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Comment les cantons réagissent-ils aux changements législatifs fédéraux ? Étude d'un demi-siècle de mise en œuvre de la législation sur l'acquisition de biens immobiliers par des personnes résidant à l'étranger (LAIE)

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Comment les cantons réagissent-ils aux changements législatifs fédéraux ? Étude d'un demi-siècle de mise en œuvre de la législation

sur l'acquisition de biens immobiliers par des personnes résidant à l'étranger (LAIE)

LAMBELET, Sébastien

Abstract

Ce mémoire de master se penche sur la législation fédérale restreignant l'acquisition de biens immobiliers pour des étrangers. Contrairement à l'étude Delley (1982) qui postule que les cantons utilisent cette loi pour servir leurs propres intérêts, ce mémoire observe que, dans l'ensemble, les cantons suivent relativement bien les impulsions législatives de la Confédération à travers le temps. Un assouplissement de la législation conduit logiquement à une hausse du nombre d'autorisations accordées pour acquérir des biens immobiliers et une restriction législative à une baisse du nombre d'autorisations. L'étude montre également que ce mécanisme de mise en conformité des pratiques cantonales au droit fédéral s'effectue en grand partie via le travail des fonctionnaires de terrains cantonaux qui informent les acquéreurs potentiels en amont et les dissuadent de déposer des demandes d'acquisition lorsque la législation est trop restrictive, respectivement les encouragent lorsque celle-ci est permissive.

LAMBELET, Sébastien. Comment les cantons réagissent-ils aux changements

législatifs fédéraux ? Étude d'un demi-siècle de mise en œuvre de la législation sur l'acquisition de biens immobiliers par des personnes résidant à l'étranger (LAIE). Master : Univ. Genève, 2012

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:95179

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(2)

Master de Science Politique Université de Genève

« Comment les cantons réagissent-ils aux

changements législatifs fédéraux ? »

Etude d’un demi-siècle de mise en œuvre

de la législation sur l’acquisition de biens immobiliers par des personnes résidant à l’étranger (LAIE).

Mémoire de Science Politique

Directeur du mémoire : Frédéric Varone Membre du jury : Jean-Daniel Delley

Eté 2012

Version finale du 22 juin 2012

(29 294 mots)

(3)

Table des matières

1)Introduction ... 1

2)L’évolution de la LAIE ... 7

3)Revue de la littérature ... 13

3.1) Historique des études de mise en œuvre en Suisse ... 13

3.1.1) L’étude Delley et al. (1982) ... 13

3.1.2) Les autres études du PNR 6 ... 14

3.1.3) Le PNR 27 ... 16

3.1.4) Les études plus récentes ... 19

3.2) Les modèles théoriques de mise en œuvre du droit fédéral ... 20

3.3) Les leçons à tirer de la littérature ... 25

4)Cadre théorique ... 26

4.1) La variable dépendante ... 26

4.2) Les hypothèses de recherche ... 28

5)Méthodologie ... 36

5.1) Les changements législatifs à retenir ... 36

5.2) Opérationnalisation des différentes variables ... 38

5.2.1) Le degré de convergence ... 38

5.2.2) La force des instruments de contrôle de la Confédération ... 39

5.2.3) Le phénomène de retard généralisé ... 41

5.3) La base de données de l’OFJ ... 42

5.4) Autres analyses empiriques ... 47

6)Résultats ... 49

6.1) Analyse diachronique ... 49

6.1.1) Au niveau suisse ... 49

6.1.2) Analyse par canton ... 54

6.1.3) Analyse détaillée du degré de convergence ... 57

6.2) Test des hypothèses 1 à 4. ... 61

6.3) Résultats relatifs à la coordination intercantonale ... 64

6.4) Test de l’hypothèse 5 ... 65

6.5) Résultats relatifs au rôle des fonctionnaires de terrain ... 66

(4)

6.6) Test de l’hypothèse 6 ... 70

7)Conclusion... 72

8)Annexe ... 76

Annexe 1 : Mail de l’OFJ ... 76

Annexe 2 : Analyse diachronique – compléments au niveau suisse ... 76

Annexe 3 : Analyses complémentaires sur les cantons accordant le plus d’autorisations .. 80

Annexe 4 : Analyse du degré de convergence ... 82

Annexe 5 : Questionnaires complétés ... 86

Annexe 6 : Analyse du système de contingentement (1985-2010) ... 113

Annexe 7 : Interview avec M. François Panosetti ... 114

Annexe 8 : Abréviations utilisées ... 116

9) Bibliographie ... 118

(5)

Table des figures

Graphiques :

Graphique 1 : Autorisations accordées au niveau suisse (N) selon l’acte législatif en vigueur. Période 1961-1995. ... 50 Graphique 2 : Autorisations accordées au niveau suisse (N) pour des logements de vacances selon l’acte législatif en vigueur. Période 1985-2010. ... 52 Graphique 3 : Nombre d’autorisations accordées par cantons (N) selon l’acte législatif en vigueur.

Période 1961-1986. ... 54 Graphique 4 : Nombre d’autorisations accordées par canton (N) pour des logements de vacances selon l’acte législatif en vigueur. Période 1985-2010. ... 56 Graphique 5 : Nombre total d’autorisations et demande formelle totale au niveau suisse selon l’acte législatif en vigueur. Période 1961-1984. ... 67 Graphique 6 : Nombre d’autorisations (N) et prix total relatif. Période 1961-1995. ... 76 Graphique 7 : Nombre d’autorisations (N) et superficie totale relative. Période 1961-1995. ... 77 Graphique 8 : Nombre d’autorisations (N total) et transferts fonciers relatifs (N total) Période 1961-1995. ... 77 Graphique 9 : Nombre de transferts fonciers totaux y compris les achats entre étrangers et les rachats par des Suisses ainsi que solde net des propriétés appartenant à des personnes à l’étranger.

Période 1961-1984. ... 78 Graphique 10 : Nombre d’autorisations (N) et superficie totale relative. Période 1985-2010. ... 78 Graphique 11 : Nombre d’autorisations (N total) et transferts fonciers relatifs (N total) pour les logements de vacances. Période 1985-2010. ... 79 Graphique 12: Nombre de transferts fonciers totaux y compris les achats entre étrangers et les rachats par des Suisses ainsi que solde net des logements de vacances appartenant à des personnes à l’étranger. Période 1985-2010. ... 79

Graphique 13: Contingents accordés et utilisés au niveau suisse. Période 1985-2010. ... 113 Graphique 14 : Evolution du taux d’épuisement des contingents pour les cinq cantons en utilisant le plus. Période 1985- 2010...114

Schémas :

Schéma 1 : Echelle du degré de convergence. ... 27 Schéma 2 : Récapitulation des liens entre les différentes hypothèses de recherche et leur influence sur le degré de convergence. ... 35 Schéma 3 : Echelle de force des instruments de contrôle fédéraux et régime législatif correspondant.

