme une « tour de contrôle » de la mémoire de travail (Awh, Vogel & Oh, 2006), en modulant les mécanismes de cette dernière. Premièrement, l’attention sélective externe perceptuelle déclenche le focus sur les stimuli pertinents de l’environnement qui vont être encodés en MT en fonction du but. Deuxièmement, l’attention sélective interne permet de prioriser les représentations en MT afin que celles-ci soient traitées, toujours en fonction du but visé (Gazzaley & Nobre, 2011). La figure 2 illustre ce mécanisme de modulation « top-down » de l’attention sur la MT.

Figure 2. Illustration du mécanisme de modulation top-down de l’attention sur le système de la MT, d’après une synthèse de Baddeley (2003), Gazzaley et Nobre (2012), et Myers, Stokes et Nobre (2017).

Ces deux fonctions attentionnelles (attention sélective externe et attention sélective interne à la MT), bien que différentes, sollicitent des mécanismes neuronaux identiques (Myers & al., 2017). L’effet AB (Attentional Blink paradigm) permet de rendre compte du mécanisme de sélection post- perceptuelle, c’est-à-dire de l’attention sélective interne, au sein même de la MT. Il révèle que deux cibles visuelles (AB) présentées de manière très rapprochée au sujet sont toutes les deux encodées perceptivement, mais seule la première est stockée en MT (pour être ensuite rappelée). En modifiant l’instruction au sujet, avec pour consigne d’ignorer la première cible, l’effet AB disparaît. De la même façon, l’effet « retrocue », qui consiste à présenter un indice rétrospectivement, pendant le temps de rétention de la cible en MT, facilite le processus de détection de la cible car l’indice agit comme un rappel du but. Le système attentionnel permet alors de sélectionner les éléments pertinents à conserver pour être ensuite rappelés (Myers, Stokes & Nobre, 2017).

3 « Mind wandering » dans l’étude de Bertand et Camos (2014)

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On peut dès lors se demander quels mécanismes attentionnels spécifiques font défaut aux enfants avec TDL : s’agit-il plutôt de l’attention sélective externe, ce qui les rendrait ainsi plus sensibles aux interférences (Marton & Schwartz, 2003), ou de l’attention sélective interne, ce qui pourrait entraver la sélection des éléments pertinents encodés en MT dans le traitement syntaxique ? Ces différents mécanismes pourraient en effet expliquer leurs difficultés en syntaxe complexe. Pour cela, nous allons nous intéresser plus précisément dans la section suivante au rôle de l’attention dans le traitement de la syntaxe complexe.

1.2.2 Rôle de l’attention dans le traitement de la syntaxe complexe

L’attention joue un double rôle dans le traitement de la syntaxe complexe puisqu’elle affecte à la fois la compréhension et la production de phrases (Bock, 1982). Prenons l’exemple de la phrase [14]

pour décrire ce qui se passe en compréhension dans le traitement des relatives objets (Finney, Montgomery, Gillam & Evans, 2014) :

[14] Le lion (NP14) que le singe (NP2) a mordu [ ]

Pour traiter cette proposition et parvenir à sa représentation correcte, donc à sa compréhension, le sujet doit tout d’abord maintenir les deux syntagmes nominaux (NP1 + NP2) en MT. Puis, il parvient à la position du complément du verbe laissée vide (le « gap »), puisqu’il y a eu mouvement du complément. Enfin, après traitement du verbe enchâssé, le sujet est capable d’intégrer le NP1 au

« gap » et de correctement interpréter le rôle thématique de chaque NP (NP1 = patient, NP2 = agent).

