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Entraînement de la mémoire de travail chez l'enfant avec TSA : quel impact sur la syntaxe ?

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Academic year: 2022

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Entraînement de la mémoire de travail chez l'enfant avec TSA : quel impact sur la syntaxe ?

DELAGE, Hélène, STANFORD, Emily Nicole, DURRLEMANN, Stéphanie

DELAGE, Hélène, STANFORD, Emily Nicole, DURRLEMANN, Stéphanie. Entraînement de la mémoire de travail chez l'enfant avec TSA : quel impact sur la syntaxe ? In: Topouzkhanian, S.

& Hilaire-Debove, G. XIXèmes Rencontres internationales d'orthophonie : troubles du spectre de l'autisme : recherche et orthophonie. Isbergues : Ortho, 2019. p. 383-409

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:154026

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

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cOrrespOnDance : Hélène Delage

faculté De psycHOlOgieetDes sciencesDel’éDucatiOn, université De genève, 28 bOulevarDDu pOnt D’arve, 1211 genève 4 – suisse

helene.delage@unige.ch

Entraînement de la mémoire de travail chez l’enfant avec TSA : Quel impact sur la syntaxe ?

Résumé

Les enfants avec un trouble du spectre de l’autisme (TSA) présentent, en plus de leurs déficits persistants de la communication et des interactions sociales, des faiblesses en syntaxe complexe (Durrleman et al., 2016 ; Tuller et al., 2017) et en mémoire de travail (MdT) (Alloway et al., 2009 ; Habib et al., 2019). Certaines preuves empiriques suggèrent que ces deux déficits sont étroitement liés (Schuh & Eigsti, 2012 ; Durrleman & Delage, 2016). Nous

chapitre

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avons précédemment étudié les effets d’un entraînement de la MdT sur les capacités syntaxiques d’enfants présentant un trouble développemental du langage (TDL). Le programme d’entraînement utilisé (« Magic Memory ») avait été développé par notre équipe et comprend 12 heures d’entraînement effectif de la MdT, réparties sur 8 semaines. Cet entraînement, proposé sur iPad, cible les empans simples (=nécessitant un stockage et un rappel des informations) et complexes (=nécessitant un traitement supplémentaire des informations stockées). Les résultats ont montré un effet positif de ce programme sur les performances en mémoire de travail et en syntaxe expressive de 32 enfants avec TDL, comparés à 20 enfants TDL ayant bénéficié d’un entraînement alternatif (Delage et al., soumis).

Pour la présente étude, nous avons proposé cet entraînement à 32 enfants et adolescents avec TSA âgés de 6 à 14 ans ; à notre connaissance, un tel entraînement n’a jamais été réalisé pour ce groupe clinique dans le but d’améliorer le langage. Les résultats préliminaires, obtenus sur un sous-groupe de 16 participants, mettent en évidence un effet direct de l’entraînement sur des tâches de MdT non-entraînées ainsi que des effets de transfert sur les capacités des participants en vitesse de traitement et en syntaxe expressive/réceptive.

Si ces résultats se confirment sur la cohorte totale des participants, la suite logique serait une transposition à la pratique orthophonique.

Mémoire de travail (MdT), Trouble du Spectre de l’Autisme (TSA), syntaxe, entraînement.

Working memory training in children with ASD:

Which impact on syntax?

Abstract

Children with Autism Spectrum Disorders (ASD) have, in addition to persistent deficits in communication and social interaction, have been reported to present weaknesses in complex syntax (Durrleman et al., 2016; Tuller et al., 2017) and working memory (WM) (Alloway et al., 2009; Habib et al., 2019).

Some empirical evidence suggests that these two deficits are closely related (Schuh & Eigsti, 2012; Durrleman & Delage, 2016). In previous work, we have studied the effects of WM training on the syntactic abilities of 32 children with another condition: Developmental Language Disorder (DLD). We administered

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training via our novel iPad program: “Magic Memory”, which targets simple (=requiring storage and recall of information) and complex (=requiring additional processing of stored information) spans. Participants benefitted from this training to significantly improve on both WM and expressive syntax, in contrast to 20 children with DLD who received alternative training who did not (Delage et al., submitted). Pursuing our investigation of the effects of Magic Memory on syntax, we turn our attention here to children with ASD, to whom a WM program has scarcely been proposed, and never in the aim of yielding linguistic gains.

For the current study, we recruited 32 children and adolescents on the autistic spectrum, aged 6 to 14 years, and enrolled them in 12 hours of WM training spread over 8 weeks. Sixteen children have completed training to date, and thus we report preliminary findings for this subgroup. Results show a direct effect of the training on untrained WM tasks as well as transfer effects on the parti- cipants’ abilities in processing speed and expressive/receptive syntax. If results from the total cohort of participants confirm these effects, the logical next step would be a transposition into speech-language pathology practice.

Working memory (WM), Autism Spectrum Disorder (ASD), syntax, training.

