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UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES

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Academic year: 2021

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FACULTE DES SCIENCES PSYCHOLOGIQUES ET DE L'EDUCATION SERVICE DE PSYCHOLOGIE SOCIALE

IDENTITES REPRESENTEES ET REPRESENTATIONS IDENTITAIRES

EFFETS DES CONTEXTES COMPARATIF ET SOCIOPOLITIQUE SUR LA SIGNIFICATION PSYCHOLOGIQUE DES APPARTENANCES GEOPOLITIQUES

Dissertation préparée sous la direction de Monsieur le Professeur A. Azzi en vue de l'obtention du titre de Docteur en Sciences Psychologiques

Laurent Licata

Décembre 2000

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« When nationalism first became a religion, the English looked at the map, and, noticing that their island lay very high in the Northern Hemisphere, evolved the pleasing theory that the further north you live the more virtuous you become.”

George Orwell

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Je tiens à remercier le Professeur Assaad Azzi, tant pour la confiance qu’il m’a témoignée tout au long de ces années de doctorat que pour sa capacité à guider sans contraindre.

J’aimerais exprimer ma gratitude aux personnes qui ont accepté de participer, malgré des emplois du temps chargés, au jury de cette thèse : les Professeurs Margarita Sanchez-Mazas, Jorge Vala, Bernard Rey et Pierre Salengros. Je remercie également le Professeur José Junca de Morais d’avoir accepté de présider ce jury.

Un paragraphe ne me suffirait pas à énumérer les raisons de la reconnaissance que j’éprouve à l’égard de Martine Vanandruel. Son intervention lors de l’écriture de cette dissertation, comme lors de chacune des étapes de mon parcours de psychologue social, m’a été particulièrement précieuse. Elle est la preuve vivante qu’une bonne fée peut aussi faire un bon coach. Merci également à Marc-Henri Janne de lui avoir prêté main forte à la pêche aux coquilles.

Cette thèse serait très différente - en pire, assurément - sans l’aide d’Olivier Klein. La distance ne l’a pas empêché d’apporter une contribution décisive à sa réalisation. Par ailleurs, j’ai pris un réel plaisir à partager avec lui, au cours de ces dernières années, des interprétations psychosociales souvent audacieuses des phénomènes de société, ainsi qu’une quantité considérable de sandwichs de chez Guillaume (en fait, il s’appelle Eddy). Merci aussi à Anne- Laure Rousseau.

Le service de psychologie sociale ne serait pas ce qu’il est sans la présence de Rodrigo Brito. Nos échanges de points de vue concernant le nationalisme ont inspiré mes travaux à bien des égards. Merci également à Jacques de Neuville, Sophie Huyghues Despointes, Sophie Lambert, Alain Vanoeteren, Hélène Delucci, Valérie Provost, Fanen Sisbane, Alessandra Coscenza et Annalisa Casini pour leur amitié et leur aide.

Je tiens également à exprimer ma reconnaissance à Mesdames Luce Vercammen, Nadine Renquin, Françoise Donner, Evelyne Gilles, Patricia Scheen et Angélique Bernacki pour leur aide logistique, leurs conseils et leur support. J’ai de même été sensible aux encouragements du Professeur Francine Gillot - De Vries et à l’aide de Cendrine Magisson.

Je voudrais en outre remercier le Professeur Eddy Van Avermaet de m’avoir permis de recueillir des données auprès de ses étudiants à l’Université Catholique de Louvain. Merci également à Christian Staerklé pour ses commentaires constructifs d’une version antérieure du texte du chapitre I de cette thèse.

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des données de l’enquête présentée au second chapitre. Je suis de même reconnaissant aux étudiants de licence en psychologie sociale pour leur aide lors de ces encodages.

Merci à Katia Gauwberg pour son travail d’enquête et de retranscription dans le cadre de la recherche présentée dans le troisième chapitre. Le soutien du Professeur Lucy Baugnet a été décisif dans la réalisation de cette étude. Je tiens de plus à remercier le professeur Michel-Louis Rouquette des commentaires féconds exprimés au sujet d’une version antérieure de ce texte ; ainsi que la Fédération des Comités Blancs pour nous avoir permis d’interviewer leurs membres.

J’adresse ma gratitude aux Professeurs Vincent Yzerbyt et Willem Doise, qui ont soutenu ma candidature en tant que membre de la European Association of Experimental Social Psychology.

Les écoles d’été sur les représentations sociales organisées par le Professeur Anna-Maria Silvana De Rosa ont beaucoup contribué à développer mes connaissances dans ce domaine d’étude. Je l’en remercie.

Mon intérêt pour la psychologie sociale n’aurait pu être éveillé, puis entretenu et développé sans les enseignements dont j’ai profité jusqu’ici. Je pense en particulier à ceux de Jean-Maurice Rosier à l’Athénée Royal de Soignies ; du Professeur Jacques Bude et de Simon Mukuna à l’ULB ; à ceux enfin des Professeurs Robert M. Farr et George Gaskell à la London School of Economics and Political Science.

Les études de psychologie sociale ne sont souvent rendues possibles que grâce à la collaboration des sujets d’enquêtes ou d’expériences. Je leur sais gré d’avoir participé aux miennes.

Merci pour leurs encouragements et leur soutien à mes amis Bertrand, Ana, Sarah, Sébastien, Fabienne, Jean-François, Jérôme, Christine, Olivier, Didier, Nathalie, Marcelle, Bérengère, Elena, Claudia, Miltos, Lucia, Maren et tant d’autres qui se reconnaîtront ; ainsi qu’à mon frère Emmanuel et à ma sœur Catherine.

Merci à mes parents, pour leur confiance, leur aide et leur soutien inconditionnel tout au long de ces - nombreuses - années de formation.

Merci enfin et surtout à Dominique tant pour l’aide inestimable qu’elle m’a apportée que pour son amour, ainsi qu’à Victor et Chloé pour leur joie et leur patience …

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Table des matières

INTRODUCTION ... 6

1. CADRE THEORIQUE... 14

1.1. LA THEORIE DES REPRESENTATIONS SOCIALES... 17

1.1.1. Origine du concept ... 18

1.1.2. Représentations collectives et représentations sociales ... 19

1.1.3. Savoirs experts et savoirs profanes ... 20

1.1.4. L’objectivation ou la matérialisation des concepts... 22

1.1.5. L’ancrage ou l’intégration du nouveau dans l’ancien ... 23

1.2. REPRESENTATIONS SOCIALES ET RELATIONS INTERGROUPES... 25

1.2.1. Représentations hégémoniques, émancipées ou polémiques... 26

1.2.2. L’approche positionnelle... 27

1.2.3. Prises de position et principes organisateurs... 28

1.2.4. Ancrage et groupes sociaux ... 29

1.3. REPRESENTATIONS SOCIALES ET APPARTENANCES GEOPOLITIQUES... 30

1.3.1. Perspectives d’étude... 30

1.3.2. Limitations... 32

1.4. LA THEORIE DE LIDENTITE SOCIALE... 35

1.4.1. Comportements interindividuels et comportement intergroupes... 36

1.4.2. Mobilité sociale contre changement social ... 37

1.4.3. Variabilité ou uniformité des comportements envers les membres de l’exogroupe ... 38

1.4.4. Perception de l’exogroupe comme étant hétérogène ou homogène ... 38

1.4.5. Catégorisation sociale, comparaison sociale et identité sociale... 40

1.5. LA THEORIE DE LAUTO-CATEGORISATION... 43

1.5.1. Concept de soi, catégorisation et comparaison sociales... 44

1.5.2. Accessibilité et adéquation ... 45

1.5.3. La dépersonnalisation ... 46

1.5.4. L’antagonisme fonctionnel ... 47

1.6. LA TRADITION DE LIDENTITE SOCIALE ET LES APPARTENANCES GEOPOLITIQUES... 48

1.6.1. Perspectives... 48

1.6.2. Limitations... 49

1.6.3. Identité sociale et construction sociale de la réalité ... 55

1.7. VERS UNE ARTICULATION DES THEORIES DES REPRESENTATIONS SOCIALES ET DE LIDENTITE SOCIALE 57 1.7.1. Un apport mutuel ... 57