Selon les auteurs, ce sont les mécanismes attentionnels qui permettraient la sélection du NP correct stocké en MT, suivant un processus d’attention sélective interne. Ce processus serait complété par l’intégration des informations sémantiques et les connaissances du monde à disposition du sujet (Bock, 1982). En production, le fait de porter son attention sur tel ou tel référent dans l’environnement influence la construction de la phrase, par attribution de la fonction sujet au référent focalisé (Myachykov & al., 2017). Plusieurs études (Bock, 1982 ; Tomlin, 1995) ont pu produire des résultats en faveur de cette « Starting Point Theory » grâce à un paradigme d’indiçage visuel. Dans ce protocole expérimental, illustré dans la figure 3 ci-dessous (Tomlin, 1995), soit l’agent, soit le patient de la phrase à produire est indicé. Si l’agent est indicé (flèche jaune dans la figure 3), cela influence le choix de

4 NP = « Noun Phrase » = Syntagme nominal

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l’agent en tant que sujet de la phrase à produire. Le participant produit alors « le poisson blanc mange le poisson gris ». Si au contraire, le patient est indicé (flèche bleu dans le figure 3), le participant aura tendance à utiliser le patient en tant que sujet, et produira une passive « le poisson gris est mangé par le poisson blanc ». Par conséquent, c’est l’élément sur lequel est porté son attention via l’indiçage visuel qui détermine la structure de la phrase (active vs passive) utilisée par le participant.

Figure 3. Illustration du paradigme d’indiçage visuel dans la production de phrase via le protocole expérimental « Red Fish » de Tomlin (1995).

Selon Myachykov et ses collaborateurs (2017), l’attention sélective prédirait donc les choix syntaxiques par la priorité d’attribution du rôle syntaxique au référent indicé. La MT prédirait plutôt l’assemblage syntaxique en favorisant l’accès conceptuel au référent, ce qui par ailleurs faciliterait la dénomination et affecterait la vitesse de production des phrases.

En résumé, que ce soit en compréhension ou en production, l’attention permet à la fois de correctement manipuler les représentations internes stockées en MT et d’intégrer les éléments perceptifs pertinents qui supportent les processus langagiers. Venant ainsi d’appréhender les liens qui existent entre 1) MT et attention, et 2) MT, attention et syntaxe, nous nous demandons de fait si un programme d’entraînement cognitif pourrait favoriser le développement des compétences syntaxiques chez les enfants avec TDL. Quelques études se sont déjà penchées sur les effets que pourrait produire un entraînement cognitif sur les fonctions exécutives et/ ou les compétences langagières, que cet entraînement cible plus particulièrement les processus attentionnels, la MT, ou

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les deux (Delage, Stanford, Piller & Durrleman, soumis ; Ebert & Kohnert, 2011 ; Holmes & al., 2015 ; Majerus, 2016 ; Vugs, Knoors & Cuperus, 2016). C’est ce champ d’investigation que nous allons passer en revue dans la section suivante.

1.3. Effets d’un entraînement des FE sur les compétences langagières

Dans sa revue des programmes proposés pour rééduquer la MT, Majerus (2016) relève principalement des outils de stimulation informatisés de MT, comme Cogmed (Klingberg & al., 2005) ou Jungle Memory (Alloway, Bibile & Lau, 2013), dont l’efficacité s’avère limitée. Selon l’auteur, ces programmes ne prennent pas en considération la complexité des processus à l’œuvre dans les fonctions de la MT. Ces batteries semblent surtout favoriser l’utilisation de stratégies qui restent spécifiques aux tâches entraînées.