I – Arrière-plan théorique

A – Trouble du spectre autistique (TSA)

Le Trouble du Spectre Autistique (TSA) est caractérisé par des déficits persistants de la communication sociale et des interactions sociales ainsi que par des patrons de comportements, d’intérêts et d’activités restreints et répétitifs (DSM V, APA, 2013) ; il affecterait 6 à 7 enfants pour mille (Fombonne, 2009). Les performances langagières des enfants avec TSA sont très variables, allant d’une absence totale de langage à un langage fluent (Eigsti et al., 2011 ; Wan et al., 2011 ; Lim, 2018). Les enfants avec TSA peuvent présenter une déficience intellectuelle dans 30 à 50 % des cas (Centers for Disease Control and Prevention, 2016) mais contrairement à ce que l’on pourrait penser, leurs performances langagières ne sont pas nécessairement dépendantes de leur

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niveau de QI (Kjelgaard & Tager-Flusberg, 2001 ; Durrleman &

Delage, 2016). Ainsi, des enfants avec un QI faible peuvent présenter des habiletés langagières dans la norme tandis que d’autres auront un langage déficitaire avec un QI non-verbal normal, comme cela se retrouve chez les enfants présentant un trouble développemental du langage (TDL). Il existe un consensus sur la très forte présence de troubles pragmatiques dans cette population (Tager-Flusberg, 1996) mais des troubles dans les autres niveaux de langage ont aussi été identifiés, comme des déficits phonologiques (Wolk et al., 2016), lexicaux (Kjelgaard & Tager-Flusberg, 2001) mais surtout morphosyntaxiques (Brynskov et al., 2017 ; Oi, 2008, 2010 ; Riches et al. 2010 ; Zebib et al., 2013 ; Terzi et al., 2014 ; Durrleman &

Delage, 2016 ; Durrleman, Marinis & Franck, 2016 ; Tuller et al., 2017 ; Silleresi et al., 2018). Ainsi, sur des tâches verbales, un sous- groupe composé de 60 à 70 % des enfants avec TSA présente des résultats similaires à ceux observés chez les enfants avec TDL, que ce soit en lexique (Kjelgaard & Tager-Flusberg, 2001), en phonologie (Zebib et al., 2013) ou en morphosyntaxe (Durrleman &

Delage, 2016 ; Silleresi et al., 2018).

En ce qui concerne les performances en MdT verbale de ces enfants, des déficits ont été retrouvés dans certaines études sur les empans simples, ne nécessitant que le maintien des informations, comme sur les empans complexes qui ajoutent au stockage une composante de traitement (Bennetto et al., 1996 ; Joseph et al., 2005 ; Gabig, 2008 ; Alloway et al., 2009; Eigsti, 2009; Williams et al., 2006 ; Schuh & Eigsti, 2012 ; Alloway et al., 2016). Il existe pourtant des résultats contradictoires montrant une MdT parfois préservée dans cette population (Alloway, 2018). Cependant, la méta-analyse conduite par Habib et ses collaborateurs (2019) sur 34 études réalisées auprès d’enfants et d’adultes avec TSA confirme les déficits de cette population, tant en MDT verbale qu’en MdT visuo-spatiale. L’âge des participants ainsi que leur niveau de QI n’expliquaient pas les différences observées en MdT. Une autre méta-analyse publiée par Wang et ses collaborateurs en 2017 parvenait aux mêmes conclusions, soulignant que le déficit touche autant les empans simples que les empans complexes.

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L’observation selon laquelle les enfants avec TSA les plus en difficulté aux tâches linguistiques sont aussi ceux qui ont davantage de difficultés en mémoire de travail phonologique (évaluée par une tâche de répétitions de non-mots) suggère un lien entre MdT et habiletés langagières (Kjelgaard & Tager- Flusberg, 2001). Dans l’étude de Hill et ses collaborateurs (2015) qui a distingué les enfants TSA avec et sans troubles langagiers associés, les enfants du premier groupe avaient des déficits en MdT plus sévères que les enfants du second. Dans notre propre étude (Durrleman & Delage, 2016), nous avons évalué les performances de 21 participants avec TSA âgés de 5 à 16 ans et de 22 enfants TDL de même âge sur des mesures standardisées de grammaire (BILO 3C, Khomsi et al., 2007), sur la production des pronoms personnels et sur des mesures de MdT (empans de chiffres endroit et envers, épreuves issues de la WISC IV, Weschler, 2005). Les deux groupes cliniques ont obtenu des scores déficitaires en MdT, scores qui corrélaient avec leurs difficultés à produire le pronom clitique objet 3ème personne (ex : il le lave), item considéré comme marqueur de troubles du langage, quelle que soit la source de la pathologie (Tuller et al., 2011). À l’inverse, le niveau de raisonnement non- verbal ne corrélait avec aucune mesure de syntaxe. Toujours chez les enfants TSA, Schuh et Eigsti (2012) avaient déjà démontré la présence d’une relation forte entre MdT phonologique (testée via la répétition de non-mots) et performances syntaxiques.

B – Mémoire de travail (MdT)

Baddeley (2003) définit la MdT comme un système de maintien temporaire et de manipulation de l’information nécessaire à la réalisation de tâches cognitives complexes liées à l’apprentissage, au raisonnement et à la compréhension du langage. Même s’il reste discuté, le modèle tripartite princeps de la MdT de Baddeley, à composants multiples, reste le modèle le plus influent en psycholinguistique. Ce modèle intègre un système de contrôle attentionnel, l’administrateur central et deux sous-systèmes esclaves : la boucle phonologique qui stocke et manipule les informations acoustiques et verbales et le calepin visuo-spatial qui stocke et manipule les informations visuelles et spatiales.

