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Discussion générale

Dans le document UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES (Page 144-148)

Effets différentiels du contexte de comparaison sur les auto- auto-stéréotypes des Belges francophones et néerlandophones

8. Discussion générale

Cet ensemble d’études prend place dans le cadre plus général de l’articulation entre les théories de l’identité sociale et la théorie des représentations sociales. En particulier, ces études se démarquent des deux autres séries de recherches, présentées ultérieurement, par leur perspective privilégiant les processus liés aux relations entre auto-catégorisation, identités sociales et représentations sociales (Vala, 1998b). Nous reprendrons ici chacun de ces trois concepts afin de situer les rôles respectifs de chacun d’entre eux et de leurs interactions dans la configuration des résultats que nous avons décrits ci-dessus.

8.1. Les représentations sociales

Les représentations sociales interviennent à deux niveaux distincts dans ces études. En premier lieu, ce sont des représentations particulières - celles des membres de l’endogroupe linguistique - qui constituent la variable dépendante des deux expériences (études 3 et 4). Leurs contenus, leur diversité, leur structure et leur valence ont été analysés afin d’y déceler les influences éventuelles des variables indépendantes - le contexte de comparaison immédiat et le degré d’identification. Les représentations sont alors situées en aval de la catégorisation sociale et des identités sociales (Vala, 1998a).

En second lieu, les représentations sociales constituent le contexte même dans lequel les expériences ont eu lieu. C’est par leur intermédiaire que le contexte sociopolitique global, en l’occurrence les relations asymétriques entre les deux groupes linguistiques, exerce une influence sur les processus en jeu lors de l’expression des auto-stéréotypes. Dans ce cas, les représentations structurent d’emblée le champ des relations intergroupes, et des positions respectives qu’y tiennent les deux groupes concernés. En tant que telles, les représentations sociales possèdent alors le statut de variables indépendantes ; elles sont situées en amont des catégorisations et des identités sociales. Elles ont été introduites dans l’étude 3 par la comparaison des réponses de sujets appartenant à deux groupes caractérisés par leurs positions asymétriques dans ce champ (Doise, 1990).

Outre cette connaissance des positions relatives des groupes linguistiques, nous avons proposé que le contexte sociopolitique, et en particulier l’existence, la nature et le degré de diffusion de discours politiques identitaires, pouvait déterminer les caractéristiques - fragilité et accessibilité - de la représentation sociale de la catégorie d’appartenance.

8.2. Les identités sociales

Les identités sociales ont été prises en compte de deux manières. Tout d’abord, l’appartenance régionale et linguistique des participant(e)s constitue un critère objectif de définition de l’identité sociale des participants. Elle a été introduite en recrutant les sujets dans deux universités situées de part et d’autre de la frontière linguistique. Ce critère d’appartenance linguistique définit également les sujets en tant que membres de groupes occupant des positions spécifiques dans un ensemble de rapports entre groupes sociaux. Il correspond, quoique de manière non univoque, aux représentations sociales concernant la manière dont ce champ est organisé. Nous postulions en effet que cette identité linguistique s’accompagnait de la connaissance de la manière dont les deux groupes se positionnent l’un par rapport à l’autre, ce que nous avons partiellement vérifié grâce aux deux premières études.

Cependant, comme l’avaient souligné Tajfel et Turner (1986), l’appartenance ‘objective’ à une catégorie sociale ne suffit pas pour que cette identité ait une influence sur les comportements d’un individu ; il faut que le groupe d’appartenance ait une importance subjective pour l’individu. Nous avons donc introduit une variable d’identification subjective dans ces études. Cette variable traduit des différences individuelles entre les membres d’un même groupe.

8.3. La catégorisation sociale

La catégorisation sociale, telle qu’elle est ou non induite par la présence, dans le contexte perceptif, d’un groupe de comparaison, constitue la principale variable indépendante des études 3 et 4. Cette variable a été manipulée expérimentalement à travers la présence ou l’absence du nom de l’exogroupe linguistique aux côtés du nom de l’endogroupe dont les membres devaient être décrits. L’hypothèse d’une variation contextuelle des stéréotypes médiatisée par le processus de catégorisation sociale est dérivée des théories de l’identités sociale (voir 1).

Il y avait ainsi trois sources de variations potentielles des auto-stéréotypes : le groupe d’appartenance linguistique ainsi que la représentation de sa position relative par rapport à l’autre groupe linguistique ; le sentiment individuel d’identification à ce groupe ; et le contexte intergroupes immédiat.

