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Texte intégral

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Eléments de description de l’orungu Langue bantu du Gabon (B11b)

Odette AMBOUROUE Thèse présentée en vue de l’obtention du grade académique de

Docteur en Philosophie et Lettres; Orientation: Linguistique Sous la co-direction de Mesdames

Betty VANHOUDT Claire GREGOIRE

Année académique 2006-2007

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INTRODUCTION

Les parlers du groupe myènè ont bénéficié d’un certain intérêt dans les études linguistiques bantu. Toutefois, les acquis sont fragmentaires et portent sur des points précis de la langue. Aussi avons-nous choisi de réaliser une étude globale de la langue, du moins de sa variante orungu qui, jusqu’ici, n’a quasiment pas été décrite.

L’orungu, classé en B11b par Guthrie, est l’un des parlers utilisés par un groupe socio-culturel qui se désigne sous le nom de Ngwè-myènè1 ou sous celui de Myènè, dénomination administrative qui est de plus en plus employé. Cet ensemble regroupe les Mpongwè de l’estuaire du Gabon, les Nkomi, les Galwa, les Adyumba et les Enénga du Bas-Ogooué. On a souvent, à tort, intégré le benga dans ce groupe, alors qu’il n’y a pas d’intercompréhension entre cette langue et les parlers omyènè. Les membres de cette communauté essentiellement linguistique parlent l’omy

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n (le myènè) dont les variantes dialectales sont dans l’ordre : /eowan/, /euwan/, /ealwan/, /eomyan/, /edyumbyan/ et /eneyan/. "Ce groupe couvre une forte unité sociologique, tant et si bien qu’on a confondu le nom de la langue (mye ne : je dis) avec le nom de l’ancêtre, assimilant a priori langue et race ou langue et ethnie"2.

La présente étude concerne donc l’omyènè-orungu, c'est-à-dire la variante en usage dans la région de Port-Gentil, chef lieu de la province de l’Ogooué-Maritime, et dans quelques villages au bord de l’Ogooué, principalement dans le village Abélogo1 d’où nous sommes native. On ne saurait faire l’étude d’une langue, sans faire référence au peuple qui la parle. Ainsi, dans les lignes qui suivent, nous présenterons brièvement le peuple wmy

3

n.

Localisation et démographie

Les Ngwè-myènè, peuple côtier et lacustre occupent une large partie de la côte ouest du Gabon allant de Libreville jusqu’au Vernan-Vaz, qui regroupe les provinces de l’Estuaire, de l’Ogooué-Maritime et du Moyen-Ogooué. Installés à Libreville et à la Pointe Denis, sur les rives droite et gauche de l’Estuaire, les Mpongwè constituent la partie septentrionale du groupe. En longeant la côte vers le sud, on trouve successivement les Orungu du Cap Lopez et les Nkomi du Fernan-Vaz. Au niveau du

1 « Mère des Myènè ».

2 AMBOUROUE-AVARO J., 1981, Un peuple gabonais à l’aube de la colonisation : le Bas-Ogowe au XIXe siècle, Paris, Karthala, pp. 50-51.

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Galwa dans la région des lacs et à Lambaréné, les Adyumba au lac Azingo et les Enénga au lac Zilè.

«Le pays des Orungu ou Eliwa-Bendje est un pays maritime. Il comprend l’île Mandji proprement dite, mais aussi et surtout les pays de la baie de Nazareth (Orembogange) avec ses nombreuses criques, la côte jusqu’à Osengatanga. La limite théorique avec les terres des Mpongwè au nord est la rivière Awanyè et le lieudit Lyanyè. On y trouve de vieux sites et d’anciens villages comme Apomandé, Mbilapè, Abunawiri et Wézè dans les parages de l’Orembogange, Izambè ou Mpémbé, Osengatanga sur la côte nord. Mais le "Cap Lopez " historique s’étend aussi en profondeur sur la rive droit de l’Ogowe jusqu’à "Dambo"»3.

La population ngwè-myènè est estimée à 467434 habitants, répartie comme suit : - 1000 à 2000 Adyumba

- 1000 à 5000 Enénga - 2000 à 11000 Galwa - 1000 à 4000 Mpongwè - 10000 Orungu

- 20000 Nkomi

On constatera que ces chiffres sont vagues et approximatifs sauf pour les Orungu et les Nkomi. De manière générale, l’orungu (comme la quasi-totalité des langues gabonaises) se pratique dans le cadre familial ou dans les palabres coutumières. La tentative d’introduction des langues nationales dans l’enseignement est, en effet, encore au stade embryonnaire.

Organisation sociale et politique Structure familiale et clanique

Le mode de vie des anciens, leur organisation sociale et politique étaient étroitement liés à leur niveau technique. Mais ces techniques, élaborées par les hommes au moment de leur fixation, ont considérablement évolué jusqu’à disparaître complètement aujourd’hui. Elles ont été plus ou moins remplacées par des techniques importées. Pourtant le type d’organisation sociale et politique qui en dépendait n’a pas encore tout à fait disparu. Ainsi, la société Ngwè-myènè (excepté les Mpongwè) est

3 AMBOUROUE-AVARO J., op cit p.104.

4 http.//www.ethnologue.com/

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matrilinéaire, comme la quasi-totalité des sociétés gabonaises. Elle se rattache au type de sociétés segmentaires où les relations claniques, lignagères et parentales jouent un rôle fondamental. On rencontre par ordre de complexité croissante :

- la famille nucléaire (/nyomba/ qui vient de +yomba "(se) marier").