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En 2000, Baddeley ajoute une quatrième composante au modèle : le buffer épisodique qui fonctionne comme une interface entre le travail des deux systèmes esclaves et l’activation des informations contenues en mémoire à long terme ; il est également contrôlé par l’administrateur central qui récupère des informations au sein de ce buffer (cf. figure 1).

Figure 1. Modèle de la mémoire de travail à composants multiples (Baddeley, 2000)

La capacité de la boucle phonologique est évaluée par des tâches d’empans simples sur du matériel verbal (Barrouillet & Camos, 2007). Ces tâches requièrent un simple maintien de l’information verbale (empan de chiffres endroit, empan de mots et de non- mots). La répétition de non-mots est l’une des tâches les plus fréquemment utilisées en clinique comme en recherche, elle est d’ailleurs considérée comme l’une des mesures les plus pures de la boucle phonologique (Hansson et al., 2007). Au sein de ces empans simples, Majerus et al. (2006) distinguent la mémoire « item », c’est-à-dire le stockage des items lexicaux présentés au sujet, et la mémoire sérielle qui correspond à l’ordre dans lequel les items sont présentés. Les capacités de l’administrateur central associé à l’un des deux systèmes esclaves sont mesurées avec des tâches d’empans complexes requérant en plus du stockage de l’information une activité concurrente telle que lire des phrases, dénombrer des collections ou bien encore résoudre des opérations (Barrouillet &

Camos, 2007). Rentrent dans cette catégorie l’empan de chiffres envers (ou « à rebours »), les tâches de listening span ou bien encore celles de counting span.

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En ce qui concerne les liens existant entre la MdT et les capacités langagières, de nombreuses études postulent un lien direct avec l’acquisition lexicale (voir Majerus et al., 2006 ; Leclercq &

Majerus, 2010) mais aussi avec le développement de la syntaxe.

Ainsi, Adams & Gathercole (2000) et Willis & Gathercole (2001) indiquent que les enfants âgés de 3-5 ans présentant des capacités plus faibles au niveau de la boucle phonologique (testée avec les empans simples de répétition de chiffres endroit et de répétition de non-mots) produisent significativement moins de phrases complexes correctes comparativement aux enfants présentant de meilleures performances aux empans simples. Dispaldro et al.

(2011) ont également accordé aux tâches de répétition de mots un statut de prédicteur robuste des habiletés grammaticales des enfants de 3-4 ans, particulièrement pour les marqueurs cliniques du TDL comme la maîtrise des pronoms personnels (=clitiques) objets. Les résultats obtenus par Engel de Abreu et al. (2011) nous intéressent tout particulièrement car ces auteurs ont comparé le rôle des empans simples et celui des empans complexes sur les performances langagières d’enfants âgés de 5 ans. Ils observent qu’alors que les empans simples (testés par des épreuves d’empan de chiffres endroit et de répétition de non-mots) sont davantage liés aux capacités lexicales des enfants, ce sont les empans complexes (évalués par l’empan de chiffres envers et le counting span) qui sont le plus étroitement reliés à la compréhension de la syntaxe.

En syntaxe justement, Montgomery et ses collègues (2008) ont également comparé le rôle des empans simples (évalués via une épreuve de répétition de pseudo-mots) et celui des empans complexes (évalués via une tâche de listening span) sur les performances en compréhension de phrases complexes chez des enfants de 6 à 12 ans. Les analyses corrélationnelles indiquent qu’il y a un lien spécifique entre la compréhension de phrases complexes et les empans complexes. Une analyse de régression montre même que ces empans expliquent 30 % de la variance des scores obtenus en compréhension syntaxique, résultat qui n’est pas retrouvé pour les empans simples. Dans nos précédentes études (Delage & Frauenfelder, 2019, sous presse), nous avons évalué les performances en syntaxe et en MdT de 28 enfants avec TDL (5-

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14 ans) et de 48 enfants tout-venant de même âge, tous francophones monolingues. Nous avons appréhendé les compétences de la boucle phonologique via des épreuves d’empans simples (empan de chiffres endroit, mémoire sérielle et répétition de non-mots) et la mémoire de travail verbale via des tâches d’empans complexes (empan de chiffres envers, counting span, running span). Ces tâches étant les mêmes que celles utilisées dans la présente étude, elles sont présentées en détail dans la section ‘Méthodologie’.

Les habiletés syntaxiques des enfants ont été évaluées en compréhension et en répétition d’énoncés complexes, de même qu’en langage spontané afin de récolter des données naturelles sur l’utilisation de la syntaxe complexe. La syntaxe complexe se définit comme une structure de phrase élaborée, impliquant un certain nombre d’opérations syntaxiques dans sa dérivation : les déplacements qui bouleversent l’ordre canonique (Sujet-Verbe- Objet) et les enchâssements qui, en assemblant plusieurs éléments du lexique, font apparaître une proposition à l’intérieur d’une autre.