1.7.2. Les représentations sociales : en amont ou en aval des identités sociales... 59

1.7.3. Représentations et identités sociales en périodes de crise ... 62

CHAPITRE I EFFETS DIFFÉRENTIELS DU CONTEXTE DE COMPARAISON SUR LES AUTO-STÉRÉOTYPES DES BELGES FRANCOPHONES ET NÉERLANDOPHONES... 66

1. LA VARIABILITE CONTEXTUELLE DES STEREOTYPES... 70

1.1. QUESTIONS FERMEES OU QUESTIONS OUVERTES... 72

1.2. L'AUTO-STEREOTYPISATION RECIPROQUE... 74

1.3. CONTEXTE INTERGROUPES IMMEDIAT ET CONTEXTE INTERGROUPES GLOBAL... 75

1.4. LES CONTRAINTES DE LA REALITE... 77

1.4.1. Les communautés linguistiques belges ... 78

1.4.2. Les représentations sociales de la situation intergroupes globale... 80

2. ETUDE 1 ... 80

2.1. METHODE... 81

(6)

2.2. RESULTATS... 81

3. ETUDE 2 ... 83

3.1. METHODE... 84

3.2. RESULTATS... 84

3.3. DISCUSSION DES ETUDES 1 ET 2 ... 84

4. ETUDE 3 ... 85

4.1. METHODE... 87

4.1.1. Échantillons... 87

4.1.2. Procédure ... 89

4.2. RESULTATS... 90

4.2.1. Identifications... 91

4.2.2. Diversité des contenus... 93

4.2.3. Valence... 94

4.2.4. La dépendance contextuelle de la valence des auto-stéréotypes... 95

4.2.5. La dépendance contextuelle de la diversité des traits ... 99

4.2.6. La dépendance contextuelle du contenu des auto-stéréotypes ... 100

4.3. DISCUSSION DE LANALYSE ALCESTE... 116

5. DISCUSSION DES RESULTATS FRANCOPHONES ... 119

6. ETUDE 4 ... 122

6.1. METHODE... 123

6.1.1. Echantillon ... 123

6.1.2. Procédure ... 124

6.2. RÉSULTATS... 125

6.3. DISCUSSION DES ÉTUDES 3 ET 4 ... 128

7. DISCUSSION DES RESULTATS NEERLANDOPHONES ... 132

7.1.1. Les caractéristiques cognitives de la catégorie... 133

8. DISCUSSION GENERALE... 140

8.1. LES REPRESENTATIONS SOCIALES... 140

8.2. LES IDENTITES SOCIALES... 141

8.3. LA CATEGORISATION SOCIALE... 142

CHAPITRE II IDENTITÉS ET REPRÉSENTATIONS SOCIALES DANS LE CADRE DU DÉVELOPPEMENT D’UNE CITOYENNETÉ EUROPÉENNE... 145

1. INTRODUCTION ... 145

1.1. LA CITOYENNETE EUROPEENNE... 145

1.2. CITOYENNETE ET IDENTITE EUROPEENNE... 146

1.3. LE MODELE NATIONAL... 148

1.3.1. Culture et homogénéité ... 149

1.3.2. Identité et différenciation ... 150

1.4. IDENTIFICATION EUROPEENNE, ANCRAGE NATIONAL ET PERCEPTION DE MENACE... 152

2. DESCRIPTION DE L’ENQUETE... 153

2.1. PROCEDURE ET ECHANTILLON... 156

3. IDENTIFICATION AUX ENTITES GEOPOLITIQUES: REGION, NATION, EUROPE 157 3.1. ECHELLES DIDENTIFICATION... 158

3.1.1. Méthode... 158

3.1.2. Résultats ... 159

3.1.3. Description des trois facteurs... 161

3.1.4. Fiabilité des mesures d’identification générales... 162

(7)

3.2. COMPARAISON DES IDENTIFICATIONS AUX TROIS NIVEAUX DAPPARTENANCE... 162

3.2.1. Mesures générales d’identification ... 163

3.2.2. Sous-échelles d’identification... 163

3.3. RELATIONS ENTRE NIVEAUX DIDENTIFICATION... 165

3.3.1. Résultats ... 167

3.4. TYPOLOGIE DES PARTICIPANT(E)S EN FONCTION DES CONFIGURATIONS IDENTITAIRES’ ... 169

3.4.1. Méthode... 170

3.4.2. Résultats ... 170

3.5. REPRESENTATIONS DES RELATIONS ENTRE NIVEAUX DIDENTIFICATION... 171

3.5.1. Méthode... 172

3.5.2. Résultats ... 173

3.6. CORRESPONDANCE ENTRE CONFIGURATIONS IDENTITAIRESET DESCRIPTIONS NORMATIVES DES RELATIONS ENTRE LES NIVEAUX NATIONAL ET EUROPEEN DIDENTIFICATION... 175

3.6.1. Méthode... 175

3.6.2. Résultats ... 176

4. REPRESENTATIONS SOCIALES DE L’EUROPE : OBJET, IDENTITE, PRATIQUES 178 4.1. METHODE... 178

4.2. ANALYSE... 181

4.2.1. Orientation : Valence et neutralité... 181

4.2.2. Ancrage : Identifications ... 182

4.3. RESULTATS... 183

4.3.1. Contenu : les mots analysés les plus fréquents... 185

4.3.2. Orientation générale : valence et neutralité ... 186

4.3.3. Structure : analyse descendante hiérarchique ... 187

4.3.4. Structure du champ : Analyse Factorielle des Correspondances ... 198

4.4. DISCUSSION... 206

4.4.1. Contenus... 206

4.4.2. Structure ... 208

4.4.3. Ancrages identitaires... 210

5. PERCEPTION DES CHANGEMENTS ENTRAINES PAR L’INTEGRATION EUROPEENNE ... 213

5.1. METHODE... 213

5.2. RESULTATS... 215

5.2.1. Contenu ... 216

5.2.2. Les thèmes les plus fréquents ... 217

5.2.3. Comparaison entre ces résultats et ceux de l’analyse des associations libres... 221

5.2.4. Les changements affectant les différents niveaux d’appartenance... 222

5.2.5. Valence et importance des thèmes... 224

5.2.6. Répartition des thèmes dans les classes de valence / importance ... 226

5.2.7. Valence et importance des changements anticipés en fonction du niveau d’appartenance (personnel - régional - national)... 228