- la progéniture (/o/ou /w/) qui désigne l’ensemble des enfants issus d’une même mère.

- le clan (/mbuwe/) qui est la pierre angulaire des systèmes fondés sur la parenté. Il regroupe des individus se réclamant d’un ancêtre commun. Le culte totémique ayant disparu, le clan se rattache plus fréquemment à un ancêtre humain, souvent mythique. Ainsi de lignage, le groupe devient clan.

- le lignage (/ozmb/) est défini comme "le sous-groupe" matrilinéaire du clan par Agondjo-Okawé. Il dépend du clan. Comme le clan, le lignage se rattache à une femme-ancêtre dont on ne peut savoir de quelle femme elle descend elle-même. «Sans personnalité juridique en raison de sa dynamique propre et des tensions qui l’opposent ou pourraient l’opposer au clan, le lignage est un clan en puissance. La prolifération des clans et leur renouvellement ne sont que la consécration de l’indépendance plus ou moins affirmée d’anciens lignages par scission »5. A l’origine, la société myènè était donc matrilinéaire puisque le mot /ozmb/ dérive de /ezmb/

«sœur». Etymologiquement, la traduction de /ozmb/ est donc

«matrilignage». Aussi la venue au monde d’un enfant de sexe féminin est- elle saluée avec le plus grand enthousiasme, d’où l’expression : /mbuwe n ezmb ee dyla/ « un clan (avec) une sœur ne peut disparaître». Les pouvoirs sont concentrés dans le clan maternel et entre les mains de l’oncle maternel qui est pratiquement le "père" de ses neveux et qui possède sur eux des droits étendus. Corrélativement la transmission des biens se fait d’un homme aux fils de ses sœurs, l’aîné ayant la plus grande part. Il s’agit là des biens personnels, car la propriété immobilière est clanique et collective. Mais avec le changement des conditions d’existence, la société orungu, comme les autres sociétés constituant le groupe myènè, a évolué vers un système mixte voire patrilinéaire avec une affirmation de la patrilocalité.

5 AGONDJO-OKAWE P., 1967, Structures parentales gabonaises et développement p. 58

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lignage /ozmb/. Cependant cette règle présente des exceptions6. On distingue en effet :

- le mariage intraclanique (/oyombano w mbuwe mo/ «le mariage du même clan») soit avec une autorisation, soit à titre pénal, pour régulariser un inceste.

- le mariage intralignager dit «cloches du village» (/aelee m kala/), la cloche étant le symbole de la puissance et de l’autorité. Un tel mariage renforce le droit du clan sur les enfants car le père n’est pas un étranger.

C’est par conséquent un mariage politique.

Organisation politique7

L’organisation politique était de nature patriarcale. Le pouvoir était détenu par une minorité de vieux et le chef était assisté par l’assemblée des anciens. A l’époque où ces systèmes ont été créés, il était normal qu’il en fût ainsi car la connaissance reposait sur l’expérience directe et l’âge était le critère de la connaissance. On parlera à juste titre de gérontocratie. Ainsi donc la société traditionnelle myènè se caractérisait par l’absence d’Etat et même, à la limite, d’organisation politique spécialisée, l’autorité oscillant entre quatre formes emboîtées :

- la chefferie de village et de lignage, circonscrite à la case (/nao/) et dont l’autorité représente une forme politique mineure, est assumée par l’aîné du lignage, l’aîné de la famille paternelle étendue.

- la chefferie de clan est basée sur la propriété terrienne (/nce/). Le chef de clan a pour mission l’organisation de l’espace et l’administration des choses.

- la chefferie d’ethnie (/n/) ou royaume est la forme supérieure du pouvoir. Le royaume inclut l’ensemble des clans parmi lesquels on choisit le chef (/oa/). Traditionnellement, le roi avait pour mission de veiller à la cohésion interne des clans et à la protection de ceux-ci contre les agressions externes.

6 AGONDJO-OKAWE P., Structures parentales gabonaises et développement, p.84

7 AMBOUROUE-AVARO J., op cit, p.67-70

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Le corpus

L’ensemble des données sur lesquelles repose notre étude est fourni par nous, puisque nous sommes nous-même locutrice native du parler orungu. Nous avons également eu recours à notre père, le pasteur Emmanuel Igana-Oyembo pour vérifier et confirmer certains de nos propos. Les dictionnaires mpongwè-français et français- mpongwè de Raponda, ont été également d’une aide précieuse. Nous aurions voulu enregistrer quelques contes, malheureusement le conteur du village est décédé bien avant notre retour au Gabon. Cela dit, nous nous considérons comme étant une informatrice et une locutrice fiable qui maîtrise parfaitement sa langue, d’autant plus que nos parents sont tous les deux Orungu et que tous les habitants de notre village et des villages environnants le sont également. Notre séjour en France et en Belgique n’a pu altérer une longue et constante pratique de notre langue.

Etudes antérieures

Un certain nombre de travaux et d’écrits ont été consacrés à la langue omyènè ou à l’une ou l’autre de ses variantes. Les premiers écrits datent de la deuxième moitié du XIXe et du début du XXe siècle et sont l’œuvre de missionnaires. Il s’agit essentiellement de catéchismes, de dictionnaires, de la traduction de la Bible, de recueils de cantiques et de grammaires. Certains de ces travaux constituent des sources d'informations considérables, malgré les mélanges dialectaux (notamment dans la Bible), l’absence de notations tonales et quelques erreurs phonétiques. D’autres en revanche (notamment ceux du XIXe siècle) correspondent très peu à la langue actuelle.

