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Discussion des études 3 et 4

Dans le document UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES (Page 132-136)

Effets différentiels du contexte de comparaison sur les auto- auto-stéréotypes des Belges francophones et néerlandophones

5. Discussion des résultats francophones

6.3. Discussion des études 3 et 4

Les résultats de cette dernière étude confirment d’une certaine manière les résultats obtenus avec l’échantillon francophone dans l’étude 3. Tout d’abord, les regroupements sémantiques qui émergent de l’analyse factorielle en composantes principales correspondent aux classes sémantiques et aux facteurs de l’analyse factorielle de correspondances qui se sont dégagés de l’analyse de contenu des associations libres. Les champs représentationnels mis en évidence lors de ces deux études sont structurés par les mêmes principes organisateurs. De plus, c’est de nouveau sur la dimension de la compétence – associée dans cette étude comme dans la précédente au domaine économique – que s’observent des variations suite aux changements de contexte de comparaison. Comme nous l’avons vu, c’est cette dimension qui différencie le plus objectivement les deux groupes. Les comparaisons économiques sont par ailleurs très présentes dans les discours politiques Flamands et Francophones (Van Dam, 1997). L’étude 2 a de plus montré que des sujets francophones appartenant à la même population reconnaissaient la supériorité du statut économique de la Flandre. En ce qui concerne leur aspect sémantique, ces deux études confirment donc les prédictions découlant de la fonction épistémique que la TAC attribue aux stéréotypes. Lorsqu’une comparaison intergroupes particulière est induite, les membres du groupe utilisent une dimension de comparaison qui donne sens à la situation.

Cependant, la direction des changements qui interviennent sur cette dimension est différente de celle que l’analyse de la variance de la valence des auto-stéréotypes ainsi que l’analyse de contenu avaient révélée. Dans l’étude 3, chez les sujets les plus identifiés, la valence moyenne des traits associés aux membres de l’endogroupe était négative dans la condition Intergroupes alors qu’elle était positive dans la condition Contrôle. L’analyse de contenu avait montré que cette différence de valence était

vraisemblablement due au fait que ces sujets avaient attribué aux membres de leur groupe linguistique des traits évoquant la situation socio-économique défavorable du groupe dans la situation Intergroupes. Dans l’étude 4, les sujets faiblement identifiés jugent les membres de leur groupe moins compétents lorsqu’une comparaison avec le groupe flamand est induite, alors que la tendance inverse s’observe chez les sujets fortement identifiés. En d’autres termes, les groupes de sujets définis de la même manière que dans l’étude 3 prennent ici des positions différentes par rapport aux mêmes principes organisateurs du champ représentationnel.

Cette configuration de résultats est cohérente avec la logique décrite par Ellemers et Doosje (Doosje & Ellemers, 1997; Ellemers, 1993), à savoir que, dans une situation où l’image du groupe est menacée, les personnes qui y sont peu identifiées peuvent opter pour des stratégies de maintien de leur identité personnelle. Elles se désolidarisent alors du reste du groupe et peuvent ainsi en donner une image négative, qui n’a plus de conséquences pour leur estime de soi. Par contre, les personnes fortement identifiées continueraient à adhérer au groupe et adopteraient des stratégies susceptibles d’en améliorer la situation. Dans cette dernière étude, cela se traduit par leur rejet du stéréotype défavorable activé par la comparaison avec le groupe néerlandophone. Ces résultats confirment donc les prédictions de la TAC relatives à la fonction narcissique - de différenciation positive - des stéréotypes.

L’apparente contradiction existant entre ces résultats et ceux de l’étude 3 peut trouver son explication grâce à la prise en compte des situations différentes dans lesquelles étaient placés les sujets dans ces deux études. La personne qui participe à une tâche d’associations de mots doit elle-même produire une série de contenus en réponse à un terme inducteur (le nom d’un groupe social auquel elle appartient). Cette production se situe dans le cadre d’une communication entre cette personne et une audience particulière (Klein, 1999; Klein & Azzi, sous presse) - en l’occurrence, l’équipe de chercheur(se)s. Située dans ce contexte communicationnel, cette série de contenus correspond à autant de propositions exprimées par cette participant(e) (l’émetteur du message) à l’attention de cette audience (le récepteur de ces messages) - dont, par ailleurs, elle connaît

l’appartenance à l’endogroupe linguistique. Par exemple, citer l’adjectif ‘démotivés’ revient à communiquer la proposition « Les Francophones de Belgique sont démotivés » à cette audience. Lorsqu’une comparaison avec l’endogroupe linguistique est induite, l’auto-stéréotype qui contribue le mieux à donner sens à cette comparaison intergroupes particulière est activé. Si ce stéréotype est négatif, comme dans le cas d’une comparaison entre Francophones et Flamands, les sujets peuvent choisir de l’exprimer ou non en fonction de la portée stratégique que peut revêtir cette expression. Les sujets faiblement identifiés peuvent choisir de se dé-catégoriser afin de préserver leur estime de soi, puisque leur identité sociale ne remplit pas sa fonction narcissique. Les sujets fortement identifiés peuvent au contraire maintenir leur catégorisation groupale et adopter des comportements expressifs qui peuvent avoir une portée stratégique - communiquer une représentation défavorable de l’endogroupe afin de susciter une réaction de la part de ses membres. Cette motivation stratégique prend alors le pas sur la motivation narcissique (Ellemers et al., 1999a; Ellemers, Kortekaas, & Ouwewerk, 1999b).

La situation de la personne qui évalue l’adéquation d’une liste d’adjectifs pour décrire son groupe d’appartenance - comme dans l’étude 4 - est différente. Dans le cadre d’une communication entre cette personne et l’équipe de chercheur(se)s qui lui soumettent le questionnaire, cette personne se trouve dans un premier temps dans la position de l’audience, du récepteur d’un ensemble de messages correspondant à une série de propositions concernant son groupe d’appartenance. Ce n’est que dans un second temps qu’elle se trouve en position d’émetteur. Elle communique alors ses évaluations des propositions qui lui ont été communiqués. Par exemple, cocher la case 9 de l’échelle relative à l’item ‘démotivés’ correspond au message « Je pense que ‘démotivés’ est tout à fait adéquat pour décrire les membres de mon groupe linguistique ». Comme nous l’avons déjà souligné, il s’agit alors de réagir en prenant position à l’égard des propositions exprimés par une ou des autres personnes. Dans ces conditions, on peut concevoir qu’il soit plus facile de reconnaître et de communiquer soi-même une représentation peu favorable de son groupe d’appartenance que d’accepter qu’une ou des autres personnes l’expriment. Comme l’ont noté Spears et ses collaborateurs, « (…) un feedback négatif à propos du groupe d’appartenance représente une menace pour l’identité ; et la réponse

doit être appréhendée dans le contexte d’une contestation de cette menace » (Spears et al., sous presse). Dans un contexte de comparaison intergroupes, cette menace est d’autant plus vive et suscite donc l’opposition des personnes qui, fortement identifiées, maintiennent leur catégorisation groupale. Dans ce cas, les motivations narcissique et stratégique convergent, puisqu’il s’agit de tenter de modifier la représentation négative exprimée par l’interlocuteur en s’opposant aux messages défavorables à l’égard de l’endogroupe que celui-ci vient de communiquer.

Dans le document UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES (Page 132-136)