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Avoirs déposés à l'étranger : devoirs incombant à l'intermédiaire financier suisse au regard de la législation en matière de blanchiment d'argent

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Avoirs déposés à l'étranger : devoirs incombant à l'intermédiaire financier suisse au regard de la législation en matière de blanchiment

d'argent

CASSANI, Ursula, ROCHAT, Dominique

CASSANI, Ursula, ROCHAT, Dominique. Avoirs déposés à l'étranger : devoirs incombant à l'intermédiaire financier suisse au regard de la législation en matière de blanchiment d'argent.

Fiscalité européenne, 2000, vol. 31, no. 3, p. 3-12

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:42606

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AVOIRS DEPOSES A L'ETRANGER

DEVOIRS INCOMBANT A L'INTERMEDIAIRE FINANCIER SUISSE AU REGARD DE LA LEGISLATION

EN MATIERE DE BLANCHIMENT D'ARGENT

LA LEGISLATION SUISSE EN MATIERE DE BLANCHIMENT D'ARGENT:

APPLICATION TERRITORIALE ET EFFETS EXTRATERRITORIAUX

Depuis l'entrée en vigueur, en date elu 1er août 1990, des articles 305bis et 3051er du Code pénal suisse (CPS) réprimant le blanchiment d'argent et le défaut de vigilance en matière d'opérations financières, les devoirs de diligence incombant à l'intermédiaire financier suisse n'ont cessé de s'étoffer. Le dernier développement législatif en date est la Loi sur le blanchiment d'argent (LBA), entrée en vigueur le 1er avril 19981Cette loi a pour but de spécifier les devoirs d'identification et de clarification incombant à l'intermédiaire financier et de mettre sur pied des structures d'auto-réglementation ou de surveillance qui existaient déjà auparavant en matière bancaire, mais non pour les autres professions du secteur financier.

Une des principales innovations réside en outre dans le fait que l'art. 9 LBA impose à l'intermédiaire financier le devoir de communiquer ses éventuels soupçons concernant la provenance des avoirs qui lui ont été confiés au Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent (Money Laundering Reporting Office, « MROS ,, } créé à cet effet.

Les obligations de diligence du banquier en rapport avec le blanchiment de capitaux et le défaut de vigilance restent, par ailleurs, soumises aux directives de la Commission fédérale des banques et à la Convention de diligence des banques, qui ont été remaniées de manière à teriir compte des exigences découlant de la LBA («Directives relatives à la prévention et à la lutte contre Je blanchiment de capitaux (Circ. -CFB 98/1) », ci-après Directives CFB 98/1, et

« Convention relative à J'obligation de diligence des banques (COB 98) "• ci-après COB).

L'application de la LBA est régie par le principe de la territorialité : les devoirs qu'elle énonce s'imposent, par conséquent, exclusivement aux intermédiaires financiers qui pratiquent leur métier en Suisse. Cependant, un des buts de la loi consiste à empêcher l'intermédiaire financier de se soustraire aux obligations découlant du droit suisse en menant son activité

1 Loi fédérale concernant la lutte contre le blanchiment d'argent dans le secteur financier (Loi sur le blanchiment d'argent, LBA), du 1 0 octobre 1997.

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par le biais de structures à l'étranger ; de ce fait, la loi suisse déploie certains effets indirects de portée extraterritoriale. Enfin, il ne faut pas oublier que les citoyens suisses peuvent être poursuivis par les tribunaux suisses pour les infractions pénales commises à l'étranger, pour autant que leurs actes soient également considérés comme punissables selon le droit en vigueur au lieu de commission.

Les développements succincts qui suivent ont pour but d'apporter des éléments de réponse aux questions suivantes:

• Dans quelle mesure un établissement bancaire suisse est-il tenu d'imposer à sa succursale ou aux sociétés de son groupe établies à l'étranger le respect des obligations découlant de la LBA et des réglementations applicables aux banques suisses?