Beaucoup plus récemment, on relève quelques études linguistiques qui ont été consacrées à certains parlers du groupe, parmi lesquelles on peut citer les études diachroniques de Mouguiama-Daouda (1990) et Blanchon (1991) sur le mpongwè, de Cl. Grégoire et J-P. Rékanga (1994) et J-P. Rékanga (1994) sur le nkomi. Ces études sont centrées sur les réflexes du proto-bantu dans les divers parlers myènè, décrivent la manière dont les phonèmes ont évolué et donnent une interprétation historique de ce qui a dû conditionner les alternances consonantiques qui constituent un trait marquant du groupe.

Pour ce qui est des études synchroniques, on peut citer celles de Jacquot (1976 ;1983) sur l’ensemble des parlers B10. L’auteur fait une étude phonologique et morphologique comparée des différents parlers myènè. L’analyse morphologique est centrée sur l’établissement des classes nominales et sur l’alternance consonantique.

Visiblement gêné par le conditionnement de ces alternances, l’auteur distingue les alternances systématiques et les alternances non systématiques. Dans les Actes du

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Damas et Cl. Grégoire dégagent respectivement les phonèmes du mpongwè et du nkomi. Les Eléments de description du mpongwè, Libreville, 1990 de Mouguiama- Daouda et L’étude morphosyntaxique du verbe en mpongwe, Libreville, 1990 de Ogouamba sont des premières approches descriptives intéressantes même si elles manquent de précision dans l’analyse morphologique et ne résolvent pas les problèmes de la tonalité qui est toutefois notée, ce qui est important.

Dans les Premières observations sur le système tonal du myènè-nkomi, Lyon, 1991, Cl. Grégoire étudie la tonalité des substantifs canoniques de thème dissyllabique et celle des syntagmes dans lesquels ces substantifs interviennent. Elle met en lumière un certain nombre de faits parmi lesquels la grande variabilité de la tonalité des lexèmes. Elle relève également l’uniformisation de la tonalité structurelle des thèmes nominaux monosyllabiques et dissyllabiques ainsi que de la tonalité des radicaux verbaux. Elle fait mention de la fonction grammaticale de la tonalité au sein de l’opposition indéfini/défini.

Dans Tonal domains in Galwa, 1996, pdf sur Internet, Philippson et Puèch poursuivent cette première analyse en l’étendant à la quasi-totalité du système. Cette étude est non seulement d’un exceptionnel intérêt théorique mais aussi remarquable par l’étendue et la diversité des faits de tonalité qu’elle envisage. Elle établit les divers schèmes tonals qui caractérisent les nominaux, propose une explication de leur réalisation à l’indéfini et au défini en suggérant qu’un ton haut flottant s’adjoint, dans ce cas, à la séquence préfixale et justifie des diverses représentations propres aux lexèmes dans la quasi-totalité des environnements syntaxiques pertinents. Il s’agit là d’une contribution majeure à la compréhension des systèmes tonals très complexes que présentent les parlers B10. Centrée essentiellement sur le parler galwa, l’étude propose des notes relatives à d’autres variantes du myènè comme le nkomi et le mpongwè.

Même si le parler orungu n’y est pas examiné, nous devons beaucoup à cette étude dont nous rejoindrons les conclusions sur plusieurs points. Nous sommes donc redevable à ses auteurs, quoique nous ayons opté pour une perspective moins orientée par un choix théorique préalable et plus pragmatiquement consacrée, dans un premier temps, à la seule description des données.

Présentation générale ou méthodologie

Notre recherche se propose d’apporter une vue d’ensemble du système de l’omyènè-orungu, sans prétendre décrire tous les faits, mais en incluant les plans segmental et tonal dans une analyse conjointe des niveaux phonologique, morphologique et post-lexical. Cette vision globale nous a paru d’autant plus nécessaire

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que l’absence de toute description a, jusqu’à présent, exclut l’orungu du développement des études comparatives (notamment des études comparatives tonales) qui portent sur les parlers du groupe B10. C’est dans le but d’apporter un premier ensemble de données analysées, aussi complet et rigoureux que possible, que nous avons opté pour un modèle descriptif assez simple.

Notre ambition n’est pas de poursuivre un objectif théorique, encore moins de tester ou de démontrer les hypothèses d’une école. Toutefois pour atteindre nos objectifs, il nous fallait choisir un cadre théorique et méthodologique. Nous avons opté pour un modèle structuraliste rigoureux mais aussi proche que possible de ce qu’exigeaient les données elles-mêmes. Nous avons tenté de visualiser, à partir des structures de base jusqu’aux représentations phonétiques, les différentes étapes d’un processus où interviennent à la fois des contraintes morphologiques et syntaxiques.

Ainsi au niveau tonologique, les nombreuses variations tonales des constituants sont expliquées par des formes structurelles stables subissant des règles de représentation qui agissent tantôt lors de la formation des mots, tantôt lors de la formation des syntagmes ou des phrases. Cette optique n’a pas permis de donner une solution adéquate à l’ensemble des questions posées, mais le système tonal des parlers myènè est sans doute trop complexe pour qu’une première approche, de quel que type qu’elle soit, puisse apporter une description vraiment satisfaisante de tous les aspects de son fonctionnement.