... 40

Tableaux :

Tableau 1 : Noms des changements législatifs, type juridique et dates-clé. ... 12 Tableau 2 : Degré de convergence selon les degrés d’uniformité et de conformité des réactions cantonales. ... 27

(6)

Tableau 3 : Changements législatifs importants, type et date d’entrée en vigueur. ... 37

Tableau 4 : Changements législatifs, degré de contrôle fédéral, type de changement et degré de convergence observé. ... 61

Tableau 5 : Nombre total de refus et de demandes et taux de refus au niveau suisse et pour les quatre cantons les plus importants. Période 1961-1984. ... 68

Tableau 6 : Autorisations accordées, superficie et prix relatifs pour la Suisse et pourcentages des cantons les plus importants. Périodes 1961-1984 et 1985-2010. ... 80

Tableau 7 : Transferts foncier, superficie et prix relatifs pour la Suisse et pourcentages des cantons les plus importants. Périodes 1961-1984 et 1985-2010. ... 80

Tableau 8 : Rachats entre étrangers, par des Suisses et solde net des propriétés appartenant à des personnes à l’étranger. Superficie et prix relatifs. Période 1972-1984. ... 81

Tableau 9 : Rachats entre étrangers, par des Suisses et solde net des propriétés appartenant à des personnes à l’étranger. Superficie relative. Période 1985-2010. ... 81

Tableau 10 : Degré de convergence suite à l’introduction de la lex Celio. ... 82

Tableau 11 : Degré de convergence suite à l’introduction de la lex Furgler. ... 83

Tableau 12 : Degré de convergence suite à l’introduction de la lex Friedrich. ... 84

Tableau 13 : Degré de convergence suite à l’introduction de la lex Friedrich au niveau suisse jusqu’en 1995. ... 84

Tableau 14 : Degré de convergence suite à l’introduction de la lex Koller ... 85

Tableau 15 : Degré de convergence suite à l’assouplissement de la lex Koller. ... 85

Tableau 16 : Degré de convergence suite à l’introduction du système des pools (test de H2 uniquement). ... 86

(7)

Remerciements

L’aboutissement de ce mémoire n’aurait été possible sans l’aide de plusieurs personnes. Tout d’abord, je remercie les collaborateurs de l’OFJ pour leurs divers éclairages, particulièrement Max Rüfenacht qui m’a transmis les données pour la période 1985-2010.

Je remercie également tous les collaborateurs des autorités cantonales de première instance ou de surveillance pour le temps qu’ils ont consacré en répondant à mon questionnaire.

Merci à Camilla Pedrini et à Simon Lanz d’en avoir vérifié la traduction.

J’adresse toute ma reconnaissance à M. François Panosetti pour le temps qu’il m’a consacré et l’intérêt qu’il a porté à mon travail lors de l’entretien, ainsi que pour ses conseils relatifs au chapitre deux retraçant l’historique de la LAIE.

Merci à Catherine Lambelet d’avoir effectué une relecture complète du travail pour en assurer la justesse syntaxique et orthographique. Je reste bien entendu responsable de toute faute éventuelle y figurant encore.

Enfin, j’aimerais souligner la qualité du suivi opéré par le professeur Frédéric Varone tout au long du travail. Ses conseils et ses encouragements m’ont toujours été d’une grande utilité.

(8)

1) Introduction

La Suisse est un pays où le fédéralisme est poussé à l’extrême car les cantons y possèdent, encore aujourd’hui, des compétences très étendues (Vatter, 2006 :204) et constituent dès lors des acteurs-clé du système politique suisse. Tout d’abord, plusieurs politiques publiques sont pilotées uniquement par les cantons. A titre d’exemple, la Confédération n’a qu’un rôle marginal, pour ne pas dire inexistant, en ce qui concerne la police, les hôpitaux ou l’éducation (Germann, 1996 :14). Bien sûr, ces domaines nécessitent une coopération entre les cantons.

Cependant, celle-ci s’organise au niveau intercantonal sans passer par le niveau fédéral, soit au travers des conférences cantonales (Affolter, 2008) soit via des concordats, qui sont des arrangements juridiques contraignants, souvent de nature plutôt technique (Sciarini, Bochsler, 2006a ; Sciarini, Bochsler, 2006b :38).

Deuxièmement, les cantons possèdent leur propre chambre au Parlement fédéral : le Conseil des Etats qui possède exactement les mêmes compétences que le Conseil National. Au niveau de la démocratie directe, la nécessité de la double-majorité du Peuple et des cantons pour toutes les modifications constitutionnelles donne également aux cantons un pouvoir considérable (Kriesi, 1998 :59). Ce sont dès lors de véritables veto-players au sens de Tsebelis (1995).

L’influence des cantons ne s’arrête pas là. Leur marge de manœuvre est encore élargie par le fédéralisme d’exécution (Vatter, 2006 :205). Ce terme désigne le processus selon lequel le droit fédéral n’est pas appliqué par l’administration centrale mais par les entités fédérées. Ce sont donc les cantons qui sont chargés de la mise en œuvre des lois fédérales. La mise en œuvre est définie comme « l’ensemble des processus qui, après la phase de programmation, visent la réalisation concrète des objectifs d’une politique publique » (Knoepfel et al., 2006 :207). Ce travail se focalisera sur cette troisième particularité du système fédéraliste suisse qu’est le fédéralisme d’exécution. Nous tenterons d’identifier et d’expliquer les divergences de mise en œuvre d’une loi fédérale observables entre différents cantons.

Le fédéralisme d’exécution n’a été formalisé que lors de la révision complète de la Constitution fédérale en 1999 (art. 46). Cependant, il a toujours existé dans la pratique. Etant donné la petitesse de l’administration fédérale qui ne compte qu’environ 30 000 fonctionnaires (Varone, 2006 :292) et vu que les cantons ont toujours gardé une grande partie de la souveraineté qu’ils possédaient avant la création de l’Etat fédéral (Vatter, 2006 :204), une autre solution aurait été difficilement imaginable. De plus, au vu des différents points de

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veto fédéralistes présents dans le système suisse, les cantons ont un rôle souvent bien plus important que cette simple mise en application. Ainsi, Linder note que « dans la plupart des cas les cantons ne sont pas de simples organes d’exécution. Par ailleurs le parlement tient compte de l’autonomie et de la diversité des cantons dans la formulation des objectifs, dans l’attribution des compétences et dans le choix des instruments » (1987 : 193). L’article 46 alinéa 3 de la Constitution fédérale, qui stipule que « la Confédération laisse aux cantons une marge de manœuvre aussi large que possible en tenant compte de leurs particularités » a pour but d’ancrer cette manière de procéder au niveau législatif le plus général. Ainsi d’autres études ont démontré que les cantons n’avaient pas seulement un rôle pur et simple d’exécutant mécanique du droit fédéral (Delley, 1984 : 344), mais également des compétences de programmation (Sager, Rüefli, 2005 : 123)1.

Cette prise en compte des particularités des entités fédérées représente une des forces du fédéralisme d’exécution. De ce fait, la mise en œuvre de la législation correspond mieux aux besoins de chaque canton et peut s’effectuer également plus en accord avec les préoccupations des citoyens. Un autre avantage réside dans le fait que cela décharge l’administration fédérale.

Germann démontre d’ailleurs que le pourcentage d’emplois publics a décru de 15% au niveau fédéral entre 1910 et 1991, alors que dans les cantons on a observé le mouvement inverse, c’est-à-dire plus 15% pour la même période (1996 :12). Cette évolution est confirmée par Linder et s’accentue encore dans la période récente (2005 :152), même si le nombre total d’emplois publics n’a lui cessé de croître depuis 1910.

La délégation de toujours plus de compétences de décision au niveau fédéral observée depuis 1848 (Kriesi, 1998 :52) a dès lors été contrebalancée par l’augmentation des compétences de mise en œuvre que les cantons se sont vus de facto octroyées. En plus, au vu l’importance des administrations cantonales par rapport à l’administration fédérale, on ne peut, selon Linder, parler d’une « centralisation des tâches de l’Etat » ou de « la fin de l’autonomie fédéraliste » (2005 : 151). Pour corroborer cette thèse, d’autres auteurs affirment que le renforcement du fédéralisme coopératif horizontal découle également de la centralisation des compétences au niveau fédéral (Braun, 2009 :331 ; Blatter, 2010 :257). Le fédéralisme coopératif horizontal a en effet grandement été renforcé par la Réforme de la Péréquation financière et de la

1 Le terme « fédéralisme d’exécution » n’est donc certainement pas idéal. Cependant, nous n’en avons pas trouvé d’autre. Ainsi, par souci de conformité avec la littérature existante, nous continuons d’employer ce terme dans la suite du travail.