5.2.8. Relation entre niveau d’appartenance (personnel - régional - national) et classes de valence /importance ... 228

5.2.9. Relations entre changements anticipés et identifications... 229

6. POSITIONNEMENTS PAR RAPPORT AUX EVOLUTIONS POSSIBLES DES RELATIONS ENTRE NATION ET UNION EUROPEENNE ... 235

6.1.1. Méthode... 235

6.1.2. Résultats ... 236

7. L’INTEGRATION EUROPEENNE: MENACE OU PROMOTION DES INTERETS ? 245 7.1. METHODE... 245

7.2. RESULTATS... 246

7.2.1. Tendances moyennes ... 246

7.2.2. Relation entre intérêts perçus et identifications ... 247

(8)

8. REPRESENTATIONS SOCIALES DES POSITIONS RELATIVES DES PAYS

MEMBRES ET IDENTIFICATION EUROPEENNE... 249

8.1. PERCEPTION DES STATUTS RELATIFS DES PAYS MEMBRES ET IDENTIFICATION EUROPEENNE.. 251

8.1.1. Représentation sociale des statuts relatifs des pays membres... 252

8.1.2. Statut perçu de la Belgique ... 255

8.1.3. Statut perçu de la Belgique et identifications... 256

8.2. JUGEMENT DU POUVOIR DECISIONNEL DES PAYS MEMBRES... 257

8.2.1. Comparaison du pouvoir décisionnel attribué aux pays membres... 257

8.2.2. Jugement du pouvoir décisionnel de la Belgique ... 258

8.2.3. Jugement du pouvoir décisionnel de la Belgique et identifications ... 258

8.3. PERCEPTION DES CONTRIBUTIONS FINANCIERES DES PAYS-MEMBRES A L’UNION EUROPEENNE 259 8.3.1. Classification des pays membres selon le rapport contribution / recette ... 259

8.3.2. Perception du rapport contribution / recette de la Belgique et identifications ... 260

9. SYNTHESE DES RESULTATS... 262

10. UN MODELE STATISTIQUE DE PREDICTION DE L’IDENTIFICATION EUROPEENNE ... 264

11. DISCUSSION GENERALE... 266

CHAPITRE III REPRÉSENTATIONS ET IDENTITÉS SOCIALES EN PÉRIODE DE CRISE : LES EXPLICATIONS DE L’AFFAIRE DUTROUX ... 273

1. INTRODUCTION ... 273

1.1. L’AFFAIRE DUTROUX ET LE MOUVEMENT DES COMITES BLANCS... 273

1.2. LES REACTIONS COLLECTIVES EN PERIODES DE CRISE... 274

1.2.1. Les paniques morales ... 274

1.2.2. Sentiment de menace, identités sociales et représentations sociales... 274

1.2.3. Représentations, attributions et perception de contrôle... 276

1.3. HYPOTHESES GENERALES... 277

2. METHODE ... 280

2.1. COMPOSITION DE LECHANTILLON ET PROCEDURE... 281

2.2. ANALYSE... 282

3. RESULTATS... 284

3.1. REACTIONS LORS DE LA DECOUVERTE DES CORPS DE JULIE ET MELISSA... 284

3.1.1. Emotions, désarroi et identité nationale ... 284

3.1.2. Dysphorie et identification aux parents des victimes ... 285

3.1.3. Sentiment de révolte et action ... 287

3.2. MARC DUTROUX : SA PERSONNALITE ET SES MOTIVATIONS... 287

3.2.1. La personnalité de Marc Dutroux ... 288

3.2.2. Les motivations de Marc Dutroux. ... 290

3.3. LES AUTRES RESPONSABLES... 291

3.3.1. Discours relatifs à la pédophilie. ... 291

3.3.2. Thème des protections et rôle de Jean-Michel Nihoul ... 292

3.3.3. Théorie du réseau, implication des gens haut-placés et argument des cassettes ... 293

3.4. LE MOUVEMENT BLANC... 295

4. DISCUSSION... 296

4.1. VERIFICATION DES HYPOTHESES... 296

4.2. LES CARACTERISTIQUES DE LA REPRESENTATION SOCIALE... 298

4.3. LES FONCTIONS PSYCHOSOCIALES DE LA THEORIE DU COMPLOT... 299

4.4. FACTEURS DETERMINANT LE CHOIX DE LEXOGROUPE... 301

4.5. EXPLICATIONS DE LA CRISE ET ACTION CITOYENNE... 303

(9)

CONCLUSIONS... 306 BIBLIOGRAPHIE ... 317 ANNEXES... 329

(10)

Introduction

"La Meuse, c'est le signe du pays wallon, sa marque... Au bout de sa course, au-delà de Visé, quand le paysage sera devenu plat, lamentablement plat, ce ne sera plus la Meuse, - son nom lui-même changera - elle sera morte pour nous. Le souffle de la race s'est arrêté au dernier coteau."

Luc Javaux (1938 / 1993, p. 131-132).

Le terme « géopolitique » est actuellement défini, dans sa forme substantive, comme

« l’étude des rapports entre les données naturelles de la géographie et la politique des Etats » par le Petit Robert (1990) et comme « l’étude de l’influence des facteurs géographiques sur la politique internationale » par le dictionnaire Hachette (2000). Mais le « géopoliticien » français Philippe Moreau Defarges en propose une définition moins restrictive et plus fidèle aux évolutions récentes de cette discipline : « la géopolitique s’interroge sur les rapports entre l’espace (dans tous les sens du mot) et la politique : en quoi les données spatiales affectent- elles la politique ? Et aussi pourquoi, comment le politique se sert-il de l’espace ? » (Moreau Defarges, 1994, p 9).

Nous définirons ainsi l’étude des appartenances géopolitiques comme l’étude des phénomènes relatifs aux liens qu’entretiennent des individus ou des groupes sociaux avec les entités géographiques et politiques auxquelles ils appartiennent.

Cette définition soulève cependant un certain nombre de questions parmi lesquelles nous distinguerons deux aspects. D’une part, elle fait référence aux entités géopolitiques comme si leur existence, leurs propriétés et leur pérennité allaient de soi. D’autre part, elle pose l’appartenance des personnes ou des collectivités à ces entités comme un donné objectif.

La première classe de questions soulevées par la définition des appartenances géopolitiques se situe au niveau de la définition des entités elles-mêmes. Or, nous savons qu’il

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est peu de réalités dont la définition soit l’enjeu de conflits aussi intenses que les entités géopolitiques. Les Palestiniens forment-ils une nation ? Et, à ce titre, ont-ils le droit d’être représentés par un Etat ? Si un Etat palestinien voyait le jour, sur quel territoire aurait-il autorité ? Quelle en serait la capitale ? Il suffit d’être superficiellement informé de l’actualité internationale pour admettre que les réponses à ces questions n’appellent pas de réponse univoque. Elles varieront en fonction de la personne chargée d’y répondre. En l’occurrence, son appartenance ethnique et le projet politique qu’elle défend sont susceptibles d’être déterminants.

Hors l’adoption d’une perspective légaliste, qui définirait les entités géopolitiques en fonction de leur reconnaissance officielle, par exemple par la Communauté Internationale, il est donc malaisé de les définir clairement. Aborder ces entités géopolitiques comme des réalités objectives semble d’autant moins opportun que l’on s’intéresse ici à la dimension psychologique des liens qui existent entre des individus ou des collectivités et ces entités.