Parmi les études qui ont investigué les effets d’un entraînement cognitif sur les compétences langagières, quelques-unes seulement se sont intéressées à une population d’enfants présentant des troubles du langage oral (Ebert & Kohnert, 2009 ; Vugs & al., 2016 ; Delage & al., soumis). Les premières n’ont pu donner que des pistes ou ont conduit à des résultats peu concluants. En effet, Ebert et Kohnert (2009) se sont intéressés à l’entraînement de la mémoire auditive et de la vitesse de traitement chez seulement deux enfants TDL d’âge scolaire : certains progrès ont néanmoins pu être observés dans le domaine langagier, notamment la formulation de phrases et la production de morphèmes grammaticaux. Plus récemment, Ebert et al. (2014) ont montré les effets positifs d’un entraînement cognitif non-linguistique sur certaines tâches de langage par rapport à un entraînement langagier auprès d’une cohorte de 59 enfants bilingues avec TDL d’âge scolaire. Au contraire, les activités proposées dans l’étude de Holmes et al. (2015) étaient surtout axées sur la MT visuo-spatiale, ce qui a donné des résultats peu concluants. Dernièrement, Vugs et al. (2016) ont proposé à 10 enfants avec TDL âgés de 8 à 12 ans un programme d’entraînement réparti sur six semaines et axé sur le travail de la MT visuo-spatiale et des capacités d’inhibition et de flexibilité (shifting), sans toutefois inclure de composante verbale. Les résultats, bien que montrant une augmentation des capacités sus-citées, demeurent également mitigés car aucun impact positif sur la sphère verbale n’a pu être observé. On voit dès lors que ces programmes présentent diverses limitations : les échantillons restent pour la plupart restreints ; les entraînements ciblent soit des capacités générales des FE (comme la vitesse de traitement), soit des capacités en MT non-verbale, ou encore des capacités qui ne mettent pas suffisamment en lien MT verbale ET attention.

En revanche, l’étude de Delage et al. (soumis), prémisse à la nôtre, a permis d’obtenir des résultats très encourageants auprès de 32 enfants avec TDL âgés de 6 à 12 ans. Ces enfants étaient répartis en

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deux groupes. Le premier groupe composé de 16 enfants a suivi un entraînement cible en MT pendant huit semaines. Ce programme, développé pour l’étude, vise à spécifiquement entraîner la boucle phonologique et l’administrateur central de la MT, exploitant les aspects de la MT qui se sont révélés prédictifs des performances en syntaxe complexe, à savoir les empans verbaux simples et complexes.

Le deuxième groupe, également composé de 16 enfants, a suivi un programme d’entraînement alternatif sur les compétences scolaires. Les résultats montrent tout d’abord un effet direct en MT, avec une amélioration significative entre la série de pré-tests et la série de post-tests sur les tâches de MT non directement entraînées chez les enfants avec TDL du groupe expérimental, alors que les enfants du groupe contrôle n’ont pas fait de progrès significatifs. De plus, on observe un effet de transfert avec une amélioration en syntaxe complexe chez les enfants avec TDL ayant suivi le programme d’entraînement cible. Plus précisément, le groupe d’enfants entraînés sur le programme MT montre une amélioration significative entre les pré-tests et les post-tests en répétition de phrases complexes et production de pronoms clitiques objets. Les progrès en compréhension de phrases complexes (version adaptée de l’ECOSSE) ne sont quant à eux pas significatifs. Ces résultats révèlent donc un effet positif de l’entraînement en MT verbale, tant directement sur des tâches de MT qu’en syntaxe expressive, suggérant un lien causal directionnel entre capacités en MT et compétences langagières en syntaxe complexe. Néanmoins, ce protocole ne fournit pas encore d’indication concernant les processus qui pourraient sous-tendre ce lien. Or, nous avons vu précédemment qu’il existait une association marquée entre compétences syntaxiques et mémoire de travail, mais aussi entre compétences syntaxiques et capacités attentionnelles. C’est ce dernier lien encore très peu étudié dans le cadre d’un entraînement des fonctions exécutives que nous souhaitons mettre en avant dans un nouveau protocole d’entraînement. Pour ce faire, nous ré-exploitons l’outil de travail développé par Delage et al. (soumis) en investiguant spécifiquement les liens entre 1) attention et MT et 2) attention et syntaxe chez les enfants avec TDL. Notre objectif vise ainsi à mieux comprendre la possible chaîne de causalité qui s’étend des processus attentionnels à la MT puis au traitement de la syntaxe complexe. La section suivante présente nos hypothèses.

1.4. Hypothèses

Avant de développer nos hypothèses, il est utile de rappeler les éléments principaux que nous avons développés précédemment et qui viennent nourrir notre problématique :

- Les enfants TDL présentent des compétences syntaxiques, des capacités en MT et attention inférieures à celles des enfants DT.