Nos résultats montrent que ces trois sources de variations sont entrées en interaction pour déterminer la valence, la diversité et le contenu des auto-stéréotypes exprimés par les membres des deux groupes. En effet, nous avons constaté que la manipulation du contexte de comparaison n’avait eu un effet que sur les auto-stéréotypes des sujets francophones ; ceux des sujets flamands sont restés stables. Nous avons interprété cette stabilité comme la conséquence de la représentation du statut - économique et politique - supérieur de leur groupe linguistique par rapport au groupe francophone dans le contexte sociopolitique belge. D’autre part, nous avons également mis en cause le contexte idéologique et politique flamand qui, caractérisé par la présence et la grande diffusion d’un discours politique à caractère identitaire, contribuerait à rendre la catégorie

linguistique et les stéréotypes qui y sont associés moins ‘fragile’, plus ‘accessible’, et donc moins variable que la catégorie et les auto-stéréotypes francophones.

En ce qui concerne les variations contextuelles des auto-stéréotypes francophones, il s’est avéré que, dans l’étude 3, elles vérifiaient l’hypothèse inspirée par la fonction ‘épistémique’ que la TAC attribue aux stéréotypes. Selon cette hypothèse, lorsqu’une comparaison intergroupe a lieu, les individus se catégorisent au niveau d’identification correspondant - en l’occurrence, le groupe linguistique. Les auto-stéréotypes s’adaptent alors à cette situation de comparaison et s’organisent sur des dimensions pertinentes, qui donnent sens à cette situation particulière. De fait, c’est sur la dimension économique - qui différencie objectivement les deux groupes et sur laquelle le statut de la Flandre est reconnu supérieur par les sujets francophones (étude 2) - que les auto-stéréotypes exprimés par les sujets francophones variaient lorsqu’une comparaison avec les Flamands était induite.

Cependant, dans l’étude 3, cette variation avait lieu dans le sens contraire de celui que nous postulions en vertu de la fonction ‘narcissique’ de différenciation. En effet, nous basant sur cette seconde fonction motivationnelle individuelle attribuée aux stéréotypes par la TAC, mais prenant en compte l’existence des ‘contraintes de la réalité’ (voir 1.4), nous avions prédit que, placés dans un contexte de comparaison intergroupe, les sujets francophones délaisseraient la dimension économique - dimension sur laquelle leur groupe occupe un statut désavantagé - et privilégieraient des dimensions de comparaison plus avantageuses. Or, c’est précisément cette dimension économique que les sujets fortement identifiés placés dans la condition intergroupe ont privilégiée. De nouveau, ce résultat ne prend sens qu’en regard de la situation intergroupes globale ; il implique que ces sujets partageaient une représentation de la situation relative de leur groupe linguistique par rapport au groupe néerlandophone.

Toutefois, nous avons envisagé la possibilité que ce résultat soit dû à la nature de la tâche. Pour les membres de groupes de bas statut, la tâche d’association de mots induit une mise en contradiction des fonctions épistémique - donner du sens à la situation en utilisant une dimension de comparaison pertinente - et narcissique - se comparer

avantageusement à l’exogroupe - des auto-stéréotypes (voir 5). Notre quatrième étude - où la tâche d’associations de mots était remplacée par une tâche d’évaluation de l’adéquation de traits prédéterminés - montre que ce résultat inattendu ne se reproduit pas lorsque ces deux fonctions des auto-stéréotypes n’entrent plus en contradiction. Nous proposons cependant qu’une lecture en termes de ‘communications stratégiques’ de ces deux résultats en regard des situations communicationnelles différentes définies par les deux expériences permet de résoudre l’apparente contradiction de ces résultats. Si nous acceptons cette interprétation, il nous faut alors reconnaître l’existence d’une quatrième source de variation des auto-stéréotypes, relative au cadre communicationnel dans lequel a lieu l’expression (Klein, 1999; Klein & Azzi, sous presse).

Enfin, il faut souligner que, dans chacune de ces expériences, la variable d’identification au groupe a révélé son caractère déterminant sur le contenu et la valence des auto-stéréotypes. Dans l’étude 3, chez les Néerlandophones, nous avons vu que les représentations devenaient plus positives à mesure qu’augmentait l’identification au groupe. Chez les Francophones, seuls les sujets fortement identifiés ont réagi à l’introduction d’une comparaison intergroupe ; les autres s’y sont montrés relativement insensibles. Enfin, dans l’étude 4, les positions prises par rapport à la dimension de compétence étaient inversées selon le degré d’identification des sujets.

Dans le chapitre suivant, nous adopterons une perspective ‘topographique’ afin de porter une attention plus détaillée aux relations entre d’une part, les identifications sociales et leurs configurations éventuelles– et, d’autre part, les représentations sociales relatives à un processus de transformations géopolitiques majeur : l’intégration européenne.

Dans le document UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES (Page 144-148)