Selon le point de vue que nous défendrons ici, une issue à ce type de problème est l’abandon d’une perspective « objectiviste » de l’étude des phénomènes sociaux au profit d’une perspective « représentationnelle. » Nous référant à la théorie des représentations sociales (Moscovici, 1961; Moscovici, 1976), nous proposerons que, comme toute réalité sociale, les entités géopolitiques ne sont pas directement appréhendées par les individus mais font l’objet de représentations qui servent d’instances médiatrices entre l’objet de perception et le sujet percevant. Celui-ci se réfère à cette représentation plutôt qu’à la réalité « objective » afin d’adapter ses conduites. Nous verrons ainsi que certaines caractéristiques des représentations des entités géopolitiques permettent aux individus de s’y référer comme s’il s’agissait de réalités objectives, voire naturelles, permanentes et clairement délimitées spatialement et politiquement alors même qu’elles subissent des modifications parfois profondes. Il convient de rappeler, à cet égard que la science géopolitique, au moins à ses débuts, a été fortement marquée par une « mystique de l’espace » (Moreau Defarges, 1994), qui correspondait à la volonté des Etats de faire correspondre leurs frontières avec des obstacles « naturels » et d’acquérir ainsi le statut d’entités naturelles. En exergue de cette introduction, la citation de Luc Javaux, militant wallon d’avant-guerre, témoigne de l’utilisation de cette correspondance entre peuple et paysage dans les discours politiques, régionalistes en l’occurrence.

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Revenons aux deux définitions que les dictionnaires de grande diffusion donnent du terme « géopolitique. » Il est remarquable qu’ils fassent tous deux référence à un type particulier d’entités et d’institutions politiques, à savoir les nations et les Etats. Ce choix de l’Etat-Nation comme entité définissant le concept même de « géopolitique » peut paraître arbitraire si l’on considère l’existence d’autres types d’entités définies géographiquement et politiquement, qu’elles soient sub-nationales (communes, villes, régions, provinces, länders, cantons, Etats fédérés, etc.) ou supra-nationales (fédérations d’Etats, confédérations d’Etats, Union Européenne). Posant cependant ce choix comme une évidence, les auteurs de ces définitions se réfèrent à une représentation de la division du monde considérée comme une norme dont la pertinence est suffisamment admise pour ne pas nécessiter de précisions supplémentaires (Billig, 1995; Billig, 1996b). Dans l’étude des appartenances géopolitiques, on ne peut éluder l’analyse des processus au travers desquels une version particulière de la réalité s’impose à des collectivités au point d’acquérir le statut d’évidence. La science géopolitique a émergé à la fin du XIXéme siècle, alors que le processus de division du monde en nations (Hobsbawm, 1990)était en cours. Ce contexte historique explique sans aucun doute le choix de cette entité comme unité d’analyse1. La définition proposée par le géopoliticien, moins restrictive, reflète la mise en question de ce choix au sein de la géopolitique contemporaine. Mais force est de constater que cette remise en question de l’Etat-Nation comme unité fondamentale d’analyse des liens entre espace et politique se limite aux experts, comme en attestent les deux définitions des dictionnaires destinés au plus grand nombre. Au cours de ce travail, nous aborderons l’influence que la nation, en tant que modèle idéal- typique de l’entité géopolitique, peut avoir sur les représentations ainsi que sur le développement d’autres entités géopolitiques comme les régions ou l’Union Européenne.

Le second type de questions soulevées par notre définition a trait à la notion d’appartenance. D’un point de vue légal, à nouveau, on peut considérer qu’un individu appartient à une entité géopolitique s’il en est officiellement reconnu membre. Ainsi, selon T.

H. Marshall, "la citoyenneté est un "statut" qui est attribué à tous ceux qui sont membres à

1 La géopolitique, en tant que discipline scientifique autonome, a vu le jour en Allemagne en 1897. Son fondateur, Friedrich Ratzel, était un nationaliste engagé, président de la Ligue pangermaniste, qui mit ses théories au service de l’Allemagne. Il était en particulier favorable à l’extension de ses frontières en Europe ainsi qu’à son expansion coloniale outre-mer (Lorot, 1995). A l’issue de la seconde guerre mondiale, « la géopolitique est

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part entière d'une communauté. Tous ceux qui possèdent ce "statut" sont égaux en ce qui concerne les droits et les devoirs qu'il implique" (Marshall, 1950). Il faut cependant reconnaître que le concept de citoyenneté ne peut être réduit à sa dimension « verticale » qui, dans le cadre des nations, relie des individus à l’Etat exerçant la souveraineté sur le territoire national. Le concept de citoyenneté possède également une dimension « horizontale » qui correspond aux liens que cette appartenance commune établit entre les citoyens (Telò, 1995).

Alors que la dimension verticale est passive - les individus sont la plupart du temps citoyens de facto -, la dimension horizontale repose sur l’exercice de la représentation démocratique ; elle implique une participation active des citoyens. Le statut officiel de citoyen établit donc, d’une part, un lien d’appartenance entre un individu et l’institution exerçant la souveraineté sur le territoire sur lequel il vit et, d’autre part, un lien social entre les individus occupant le même territoire et qui disposent du même statut avec les mêmes droits et les mêmes devoirs.

A condition de limiter notre attention aux Etats-nations, ce statut officiel semble suffire à définir de manière univoque la notion d’appartenance géopolitique. Cependant, bien que les deux dimensions subjectives - verticale et horizontale - de cette appartenance ne correspondent pas forcément, loin s’en faut, aux définitions officielles, elles sont toutes deux déterminantes. Ainsi, certaines entités géopolitiques suscitent de puissants sentiments d’appartenance sans que la relation d’inclusion entre individus et entité ne fasse l’objet d’une reconnaissance officielle. C’est évidemment le cas lorsque l’existence de l’entité même n’est pas reconnue. Par exemple, en l'absence d'un Etat palestinien, il n'existe pas non plus de statut de citoyen palestinien. C’est également le cas lorsque cette relation d’inclusion, sans pour autant être niée, ne fait pas l’objet d’une définition formelle : par exemple, on peut se sentir picard en Wallonie. D’autre part, il existe des entités géopolitiques officiellement reconnues qui ne suscitent guère de sentiments d’appartenance chez certains de leurs membres.

L’aspect subjectif de l’appartenance à un groupe ne peut être étudié sans aborder le thème de l’identité. De fait, si ce sont les Etats qui définissent les conditions d’inclusion dans la nation (dimension verticale), l’identification à la nation détermine en retour la loyauté des citoyens envers l’Etat. De même, l’identification à la nation rend possible la notion de « bien commun » qui peut motiver les individus à se comporter en tant que membres d’une

regardée par les vainqueurs comme une « science allemande », justifiant « scientifiquement » l’idéologie de

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communauté (dimension horizontale), et à faire passer les intérêts de la collectivité avant leurs propres intérêts (de Tocqueville, 1961). Il va de soi que ces deux dimensions dépendent l’une de l’autre : dans les pays démocratiques, l’Etat dérive sa légitimité du fait qu’il constitue une émanation de la communauté nationale (Telò, 1995).