Nos résultats confirment une amélioration, avec l’âge, des performances en MdT et en syntaxe complexe. De plus, les résultats du groupe avec TDL diffèrent significativement de ceux du groupe contrôle pour toutes les épreuves de MdT et de syntaxe complexe.

Enfin nous avons mis en évidence un lien étroit entre la MdT et la complexité syntaxique, et ce, alors même que le niveau d’intelligence non-verbale avait été neutralisé. Plus précisément, nous avons mis en évidence, chez les enfants avec TDL, une relation prédictive forte entre la composante sérielle de la mémoire à court terme et les capacités syntaxiques. Chez les enfants contrôles, l’implication des empans complexes (avec notamment le counting span et le running span) apparaissait plus forte que celle des empans simples pour expliquer la variance de leurs résultats en syntaxe complexe.

Les implications cliniques de ces résultats visent justement la mise en place d’une nouvelle étude évaluant les effets spécifiques de l’entraînement des capacités de MdT. En effet, si les limitations en MdT observées chez les enfants avec TDL prédisent effectivement leurs capacités (déficitaires) en syntaxe complexe, alors un entraînement de la MdT dans cette population paraît tout indiqué.

Dans une étude ultérieure (Stanford et al., 2019 ; Delage et al., soumis), nous avons justement proposé un entraînement de la MdT

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à des populations d’enfants tout-venant et présentant un TDL âgés de 6 à 12 ans. Les résultats montrent dans les deux groupes une amélioration significative des performances en MdT, tant pour les empans simples que pour les empans complexes. Cette progression n’est pas retrouvée dans les populations contrôles (également constituées d’enfants tout-venant et TDL) qui ont suivi un entraînement alternatif, basé sur les compétences scolaires. En plus de ces effets directs liés à l’entraînement, nous avons également mis en évidence, dans le groupe constitué d’une trentaine d’enfants TDL, une amélioration significative dans la capacité à produire les pronoms objets et à répéter des subordonnées relatives, ce qui constitue des effets de transfert de l’entraînement cognitif vers le domaine langagier.

II – Méthodologie

A – Problématique

Les différentes données empiriques présentées en introduction, et notamment l’étude d’entraînement déjà réalisée chez les enfants avec TDL, laissent supposer qu’un entraînement spécifique en MdT pourrait avoir un effet positif sur la maîtrise de la syntaxe complexe chez les enfants avec TSA. En effet, il a été montré que cette population rencontre, comme c’est le cas des enfants TDL, des déficits en MdT et en syntaxe complexe et que ces deux composantes semblent liées. À notre connaissance, aucune étude d’entraînement de la MdT n’a encore ciblé la population avec TSA. Aujourd’hui, nous proposons donc d’étendre l’étude d’entraînement déjà réalisée avec les enfants TDL auprès d’une population d’enfants présentant un TSA. Pour ce faire, nous proposons d’utiliser un programme d’entraînement spécifique, baptisé Magic Memory, que nous avons élaboré sur la base de nos précédents résultats. Ainsi, comme la mémoire sérielle et les empans complexes apparaissaient comme les prédicteurs les plus forts des performances en syntaxe complexe chez les enfants tout-venant et TDL, nous avons focalisé notre programme d’entraînement sur ces aspects. Nous nous attendons à des résultats similaires à ceux déjà obtenus chez les enfants

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avec TDL, à savoir 1) une progression significative dans les scores obtenus en mémoire de travail (effets directs) suite à l’entraînement, 2) des effets plus distants consistant en une amélioration des performances en syntaxe complexe (effets de transfert).

Nous avons également inclus des mesures attentionnelles. Bien que la MdT et le système attentionnel soient deux structures cognitives distinctes, ils sont néanmoins étroitement liés. Une composante attentionnelle est en effet incluse dans de nombreux modèles de MdT (Barrouillet et al., 2004 ; Baddeley, 2003 ; Cowan, 1999). De plus, les enfants avec TSA sont connus pour rencontrer des difficultés en attention sélective (Burak, 1994 ; Remington et al., 2009). La littérature sur la relation entre l’attention et la syntaxe est assez pauvre, et encore plus dans le contexte d’un TSA.

Ainsi, nous analyserons les effets potentiels de transfert qu’un entraînement de MdT peut avoir sur le système attentionnel.

B – Méthodologie générale

Pour tous les participants TSA entraînés, la structure globale est identique. Une ligne de base est tout d’abord établie et correspond aux pré-tests (passés en 1 à 2 séances pour un total d’1h30). Il s’agit d’une série de tests/questionnaires qui évaluent les capacités en mémoire (verbale, chiffres etc.) et en syntaxe (expression, compréhension et répétition). Ces tests sont de nouveau présentés après l’entraînement, avec exactement les mêmes structures mais des items différents, appariés en fréquence, longueur et complexité, afin d’éviter un effet d’apprentissage. Ces deux mesures permettent d’objectiver une éventuelle progression, et ainsi d’évaluer les effets de l’entraînement. Les séances d’entraînement sont effectuées pendant 8 semaines, sous forme intensive, à raison de 3 séances de 30 minutes hebdomadaires sur une durée totale de 8 semaines, portant la durée totale à 12 heures de stimulations. L’entraînement cible vise la MdT dans ses aspects « empans simples » et « empans complexes ». Enfin, des post-tests différés à trois mois sont planifiés pour apprécier la stabilité des effets observés à plus long terme.