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- Les fonctions exécutives, au sein desquelles attention et MT sont liées par un mécanisme de modulation, sont impliquées dans le traitement de la syntaxe. Toutefois, l’implication des ressources attentionnelles a été moins étudiée que celle des capacités en MT.

- Il a déjà été relevé lors d’une précédente étude (Delage & al., soumis), qu’un entraînement ciblé en MT permet non seulement d’augmenter les capacités en MT, mais également les compétences syntaxiques chez les enfants avec TDL.

Par conséquent, nous nous demandons à présent si les capacités attentionnelles peuvent également être développées par le biais d’un entraînement en MT. Ce dernier, en mobilisant les ressources attentionnelles nécessaires au bon fonctionnement de la MT, permettrait non seulement de favoriser un meilleur déploiement de l’attention, mais contribuerait à optimiser MT et attention au service du traitement syntaxique. Nous traduisons cela au travers des quatre hypothèses suivantes.

1.4.1 Hypothèse préliminaire

La littérature met en évidence des différences entre les enfants avec TDL et les enfants au DT pour ce qui concerne les capacités attentionnelles (Finneran et al., 2009), en MT (Archibald & Gathercole, 2007 ; Bishop, 2006 ; Delage & Frauenfelder, soumis ; Im-Bolter & al., 2006 ; Marton & Schwartz, 2003) et les compétences syntaxiques (Friedman & Novogorodsky, 2004 ; Hamann & al., 2007 ; Montgomery

& Evans, 2009 ; Tuller & al., 2011). Les enfants avec TDL présentent des capacités inférieures à celles des enfants au DT dans ces domaines. Par conséquent, nous nous attendons à ce que les enfants avec TDL aient des performances en attention, en MT et en syntaxe inférieures à celles des enfants au DT.

1.4.2 Hypothèse 1 (H1) – liens entre attention et MT, et entre attention et compétences syntaxiques chez les enfants avec TDL et au DT

H1a : lien entre attention et MT

Différents modèles soulignent le rôle de l’attention dans les mécanismes de la MT (Garon & al., 2008 ; Camos & Barrouillet, 2014). L’impact de l’attention sur les résultats à des tâches de mémorisation a été montré à travers plusieurs études (Bertrand & Camos, 2014 ; Myers & al., 2017).

Nous nous attendons donc à trouver un lien entre les performances en MT et les performances en attention, chez les enfants avec TDL tout comme chez les enfants au DT.

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H1b : lien entre attention et compétences syntaxiques

Plusieurs études (Finneran & al., 2015 ; Kapa & al., 2017) ont montré que les enfants avec TDL avaient des performances inférieures à celles des enfants au DT dans les tâches d’attention, de MT et de syntaxe. Par ailleurs, des auteurs comme Myachykov, Garrod et Sheepers (2009, 2017) ont mis en évidence le rôle de l’attention dans la production syntaxique. Nous souhaitons par conséquent montrer dans notre échantillon qu’il existe un lien entre attention et compétences syntaxiques.

1.4.3 Hypothèse 2 (H2) – effets d’un entraînement en MT sur les capacités en MT et les compétences syntaxiques

H2a : effet direct d’un entraînement en MT sur les capacités en MT

Nous souhaitons répliquer l’effet direct de l’entraînement en MT sur la MT, à savoir montrer que l’entraînement cible permet de directement augmenter les capacités en MT, alors que l’entraînement contrôle ne produit aucun effet sur les capacités en MT. En effet, ceci a déjà été observé dans l’étude de Delage et al. (soumis), et nous nous attendons aux mêmes résultats avec notre nouvelle cohorte d’enfants. Le programme développé par Delage et al. (soumis), contrairement à d’autres programmes dont l’efficacité n’a pas été prouvée (méta-analyse de Majerus, 2016), est fondé sur des construits théoriques précis (Baddeley & Hitch, 1974 ; Camos & Barrouillet, 2014 ; Majerus, 2008). Ainsi, les activités qui en découlent ont été développées en lien avec chaque composant de la MT. Autrement dit, ces activités s’articulent sur le fonctionnement 1) de la boucle phonologique, avec des empans simples intégrant ou pas une composante d’ordre sériel, et 2) de l’administrateur central, avec des empans complexes.