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Répartition des tâches (RPT) de 2004 dans laquelle on contraint même les cantons à collaborer dans certains cas (Sciarini, Bochsler, 2006a).

Pour Kissling-Näf et Knoepfel (1992), la tendance allant vers plus de centralisation a même paradoxalement augmenté la marge de manœuvre des cantons car ils ont pu exploiter à leur avantage l’augmentation de leurs compétences de mise en œuvre. Blatter (2010) ne réfute pas totalement cet argument, mais y apporte une nuance importante. Pour lui, si la marge de manœuvre des cantons est restée relativement large, en tout cas formellement, c’est parce le fédéralisme horizontal s’est développé, de manière concomitante, comme une alternative à la centralisation (2010 :251). Ainsi Blatter différencie l’autonomie formelle de l’autonomie réelle. Il affirme que si la première est restée relativement stable car les instruments du fédéralisme horizontal comme les concordats leur laissent l’initiative et nécessitent encore l’unanimité des cantons concernés2, la seconde a en revanche grandement diminué car les cantons sont maintenant contraints de collaborer dans de nombreux domaines (Ibid. :252).

Ceci non seulement en raison de leur petite taille et des externalités qui en découlent (Sciarini, Bochsler, 2006b :24) mais également car avec la RPT la Confédération peut désormais forcer les cantons à collaborer dans plusieurs domaines caractérisés par des externalités négatives3 (Sciarini, Bochsler, 2006a :278). En d’autres termes, les cantons doivent gérer des problèmes dont les solutions nécessitent désormais des réponses globales qui dépassent l’échelle cantonale. Ils sont donc obliger de collaborer, c’est pourquoi, pour revenir sur l’idée de Blatter (2010), leur autonomie réelle est restreinte.

Sciarini et Bochsler (2006a) distinguent également l’autonomie réelle de l’autonomie formelle. Cependant, en décrivant les modifications amenées par la RPT et le nouvel article sur l’éducation, ils arrivent à une conclusion inverse à Blatter (2010). Pour eux, l’évolution récente a amené une perte d’autonomie formelle qui était nécessaire pour regagner un peu d’autonomie réelle (Sciarini, Bochsler, 2006a :279-280).

Concernant le fédéralisme d’exécution, ces réformes récentes, entraînant une collaboration accrue entre cantons, amènent une nouvelle territorialité d’exécution des politiques fédérales (Häusermann, Spagnolo, 2004 : 8). La création des offices régionaux de placements (ORP),

2 Sauf dans certains domaines comme l’exécution des peines privatives de liberté, l’instruction publique et les hautes écoles, la gestion des déchets et des eaux usées, la médecine de pointe ou encore le transport en agglomération (cf. art. 48a Cst), où une majorité qualifiée de cantons peut suffire si les cantons ayant accepté le concordat demandent une intervention de la Confédération. Cependant, ce cas ne s’est encore jamais présenté dans la pratique.

3 Il s’agit des mêmes domaines cités dans la note 2.

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chargés d’accompagner les chômeurs et de les aider à se réinsérer dans le monde professionnel, constitue un exemple patent de ce phénomène car ils regroupent plusieurs cantons (Häusermann, Spagnolo, 2004 ; Bonvin et al., 2006).

Nous présentons maintenant les inconvénients engendrés par le fédéralisme d’exécution. Son principal défaut est qu’il génère une grande diversité dans la mise en œuvre, ce qui peut entraîner une inégalité de traitement dans la délivrance de prestations ou dans l’application de sanctions4, une législation pouvant être appliquée strictement à certains endroits du territoire et de manière beaucoup plus laxiste à d’autres endroits. Linder définit ainsi la mise en œuvre comme un « processus social » au cours duquel les acteurs [dans notre cas les cantons] font valoir leurs possibilités d’influence. […] Les lois, les ordonnances et les autres prescriptions sont dans une large mesure des offres normatives que les différents acteurs peuvent utiliser pour des buts variables» (1987 : 187). Dans la conclusion de l’étude Delley et al., Morand reconnaît que la loi se réalise par un mélange d’intérêts et de valeurs, qu’elle oscille tout le temps entre les pôles de la variété et de l’unité et qu’il faut dès lors la considérer plutôt comme un système de communications pouvant dysfonctionner, plutôt que quelque chose de fixe et infaillible (1982 : chapitre 8). Kissling-Näf et Knoepfel définissent également la mise en œuvre comme un « processus social »5 animé par divers intérêts (1992 :49). Ils vont même plus loin en affirmant qu’il est impossible qu’une loi fédérale soit appliquée si elle va contre la volonté des cantons (Ibid. : 63).

La mise en œuvre d’une loi n’est donc pas un processus linéaire, mais incertain et semé d’embûches, particulièrement en Suisse ou les entités fédérées sont très hétérogènes et possèdent, en tant qu’acteurs de mise en œuvre, un certain pouvoir qui influence tout le processus législatif. A contrario, la Confédération n’a aucun moyen juridique de contraindre les cantons d’appliquer une loi fédérale comme elle l’entend (Linder, 2005 :179). Elle ne peut que les inviter à se conformer au droit fédéral (Delley, 1984 :345). Pourtant, en pratique, elle ne le fait que rarement (Wälti, 1996 :22). De plus, les conflits ouverts sont inexistants (Delley, 1984 :345). Cette attitude attentiste et pacifique de la Confédération s’explique surtout par le besoin de collaboration sur le long terme (Sager, 2003 :310).

4 Nous donnons des exemples concrets dans la revue de la littérature.

5 Ce terme semble faire l’unanimité dans la littérature suisse concernant la mise en œuvre. On le retrouve encore dans les études de Sager, Rüefli (2005 :114) et Kissling-Näf, Wälti (2006 :528) Rappelons qu’il est également présent dans la définition, plus générale, de Knoepfel et al. (2006) mentionnée plus haut.

(12)

Ce travail cherchera à identifier des variations cantonales de mise en œuvre d’une législation fédérale. Nous prendrons comme cas d’étude la législation6 sur l’acquisition de biens immobiliers par des personnes résidant à l’étranger (LAIE) pour plusieurs raisons.

Premièrement, elle est née en 1961 et a plus de 50 ans car elle perdure encore aujourd’hui.

Elle nous permettra donc d’étudier une large période de temps. D’ailleurs, il n’existe, à notre connaissance, pas d’études retraçant la mise en œuvre d’une législation fédérale dans les cantons sur une période aussi longue7.

Deuxièmement, comme nous le détaillerons plus loin, cette législation a été modifiée à plusieurs reprises depuis sa création, allant parfois vers un assouplissement, parfois vers une restriction des dispositions en place. Nous pourrons donc observer comment les cantons réagissent à des changements du droit fédéral. Il sera en effet intéressant de voir s’ils suivent l’évolution législative voulue par la Confédération ou si au contraire cette dernière ne les influence que marginalement. Une des forces de notre analyse sera également de pouvoir identifier si les cantons réagissent de manière uniforme à une modification législative fédérale ou, dans le cas contraire, savoir lesquels ne tiennent pas du tout compte des injonctions de la Confédération. En d’autres termes, nous pourrons identifier des « bons » et des « mauvais » élèves en matière d’application du droit fédéral.

La troisième raison pour laquelle nous avons choisi la LAIE comme cas d’étude est que nous pouvons raisonnablement nous attendre à des différences significatives de mise en œuvre.