C – Population

L’entraînement cible des enfants avec TSA âgés de 6 à 14 ans, tranche d’âge pour laquelle il a été montré une relation prédictive

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entre MdT et syntaxe chez les enfants avec TDL (Delage &

Frauenfelder, sous presse). Les critères d’inclusion sont la pose officielle d’un diagnostic de TSA, en accord avec la classification du DSM V, et l’obtention de scores faibles (≤ -1 écart-type) à des tests standardisés de syntaxe et de mémoire de travail (pour la syntaxe : BILO 3C, Khomsi et al., 2007 ; pour la mémoire de travail : Evaluation de la MdT, Boutard & Gatignol, 2015).

Trente-deux enfants et adolescents avec TSA ont été recrutés pour l’étude. Ces enfants sont tous francophones natifs et âgés de 6 à 14 ans (M. = 8;10, ET = 1;11 ; 30 garçons, 2 filles). Ils ont été recrutés dans les régions de Genève et Paris, via des orthophonistes libérales et des centres spécialisés dans la prise en charge d’enfants présentant des troubles neuro-développementaux. Leur niveau de raisonnement non-verbal a été évalué grâce aux matrices progressives de Raven (Raven et al., 1998). Neuf enfants ont été inclus dans l’étude malgré un score faible (< centile 10) car le retard intellectuel est tout à fait courant chez les enfants avec TSA et ces participants présentaient un niveau d’attention et de compréhension suffisant pour entrer dans l’étude. Six enfants rencontraient par ailleurs une situation de bilinguisme et deux avaient également un diagnostic de TDAH (Trouble du Déficit de l’Attention avec/ou sans Hyperactivité).

Tous les parents ont reçu une information détaillée sur le projet et ont signé un formulaire de consentement pour la participation de leur enfant. Le comité d’éthique de la Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Éducation de l’Université de Genève ainsi que la Commission Cantonale d’Éthique de la Recherche ont approuvé notre projet.

D – Description des tâches de pré- et post-tests

Les évaluations initiales et finales portent sur des tâches de MdT (empans simples et complexes), pour la plupart identiques à celles utilisées dans notre étude précédente (Delage & Frauenfelder, 2019, sous presse) qui avait démontré la présence d’une relation prédictive entre MdT et syntaxe chez les enfants contrôles et TDL. Ces mesures permettront d’évaluer les effets directs de l’entraînement. Afin d’identifier des effets de transfert de

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l’entraînement cognitif aux versants attentionnel et langagier, nous avons également évalué les capacités attentionnelles et la syntaxe complexe selon des modalités différentes (compréhension, répétition et production spontanée d’énoncés complexes).

Pour la MdT, les tâches d’empans simples sont les suivantes : - Empan de chiffres endroit (WISC IV, Weschler, 2005).

- Empan de mots : la course des animaux (Majerus et al., 2006 ; Majerus, 2008). Majerus et al. (2006) distinguent au sein de la boucle phonologique la mémoire « item », c’est-à-dire le stockage des items lexicaux présentés au sujet, et la mémoire sérielle qui correspond à l’ordre dans lequel les items sont présentés.

Ainsi, dans la tâche que nous utilisons, les enfants n’ont pas à mémoriser les noms des animaux en eux-mêmes, mais uniquement leur ordre de présentation dans la liste entendue.

Cette tâche de mémoire sérielle consiste à écouter une énumération d’animaux ayant participé à une course puis à replacer les images représentant ces animaux sur un podium, du premier arrivé au dernier.

- Répétition de non-mots (BELEC, Mousty et al., 1994). Cette tâche est constituée de logatomes de longueur et de complexité phonologique croissantes (structures Consonne-Voyelle et Consonne-Voyelle-Consonne, d’une à cinq syllabes, ex : moga, juséga, kragrinblan, panilèfévu, praublifrouklébro).

Deux tâches d’empans complexes font ensuite intervenir un double traitement :

- Empan de chiffres envers (WISC IV, Weschler, 2005).

- Counting span (empan de comptage, Case et al., 1982). Dans cette tâche, on présente à l’enfant un classeur dans lequel chaque page comporte un nombre différent de points rouges et bleus. L’enfant doit compter sur chaque page le nombre de points rouges, puis, après n pages (chiffre qui augmente progressivement), il doit rappeler le chiffre retenu pour chaque page dans l’ordre de présentation.

Les capacités attentionnelles sont évaluées au travers de deux tâches :

- Recherche dans le ciel (TEA-Ch, Manly et al., 2006). Dans ce test d’attention sélective visuelle, l’enfant doit trouver le plus

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possible de vaisseaux spatiaux « cibles » (paires de vaisseaux spatiaux identiques) sur une planche remplie de vaisseaux spatiaux distracteurs. Le nombre de cibles identifiées ainsi que le temps mis pour effectuer la tâche sont les deux mesures retenues.