• Dans quelle mesure un intermédiaire financier suisse ayant sous gestion des fonds déposés auprès d'une banque à l'étranger est-il tenu de se conformer aux obligations découlant de la LBA en matière :

).- d'identification de l'ayant droit économique et de conservation de la documentation;

).- de communication des soupçons concernant l'origine criminelle des fonds ou leur appartenance à une organisation criminelle ;

);.. de blocage des fonds pour lesquels une communication est intervenue ?

• Les autorités pénales suisses sont-elles en droit d'ordonner à l'intermédiaire financier suisse de fournir des informations sur des avoirs déposés à l'étranger ?

DEVOIR D'IMPOSER AUX SOCIETES DU GROUPE A L'ETRANGER

LE RESPECT DES OBLIGATIONS CONSTITUANT LE NOYAU DUR DU DISPOSITIF ANTI-BLANCHIMENT

Les obligations incombant aux établissements bancaires suisses en relation avec les activités de leurs succursales et filiales établies à l'étranger sont définies comme suit au ch.

6 des Directives CFB 98/1 :

(( Les intermédiaires financiers ne doivent pas {. .. ) utiliser leurs succursales étrangères ni les sociétés du groupe à l'étranger actives dans le domaine bancaire ou financier pour contourner ces directives. Ils s'assurent que les sociétés du groupe et les succursales situées dans les pays non membres du GAFI, respectent les recommandations qui leur sont applicables, sous réserve de prescriptions locales contraires. Les intermédiaires financiers sont tenus d'informer la Commission des banques .. des cas dans lesquels des dispositions locales vont à l'encontre de l'application de ces recommandations. ''·

Cette clause oblige les intermédiaires financiers qui y sont soumis à imposer le respect d'un standard minimum à leurs succursales et aux sociétés de leur groupe établies dans des pays non membres du Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI). Cette organisation compte vingt-neuf membres, soit l'Allemagne, l'Argentine,

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I'A~stralie,.I'Autriche, la Belgique, le, Brésil, le Canada, le Danemark, l'Espagne, les États- Unts, la Ftnlande, la France, la Greee, Hong Kong (Chine), l'Irlande, l'Islande, l'Italie, le Japon, le Luxembourg, le Mexique, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, le Portugal, le

Royaume des Pays-Bas, le Royaume-Uni, Singapour, la Suède; la Suisse et la Turquie2

9onstit~e~t. de~ soc~étés du groupe, au sens de cette disposition, toutes les sociétés que l1ntermedta1re ftnancter est tenu de consolider en application des art. 13a OB3 et 29 OBVM4,

« y compris les groupes partiels et les entreprises exemptés de la consolidation en application de l'art. 13a al. 3 OB)) (Directives CFB 98/1, note de bas de page 2).

Les obligations dont le respect doit être imposé comme standard minimum forment le noyau dur des recommandations du GAFI, formulées en 1990 et remaniées en 1996. Les Directives CFB 98/1 (note de bas de page 4) renvoient expressément aux recommandations 10, 11, 12, 14, 15, 18 et 19. Il s'agit en particulier des obligations relatives:

à l'identification du client (recommandation 1 0) ;

à l'identification de l'ayant droit économique des comptes ou des avoirs qui font l'objet d'une transaction (recommandation 11) ;

à la conservation, pendant cinq ans après la clôture du compte, de la trac13 écrite de la justification d'identité de leurs clients (recommandation 12) ;

à la diligence particulière en cas d'opérations complexes, inhabituelles et importantes (recommandation 14) ;

à la communication des soupçons concernant la provenance des fonds d'une activité criminelle (recommandation 15) ;

au respect des instructions reçues des autorités en cas de déclaration de soupçons (recommandation 18};

à la mise au point de programmes de lutte contre le blanchiment (recommandation 19}.