Pionnière dans le domaine des études de mise en œuvre des législations fédérales, l’étude Delley et al. (1982) s’est également basée sur ce cas et est désormais reconnue dans la littérature comme un cas emblématique d’instrumentalisation des politiques fédérales (Delley, Mader, 1986 : 9 ; Linder, 1987 :13; Kissling-Näf, Knoepfel, 1992 :52ss.; Bussmann, 1995 :16-17 ; Linder, 2005 :182 ; Kissling-Näf, Wälti, 2006 : 535). En d’autres mots, la LAIE constitue un « cas d’école ».

Cependant, l’étude Delley et al. (1982) présente à notre sens deux faiblesses auxquelles nous tenterons de remédier dans le cadre de ce travail. Premièrement, cette étude a aujourd’hui plus de 30 ans et nous pensons qu’il serait très intéressant de l’actualiser, d’autant plus que la

6 Le terme « législation » étant plus exact que le terme « loi », vu que plusieurs arrêtés fédéraux se sont succédés avant de laisser la place à une loi fédérale en 1983 seulement.

7 D’autres études ont retracé des périodes de temps similaires voire beaucoup plus longues, notamment dans le domaine de la propriété foncière et de la politique d’aménagement du territoire (Nahrath, 2005 ; Varone et al., 2008). Cependant, elles ne cherchent pas à expliquer des différences de mise en œuvre cantonales comme le propose ce travail. Nahrath (2005) se focalise tout au plus sur certaines communes.

(13)

LAIE s’est beaucoup assouplie depuis les années quatre-vingt et que le Conseil Fédéral a même proposé en 2007 d’abroger la loi (Conseil Fédéral, 2007a), ce que le Parlement a refusé. Deuxièmement, l’étude Delley et al. (1982) n’a focalisé son analyse que sur les cantons de Genève, Lucerne et du Valais. A contrario, nous proposons d’analyser la mise en œuvre dans tous les cantons.

Enfin, la dernière raison qui motive notre choix est simplement le fait que l’Office Fédéral de la Justice (OFJ) possède une base de données qui retrace l’évolution de la mise en œuvre de la loi de 1961 à nos jours et ceci dans tous les cantons. Pourtant, elle n’a jamais été utilisée pour réaliser une analyse diachronique complète de la mise en œuvre de la LAIE.

Notre recherche peut donc se résumer par la question suivante :

La mise en œuvre de la LAIE a-t-elle amené une convergence ou une divergence des pratiques cantonales d’application depuis son introduction en 1961 ?

Par convergence nous entendons le fait que les cantons tendent vers un modèle d’application unique conforme à la volonté de la Confédération. La divergence sous-entend la situation inverse où plusieurs manières d’appliquer le droit fédéral subsistent, y compris dans un sens opposé à la volonté du législateur fédéral. Nous revenons sur ces concepts dans notre cadre théorique.

Cette question ne résume que la première étape de notre recherche. Une fois que nous aurons identifié si nous observons une convergence ou une divergence des pratiques cantonales d’application, nous identifierons les mécanismes qui la sous-tendent afin de l’expliquer.

Ce travail est structuré de la manière suivante : tout d’abord, nous retraçons en détail l’évolution de la LAIE. Ensuite, nous parcourons la littérature suisse sur le fédéralisme d’exécution. D’une part, pour présenter les domaines et les contextes étudiés précédemment où de grandes différences de mise en œuvre entre les cantons on été observées. D’autre part, pour identifier les différents modèles théoriques que les auteurs ont présentés autour de la mise en œuvre des lois fédérales et mieux cerner les apports théoriques de notre travail. Dans un troisième temps, nous élaborons des hypothèses de recherche par rapport à l’évolution de la LAIE. Nous retraçons ensuite la mise en œuvre de la loi dans tous les cantons au moyen des différents indicateurs contenus dans la base de données de l’OFJ ce qui nous permet de tester nos hypothèses et de répondre à notre question de recherche.

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2) L’évolution de la LAIE

Au printemps 1961, la lex von Moos est le premier arrêté fédéral visant à restreindre l’acquisition de biens immobiliers par des personnes établies à l’étranger. Elle voit le jour dans un climat de crainte. En effet, suite aux multiples acquisitions de logements ou de terrains à bâtir réalisées par des étrangers au lendemain de la deuxième guerre mondiale, la peur de voir ces derniers s’emparer du sol suisse grandit au sein de la population (Conseil Fédéral, 1960). A partir de 1961, par l’introduction de la lex von Moos, on tient donc des statistiques sur le nombre d’autorisations délivrées dans chaque canton. Cependant, cette loi ne contient pas d’objectifs précis et surtout, les autorités fédérales n’ont aucun moyen de recourir contre les autorisations accordées en première instance par les cantons. Le but était avant tout de montrer à la population qu’on s’était saisi du problème. De plus, à cette époque, seul le canton de Zurich tenait des statistiques détaillées sur les biens immobiliers effectivement acquis par des résidants étrangers. On n’avait donc pas d’idée précise de l’ampleur ni de la localisation du phénomène. Pourtant, la visibilité de certaines acquisitions dans d’importantes régions touristiques avait poussé le politique à réagir (Delley, 1982 :26).

Le 1er janvier 1966, il prolonge l’arrêté fédéral qui avait une validité initiale de cinq ans et introduit dans la statistique le nombre d’acquisitions effectivement réalisées pour tous les cantons.

Au début des années 1970, la crainte de l’emprise étrangère sur le sol suisse atteint un nouveau stade. L’initiative Schwarzenbach qui vise à réduire la proportion d’étrangers à 10%

de la population globale dans chaque canton8, bien que rejetée par 54% de la population le 7 juin 1970, pousse le politique à intervenir à nouveau. En effet, certaines régions rurales avaient largement soutenu l’initiative9. Dès lors, le Conseil Fédéral prolonge à nouveau l’arrêté fédéral le 1er janvier 1971.

La LAIE va ensuite être influencée par une autre politique publique. En effet, suite à la décision des Etats-Unis de suspendre la comptabilité-or du dollar, on craint un afflux massif de fonds étrangers vers la Suisse et l’on prend des mesures pour sauvegarder le franc suisse (Conseil Fédéral, 1972). Ainsi, un arrêté fédéral urgent entre en vigueur le 27 juin 1972. On l’appellera par la suite « lex Celio ». Il interdit le placement de tout fond étranger dans des immeubles ou des hypothèques en Suisse, sauf si l’acquisition est destinée à abriter une

8 Seul Genève aurait eu droit à un régime d’exception.

9 Citons à titre d’exemple le canton d’Uri avec 63,3% de oui, ou ceux de Nidwald et d’Obwald avec respectivement 55,7% et 54,5% de oui.

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entreprise. Il est important de noter qu’avec la lex Celio, on opère un renversement complet dans la mise en œuvre de la loi puisqu’on enlève tout le pouvoir d’interprétation et la marge de manœuvre que possédaient les cantons sous la lex von Moos.

Cependant, ces mesures relevaient du droit d’urgence et n’avaient donc qu’une portée provisoire. Dès le 1er février 1974, date à laquelle la lex Celio est abrogée, on retourne au système de 1961 où ce sont les cantons qui sont à la base du système d’autorisation. Pourtant, on apporte tout de même plusieurs modifications restrictives à la lex von Moos. Ainsi, la lex Furgler abandonne la notion trop vague « d’intérêt légitime » permettant à un canton d’accorder une acquisition qui prévalait avec la lex von Moos et institue un véritable régime d’autorisation. En effet, l’on a constaté que le nombre d’autorisations a augmenté dans la période 1961-1971 au lieu de diminuer. C’est d’ailleurs cette même constatation qui a poussé Delley et ses collègues à faire leur étude sur ce cas-là. Leurs résultats montrent bien que, malgré une législation plus précise avec l’entrée en vigueur de la lex Furgler, les différences de mise en œuvre entre cantons persistent.