- Mondes contraires (TEA-Ch, Manly et al., 2006). Dans ce test de contrôle attentionnel/flexibilité, l’enfant fait face à deux conditions : le Monde à l’endroit et le Monde à l’envers. Dans la condition Monde à l’endroit, l’enfant doit nommer normalement les chiffres « 1 » ou « 2 » tels qu’ils se succèdent sur un parcours donné. Dans la condition Monde à l’envers, l’enfant doit dire le contraire de ce qu’il voit, c’est-à-dire « 1 » quand apparaît le chiffre « 2 » et « 2 » quand apparaît le chiffre « 1 ». On obtient deux mesures pour ce test : une note de temps pour la condition Monde à l’endroit et une pour Monde à l’envers.

La syntaxe est évaluée en répétition, compréhension et production de phrases complexes dans quatre contextes différents :

- Répétition de phrases complexes (Delage & Frauenfelder, 2019).

L’enfant doit répéter des énoncés dans lesquels la complexité des structures syntaxiques varie, impliquant des subordonnées relatives. L’énoncé répété est considéré comme correct si la structure visée est produite (ex : une relative objet avec inversion sujet-verbe : que promène la fille) avec le degré d’enchâssement attendu (ici, un niveau 3 : Je crois [qu’il dit [que l’ours mord le chien [que promène la fille]]]). Deux facteurs de complexité ont été manipulés dans cette épreuve : le nombre de déplacements syntaxiques ainsi que le nombre d’enchâssements. L’épreuve est constituée de 8 phrases contrôles (sans enchâssement) et de 15 phrases complexes, toutes de longueur égale (14 syllabes par phrase). Des exemples de phrases complexes sont présentés dans le tableau 1.

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Tableau 1. Structure des phrases complexes dans l’épreuve de répétition de phrases.

Subordonnées relatives variant en termes de nombre de déplacements

+ COMPLEXE

Relative sujet (SVO) La maîtresse voit le garçon [qui lit un livre sur Noël].

Relative objet (OSV) La dame regarde le garçon [qu’elle a invité chez elle].

Relative objet avec inversion

(OVS) Le papa cherche la grande fille [que préfèrent tous les garçons].

Subordonnées relatives variant en termes de nombre d’enchâssements

+ COMPLEXE

1 enchâssement La maîtresse voit le garçon [qui lit un livre sur Noël].

2 enchâssements Je crois [que la fille préfère le chien [qu’elle a colorié]].

3 enchâssements Il pense [qu’elle dit [que le garçon déteste la fille [qui pleure]]].

- Production de questions racines (Jakubowicz, 2005). Dans cette tâche, l’expérimentateur montre à l’enfant une image qui présente un personnage faisant une action et une partie cachée.

Il est demandé à l’enfant de poser une question au personnage au sujet de la partie cachée (par exemple : « Regarde, il y a un lapin qui pousse quelqu’un, mais on ne sait pas qui. Demande- lui ! »). On attend la production d’une question sujet ou objet du type « qui pousses-tu ? » ou, pour des formes moins complexes au niveau grammatical « qui tu pousses ? »/« tu pousses qui ? ».

- Production de pronoms clitiques (Tuller et al., 2011). Face à des images présentées sur ordinateur, l’expérimentateur pose une question à l’enfant (ex : que fait le docteur avec le garçon ?) qui y répond par une réponse courte contenant un pronom personnel COD (ex : il le pèse). Ces pronoms sont connus pour être particulièrement complexes et affectés par un trouble du langage oral (Parisse & Maillart, 2004 ; Tuller et al., 2011) - Compréhension de phrases complexes ciblées (Delage, version

expérimentale). Pour cette épreuve que nous avons créée, l’enfant

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doit également désigner l’image correspondant à un énoncé entendu parmi quatre possibilités. Le degré d’enchâssement des phrases est manipulé, allant des phrases les plus simples, sans enchâssement (ex : Le bébé tire les cheveux du papa) aux phrases les plus complexes (ex : le garçon dit que le chat montre le coq que poursuit le chien).

E – Description des activités d’entraînement

Le programme d’entraînement de la MdT que nous avons créé et baptisé Magic Memory est un entraînement de type adaptatif, c’est-à-dire que le niveau de difficulté augmente graduellement en fonction des progrès réalisés. De nombreux feedback émaillent les séances (feed-back par activité, feed-back par séance, feed-back global) afin de maintenir la motivation des enfants. Enfin, les activités proposées sont randomisées et proposées sur iPad afin de capitaliser sur le fait que les enfants avec difficultés (et notamment ceux avec TSA) apprécient particulièrement l’utilisation de nouvelles technologies. Les captures d’écran ci-dessous illustrent le design du programme ainsi que différents types de feed-back.

Figure 2. Programme Magic memory : design général et exemples de feed-back

Cinq activités sont intégrées :

1. Afin d’entraîner les empans simples, dans leur composante sérielle, une activité (inspirée de Majerus et al., 2006 ; Leclercq &

Majerus, 2010) consiste à écouter une série de mots monosyllabiques familiers (ex : hache, gant, poule, arbre) puis à placer les images correspondantes, dans l’ordre de présentation, sur les wagons d’un train s’affichant à l’écran. Les captures d’écran ci-dessous illustrent 1) la phase de familiarisation 2) la phase de stockage et 3) la phase de rappel.