Organisation du travail

Ce travail qui se veut synchronique, a été effectué indépendamment de toute considération historique. Il s’articule en trois parties. La première décrit la phonologie, le système de classes nominales et les alternances consonantiques. L’inventaire des phonèmes (segmentaux et tonals) qui caractérisent l’organisation structurelle de la langue, la description de leurs traits pertinents ainsi que les différents processus phonologiques liés aux segments formels constituent le premier chapitre de cette partie.

Nous y présentons également les principaux phonèmes tonals et leurs réalisations. Nous décrivons ensuite le système des classes et leur implication sur les modifications formelles du thème en formulant les règles d’allomorphie. Nous terminons cette première partie par la description des alternances consonantiques et des mécanismes qui les déterminent.

La deuxième partie traite de la morphologie et de la tonologie lexicale. Nous y présentons successivement les formes substantivales, les formes adjectivales, les formes pronominales, les formes verbales et les formes nomino-verbales. Dans les formes nominales (substantifs et adjectifs), l’ensemble des schèmes tonals est analysé en vue de

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à la forme définie. La description tonale a été faite en disséquant chaque élément du discours en unités morphémiques et en tenant compte aussi bien du ton haut que du ton bas. Pour ce qui est des formes pronominales, nous avons traitésimultanément tous les aspects de la tonologie (qu’ils soient morphologiques ou syntaxiques) afin d’éviter des redites qui auraient allongé notre exposé de manière inutile. Dans les formes verbales, nous traitons essentiellement de la dérivation et de la flexion verbale aux différents tiroirs. Quant aux formes nomino-verbales, nous les analysons et nous tentons de présenter leurs différentes fonctions syntaxiques.

Les lexèmes ainsi analysés conduiront à la troisième partie consacrée à la tonologie post-lexicale. Dans cette partie, nous décrivons les modifications des schèmes de tonalité propres aux lexèmes lorsqu’ils sont à la fois placés dans certains environnements tonals et dans certaines situations syntaxiques, en tenant compte du type tonal propre aux unités lexicales. Pour rendre la lecture plus aisée, nous traitons, en deux sections distinctes, les modifications que subissent les schèmes de tonalité lorsque les lexèmes sont employés à l’indéfini et lorsqu’ils sont employés au défini.

Nous avons donc procédé, tout au long de ce travail, à une analyse dérivationnelle en partant de la forme de base jusqu’à la forme réalisée. Cette démarche pourra déconcerter. Néanmoins, elle a le mérite de visualiser les différentes étapes d’application des processus. Par ailleurs, il nous a paru que cette méthode, en formulant des règles qui prévoient les diverses formes et réalisations sous lesquelles les morphèmes ou les lexèmes se manifestent au sein du mot ou du syntagme (compte tenu de l’environnement dans lequel ils se trouvent placés), permet de dégager des régularités de fonctionnement intéressantes notamment dans la description des processus tonals. La description de la langue devient ainsi plus systématique et plus claire.

Enfin de marquer la distinction entre structure et réalisation, les formes de base sont présentées entre barres verticales tandis que les formes réalisées sont placées entre crochets et notées en transcription phonétique. L’emploi des barres obliques indiquent que la forme citée relève d’un niveau intermédiaire. Afin de faciliter la lecture, nous avons préféré séparer les mots par des blancs dans les formes réalisées. Les symboles utilisés sont ceux de l’alphabet phonétique africain (API).

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PREMIERE PARTIE

PHONOLOGIE, SYSTEME DE CLASSES ET ALTERNANCES CONSONANTIQUES

I.1- PHONOLOGIE

La valeur pertinente des phonèmes est établie à partir de paires minimales que le lecteur pourra trouver dans l’annexe n° 1.

1.1.1- Les voyelles

L’orungu compte sept phonèmes vocaliques dont les traits pertinents sont le point d’articulation et le degré d’aperture. La série antérieure et la série postérieure forment une corrélation. Ainsi les voyelles se définissent et se distinguent comme suit :

/i/ : voyelle fermée (1er degré d’aperture) (i/e, , a), antérieure (i/u) /u/ : voyelle fermée (1er degré d’aperture) (u/o, , a), postérieure (u/i) /e/ : voyelle mi-fermée (2e degré d’aperture) (e/i, , a), antérieure (e/o) /o/ : voyelle mi-fermée (2e degré d’aperture) (o/u, , a), postérieure (o/e) // : voyelle mi-ouverte (3e degré d’aperture) (/i, e, a), antérieure (/) // : voyelle mi-ouverte (3e degré d’aperture) (/u, o, a), antérieure (/) /a/ : voyelle ouverte (4e degré d’aperture) (a/i, u, e, o, ,), centrale ( a/i, u, e, o, , )

i e a o u

Antérieur + + + - - - -

Postérieur - - - - + + +

Central - - - + - - -

Fermé + - - - - - +

Mi-fermé - + - - - + -

Mi-ouvert - - + - + - -

Ouvert - - - + - - -

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les autres voyelles apparaissent dans toutes les positions : position initiale, médiane et finale. Voici quelques exemples :

[i] [ncn] «des mouches»

[e] [eee] «un arbre»

[] [o] «un brochet»

[a] [awana] «des enfants»

[] [aknd] «des bananes plantains»

[o] [oolo] «un pied»

[u] [ncunu] «des fourmis»

Si on ne relève pas de voyelles intrinsèquement longues dans la langue, on note en revanche, un léger allongement vocalique après une semi-voyelle ou une semi- voyelle précédée d’une consonne. On note aussi un allongement de la première voyelle du thème.