La lex Furgler ajoute également des conditions pour l’acquisition de résidences secondaires et surtout elle introduit un droit de recours de l’administration fédérale contre les décisions des autorités cantonales de première instance délivrant les autorisations (RO, 1974a :87, art. 12 al.

1, let. c). Dans la même logique, l’ordonnance d’application du 21 décembre 1973 introduit un système de blocage des autorisations des logements de vacances pour les communes où la part de propriété étrangère atteint des « proportions considérables »10. Cependant, on laisse encore une grande marge de manœuvre aux cantons qui peuvent sous plusieurs conditions11 déroger au blocage des autorisations. De plus, il n’y a pas de limite nationale globale. Ainsi, Delley et al. (1982) ont démontré que si certains cantons ou certaines communes, par exemple à Lucerne, demandaient un blocage volontaire des autorisations, d’autres cantons et communes, par exemple en Valais, utilisaient ces exceptions pour accorder un maximum d’autorisations.

Au début des années quatre-vingt, l’initiative populaire « contre le bradage du sol national » voit le jour. Elle vise à restreindre l’accès à la propriété foncière aux seules personnes résidant en Suisse, du moins en ce qui concerne les personnes physiques. Le Conseil Fédéral décide de

10 On considère que la propriété foncière en mains étrangères prend des proportions considérables lorsqu’elle atteint plus de 10% de la valeur de la zone à bâtir de la commune. Ce pourcentage peut atteindre 20% si la population résidente a diminué entre 1960 et 1970 (RO, 1974b :110, art. 3).

11 Par exemple si la construction a débuté avant l’introduction de la lex Celio ou alors si les autorités cantonales et fédérales recommandent la réalisation du projet.

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répondre à cette initiative par un contre-projet indirect et transpose les différents arrêtés à validité limitée qui avaient cours jusque-là, en une législation permanente, nommée lex Friedrich (Conseil Fédéral, 1981). Celle-ci comporte trois volets distincts. Le premier réglemente l’acquisition de résidences principales, le deuxième l’acquisition de résidences secondaires et enfin le dernier l’acquisition de logements de vacances. Pour chaque volet, les cantons peuvent choisir s’ils autorisent l’acquisition par des personnes établies à l’étranger. Si c’est le cas, ils sont soumis au régime de l’autorisation. Celui-ci comporte également un système de contingentement pour les logements de vacances. Autrement, ce type d’acquisition est tout simplement interdit.

Avec le système de contingentement, les cantons ne peuvent pas dépasser un certain nombre annuel d’autorisations octroyées, fixé par la Confédération. Un quota national maximal est également fixé et réévalué tous les deux ans12. Ainsi, la lex Friedrich restreint considérablement la marge de manœuvre des cantons même si certains bénéficient de quotas plus larges, étant donné l’importance du tourisme pour leur économie. De plus, le placement de capitaux dans les immeubles est interdit. Ceci reprend un point très strict de l’ancienne lex Celio. Nous pouvons définir a posteriori la lex Friedrich comme le régime législatif le plus restrictif. Désormais, la loi va évoluer, au contraire, vers toujours plus de souplesse.

En 1994, le Conseil Fédéral propose d’assouplir substantiellement la lex Friedrich. Il souhaite ne garder le régime de l’autorisation que lorsqu’une acquisition est effectuée dans le seul but de placer des capitaux ou pour les logements de vacances. En effet, il perçoit désormais la loi comme un frein au développement économique (Conseil Fédéral, 1994 :510). Pourtant, le Peuple refuse ses diverses modifications le 25 juin 1995.13 Malgré ce refus, le Conseil Fédéral remanie tout de même la législation par une modification de son ordonnance d’application en introduisant un système de pools, afin de faire face au manque chronique de contingents dans certains cantons. Ainsi, dès 1996, les contingents cantonaux non utilisés au 31 octobre de l’année en cours retournent à la Confédération et celle-ci les répartit entre les différents cantons qui en font la demande. Cependant, le nombre d’autorisations accordées en plus pour chaque canton ne peut pas dépasser 50 % de son contingent initial.

Ce premier assouplissement est suivi dès l’année suivante par une modification législative faisant suite à des mesures conjoncturelles pour lutter contre la stagnation économique

12 Cette obligation prévaudra jusqu’en 2002.

13 Par 53,6% des votants et 16 cantons contre sept.

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observée depuis le début des années 1990 (Conseil Fédéral, 1997). Ces mesures sont adoptées par le Parlement le 30 avril 1997 et entrent en vigueur le 1er octobre 1997. Cette nouvelle version de la loi fédérale est nommée lex Koller. Désormais, l’acquisition de résidences principales et de bâtiments destinés à abriter une activité économique n’est plus assujettie au régime de l’autorisation. Les résidences de vacances restent cependant soumises au contingentement. En effet, les analyses Vox du scrutin du 25 juin 1995 ont démontré qu’une grande majorité de votants, y compris parmi ceux qui avaient accepté les modifications proposées à l’époque, estimait nécessaire de garder un système d’autorisation restrictif en ce qui concerne les résidences de vacances (Conseil Fédéral, 1997 : 1141ss.). Le Conseil Fédéral ne pouvait ainsi pas se permettre de modifier la législation sur cet aspect, moins de deux ans après le vote du Peuple.

Les modifications de 1997 entraînent également de profonds changements au niveau des statistiques tenues depuis 1961, car celles-ci portent désormais uniquement sur les logements de vacances et les appartements dans des apparthôtels. Nous revenons sur ce point dans la partie méthodologique de notre travail.

Le 1er juin 2002, la lex Koller est à nouveau assouplie pour être conforme aux accords bilatéraux signés avec l’Union Européenne (UE). Les ressortissants de l’UE et de l’Association européenne de libre-échange (AELE) résidant en Suisse peuvent ainsi acquérir librement tout type de biens immobiliers. Il en va de même pour les frontaliers en ce qui concerne les résidences secondaires (Conseil Fédéral, 1999 :5622). Toujours en 2002, le Parlement accepte, suite à une initiative parlementaire, d’assouplir à nouveau le système de contingentement. Désormais, les transferts de propriété entre étrangers ne sont plus imputés aux contingents cantonaux14. De plus, le Conseil Fédéral ne réévalue désormais plus la limite nationale tous les deux ans, il peut la fixer sur une plus grande période. En revanche, on maintient la limite maximum légale de 1’500 contingents par année pour toute la Suisse (Conseil Fédéral, 2002). Toutes ces modifications entrent en vigueur de manière concomitante le 1er septembre 2002.

Fin 2005, le Conseil Fédéral ouvre la procédure de consultation d’un projet de loi visant à abroger la lex Koller. Il estime que celle-ci est désormais caduque car l’emprise étrangère sur le sol suisse est devenue toute relative (Conseil Fédéral, 2007a :5456) et que le réel problème contre lequel il faut lutter constitue la faible utilisation des résidences secondaires. Or celui-ci

14 En revanche, ils restent soumis au régime de l’autorisation.

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se pose indépendamment du fait que les logements soient en mains suisses ou étrangères (Ibid : 5467). C’est pourquoi il estime que des mesures d’accompagnement sous la forme de modifications de la loi sur l’aménagement du territoire suffiront à pallier les effets négatifs de l’abrogation, comme la crainte de voir le nombre de demandes de résidences secondaires exploser dans certaines régions (Ibid.). Tous les cantons répondent favorablement à cette abrogation (Ibid. : 5468). Concernant les mesures d’accompagnement, une majorité de cantons les accueillent favorablement. Cependant, neuf cantons, notamment les Grisons et le Valais, auraient préféré une abrogation sans mesures d’accompagnement (Conseil Fédéral, 2007b :5486).