(17)

1) 2) 3)

Figure 3. Programme Magic memory : En route vers le royaume (mémoire sérielle)

2. La seconde activité, entraînant les empans complexes, associe à l’aspect sériel une composante attentionnelle, avec un traitement interférant avec le stockage de l’ordre des stimuli auditifs. Après une phase de familiarisation, l’enfant entend des sons de la vie quotidienne (ex : téléphone, pleurs d’un bébé, aboiement, notes de musique jouées à la guitare). Entre chaque son, l’enfant doit effectuer des tâches visuelles de comparaison de quantités dans lesquelles il doit cliquer rapidement sur l’image qui contient le plus d’objets (= TACHE INTERFÉRENTE). Après l’écoute de n stimuli sonores (n qui augmente progressivement suivant les progrès réalisés), l’enfant doit placer les images correspondant aux sons entendus dans leur ordre de présentation. Les captures d’écran ci-dessous illustrent 1) la phase de familiarisation 2) la phase de stockage (avec tâche interférente) et 3) la phase de rappel.

1. 3)

(18)

2.

Figure 4. Programme Magic memory : Le grimoire enchanté (empans complexes)

3) La troisième activité cible la mise à jour de la MdT. Nous avons adapté une tâche classique de n-back, dans laquelle l’enfant voit défiler une série d’images de complexité visuelle faible. En fonction du niveau de difficulté, il doit cliquer lorsqu’un élément identique a été présenté soit juste avant (1-back), soit deux items auparavant (2-back), comme dans l’illustration ci-dessous.

Figure 5. Tâche de n-back : Illustration du niveau de difficulté 2-back

Les captures d’écran ci-dessous illustrent 1) la phase de familiarisation, 2) la phase d’entraînement durant laquelle l’enfant se familiarise avec la tâche à effectuer (qui varie suivant le niveau de difficulté) et 3) la phase de stockage et de rappel.

1) 2) 3)

Figure 6. Programme Magic memory : La mémoire du chaudron (n-back)

(19)

4. Les quatrième et cinquième activités sont adaptées de l’épreuve classique d’empan de chiffres, mais avec des couleurs.

L’enfant entend des séries de longueur croissante (variant suivant le niveau de difficulté atteint) de noms de couleurs (ex : bleu rouge noir jaune). Il doit ensuite cliquer sur les couleurs entendues dans l’ordre de présentation. Les captures d’écran ci-dessous illustrent, pour la quatrième activité, 1) la phase de familiarisation 2) la phase de stockage et 3) la phase de rappel.

1. 2) 3)

Figures 7. Programme Magic memory : Les potions malicieuses (empan de chiffres endroit)

5. Dans la cinquième activité, il doit effectuer la même activité de rappel des couleurs, mais dans l’ordre inverse, en commençant donc par la couleur entendue en dernier.

III – Résultats préliminaires

Certains enfants recrutés n’ont pas encore passé les post-tests à l’issue des entraînements. Ainsi, ce chapitre présente les résultats des 16 enfants dont les données ont été entièrement analysées.

Ils sont âgés de 6;0 à 14;17 ans (M. = 8;9, ET = 2;2) ; ce sont tous des garçons. Ils obtiennent un écart-type moyen de -4 au test standardisé de morphosyntaxe (BILO 3C, Khomsi et al., 2007) avec des écarts importants : entre -1ET pour les enfants avec peu de troubles jusqu’à -9 ET pour les enfants les plus en difficulté. En ce qui concerne leurs capacités de raisonnement non-verbal, la majorité des participants obtient un score dans la norme ; seuls deux enfants présentent des écarts-types inférieurs à -2.

(20)

A – Effets directs

Pour les effets directs de l’entraînement, c’est-à-dire la progression attendue sur des tâches de mémoire de travail non directement entraînées, le tableau 2 montre la progression de ce groupe de 16 enfants pour les trois tâches d’empans simples et les deux tâches d’empans complexes, ainsi que les résultats statistiques comparant leurs performances entre le pré- et le post- test. En raison de notre faible échantillon et de la non-normalité de notre distribution (avec beaucoup d’effets planchers), nous avons opté pour le test non-paramétrique de Wilcoxon, le plus adapté à ces données préliminaires. Les résultats montrent que les enfants ont progressé pour les deux tâches d’empans simples que sont l’empan de chiffres endroit et l’empan de mots. En ce qui concerne les empans complexes, la progression est également significative pour l’empan de chiffres envers et tendancielle pour la tâche du counting span.

Tableau 2. Effets directs : Évolution des scores de MdT (pré- et post-tests)

Pré-test Post-test Pré < post-tests M (ET)

Empans simples

Empan de chiffres

endroit 4.7 (1.3) 5.5 (1.6) Z = 2.3, p =.02 Empan

de mots (mémoire sérielle)

17.3 (10.4) 29.6 (10.6) Z = 3.4, p <.001

Répétition

de non-mots 69.1 (11.5) 72.3 (8.9) Z = 0.9, p = 0.4

Empans complexes

Empan de chiffres

envers 3.9 (2.2) 5.3 (1.9) Z = 2.9, p = 0.003 Counting

span 5.6 (4) 8.3 (6.5) Z = 1.9, p = 0.06*

* Différence proche du seuil de significativité

(21)

B – Effets indirects sur l’attention

Le tableau 3 montre la progression des 16 enfants pour les deux mesures attentionnelles. Il apparaît que le groupe a progressé sur les différentes mesures de vitesse, que ce soit pour l’attention sélective ou le contrôle attentionnel : ils sont plus rapides au post- test comparativement au pré-test. En revanche, on ne voit pas d’amélioration en ce qui concerne leur précision dans la détection de cibles, mesurée par la tâche d’attention sélective visuelle.