H2b : effet de transfert d’un entraînement en MT sur les compétences syntaxiques

Plusieurs auteurs soulignent le lien entre MT et syntaxe complexe aussi bien chez les enfants au DT (Montgomery & al., 2009 ; Marinis & Saddy, 2013) que chez les enfants avec TDL (Vugs & al., 2016 ; Delage & Frauenfelder, soumis). Des liens prédictifs ont également été établis entre les compétences en MT et en syntaxe complexe chez les enfants avec TDL ainsi que chez les enfants au DT (Frizelle &

Fletcher, 2015 ; Vugs & al., 2016 ; Delage & Frauenfelder, soumis). Plus précisément, les empans complexes semblent être les plus prédictifs des compétences syntaxiques chez les enfants au DT, alors que ce sont les empans simples qui semblent être les plus prédictifs chez les enfants avec TDL. Nous souhaitons ainsi répliquer avec notre échantillon un effet indirect de transfert des capacités

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augmentées en MT sur les compétences syntaxiques, comme cela a déjà été obtenu dans l’étude de Delage et al. (soumis) auprès de 32 enfants.

1.4.4 Hypothèse 3 (H3) – interaction entre MT et attention : effet d’un entraînement en MT sur les capacités attentionnelles

H3a : effet de médiatisation d’un entraînement en MT sur les capacités attentionnelles Selon le modèle de Garon et al. (2008), les composants des fonctions exécutives que sont l’attention et la MT se développeraient de manière hiérarchique : l’attention sélective soutenue constituerait le fondement au développement ultérieur de tous les autres composants : MT, puis inhibition et flexibilité attentionnelle. De nombreuses études ont également démontré que les performances des enfants avec TDL dans des tâches d’attention sélective sont inférieures à celles des enfants au DT (Ebert & Kohnert, 2011). Par ailleurs, l’écart se creuse encore entre enfants avec TDL et enfants au DT lorsqu’on progresse dans la hiérarchie des composants exécutifs, à savoir l’inhibition et le contrôle attentionnel (Kapa & al., 2017). La MT serait ainsi sous-tendue par les capacités attentionnelles. Nous postulons donc un effet direct de l’entraînement en MT sur les performances dans les tâches d’attention, en particulier celle de flexibilité attentionnelle.

H3b : le niveau d’attention influencerait la taille d’effet de l’entraînement en MT sur les compétences syntaxiques

Découlant des liens que nous souhaiterions observer entre 1) attention et MT et 2) attention et syntaxe, nous postulons que les compétences en syntaxe sont médiatisées par l’attention. L’attention expliquerait ainsi le processus sous-jacent à la relation entre MT et syntaxe. Par conséquent, l’effet d’un entraînement en MT sur les compétences syntaxiques dépendrait du niveau initial d’attention de chaque enfant, que ce soit pour les enfants au DT ou pour les enfants avec TDL.

(28)

2. METHODOLOGIE 2.1 Population

2.1.1 Composition de l’échantillon et répartition des groupes

Notre échantillon se compose de 22 enfants, 10 filles et 12 garçons, âgés entre 5;1 et 12;2 ans (M = 8,2 ; ET = 2,0). Cet échantillon se subdivise en deux groupes. Le premier groupe est constitué de 13 enfants avec TDL, âgés de 6;9 à 12;2 ans (M = 9,0 ; ET = 1,8), le deuxième groupe est constitué de 9 enfants au développement typique (DT) âgés de 5;1 à 10;7 ans (M = 7,0 ; ET = 1,7). L’âge des enfants DT est en effet un peu inférieur à celui des enfants avec TDL afin d’éviter un effet plafond en pré et post-tests qui pourrait masquer l’effet de l’entraînement. Pour chaque sous-échantillon, TDL et DT, nous avons constitué deux sous-groupes : un sous-groupe a suivi un entraînement cible en MT (n=13) et l’autre sous-groupe a suivi un entraînement contrôle, s’appuyant sur les compétences scolaires dans diverses matières (n=9). Cet entraînement contrôle était nécessaire pour s’assurer des effets spécifiques du contenu de l’entraînement cible. La répartition des groupes est détaillée dans le tableau ci-dessous.