En psychologie sociale, l’étude des phénomènes liés aux identités sociales est dominé depuis plus de vingt ans par la théorie de l’identité sociale (Tajfel, 1974; Tajfel, 1981b; Tajfel, 1982; Tajfel & Turner, 1986) et la théorie de l’auto-catégorisation (Turner, 1982; Turner, Hogg, Oakes, Reicher, & Wetherell, 1987) qui en constitue une extension. Ces théories se basent sur une définition psychologique du groupe social2 qui, appliquée à l’étude des appartenances géopolitiques, permet l’appréhension de leur dimension subjective. L’identité sociale est abordée tant sous l’angle cognitif (la connaissance par l’individu des catégories auxquels il appartient), que motivationnel (les individus sont motivés à acquérir une vision claire et positive de leur identité sociale). Ces identités sociales sont en outre conçues dans une perspective intergroupe, une catégorie sociale ne se définissant qu’en comparaison avec au moins une autre catégorie; ce qui a, comme nous le verrons, une portée déterminante dans le cadre de l’étude d’entités qui se définissent en fonction de leurs frontières, qu’elles soient géographiques, culturelles ou sociales.

Les théories de l’identité sociale et de l’auto-catégorisation ont une prétention universelle (Billig, 1996b) et offrent des interprétations générales de tout phénomène impliquant une appartenance sociale, qu’il soit de nature cognitive, attitudinale ou comportementale. Elles se proposent d’appliquer ces mécanismes généraux au cas particulier des identités géopolitiques concernées.

Chacune des problématiques que nous avons soulevées à partir de cette discussion de la définition des appartenances géopolitiques peut donc être abordée à partir d’une théorie appropriée. D’une part, la théorie des représentations sociales nous permettra d’aborder les questions relatives à la perception même des catégories d’appartenance – les entités géopolitiques. Et d’autre part, les théories de l’identité sociale et de l’auto-catégorisation nous

l’espace vital, la volonté de conquête et de domination de Hitler » (Moreau Defarges, 1994, p. 75).

2 « Un groupe existe lorsque au moins deux individus se perçoivent comme membres de la même catégorie sociale » (Turner, 1982)

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permettront d’étudier les liens identitaires qui unissent des individus et des groupes d’individus à ces catégories.

Le caractère artificiel de la séparation entre les domaines d’application des deux approches théoriques apparaît cependant clairement lorsque l’on examine, ne fût-ce que superficiellement, certaines situations géopolitiques. Ainsi, l’exemple proche oriental évoqué plus haut met clairement en lumière l’interaction des deux aspects. Il est évident que, la représentation des entités en présence – Israël et la Palestine – varie en fonction des appartenances groupales des personnes impliquées : les Palestiniens – ou du moins un nombre important d’entre eux et leurs représentants politiques – revendiquent la création d’un Etat souverain palestinien en adoptant – et en communiquant – une représentation de leur groupe en tant que nation. Certains Israéliens leur dénient ce droit, entre autres en contestant le fait qu’ils constituent une nation. De toute évidence, les représentations sociales des entités géopolitiques peuvent varier en fonction des ancrages identitaires des sujets qui les expriment ; elles constituent des enjeux stratégiques pour les groupes concernés (Klein, 1999;

Klein, Brito, & Azzi, soumis). On peut donc concevoir l’existence d’une influence des identités sociales sur les représentations sociales (Vala, 1998a). Certaines représentations possèdent ainsi une dimension identitaire.

Cependant, il faut également reconnaître que pour qu'un individu puisse s'identifier à une catégorie sociale, il doit au préalable disposer d'une représentation de la manière dont le monde est divisé en catégories. Les représentations de la réalité définissent le cadre au sein duquel les identités collectives peuvent émerger et s’exprimer (Vala, 1998a). Ainsi, on ne peut se sentir wallon si l’on ignore l’existence de la Wallonie. De plus, la forme et l’intensité de cette identification dépendront probablement de la perception de la situation de la Wallonie au sein de la Belgique et de ses relations avec la Flandre.

Il est en outre un concept psychosociologique situé au croisement même des phénomènes représentationnels et identitaires : celui de stéréotype, que nous définirons ici comme la représentation socialement partagée au sein d’un groupe des caractéristiques des membres d’un autre groupe social - un exogroupe - ou de son propre groupe - l’endogroupe (Azzi & Klein, 1998; Leyens, Yzerbyt, & Schadron, 1994; Oakes, Haslam, & Turner, 1994;

Spears, Oakes, Ellemers, & Haslam, 1997; Stangor & Schaller, 1996). Les stéréotypes jouent un rôle central dans les phénomènes liés aux appartenances géopolitiques dans la mesure où

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ils contribuent à différencier le groupe d’appartenance des autres groupes sociaux en attribuant aux membres de ceux-ci des caractéristiques qui les distinguent des membres de l’endogroupe (Ford & Stangor, 1992). Ils fournissent de ce fait un contenu aux identités sociales (voir Chapitre I).

En conséquence, si certaines représentations sont identitaires, il faut également reconnaître que les identités font l’objet, ou tout au moins peuvent faire l’objet, de représentations.

Certains auteurs (Breakwell, 1993a; Breakwell, 1993b; Chryssochoou, 1996; Cinnirella, 1996; Elejabarrieta, 1994; Vala, 1990; Vala, Garcia-Marques, Gouveia-Pereira, & Lopes, 1998; Vala, 1998a) ont cherché à rapprocher, voire à intégrer les théories des représentations sociales et de l’identité sociale. Selon les arguments que nous développerons ici, ce cadre conceptuel semble le mieux approprié à l’étude des appartenances géopolitiques. La première partie de ce travail sera consacrée à des exposés succincts des théories des représentations sociales et de l’identité sociale - en incluant la théorie de l’auto-catégorisation. Nous examinerons tour à tour la pertinence et les limites de chacune de ces deux traditions théoriques dans le cadre de l’étude des appartenances géopolitiques. Nous mettrons ainsi en évidence les aspects de ces problématiques qui nécessitent la prise en compte simultanée des deux théories.

Ensuite, la signification psychologique des appartenances géopolitiques sera abordée à travers trois études - ou séries d'études - empiriques de nature très différente, tant concernant les phénomènes étudiés que les méthodes adoptées. Les trois chapitres constituant cet ouvrage explorent chacun un aspect particulier des phénomènes liés aux significations psychologiques des appartenances géopolitiques : la variabilité des représentations du groupe d’appartenance (Chapitre I), le développement d’une nouvelle appartenance (Chapitre II) et les réactions lors d’une menace identitaire (Chapitre III). Ces trois recherches se focalisent chacun sur un des niveaux d’appartenance qui composent le « paysage géopolitique » de la Belgique contemporaine : les niveaux régional /linguistique (Chapitre I), européen (Chapitre II) et national (Chapitre III). Bien qu’elles ne suffisent certes pas à épuiser les possibilités d’études offertes tant par le cadre théorique et la nature des phénomènes étudiés que par les situations géopolitiques explorées, probablement infinies, ces trois recherches se complètent. En effet, elles abordent par des voies différentes les interactions entre identités sociales et

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représentations sociales dont nous espérons ainsi montrer l’importance dans toute tentative d’étude des phénomènes liés aux appartenances géopolitiques.

Nous verrons en outre que ces recherches mettent toutes trois en œuvre, quoique non exclusivement, des méthodes quantitatives d’analyse de données qualitatives, en particulier de données textuelles. Dans le cadre de l’étude des significations psychologiques des appartenances géopolitiques, cette dissertation s’organise également autour d’une exploration des possibilités méthodologiques offertes par une technique particulière d’analyse de données textuelles assistée par ordinateur, à savoir Alceste (Reinert, 1993). En tant que technique d’analyse lexicométrique, Alceste permet d’appréhender la structuration du lexique effectuée par le sujet locuteur3. Cette technique sera mise en œuvre dans l’analyse de données expérimentales (Chapitre I), d’enquête par questionnaire (Chapitre II) et d’enquête par entretiens (Chapitre III).