Les voyelles nasales sont complètement absentes dans la langue. Les voyelles restent orales même lorsqu’elles sont entourées de nasales.

1.1.2- Les consonnes et semi-consonnes

D’un point de vue phonétique, les consonnes et les semi-consonnes de l’orungu sont les suivantes : [m], [n], [ ], [], [mp], [mb], [nt], [nd], [k], [], [mf], [nc], [nj], [p], [ph], [&], [t], [th], ['], [f], [v], [], [s], [z], [c], [l], [], [k], [], [y], [], [w] ; d’où le tableau phonétique ci-après :

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Point d’articulation Mode d’articulation

Bilab. Labio -dent.

Apico- alvéo.

Dorso -pal.

Labio -pal.

Labio -vél

Dorso -vél

Nasale m n

Sourde mp mf nt Nk

Mi-nasale

Sonore mb nd

Sourde c

Affriquée

Sonore

Sourde nc

Affriquée mi- nasale

Sonore nj

Expl p t k

Aspr Sourde

ph th Occl

Impl Sonore & '

Sourde f s

Fric

Sonore v z

Latérale l

Battue

Continue y w

Les occlusives aspirées apparaissent devant /u/et les non aspirées figurent partout ailleurs. Les occlusives non implosives apparaissent après une nasale et les implosives correspondantes figurent dans tous les autres cas. On notera qu’il n’y a pas d’implosive dorso-vélaire.

Voici quelques exemples illustratifs pour chaque son : [p] [polo] «des obscénités»

[ph] [phuphu] «blanc»

[&] [e&anda] «une peau»

[] [aa] «une aile»

[m] [aman] «des mauvaises herbes»

[mp] [ampaza] «des jumeaux»

[mb] [mbom] «des calebasses»

[mf] [mfelin] «des manières de mettre»

[f] [efu] «une couverture»

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[th] [thuthu] «du vin de palme»

['] ['ena] «pleurer»

[n] [onm] «une langue»

[nt] [ntmbe] «des planches»

[nd] [ndndnd] «des libellules»

[s] [els] «un foulard»

[z] [ozzi] «un pilon»

[l] [oll] «une papaye»

[] [ee] «des arbres»

[k] [kaa] «frire»

[] [oee] «un banquet»

[] [omba] «un porc-épic»

[nc] [ncozo] «des chaussures»

[nj] [njna] «des gorilles»

[k] [kamb] «des antilopes»

[] [oo] «une boîte»

[y] [oya] «une feuille»

[] [oye] «un cheveu blanc»

[w] [wawo] «eux»

[c] [cwana] «une marmite»

Dans une optique phonologique, 18 phonèmes ont été retenus : /p/, /b/, /m/, //, /f/, /v/, /t/, /d/, /n/, /s/, /z/, /l/, //, /k/, //, //, /y/ et /w/ que nous représentons dans le tableau ci-après avec leurs traits pertinents.

Mode d'articulation Lieu d'articulation CONS. Voisé Nas Occl. Fric. Lat. Cont Bat. Lab. Dent. Pal. Vél.

p - - + - - - - + - - -

b + - + - - - - + - - -

m + + + - - - - + - - -

+ - - + - - - + - - -

f - - - + - - - + + - -

v + - - + - - - + + - -

t - - + - - - - - + - -

d + - + - - - - - + - -

n + + + - - - - - + - -

s - - - + - - - - + - -

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Mode d'articulation Lieu d'articulation CONS. Voisé Nas Occl. Fric. Lat. Cont

.

Bat. Lab. Dent. Pal. Vél.

z + - - + - - - - + - -

l + - - - + - - - + - -

+ - - - - - + - + - -

k - - + - - - - - - - +

+ - + - - - - - - - +

+ + + - - - - - - - +

y + - - - - + - - - +

w + - - - - + - + - - +

a- Le statut phonologique accordé à la labio-dentale [v] mérite d’être discuté.

Cette consonne apparaît parfois comme la variante libre de //, notamment chez les jeunes locuteurs qui habitent la ville. Cette réalisation de // par [v] est sans doute due à l’influence du français. Ainsi par exemple, le mot pour désigner "le genou" sera prononcé soit [vuva], soit [ua] ; la deuxième réalisation est celle admise par la communauté.

D’autre part, [v] apparaît également comme la variante libre de /w/ dans les formes verbales, particulièrement à l’impératif, au passé éloigné et au subjonctif quand la forme infinitive atteste la labiodentale sourde [f] à l’initiale du radical. De cette façon, des formes infinitives comme :

[faa] «craindre»

[fnya] «retourner»

[fema] «se tromper»

correspondent, par exemple, aux impératifs : [waa] «crains » [nya] «retourne»

[ema] «trompe-toi»

ou bien :

[vaa] «crains»

[vnya] «retourne»

[vema] «trompe-toi»

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- au passé éloigné, on a : [myawa] «j’avais craint»

[myany] «j’étais retourné»

[myaem] «je m’étais trompé»

[myava] «j’avais craint»

[myavny] «j’étais retourné»

[myavem] «je m’étais trompé»