Tableau I

Répartition de notre échantillon de 22 enfants selon le groupe, le sexe et le type d’entraînement

2.1.2 Procédure de recrutement

Afin de recruter les participants à notre étude, nous avons tout d’abord activé notre réseau de connaissances personnelles. Ceci nous a principalement permis de recruter les enfants au DT. Pour constituer le groupe clinique avec des enfants atteints de TDL, nous avons contacté un grand nombre de logopédistes sur les cantons de Genève et de Vaud, ainsi qu’en France voisine. Tout d’abord, nous leur avons laissé un message téléphonique ou envoyé un courriel présentant succinctement notre projet de recherche. Puis, nous avons présenté les détails du projet à ceux et celles qui étaient intéressés. A ce stade, nous avons obtenu un grand nombre de refus, les logopédistes étant

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surchargé(e)s de demandes. Nous avons alors plus particulièrement ciblé les logopédistes qui étaient en contact avec l’université de Genève, à travers les séminaires ou cours qu’ils y dispensent. Le fait de pouvoir rencontrer ces logopédistes dans le cadre de l’université et de leur parler du projet en face en face a finalement été la démarche la plus fructueuse. Par ailleurs, nous avons posté une annonce sur la page Facebook « Dys à tous Suisse ». Certains parents nous ont ainsi recontactés pro-activement afin d’obtenir des informations plus détaillées sur notre projet. Cela nous a permis de recruter un enfant avec TDL dans le canton du Valais.

Le comité d’éthique de la Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Éducation de l’Université de Genève a approuvé notre protocole de recherche et tous les parents ont signé un formulaire de consentement pour la participation de leur enfant. Ce formulaire de consentement expliquait de manière détaillée le projet (cf. Annexe III).

2.1.3 Critères d’inclusion et d’exclusion

Nous avons défini trois types de critères pour sélectionner les participants à notre étude : des critères 1) d’exclusion concernant tous les participants, 2) d’inclusion spécifiques pour le groupe d’enfants avec TDL et 3) d’inclusion spécifiques pour les enfants au DT.

1) Critères d’exclusion pour tous les participants :

Si les caractéristiques des enfants ne respectent pas ces critères, ceux-ci ne peuvent pas participer à notre étude. Nous avons quatre critères d’exclusion pour tous les participants : premièrement, nous avons exclu tous les enfants présentant un bilinguisme séquentiel. Tous les participants sont francophones même s’ils peuvent être bilingues ou plurilingues. Ce critère de sélection nous assure que les troubles de langage des enfants ne sont pas confondus avec d’éventuelles difficultés d’acquisition du français en tant que L2. Dans notre échantillon, nous avons pourtant des enfants bilingues (français/ albanais par exemple), voire même trilingues (comme français/ singalais/ anglais), mais tous ont été exposés au français avant l’âge de trois ans. Deuxièmement, tous les participants présentent un niveau de raisonnement non-verbal dans la norme. Afin de déterminer le niveau de raisonnement verbal de nos participants, nous avons utilisé le test standardisé des Matrices de Raven (Raven, Court & Raven, 1998). Les participants à notre étude ont tous obtenus un score supérieur au percentile 10. Troisièmement, nous avons exclu les enfants présentant un handicap surajouté, comme par exemple une déficience sensorielle ou visuelle, un trouble attentionnel important, un trouble massif du comportement… Enfin, nous avons exclu les enfants avec des parents peu motivés et qui ne voulaient pas s’investir pour accompagner leur enfant dans le programme d’entraînement.

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