Le premier chapitre de cette dissertation est dédié à l'étude de la variabilité des représentations des membres de groupes linguistiques4 – Néerlandophones et Francophones de Belgique – en fonction du contexte comparatif et de l’identification à l’endogroupe linguistique. La question principale qui y sera abordée est celle de la stabilité de l’identité sociale. Dans le cadre de ces expériences, nous avons fait varier le contexte de comparaison intergroupes et nous avons examiné les changements éventuels que ces variations peuvent entraîner dans la manière dont les sujets décrivent les membres de leur propre groupe linguistique. Trois sources de variation des auto-stéréotypes seront abordées: le contexte de comparaison intergroupes immédiat, les contextes sociopolitiques qui caractérisent les deux groupes étudiés, ainsi que le degré d’identification avec l’endogroupe.

Le second chapitre sera consacré à une enquête par questionnaires concernant l’identité et la citoyenneté européennes. Les relations entre identifications nationale, régionale et européenne et les représentations relatives à l’Europe et à son avenir en sont le thème central.

Plus particulièrement, nous étudierons les rôles de la nation, en tant que niveau d’appartenance géopolitique de base ainsi qu'en tant que base d’ancrage pour la construction

3 Le fonctionnement d’Alceste sera explicité à l’intérieur des trois chapitres.

4 Ou 'auto-stéréotypes'.

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des représentations relatives à l’Europe. Les perspectives de développement de la citoyenneté européenne seront ensuite examinées à la lumière de ces résultats.

Enfin, le troisième chapitre concerne une enquête par entretiens réalisée auprès de membres de Comités Blancs et de personnes tout-venant durant la période des bouleversements5 qui, en Belgique, ont succédé à la découverte des corps de Julie Lejeune et Mélissa Russo après l’arrestation du responsable présumé de leur mort, Marc Dutroux. Les relations entre identité nationale, menace identitaire, attributions causales et représentations sociales y seront abordées afin de contribuer à la compréhension du mouvement citoyen qui a vu le jour suite à cette affaire. Alors que les études présentées dans les deux premiers chapitres ont trait à des concepts psychologiques hypothétiquement susceptibles d’avoir une influence sur l’orientation des conduites individuelles et/ou collectives, celle-ci part du constat d’un passage à l’action citoyenne et tente d’en reconstituer les causes psychosociologiques.

1. Cadre théorique

Un processus de recherche est sans doute avant tout l’histoire de la rencontre entre un objet d’étude et un(e) chercheur(se) - ou groupe de chercheur(se)s. Ainsi, le choix de la perspective théorique adoptée pour aborder cet objet dépend d’un grand nombre de facteurs, parmi lesquels les raisons scientifiques ne forment sans doute qu’un sous-groupe6. L’histoire du chercheur, la discipline à laquelle il a été formé, les écoles de pensée auxquelles il a été initié, son appartenance à des groupes de travail ainsi que ses préférences personnelles ont certainement leur poids dans ce choix. Gageons cependant que les caractéristiques de l’objet étudié jouent un rôle au moins aussi déterminant dans l’histoire de cette rencontre et que le sous-groupe des facteurs scientifiques se montre particulièrement influent.

L’objet d’étude dont il est question ici se caractérise avant tout par son aspect multidimensionnel. Il peut être étudié sous de nombreux angles dont aucun ne peut prétendre à lui seul en rendre compte de manière adéquate. Cette multidimensionnalité se reflète dans la diversité des disciplines scientifiques qui ont contribué à cette étude : les sciences politiques,

5 Marc Dutroux fut arrêté le 15 août 1996. Les corps de Julie et Mélissa furent inhumés le 16 août 1996.

Les entretiens ont été menés durant les deux premières semaines du mois de mars 1997.

6 Comme l’a fait remarquer Tajfel (1981), en sciences sociales, la neutralité consiste en une prise de position implicite.

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la géopolitique, la sociologie, l’anthropologie, l’Histoire, la linguistique et la philosophie en font partie. Dans ce cadre, il faut reconnaître que la psychologie sociale ne peut apporter qu’une contribution à la constitution de ces savoirs et ne doit en aucun cas prétendre se substituer aux autres disciplines. Certains psychologues sociaux sont d’ailleurs les premiers à le reconnaître7 (Azzi, 1998; Billig, 1987; Billig, 1996b; Reicher & Hopkins, 2000; Tajfel, 1981b).

Pour que cette contribution s’insère harmonieusement dans ce vaste ensemble de connaissances, elle doit pouvoir en tenir compte afin d’y tenir une position certes distincte, mais surtout intégrée. Le choix des modèles théoriques qui seront privilégiés doit répondre à cet impératif. A cet égard, le principal écueil qui menace toute entreprise d’approche psychosociologique des appartenances géopolitiques est sans doute celui du réductionnisme psychologique, à savoir la tentation d’expliquer l’ensemble des phénomènes concernés par des facteurs psychologiques, « d’expliquer des phénomènes sociaux par des facteurs non sociaux » (Doise, 1982, p.15). Le point de vue que nous défendrons ici est que cet écueil peut être éludé grâce à l’adoption de modèles théoriques permettant l’articulation de plusieurs niveaux d’analyse.

Cette problématique n’est pas propre à l’étude des appartenances géopolitiques ; on peut même considérer l’histoire de la psychologie sociale comme celle d’une tension permanente entre ses pôles individuel et collectif, entre son versant psychologique et son versant sociologique (Farr, 1991b; Farr, 1996). La méta-analyse proposée par Doise (Doise, 1982) distingue ainsi quatre niveaux d’analyse mis en œuvre en psychologie sociale. Ces quatre niveaux se situent sur un continuum allant du plus individuel au plus collectif :

!"Le niveau intra-individuel est caractéristique de modèles qui se focalisent sur les perceptions, attitudes ou comportements individuels envers l’environnement social sans aborder directement l’interaction entre cet individu et son environnement social.

7 « Je ne crois pas que les ‘explications’ des conflits sociaux et de l’injustice sociale puissent être principalement ou essentiellement psychologiques » (Tajfel, 1981b, p. 7).

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!"Le niveau interindividuel ou situationnel correspond à des modèles qui se focalisent sur les interactions sociales entre individus sans faire référence aux positions que ces individus occupent en dehors de cette situation particulière.

!"Le niveau positionnel fait explicitement intervenir les différences de positions sociales entre individus (par exemple, leur appartenance à des classes sociales ou à des groupes ethniques différents) dans les explications des phénomènes étudiés.

!"Le niveau idéologique. Les modèles qui font intervenir ce niveau d’analyse font référence aux idéologies, aux systèmes de croyances et de représentations et aux normes sociales et leur accordent un statut explicatif.

Certaines problématiques psychosociales ont été étudiées avec succès en se limitant à l’un de ces niveaux d’analyse. Doise (1982) cite par exemple les travaux de Festinger (Festinger, 1957) sur la dissonance cognitive ou ceux de Tajfel et Wilkes (1963) sur le processus de catégorisation qui relèvent selon lui du niveau intra-individuel. Cependant, l’articulation entre deux ou plusieurs de ces niveaux d’analyse serait requise dans l’étude de certains, voire de la plupart, des phénomènes sociaux. Cette articulation entre niveaux d’analyse serait, en fin de compte, selon Doise, l’objet spécifique de la psychologie sociale.