- au subjonctif, on a :

[azeawae] «que nous craignions»

[azeanye] «que nous retournions»

[azeaeme] «que nous nous trompions»

[azeavae] «que nous craignions»

[azeavnye] «que nous retournions»

[azeaveme] «que nous nous trompions»

Cependant, il arrive que la latitude de réaliser [w] ou [v] n’existe pas. Ces emplois obligatoires de [v] pour [w] permettent de lever certaines ambiguïtés sémantiques dans les formes verbales. Ainsi, les formes impératives suivantes :

[venza] «fais cuire» de [fenza] «faire cuire»

[valuna] «sarcle» de [faluna] «sarcler»

[vala] «laisse» de [fala] «laisser»

[vunza] «fais plier» de [funza] «faire plier»

sont différenciées de celles citées ci-dessous où la consonne de l’infinitif correspondant est [&] :

[wenza] «fais bouillir» de [&enza] «faire bouillir»

[waluna] «affûte» de [&aluna] «affûter»

[wala] «rends visite» de [&ala] «rendre visite»

[wunza] «multiplie» de [&unza] «multiplier»

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Ce sont ces derniers exemples qui nous permettent d’accorder, à la consonne v, le statut de phonème.

b- Si la réalisation de la nasale dorso-palatale [] est irréfutable, son statut phonologique, par contre, peut paraître discutable. Il pourrait être établi à partir des paires minimales ci-après :

[ ama] «un animal»

[nama] «des membres»

[mama] «des dictateurs»

Toutefois, [ ] n’est pas retenu comme un phonème, mais plutôt comme la réalisation de la séquence n+y, à partir d’exemples comme :

[ayama] «l’espèce animale»

[oyembo] «une chanson»

[ayn] «l’espèce ailée»

qui s’opposent aux substantifs suivants formés sur les mêmes thèmes : [ ama] «un animal»

[ emb] «un chanteur»

[ n] «un oiseau»

Dans la suite du texte, c’est la graphie ny qui sera retenue. Ainsi, par exemple, les lexèmes désignant «animal», «chanteur» et «oiseau» seront notés : [nyama], [nyemb], [nyn]. Une règle peut prévoir que la succession /n+y/est réaliséeparla nasale dorso-palatale [ ].

c- // apparaît, dans la plupart des cas, devant une consonne vélaire [k] ou []

ainsi que devant la semi-consonne labio-vélaire [w]. On pourrait donc être tenté de conclure qu’il n’a pas de statut phonologique. Toutefois, il apparaît aussi à l’intervocalique ou devant une voyelle, à l’initiale de mot (exemples : [omba], [omba] «un porc-épic, des porcs-épics», [omb], [omb] «un varan, des varans») par l’application d’une règle de Meinhof que l’on serait autorisé à considérer comme assez figée. De plus, il coexiste devant [w] avec les consonnes nasales [n] et [m]

d’une manière qui rend son occurrence difficile à prévoir en termes purement phonologiques. Nous avons, en effet, simultanément :

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[&omwa] «arriver»

[owanto] «une femme»

Il y a donc intérêt à lui conférer le statut de phonème à part entière.

d- Les consonnes /y/ et /w/ ont un double statut : d’une part, elles sont attestées comme phonèmes et à ce titre s’opposent aux autres consonnes de la langue comme on peut le constater dans les paragraphes 2.15 et 2.16 de l’annexe. En outre, elles sont respectivement les réalisations de /i/ et de /u/, /o/ou // lorsque ces phonèmes sont placés devant une autre voyelle (Cf. Contacts de phonèmes). Par ailleurs, la vélaire /w/est représentée par la labio-palatale [] lorsqu’elle est suivie d’une voyelle antérieure ou de la palatale /y/.

/w/ → [] /  i, e, , y

Exemples :

[omb] «un génie»

[oee] «un banquet, un festin»

[oe] «un cheveu»

[oye] «un cheveu blanc»

[eya] «bon» cl.7

e- En conférant le statut de phonème à [] plutôt qu’à [], nous rejoignons des auteurs tels que Cl. Grégoire (1980) pour le nkomi et Mouguiama-Daouda (1990) pour le mpongwè. Nos propres comparaisons avec les autres langues du groupe B nous font adopter cette position. En effet, [] et [] ne s’opposent pas et ont une distribution complémentaire : [] n’apparaît qu’après une consonne nasale et [] dans tous les autres contextes ; [] et [] sont donc les réalisations d’un même phonème que l’on notera //. Du reste, [k] n’a pas de correspondant sonore figurant en tout contexte et [] n’a pas d’équivalent sourd. Ceci dit, pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, dans les représentations structurelles, c’est // qui sera noté alors que dans les réalisations phonétiques, la fricative sera notée conformément aux règles allophoniques que voici :

(20)

// → [] / N  // → [] / ailleurs

Exemples :

[oewa] «la vague»

[ewa] «le remous»

De la même manière et pour des raisons analogues, nous avons retenu des phonèmes /b/ et /d/ dont les réalisations sont prévues par une règle d’allophonie puisque ces phonèmes sont réalisés non implosifs après consonne nasale et implosifs dans les autres contextes. Nous noterons ces réalisations dans les formes phonétiques citées à titre d’exemples.