Malgré ce large consensus en faveur de l’abrogation observé lors de la procédure de consultation, le Conseil National refuse de supprimer la loi et rejette les mesures d’accompagnement le 12 mars 2008. Le Conseil des Etats fait de même le 11 juin de la même année. Les changements concernant l’aménagement du territoire sont finalement acceptés en septembre 2010 mais, à ce jour, la lex Koller est encore en vigueur. Pourtant, le Parlement n’a pas remis en question le principe de l’abrogation de la loi, il l’a rejetée car les mesures d’accompagnement, surtout celles pour lutter contre la problématique des « lits froids » - ces résidences secondaires qui restent vides la majorité de l’année – étaient insuffisantes (Conseil National, 2008 ; Conseil des Etats, 2008). Ceci démontre bien que, même si la loi existe encore aujourd’hui, la volonté politique à l’origine de la LAIE est en voie de disparition. Le meilleur exemple de ce phénomène constitue le fait que la lex Koller était totalement absente de la campagne sur l’initiative Weber, désirant limiter la construction de résidences secondaires dans les communes à 20% du nombre total d’habitations, acceptée le 11 mars 201215. Opposé à l’initiative, le Conseil Fédéral a centré toute son argumentation sur les changements apportés récemment à la politique d’aménagement du territoire énoncés ci- dessus. Cette stratégie s’est révélée être un échec. Par ailleurs, l’acceptation de l’initiative Weber a relancé le débat sur l’abrogation de la lex Koller (NZZ am Sonntag, 18.3.12).

Le tableau 1 résume en un coup d’œil les différents changements législatifs évoqués ci-dessus ainsi que les dates-clé qui s’y rapportent.

15 Avec une courte majorité du Peuple de 50,6% et 13,5 cantons contre 11,5.

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Tableau 1 : Noms des changements législatifs, type juridique et dates-clé.

Nom Type juridique

Date d'approbation du

changement

Date d'entrée en vigueur

Lex von Moos Nouvel arrêté fédéral 23 mars 1961 1er avril 1961 Lex Celio Nouvel arrêté fédéral urgent 26 juin 1972 27 juin 1972 Lex Furgler Modification de l'arrêté fédéral de

1961 21 mars 1973 1er février 1974

Lex Friedrich Nouvelle loi fédérale 16 décembre 1983 1er janvier 1985 Introduction du

système des pools

Modification de l'ordonnance

fédérale d'application 10 juin 1996 10 juin 1996

Lex Koller Modification de la loi fédérale de

1983 30 avril 1997 1er octobre 1997

Lex Koller assouplie

Modification de la loi fédérale de

1983 1er juin 2002 1er septembre 2002

Nous passons maintenant à la revue de la littérature. Celle-ci a pour but de retracer les différentes phases de la recherche sur la mise en œuvre des lois fédérales. Elle présente également plusieurs exemples de politiques publiques où des différences significatives d’application entre les cantons ont été observées ainsi que les explications des auteurs vis-à- vis de ces différences. Ceci nous permettra de justifier l’intérêt de procéder à une étude de mise en œuvre au niveau suisse. Dans un deuxième temps, nous distinguerons deux modèles théoriques d’application du droit fédéral et nous positionnerons notre travail par rapport à ce débat.

(20)

3) Revue de la littérature

Cette revue de la littérature est structurée de la façon suivante. Nous présentons tout d’abord, dans l’ordre chronologique, les différentes phases de la recherche sur le fédéralisme d’exécution en Suisse, en résumant plusieurs études antérieures. Nous commençons par l’étude Delley et al. (1982) car elle est focalisée sur la même législation que nous. Nous prenons ensuite du recul par rapport au contenu brut de ces études pour viser à identifier plusieurs manières de concevoir le fédéralisme d’exécution en Suisse.

3.1) Historique des études de mise en œuvre en Suisse

3.1.1) L’étude Delley et al. (1982)

Cette étude faisait partie du Programme national de recherche (PNR) no 6, lancé en 1976 par le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS). Ce programme visait à mieux comprendre les différentes phases du processus de décision en suisse et cherchait notamment à savoir à quel point et comment les lois fédérales sont appliquées par les cantons. Ce domaine n’avait en effet pas été étudié jusque-là. Ce programme contenait d’autres études de mise en œuvre, toutes réalisées dans les années quatre-vingt16, mais l’étude Delley et al.

(1982) constitue certainement la plus importante d’entre elles, car elle a démontré que la LAIE était instrumentalisée par les cantons à d’autres fins, constituant désormais, comme nous l’avons montré auparavant, un cas d’école au sein de la littérature.

Le Valais utilisait la lex Furgler comme instrument pour promouvoir le tourisme en accordant un nombre impressionnant de dérogations. L’idée générale du canton était qu’il souffrait déjà d’un retard de développement par rapport à ses voisins et qu’il fallait les rattraper. Les autorités, les partis et la société civile étaient unis derrière cette idée. Le Valais s’est alors arrangé pour ne pas faire de remous et que Berne ne vienne pas se mêler de ses affaires. Il a surtout utilisé l’article repris de la lex von Moos, qui permettait d’accorder une autorisation dans le cas de l’implémentation d’une nouvelle entreprise pour doper son économie. Il a ainsi délivré 16 509 autorisations dans la période 1961-197917, ce qui représente 32% des autorisations octroyées sur l’ensemble de la Suisse (Delley et al., 1982 :59).

Genève a utilisé la lex Furgler comme un instrument de politique sociale en conditionnant l’acquisition d’immeubles par une garantie d’investissement dans des logements à loyers

16 Linder (1987) constitue le rapport final du PNR 6, mettant ainsi fin à plus de dix ans de recherche sur ce sujet.

17 De plus, le nombre d’autorisations accordées a pris l’ascenseur au fur et à mesure des années (Delley, 1982 :121).

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modérés. Le canton a ensuite réussi à convaincre Berne qu’à cause de la crise du logement, déjà présente à l’époque, il fallait qu’il puisse continuer cette pratique, même s’il était le seul à le faire. De plus, Genève a souvent joué sur le concept trop flou de « relations dignes d’être protégées » pour accorder des autorisations à de riches étrangers venus s’installer sur les rives du lac Léman.

Le Tessin, enfin, a profité de cette loi pour arrondir ses finances cantonales dans une période difficile en liant l’autorisation à un émolument.

Finalement, parmi les cantons étudiés, seul Lucerne implémentait la loi comme elle avait été pensée au niveau fédéral. Ceci n’est pas étonnant, car ce canton avait eu un rôle important dans la mise en place de la législation et voulait avant tout lutter contre la spéculation foncière. Certaines communes, réellement animées par la crainte de voir les étrangers s’emparer de très belles parcelles au bord du lac des Quatre-Cantons, ont même demandé un blocage volontaire une fois que le système de contingentement est apparu, afin de pouvoir rendre ces quotas à d’autres communes lucernoises voire à d’autres cantons.

3.1.2) Les autres études du PNR 6

Nous présentons maintenant d’autres études de mise en œuvre incluses dans le PNR 6.