Les significations psychologiques des appartenances géopolitiques sont sans aucun doute un objet d’étude qui nécessite la prise en compte simultanée de plusieurs de ces niveaux. Ces significations dépendent certes des interprétations subjectives impliquant des processus de perception, de catégorisation et de jugement. Ces processus exigent des explications intra-individuelles. Ces appartenances donnent également lieu à des phénomènes qui se manifestent dans la relation à autrui (par exemple, la violence) ; qui mobilisent des explications de niveau situationnel. Et, par définition, l’étude des appartenances sociales implique la prise en compte de la position sociale des individus. Nous suggérons ainsi que toute étude psychosociologique des appartenances géopolitiques repose sur le postulat suivant : ces appartenances auront une influence sur les perceptions, jugements et comportements des individus et sur leur manière d’interagir avec un autrui lui-même partiellement défini par ses appartenances géopolitiques. Enfin, les systèmes de représentations qui définissent la nature même de ces entités géopolitiques, la qualité de leurs

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relations et les caractéristiques de leurs membres déterminent les autres niveaux d’analyse autant qu’ils sont déterminés par eux.

L’étude psychosociologique des appartenances géopolitiques nécessite donc un ou des modèles théoriques qui, d’une part, permettent l’articulation de ces différents niveaux d’analyse et qui, d’autre part, rendent possible la prise en compte des perspectives développées au sein d’autres disciplines. Nous examinerons à présent dans quelle mesure la théorie des représentations sociales et la théorie de l’identité sociale rencontrent ces critères.

Nous proposerons en outre que la prise en compte simultanée de ces deux théories remplit mieux ces critères que l’application isolée de chacune d’entre elles.

1.1. La théorie des représentations sociales

Nous avons déjà souligné l’écart qui peut exister entre la définition officielle d’une entité géopolitique et la manière dont celle-ci peut être perçue, que ce soit de l’intérieur - par les personnes qui en sont membres - ou de l’extérieur - par celles qui ne le sont pas. De même, le statut légal de citoyen, par exemple, n’épuise pas les univers de significations qui relient une entité géopolitique – qu’elle soit régionale, nationale ou supranationale - et les personnes qui en font, officiellement ou non, partie. L’étude des significations psychologiques de ces liens d’appartenance nécessite donc la prise en compte d’une distinction entre des savoirs formels, qui, dans le cas des entités géopolitiques, sont définis à travers un jeu complexe de relations entre les univers politiques, culturels et scientifiques (voir 1.6.2), et les connaissances du sens commun en fonction desquelles la plupart des gens adaptent leurs idées et leurs conduites.

C’est précisément sur base de cette distinction entre savoirs experts et savoirs profanes que Serge Moscovici a élaboré la théorie des représentations sociales (Moscovici, 1961;

Moscovici, 1976). Nous retracerons ici les origines du concept de représentation sociale ainsi que ses principaux fondements avant de nous attarder sur l’approche de cette théorie telle qu’elle a été développée par Doise et ses collaborateurs. Cet auteur a en effet porté une attention particulière à la dimension intergroupale de cette théorie ; ce qui ouvre des perspectives quant à son application à l’étude des appartenances géopolitiques.

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1.1.1. Origine du concept

Le concept de représentation sociale est en fait une version actualisée du concept de

« représentation collective » proposé par Emile Durkheim (Durkheim, 1898). En s’y référant, Moscovici prenait une double position : il ancrait sa théorie dans le champ sociologique, se démarquant ainsi d’une psychologie sociale très largement dominée par son pôle psychologique, et particulièrement par ses variantes behavioriste, puis cognitive8. De plus, au sein de ce champ, il choisissait Durkheim9 comme ancêtre, un choix qui n’est pas sans conséquences sur le destin de sa théorie (Deutscher, 1984). De fait, bien que Durkheim et Weber aient tous deux utilisé la notion de « représentation »10, leurs vues divergeaient radicalement à propos d’un aspect qui va revêtir une importance particulière dans l’étude des représentations sociales : l’individualisme méthodologique.

Lukes (Lukes, 1973) définit l’individualisme méthodologique comme « une doctrine à propos de l’explication qui stipule que toutes les tentatives d’expliquer des phénomènes sociaux (ou individuels) doivent être rejetées (…) à moins qu’elles ne soient formulées entièrement en termes de faits concernant des individus » (p. 110). La sociologie de Durkheim était fondée sur le rejet de l’individualisme méthodologique alors que Weber tendait à l’adopter. En portant son attention sur les représentations collectives, Durkheim partait d’un

« tout » social alors que Weber commençait son analyse à partir de l’individu.

Cette opposition apparaît clairement à travers les deux citations suivantes :

Durkheim : « Chaque fois qu’un phénomène social est expliqué directement par un phénomène psychologique, nous pouvons être sûrs que l’explication est fausse » (cité par Lukes, 1973, p. 120).

Weber : « (…) si je suis devenu sociologue (…) c’est principalement pour exorciser le spectre des conceptions collectives qui traînent toujours parmi nous. En d’autres termes, la

8 Farr (1996) a mis en évidence la filiation positiviste commune au behaviorisme et à la cognition sociale.

9 La théorie des représentations sociales n’est cependant pas exclusivement « durkheimienne ». Ainsi, elle possède des aspects qui la rapprochent de l’interactionnisme symbolique, particulièrement dans le fait que les communications informelles interindividuelles y sont considérées comme la base de la construction des connaissances du sens commun.

10 Weber s’y réfère dans la préface de “The Protestant Ethic and the Spirit of Capitalism” (Weber, 1922).

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sociologie elle-même peut uniquement procéder à partir des actions d’un ou plusieurs individus séparés et doit donc adopter des méthodes strictement individualistes » (cité par Lukes, 1973, p. 111).

En faisant resurgir le concept de représentations collectives, Moscovici réanimait en même temps une ancienne polémique relative à la pertinence et à l’existence même d’une réalité sociale non réductible aux propriétés des individus11.

1.1.2. Représentations collectives et représentations sociales

Durkheim a défini les représentations collectives en contraste avec les représentations individuelles. Les représentations individuelles appartiennent à chaque individu et varient avec le temps. Les représentations collectives sont créées par et appartiennent à la société entière ; elles sont partagées par tous les membres d’un groupe social et sont stables à travers le temps. Durkheim a appliqué ce concept à l’étude d’un vaste éventail de phénomènes : langages, religions, mythes, etc. Selon lui, ces représentations collectives jouent un rôle vital dans la vie d’une société ; l’anomie et l’égoïsme seraient des conséquences de leur disparition.

Selon Moscovici (1976), l’idée de représentations collective s’appliquait bien aux sociétés étudiées par Durkheim mais pose problème pour l’étude des sociétés occidentales contemporaines, caractérisées par le changement constant et la diversité. Les gens y sont confrontés à quantité d’informations nouvelles ; les opinions et les mentalités sont en perpétuel changement et sont rarement partagées par tous les membres d’une société. Il propose alors le concept12 de « représentation sociale » qu’il juge mieux adapté à cette réalité.