f- Les affriquées [c] et [j] non plus, n’ont pas été retenues comme phonèmes en ce qu’elles sont des réalisations combinatoires. En effet [c] est la variante combinatoire de /s/ après consonne nasale qui peut, toutefois, ne pas avoir de représentation phonétique. Toutefois, pour aboutir à [c] il faut que la fricative sonore /z/ qui est, en principe, l’unité consonantique de base, s’assourdisse en /s/. Nous avons ainsi les représentations suivantes :

|# -n+zua#| |#-n+znd-n#|

|#-n+sua#| |# -n+snd-n#|

→ |#-n+cua#| → |# -n+cnd-n#|

[ncua] [ncndn]

«des fruits du Saccoglottis gabonensis» «des manières de supporter»

L’occurrence de |z|à l’initiale du thème est confirmée par les substantifs suivants :

[ozua] «type d’arbre (Saccoglottis gabonensis)8» [ozndy] «un consolateur»

8 RAPONDA-WALKER A., 1934, Dictionnaire Mpongwè-Français, Metz, Imprimerie de « La Libre Lorraine », 640p.

(21)

/s/ dans le mot pour désigner «couteau», soit : [swaka]. En revanche, on retiendra comme cas particulier, le passage de // à [c] dans les réalisations du numéral «trois » après les préfixes de classes 9/10 (de type nasal), alors qu’il est réalisé /t/ en classe 10b et // dans les autres classes. On a en effet :

Classe 3 : [mamb ao] «trois serpents»

Classe 10 : [ndeo ncao] «trois amis»

Classe 10b : ['ea tao] «trois biscuits»

En ce qui concerne l’affriquée [j], cette consonne apparaît notamment là où on note un /y/ à l’origine. A première vue, [j] apparaît comme étant la réalisation de /y/

après nasale si l’on considère les lexèmes ci-après :

+yemb- «chanter»

[oyembo] «une chanson» cl.14

[njembn] «une manière de chanter» cl.9

+y- «boire»

[eya] «un ivrogne» cl.7

[njn] «une manière de boire» cl.9

Toutefois, si nous examinons d’autres exemples ci-après, nous constatons qu’il n’y a pas de modification dans la réalisation de /y/ après nasale ; ce qui remet en cause notre première hypothèse d’analyse. On a en effet :

+yemb- «chanter»

[oyembo] «une chanson» cl.14

[nyemb] «un chanteur» cl.9 de même :

+yom- «fumer »

[e eyomo] «un poisson fumé» cl.7

[kond nyomo] «des carpes fumées» cl.10

Selon notre raisonnement, nous devrions avoir :

*[njemb] «un chanteur»

*[kond injomo] «des carpes fumées»

(22)

Il apparaît donc que [j] n’est pas la réalisation de /y/ après nasale ou du moins que /y/ n’est pas le seul élément qui entre dans la réalisation de [j]. Vu que la modification se produit à une limite morphologique et vu qu’il s’agit de lexèmes dérivés, contexte où la double préfixation n’est pas rare comme nous le verrons dans la morphologie, nous en déduisons que [j] est la réalisation du contact de la nasale avec non pas un mais deux phonèmes, en l’occurrence /d/ et /y/. En effet, nous avons des formes telles que :

['yembo] «des chansons» cl.10b

['yoma] «une fumigation» cl.10b

['ya] «action de boire» cl.10b

Ainsi donc, dans leur forme sous-jacente, l’analyse morphologique des lexèmes pour désigner la "manière de chanter" ou la "manière de boire" nous donne :

|# -n-d+yemb-n-#|

→ |# -n-d+yemb-n-#|

→ |# -n+dyemb-n-#|

→ [njembn]

de même :

# -n-d+yn-n-#

→ # -n-d+yn-in-#

→ # -n+dyn-n-#

→ [njn]

Lors de la dérivation, le radical verbal est accompagné du préfixe de l’infinitif auquel vient se rajouter le préfixe de classe 9. Le préfixe de classe 10b de l’infinitif perd sa voyelle devant la semi-consonne initiale du radical, puis s’intègre dans le thème et forme avec le glide une articulation complexe. C’est donc la combinaison de la dentale et de la palatale après nasale qui donne la réalisation affriquée.

g- On remarquera l’absence des consonnes mi-nasales. Elles n’ont pas été retenues comme phonèmes parce que, selon nous, elles s’analysent comme des combinaisons de phonèmes. En effet, ces articulations apparaissent le plus souvent

(23)

morphologique, contexte dans lequel la consonne initiale du thème subit des mutations, comme nous le verrons plus loin à propos des contacts de consonnes. Il nous paraît donc plus adéquat de considérer que les séquences nasale + consonne constituent une suite de phonèmes, les seules admises dans la langue avec les séquences consonne + semi- voyelle, et les combinaisons [pl] et [k] que nous trouvons dans [plakes]« une taie» et [ks] «une croix».

1.1.3- Les processus phonologiques

La concaténation des morphèmes et des mots dans la chaîne parlée entraîne une contiguïté phonématique dont les séquences peuvent, dans certains cas, n’être pas conformes aux habitudes articulatoires des locuteurs. Avant leur réalisation effective, ces séquences subissent des processus de restructuration d’ordre phonologique. Ce sont ces restructurations que nous allons présenter dans les paragraphes ci-après.

1.1.3.1- Les contacts vocaliques

Les contacts vocaliques mettent en relief essentiellement deux phénomènes : la semi-vocalisation et l’élision. A ces deux phénomènes fondamentaux vient s’ajouter la contraction.