Premièrement, l’étude Delley, Mader (1986) analyse la réaction de neuf cantons18 face à un nouveau problème public, lorsque la Confédération ne légifère pas. Les auteurs se penchent sur la prise de conscience énergétique consécutive au choc pétrolier de 1973. La Confédération a renoncé à des mesures contraignantes d’économies d’énergie et opte pour une politique de l’information auprès des cantons. Ainsi les réactions cantonales sont à nouveau très diversifiées. La plupart des cantons jouent la montre et attendent une stratégie globale de la part de la Confédération. En revanche, certains deviennent proactifs. Le Valais qui exporte 70% de sa production énergétique va résoudre ce problème en augmentant l’offre et crée les forces motrices valaisannes. Saint-Gall et Appenzell Rhodes-Extérieures pensent que l’Etat ne doit pas intervenir pour résoudre ce problème et que la solution doit venir des entreprises et des particuliers. Ils adoptent alors une stratégie d’information des citoyens, couplée à une sensibilisation sur les économies d’énergie auprès de certaines entreprises et montrent l’exemple en analysant les bâtiments publics. Enfin, Bâle-Campagne, unanimement opposé à la construction de la centrale nucléaire de Kaiseraugst à proximité de son territoire,

18 Bâle-Campagne, Saint-Gall, Appenzell Rhodes-Extérieures, Neuchâtel, Vaud, Fribourg, Genève, Valais et Berne.

(22)

adopte une stratégie d’urgence tout azimut pour contrer le problème énergétique. En six ans, le canton parvient à créer une véritable politique énergétique comprenant une description détaillée de ses objectifs et des moyens pour les réaliser. Tout ceci sans créer de nouvelle entité administrative. A ce titre, l’attitude proactive de Bâle-Campagne constitue désormais un cas emblématique de canton « pionner » au sein de la littérature (Delley, Mader, 1986 : 35ss.; Kissling-Näf, Knoepfel, 1992 :58 ; Linder, 2005 :168).

Un autre avantage du système fédéraliste, non-mentionné dans l’introduction, réside en effet dans sa capacité d’innovation (Kriesi, 1998 :72). Les cantons pionniers peuvent tester des politiques publiques qui pourront être reprises, si elles fonctionnent bien, sur l’ensemble du territoire dans un deuxième temps. A contrario, si les plans d’actions cantonaux génèrent des effets pervers ou entraînent des surcoûts inattendus, ce système à l’avantage de ne pas répercuter ces effets négatifs sur l’ensemble du territoire national. On parle alors de

« laboratoire fédéraliste » (Linder, 2005 :168).

L’étude Gilliand et al. (1985) qui analyse la mise en place dans les cantons romands d’un système de pensions alimentaires illustre également très bien cette capacité d’innovation des cantons. En effet, suite au nouveau droit sur la filiation de 1976 appliquant avec rigueur le principe de la défense des intérêts de l’enfant, la Confédération a simplement encouragé les cantons à aller dans cette direction. Or, quatre ans plus tard, tous les cantons romands avaient mis en place un tel système prévoyant des recouvrements lorsque les revenus des parents sont insuffisants ou des avances lorsqu’un des ex-conjoints refuse ou tarde à verser une pension.

Linder explique cette rapidité d’exécution par une volonté politique commune des parlements et gouvernements cantonaux (1987 :100).

Ensuite, ces systèmes de redistribution ont évolué dans deux directions différentes. D’un côté vers un pôle coercitif pour les cantons du Valais, de Genève et de Neuchâtel. De l’autre vers un pôle plus généreux pour ceux de Fribourg, de Vaud et du Jura, Or, l’étude Gilliand et al.

(1985) a démontré qu’une attitude coercitive ne permettait pas de rétablir le versement des pensions par l’ex-conjoint au contraire des systèmes plus souples où une relation de confiance était instaurée entre l’administration et les ex-conjoints (débiteur et créancier) ce qui permettait de comprendre la raison du non-paiement et d’y remédier, entraînant à l’arrivée des économies pour l’Etat.

Faisant toujours partie du PNR 6, l’étude Bassand et al. (1984) se focalise sur la politique de la Confédération de 1965 encourageant la construction de logements sociaux. Tous les

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cantons ont bénéficié de cette politique sauf Appenzell Rhodes-Intérieures car il ne possédait pas de loi cantonale d’application. Pourtant, étant donné les nombreuses restrictions à l’octroi de subventions et le mode de calcul du coût de construction difficilement applicable dans les villes (Ibid. :58), les cantons urbains ne bénéficiaient que rarement de l’aide fédérale alors que c’est chez eux que la crise du logement était la plus forte. Par conséquent, c’est eux qui avaient le plus besoin d’aide. Etant donné que la politique de la Confédération n’était dès lors utilisée que par les régions les plus favorisées, on peut parler d’un effet d’écrémage de la politique (cf. Robertson 1984)19.

Bassand et al. (1984) ont également démontré qu’une bonne mise en œuvre de cette politique impliquait un engagement conjoint du secteur public et du secteur privé. Or, plus la crise du logement est forte moins le secteur privé participe à la construction de logements sociaux, ce qui accentue encore l’effet d’écrémage.

En résumé, le PNR 6 a permis une meilleure compréhension de l’enchaînement des différentes étapes du processus de décision. Concernant la phase de mise en œuvre, celle qui nous intéresse particulièrement dans le cadre de ce travail, le PNR 6 a permis d’illustrer la diversité des réactions cantonales. D’une part face à une mesure proactive de la Confédération, par exemple pour la construction de logements sociaux ; d’autre part lorsque cette dernière choisit une stratégie plutôt attentiste, en laissant l’initiative d’action aux cantons comme dans les cas de la politique énergétique ou des pensions alimentaires.

3.1.3) Le PNR 27

A la fin du PNR 6, les études de mise en œuvre du droit fédéral ont connu une réorientation.

En effet, on ne s’est ensuite plus contenté de décrire le processus de décision mais l’on a voulu évaluer l’effet des mesures étatiques. Ainsi un nouveau programme national de recherche a été lancé : le PNR 2720. Ce programme est à l’origine de la culture évaluative suisse (Balthasar, 2007 :16). Auparavant, on ne cherchait que rarement à identifier l’effet réel des mesures étatiques. Aujourd’hui, au contraire, l’évaluation est devenue un processus de plus en plus systématique (Läubli Loud, 2004) même si plusieurs services administratifs n’effectuent toujours pas d’évaluation et qu’il faut encore progresser dans cette direction (Balthasar, 2007 :430).

19 Traduction du terme anglais « creaming ».

20 Bussmann (1995) constitue le rapport final du PNR 27.

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Plusieurs mécanismes de mise en œuvre, qui nous seront utiles pour élaborer notre cadre théorique, sont illustrés par les politiques étudiées dans le cadre du PNR 27. Nous présentons ici les plus importants.

Tout d’abord, l’étude Gerheuser, Schmid (1993) s’intéresse au postulat d’équité présent dans la loi sur le travail domestique qui prévoit que les employées domestiques touchent le même salaire que les employées en usine. Or, si on applique ce postulat à la lettre, on fait disparaître le travail domestique car il n’est plus rentable. Il faut donc considérer la loi comme un signal et une manière de contrer les abus, ie. les cas où les travailleurs domestiques sont vraiment sous-payés. De plus, vu que le travail domestique tend à disparaître, cette loi et son postulat perdent leur sens. Or, Gerheuser, Schmid (1993) ont démontré que, malgré la présence de cette norme fédérale, les employeurs payaient bien moins les employés domestiques – majoritairement des femmes - que leurs homologues en usine et ceci dans pratiquement tous les cantons21. Ainsi, dans la pratique, la loi avait déjà disparu. Notre travail permettra de savoir si c’est également le cas pour la LAIE dans la période récente.