Celui-ci occupe en fait une place intermédiaire entre « représentation individuelle » et

« représentation collective. » Les représentations sociales sont partagées par des ensembles sociaux, mais pas forcément par tous les membres d’une société. Elles sont plus stables que les représentations individuelles, mais elles se transforment au fil du temps ; elles sont en

11 Dumont (Dumont, 1986) rapporte ainsi la réaction des empiristes anglo-américains à la notion de représentation collective. Ils ont demandé à Durkheim : « Avez-vous jamais rencontré une représentation sociale au coin de la rue ? Il n’y a que des hommes de chair et d’os » (p. 175).

12 Nous utilisons le terme “concept” en dépit de l’existence d’une polémique relative au statut de concept des “représentations sociales”, qui est alimentée entre autres par le fait que Moscovici n’en a jamais proposé une définition formelle.

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perpétuel changement. Elles déterminent en partie les pensées et les comportements individuels, mais elles peuvent également être modifiées par les actions des individus.

1.1.3. Savoirs experts et savoirs profanes

La recherche de Moscovici sur les représentations sociales de la psychanalyse (1961, 1976) retrace l’histoire de la transformation d’un savoir scientifique13 en savoir populaire. Son but était d’étudier la manière dont une théorie scientifique se diffuse dans une culture, la manière dont elle se transforme, s’intègre dans les systèmes de pensée préexistants pour en arriver à changer la vision que les gens ont du monde.

Moscovici postule ainsi l’existence d’une différence qualitative entre les savoirs experts, tels qu’ils sont produits dans nos sociétés par les communautés scientifiques, et les savoirs profanes, populaires ou du sens commun, qui organisent la perception du monde des non-experts.

L’analyse des entretiens d’enquête concernant la psychanalyse - où il constate que des sujets tirent des conclusions trop générales à partir d’observations particulières, se contredisent, font prévaloir les conclusions sur les prémisses, se répètent inutilement, etc. - le mènent à mettre ces deux types de savoir en correspondance avec deux styles de pensée. Les savoirs experts sont produits selon des contraintes qui caractérisent un style de pensée formel ou standard (Moscovici & Hewstone, 1983) ; les savoirs profanes selon un style de pensée naturel ou non-standard (semblable, dans ses manifestations, à la pensée concrète ou enfantine). Le premier style de pensée s’acquiert par apprentissage. Il est réflexif et vise l’établissement de la vérité ; il procède par un raisonnement logique dont on suppose que les conclusions sont valables pour tous. Le second ne nécessite aucune formation, il est utilisé dans la vie de tous les jours, n’obéit pas forcément aux mêmes contraintes et ne vise pas la validité scientifique (ibidem)14.

13 Ou pseudo-scientifique selon les points de vue, en tous cas « expert ».

14 Cette distinction entre savoirs experts et savoirs profanes, entre univers réifié et univers consensuel a bien sûr fait l’objet de critiques (McKinlay & Potter, 1987), y compris de la part d’auteurs qui se réclament de la théorie des représentations sociales (Farr, 1993; Joffe, 1999).

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Moscovici suggère que chacun de ces styles de pensée repose sur un système cognitif spécifique. Le système opératoire procède aux activités cognitives de base : associations, inclusions, discriminations, déductions, etc. Les activités du système opératoire sont régulées par un métasystème qui sélectionne les règles auxquelles il se conforme et retravaille la matière qu’il produit. Ce métasystème adapte le fonctionnement du système opératoire en fonction de la situation particulière dans laquelle l’activité cognitive a lieu. Ainsi, ce métasystème peut, par exemple, imposer l’observation de règles logiques lors d’activités scientifiques ou au contraire viser la cohérence sociale lors de situations de conflit.

Moscovici insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas de porter un jugement de valeur dans le cadre d’une opposition entre logique et illogique, rationnel et affectif, social et non-social, mais bien de reconnaître l’existence d’une « pluralité de systèmes cognitifs et de situations sociales entre lesquelles il y a un rapport d’adéquation » (1976, p. 248). L’adoption de l’un ou l’autre style de pensée remplit donc une fonction adaptative.

De plus, il faut souligner que la différence entre les styles de pensée formel et naturel ne correspond pas à une différence entre individus, les uns pensant « formellement » et les autres

« naturellement », mais à des applications différenciées en fonction des situations rencontrées.

Le fait qu’une personne puisse produire, à un moment donné - par exemple, lors d’un entretien d’enquête concernant la psychanalyse -, un discours caractéristique de la pensée naturelle – où, par exemple, les contradictions abondent – ne signifie pas que la même personne, dans un contexte différent, ne se montrerait pas capable de mettre en œuvre des opérations logiques caractéristiques de la pensée formelle. La situation inverse est tout aussi réaliste : « face à certains problèmes, tout individu est non cultivé » (Moscovici, 1976, p. 249).

Il faut néanmoins souligner que le métasystème régissant le sens commun, domaine de la pensée naturelle, est dominé par des relations normatives. Cette caractéristique correspond aux cadres de production de cette pensée et aux objectifs qu’elle poursuit. Ceux-ci la différencient du savoir scientifique, qui est produit dans des cadres particuliers (unités de recherche) afin d’atteindre des objectifs spécifiques, qu’ils soient épistémiques et/ou pratiques. C’est un savoir qui recherche la validité empirique. Quant au savoir profane, il s’élaborerait lors d’interactions informelles et aurait une fonction essentiellement relationnelle de mise en convergence des points de vue. C’est la recherche d’une validité consensuelle qui en motiverait la production et l’usage. Dans ce cas, ce sont les valeurs, plutôt que les critères

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logiques et la confrontation au réel, qui dominent le raisonnement. Le métasystème normatif délimite le domaine des raisonnements acceptables en fonction des valeurs du groupe que ce raisonnement ne peut contredire.

Ainsi, le caractère « social » de la représentation ne se limite pas au fait qu’elle soit socialement partagée. Il renvoie également à sa genèse par validation sociale lors d’échanges informels. A ce titre, Moscovici cite Berger et Luckman (Berger & Luckmann, 1966-67): « La conversation est le plus important des moyens qui servent à préserver la réalité. On peut concevoir la vie quotidienne de l’individu en fonction du mouvement incessant d’un appareil conversationnel qui préserve, modifie et reconstruit sa réalité subjective » (p. 140 cité par Moscovici, 1976, p. 93). Ce caractère social correspond enfin aux fonctions de la représentation dans les processus de formation des conduites et d’orientation des communications sociales.

Lorsque des connaissances scientifiques - ou expertes - font l’objet d’une diffusion publique, elles subissent une série de transformations qui vont permettre leur intégration dans le domaine du sens commun, qui est régi par des règles très différentes dominées par des normes et des valeurs sociales. En intégrant le sens commun, elles vont cesser d’être des ensembles de concepts organisés en systèmes cohérents pour devenir des représentations sociales, qui n’auront qu’un lien de parenté parfois très éloigné avec les théories dont elles sont issues.

Selon Moscovici (1976), deux processus interviennent dans cette transformation : l’objectivation et l’ancrage.

1.1.4. L’objectivation ou la matérialisation des concepts

« Objectiver c’est résorber un excès de significations en les matérialisant (et prendre ainsi une distance à leur égard). »

Moscovici (1976, p.108) L’objectivation est le processus à travers lequel on transforme des idées en choses, des concepts abstraits en réalités naturelles. Dans le cas de l’appropriation d’une théorie scientifique par le sens commun, l’objectivation se produirait suivant plusieurs étapes. Tout d’abord, les éléments de la théorie sont sélectionnés en fonction de critères culturels – l’accès qu’ont différents groupes à l’information – et de critères normatifs : ne sont retenus que les

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