Afin de mieux visualiser les contacts vocaliques, nous proposons de les présenter d’une part à l’intérieur du lexème et d’autre part à l’intérieur du syntagme.

1.1.3.1.1- La semi-vocalisation 1- A l’intérieur du lexème

A l’intérieur du lexème, la semi-vocalisation concerne uniquement les voyelles /i/ et /o/ . Cette règle générale s’applique aux limites de thème et de morphème avec toutefois une exception pour la voyelle /i/. En effet, cette dernière s’efface devant un autre /i/ dont elle est séparée par une limite de morphème (cf.§ 1.1.3.1.2). En tenant compte de ce qui vient d’être dit, on peut schématiser la semi-vocalisation par les règles générales suivantes :

(24)

i → y / — V

o → w / — V

Illustration:

|# -m+#| [my] «des brochets»

|# n+n #| [nyn] «celui-ci (en parlant d’un œuf)»

|# +o--a#| [oya] «aiguise»

|# -d+na-a#| [nya] «manger»

|# -d+ma-a #| [mya] «connaître, savoir»

|# o-mo+ana #| [owana] «un enfant»

|# o-mo+mb #| [omb] «une sauce»

|# o+n #| [wn] «celui-là» cl.1

Lorsqu’il y a concaténation de trois voyelles, la semi-vocalisation s’effectue prioritairement entre les deux voyelles séparées par une limite de thème.

|# -+ma #| |# -y+ma#| [yma] «des choses»

|# -+la #| |# -y+la#| [yla] «des régimes de noix de palme»

|# -+mbl #| |#-y+mbl #| [ymbl] «des balais»

2- A l’intérieur du syntagme

Au contact des mots qui constituent un syntagme, la semi-vocalisation concerne bien entendu la voyelle /i/, mais aussi toutes les voyelles postérieures. Elle peut être obligatoire ou facultative.

2a- Elle est obligatoire quand le premier lexème est dissyllabique ou lorsque la voyelle finale du premier lexème est précédée de la fricative bilabiale //.

(25)

|# ku ≠ myee#| [k myee] «beaucoup de résidus»

|# ezo ≠ eolo #| [ez eolo] «un gros mortier»

|# a ≠ ala #| [aw ala] «de longs bras»

|# efu ≠ ewya #| [ef eya] «une belle couverture»

|# at ≠ amee #| [aty amee] «beaucoup d’excréments»

|# as ≠ owao #| [asy owao] «il a approché la pirogue»

|# ao ≠ ake #| [aoy ake] «il avait vomi des œufs»

|# az≠ ewona #| [azey ewona] «il avait approché un couvercle»

Toutefois, lorsque les deux voyelles mises en contact sont identiques, la semi- vocalisation ne s’applique pas ; l’élision est alors obligatoire.

|# odo ≠ oolo#|

[o' oolo] «un grand lit»

|# ae ≠ kl ≠ mban#|

[ae kl mban] «il avait montré deux chemins»

2b- Dans les autres cas où le premier lexème est plurisyllabique et non terminé par i, la semi-vocalisation est facultative. Lorsque la semi-vocalisation facultative n’est pas appliquée, elle est remplacée par le phénomène d’élision. Voici quelques exemples de réalisations alternantes :

|# akuku ≠ amna #| [akukw amna] «de nouvelles voiles»

|# kndo ≠ ke #| [knd ke] «une banane grillée»

|# ol ≠ own #| [ooly on] «une autre liane»

ou avec élision de la voyelle finale :

|# akuku ≠ amna #| [akuk amna] «de nouvelles voiles»

|# kndo ≠ ke #| [knd ke] «une banane grillée»

|# ol ≠ own #| [ool on] «une autre liane»

(26)

Remarque :

Lorsqu’une voyelle est semi-vocalisée ou élidée, le ton qu’elle portait n’est pas nécessairement effacé. Nous reviendrons sur ce point en étudiant la tonalité post- lexicale.

1.1.3.1.2- L’élision

1- A l’intérieur du lexème

A l’intérieur de mot, lorsque deux voyelles entrent en contact, c’est généralement la première qui est élidée. Voici les différents cas observables à l’intérieur du lexème.

e+a = a e-ze+alna → [ezalna] «un peigne» cl.7

e+i = i e-ze+ila → [ezla] «un régime de noix de palme» cl.7 e+ = e-ze+ma → [ezma] «une chose» cl.7

e+e = e e-ze+e+n+ → [ezen] «un débarcadère» cl.7 e+o = o e-ze+o → [ezo] «un mortier» cl.7 e+ = e-ze+n → [ezn] «un autre (cl.7)»

e+u = u e-ze+uma → [ezuma] «type de serpent d’eau douce» cl.7 a+a = a a-wa+ana → [awana] «des enfants» cl.2

a+e = e a-ma+ee → [amee] «beaucoup» cl.6 a+ = a-ma+na → [amna] «nouveau» cl.6 a+ = a-ma+n → [amn] «d’autres» cl.6 a+i = i ma+n → [mn] «ceux…ci» cl.6

i+i = i a-a+z-- → [az] «il s’était rapproché» cl.1

2- A l’intérieur du syntagme

Les différents phénomènes de contact et le type d’élision (de V1) qui ont été relevés à l’intérieur du lexème sont aussi valables entre deux lexèmes, sachant qu’on ne trouvera jamais les voyelles [u], [] et [] à l’initiale du deuxième lexème.

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