Tableau 3. Effets indirects : Évolution des scores d’attention (pré- et post-tests)

Pré-test Post-test Pré > post-tests M (ET)

Attention selective

visuelle

Temps (sec.) 149.1 (73.2) 102.7 (37.7) Z = 2.4, p =.02

Score / 20 15.6 (4.1) 13.7 (5) Z = 1.3, p =0.2

Contrôle attentionnel

/ flexibilité

Comptage endroit –

temps (sec.) 34.8 (6.9) 31.9 (9.3) Z = 2.0, p =.04 Comptage

envers –

temps (sec.) 47.8 (13.2) 37.4 (6.5) Z = 3.3, p <.001 C – Effets indirects sur la syntaxe

Enfin, pour les effets (indirects) de transfert, c’est-à-dire les effets éventuels de l’entraînement cognitif sur le versant langagier, le tableau 4 montre la progression des 16 enfants pour les différentes mesures de syntaxe. Les enfants ne progressent pas pour la répétition de phrases complexes. En revanche, ils progressent pour les deux autres mesures de production : leurs capacités à produire des questions sujets et objets s’améliorent significativement entre les pré- et les post-tests. De même, ils produisent plus de pronoms clitiques objets en post-test et cette fois la différence tend vers le seuil de significativité. En compréhension de phrases complexes, on observe également une amélioration qui tend à être significative.

(22)

Tableau 4. Effets indirects : Évolution des scores de syntaxe (pré- et post-tests)

Pré-test Post-test

Pré < post-tests M (ET)

Répétition de phrases complexes

Score total / 15 1.7 (2.8) 1.8 (3.2) Z = 0.3, p =.7 Respect de la

structure / 15 4.1 (4.2) 4.4 (3.8) Z = 0.4, p =.7 Respect

du degré d’enchâssement

/ 15

3.4 (3.8) 3.7 (3.5) Z = 0.4, p =.7

Production de phrases

complexes

Production de questions

racines / 12 6.1 (3.9) 8.3 (3.0) Z = 2.7, p =.006 Production

de pronoms

clitiques / 12 1.6 (2.5) 3.0 (3.2) Z = 1.7, p =.07*

Compréhension de phrases

complexes Score total / 9 3.4 (1.8) 4.7 (1.5) Z = 1.8, p =.07*

* Différence proche du seuil de significativité

IV – Discussion

L’ensemble de ces premiers résultats est encourageant avec un effet direct de l’entraînement en MdT sur des tâches de MdT non directement entraînées et des effets indirects plus mesurés mais bien présents sur les capacités attentionnelles et syntaxiques. Il faut cependant rappeler qu’il ne s’agit ici que de résultats préliminaires et que seuls les résultats globaux de la cohorte des 32 enfants entraînés permettront de véritablement conclure à un impact positif réel de l’entraînement. L’absence d’un groupe contrôle, ayant suivi un entraînement alternatif, pourrait constituer un autre frein à l’interprétation des résultats de l’étude. Cependant, nous

(23)

avons fait le choix de ne pas inclure un tel groupe car nous avions justement mis en évidence au travers de nos études précédentes que les enfants, qu’ils bénéficient d’un développement typique ou présentent un TDL, n’amélioraient pas leurs performances en mémoire de travail et en syntaxe à la suite d’un entraînement alternatif visant les compétences scolaires. Il n’y a pas de raison de supposer que la population avec TSA se comporterait d’une autre manière.

Enfin, les gains obtenus suite à l’entraînement au niveau de la vitesse d’exécution des tâches attentionnelles laissent supposer que l’entraînement en MdT agit comme un « boost » cognitif permettant aux enfants de traiter plus rapidement les informations à traiter.

Cette libération des ressources de traitement pourrait dès lors permettre un traitement plus efficace de la syntaxe. Pour la suite de cette étude, nous chercherons donc à mieux comprendre le rôle possiblement médiatisant des ressources attentionnelles dans le traitement syntaxique. Ainsi, nous pourrions explorer dans quelle mesure les gains linguistiques suite à un entraînement intensif en MdT peuvent être attribués à une amélioration de la MdT ou à un meilleur fonctionnement du système attentionnel.

Cliniquement cette fois, si des résultats positifs sont effectivement retrouvés sur un plus grand échantillon de participants, la suite logique du projet est de transférer ces résultats à la pratique clinique en orthophonie par une mise à disposition du matériel d’entraînement, à destination des enfants présentant des troubles syntaxiques, que l’origine des troubles soit liée à un TDL ou à un TSA. Nous nous situerions alors dans une approche ‘Evidence- Based Practice’, approche actuellement privilégiée en orthophonie et qui consiste à appliquer les résultats issus de la recherche à la prise de décision clinique (Sackett et al., 2000).

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