Faisant également partie du PNR 27, l’étude Balthasar, Knöpfel (1994) cherche à savoir si le bon équilibre a été trouvé dans la politique environnementale suisse entre les pôles de l’écologie et de l’économie. Elle détaille notamment un très bon exemple de diffusion d’une norme locale jusqu’au niveau fédéral : celui de la « norme de Zurich22 ». En tant que plus grande ville du pays, Zurich a logiquement été confrontée assez tôt au problème de la qualité de l’air. Dès le début des années soixante, elle a donc crée un laboratoire sur l’hygiène de l’air (Ibid : 34). Or, les scientifiques de ce laboratoire ont pu démontrer qu’il était possible de limiter la quantité d’émission de dioxyde d’azote des chauffages au mazout à 120mg/m³.

Cette norme va ensuite être reprise par les autorités zurichoises, de la ville puis du canton et celle-ci va finalement devenir une norme nationale lorsque la Confédération va également l’adopter. Balthasar et Knöpfel ont démontré que cette attitude proactive des autorités zurichoises s’explique aussi par le souhait d’éviter ou d’atténuer des mesures de régulation étatique dans le domaine du trafic (1994 :143), un autre aspect qui affecte la qualité de l’air.

Par conséquent, ce cas démontre qu’un canton « pionnier » peut user de sa position stratégique pour servir ses propres intérêts.

21 Seule l’industrie du textile, présente dans plusieurs cantons de la Suisse orientale, rémunérait certaines employées domestiques au même tarif qu’en usine car elles étaient très qualifiées. On voulait ainsi s’assurer qu’elle reste dans cette entreprise et ne partent pas chez les concurrents (Gerheuser, Schmid, 1993 :49).

22 Traduction littérale de « Züri-Norm».

(25)

Une autre partie du PNR 27 intéressante pour notre travail est l’étude Brandner et al. (1995) qui se focalise sur le tourisme du ski, une activité économique primordiale pour certains cantons mais développée souvent au détriment de la beauté du paysage ou de la protection de l’environnement qui sont réglées par des directives fédérales. Ainsi les auteurs ont montré que plusieurs installations ont été réalisées dans les domaines skiables sans autorisation fédérale préalable23, alors même qu’un tel régime législatif est en place. Par contre, les exploitants des domaines skiables avaient l’autorisation des acteurs locaux, à savoir les agriculteurs ou la corporation alpine (Ibid. :49). Ce cas démontre encore une fois que des arrangements locaux de mise en œuvre peuvent aller contre le système prévu. Brandner et al. précise dès lors que dans ces cas-là, il ne faut pas chercher à augmenter encore le nombre de normes juridiques en place, par exemple pour prévoir un système de sanctions, mais qu’il faut augmenter la prise de conscience et l’acceptation des acteurs locaux pour mieux mettre en œuvre les normes existantes et ainsi augmenter la « culture d’intervention24 » (1995 :88). Les auteurs constatent également que des normes trop techniques ou détaillées ne sont pas bien implantées car les acteurs de mise en œuvre ne les comprennent pas bien ou qu’elles sont trop compliquées à appliquer25. Faisant partie d’un autre projet de recherche mandaté par les services du Parlement, l’étude Buntschu et al. (1997) a également constaté qu’une législation fédérale trop détaillée ne tenait pas bien compte des particularités régionales ni de la grande diversité des administrations cantonales et avait donc peu de chances d’être appliquée correctement.

D’autres problèmes entravant la collaboration entre la Confédération et les cantons ont également été identifiés par les auteurs26. Cependant, ils ont démontré que la préconsultation, même si elle est informelle, permet de résoudre ces problèmes car les cantons ont ainsi le sentiment d’avoir été intégré dès le départ au processus législatif27.

Un phénomène se produisant également souvent lorsque les cantons doivent mettre en œuvre le droit fédéral est celui de retard généralisé. Grosso modo, il s’agit de la situation inverse à

23 C’est surtout le cas pour les installations souterraines qui ne sont que rarement visibles (Brandner et al., 1995 :40-41).

24 Les auteurs parlent d’ «Eingriff- und Unterhaltskultur».

25 La norme qui prévoit que si une nouvelle piste de ski fait plus de 2000m², elle doit être soumise à un examen de compatibilité environnementale est un bon exemple, car il est très difficile d’additionner toutes les parties de piste. De plus, les pistes se rejoignent, il est donc difficile d’isoler la superficie d’une seule piste.

26 Il s’agit des moyens financiers fédéraux parfois précaires, du manque de surveillance de l’efficacité de la mise en œuvre, de la répartition floue des compétences entre les deux niveaux et enfin parfois d’un manque de coordination horizontale. Concernant ces deux derniers points, signalons que l’étude a été réalisée avant la RPT et que cette réforme a, en principe, résolu ces problèmes.

27 Les auteurs précisent cependant qu’il ne faut pas chercher à formaliser la préconsultation pour qu’elle remplace la phase de consultation mais simplement chercher à la développer davantage.

(26)

celle illustrée par l’étude Gilliand et al. (1985) où les cantons sont très proactifs. Ici, au contraire, ils traînent les pieds et tardent à convertir les normes fédérales dans leur législation cantonale. L’étude Knoepfel et al. (1995) illustre bien ce phénomène. En analysant l’application d’un arrêté fédéral, visant à nouveau à préserver la qualité de l’air, les auteurs constatent qu’au moment du délai fixé par la Confédération, aucun canton n’a converti cet arrêté dans sa législation. En moyenne, les auteurs observent un retard de trois ans. D’autres exemples de retard généralisé dans la mise en œuvre concernent le traitement des déchets radioactifs – où l’on cherche encore aujourd’hui une solution – et l’aménagement du territoire (Kissling-Näf, Wälti, 1999 : 664). Ces retards peuvent s’expliquer soit par un manque de volonté des cantons, comme c’est le cas pour les plans de mesures cantonaux sur la qualité de l’air (Knoepfel et al., 1995) soit par un manque de moyens (Kissling-Näf, Wälti, 2006 : 538).

Notre analyse diachronique nous permettra également d’identifier si l’on observe un retard généralisé dans le cas de la LAIE.

3.1.4) Les études plus récentes

Au début des années 2000, le fédéralisme d’exécution suscite à nouveau l’intérêt des chercheurs. Premièrement, Holzer et al. (2000) démontrent que la politique d’asile n’est pas implémentée de manière uniforme à travers tout le territoire. Ainsi, un requérant d’asile a deux fois plus de chances d’être débouté en Valais qu’à Appenzell Rhodes-Intérieures. La durée de traitement passe elle aussi du simple au double entre ce même canton d’Appenzell Rhodes-Intérieures et Zurich (Ibid. : 286). Ces différences posent un grand problème d’inégalité de traitement car le requérant d’asile ne peut pas choisir le canton où il résidera.

En effet, c’est la Confédération qui attribue les cantons afin de garder une vision d’ensemble de la politique migratoire. Cette étude soulève donc un autre défaut du fédéralisme d’exécution, déjà évoqué dans l’introduction.

Au printemps 2003, la revue suisse de science politique consacre un numéro entier au fédéralisme d’exécution ce qui relance les études dans ce domaine. Battaglini et Giraud (2003) focalisent leur attention sur la mise en œuvre de la loi sur l’assurance-chômage (LACI). Suite à sa deuxième révision, cette loi reposait sur deux volets bien distincts. Un volet d’intégration, voulu par les partis de gauche, qui prône des mesures actives de réinsertion dans le monde professionnel et un volet de renforcement des contrôles, réclamé par les partis de droite, pour éviter les abus. Les auteurs ont ainsi pu montrer que dans certains cantons un des aspects de la loi était privilégié par rapport à l’autre. Ainsi, les cantons où les

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