Le banquier suisse est tenu de surveiller les succursales ou sociétés de son groupe établies dans des pays non membres du GAFI et d'avertir la Commission fédérale des banques lorsqu'il constate que celles-ci appliquent des prescriptions locales contraires . aux recommandations ci-dessus. Tout récemment, la Commission fédérale des banques a, en outre, invité les établissements bancaires à une vigilance particulière pour ce qui concerne les pays et territoires déclarés non-coopératifs par le GAFI dans son rapport du 22 juin 20005

2 Etat au 22 juin 2900, après l'admission de trois nouveaux membres, soit l'Argentine, le Brésil et le Mexique; cf. 11eme rapport annuel 1999-2000 et communiqué du GAFI du 22 juin 2000, http:/ /www .ocde.org/fatf/pdf/PR-20000622_fr .pdf.

3 Ordonnance sur les banques et les caisses d'épargne du 17 mai 1972.

4 Ordonnance sur les bourses et le commerce de valeurs mobilières du 2 décembre 1996.

5 Lettre de septembre 2000, Comm.-CFB 16 (2000) Annexe 1 d; le rapport du GAFI identifie 15 pays et territoires comme non coopératifs (Rapport visant à identifier les pays ou territ?ires non coopératifs : Améliorer l'efficacité, au plan mondial, des mesures de lutte contre le blanchtment, du 22 juin ; http://www.oecd.org.fatf/pdf/NCCT2000_fr.pdf). Il s'agit des pays et territoires suivants (ch.

64, rapport) : Bahamas, Iles Caïmans, Iles Cook, Dominique, Israël, Liban, Liechtenstein, Iles Marshall, Nauru, Niue, Panama, Philippines, Russie, Saint-Christophe-et-Niévès, Saint-Vincent-et-

les-Grenadines. ·

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DEVOIR D'IDENTIFICATION DE L'AYANT DROIT ECONOMIQUE INCOMBANT A L'INTERMEDIAIRE FINANCIER SUISSE

EN RELATION AVEC DES FONDS DEPOSES A L'ETRANGER

La situation juridique n'est pas la même selon que les comptes sont ou non gérés par un gestionnaire de l'établissement sis en Suisse et selon que la relation client existe avec un établissement bancaire ou un client individuel.

GESTION PAR L'INTERMEDIAIRE FINANCIER SUISSE D'AVOIRS A L'ETRANGER POUR DES CLIENTS INDIVIDUALISES

Lorsque les organes ou employés de la banque sise en Suisse agissent comme gérants externes de comptes appartenant à des clients dont les avoirs sont détenus par l'établissement bancaire à l'étranger, il faut admettre qu'une « customer relationship , existe aussi .dans notre pays et que l'intermédiaire financier suisse est par conséquent tenu de se conformer à toutes les obligations découlant du droit suisse.

Il s'ensuit que l'intermédiaire financier suisse a l'obligation d'identifier son cocontractant, ainsi que l'ayant droit économique, et de s'organiser de manière à être, le cas échéant, en mesure de renseigner avec exactitude et célérité les autorités chargées de la poursuite pénale et de la lutte contre le blanchiment d'argent lorsque ces dernières lui demandant s'il détient ou gère des avoirs appartenant à telle personne soupçonnée d'infraction.

L'art. 3051er CPS déclare punissable celui qui, dans l'exercice de sa profession, accepte, garde en dépôt ou aide à placer ou à transférer des valeurs patrimoniales appartenant à un tiers, sans en avoir identifié l'ayant droit économique. Le devoir d'identification existe ainsi non seulement pour celui qui a sous sa garde les avoirs d'autrui, mais également pour celui qui fournit une ·assistance dans leur placement, assistance qui peut, bien entendu, être

intellectuelle. ,

La loi ne fait aucune distinction en raison du lieu où les avoirs sont localisés. Pour que l'art.

305ter CPS s'applique, il suffit que le professionnel de la finance ait fourni l'assistance depuis la Suisse ou qu'il soit de nationalité suisse. Il en va de même des art. 4 et 5 LBA, qui obligent tous les intermédiaires financiers opérant en Suisse à procéder à l'identification de l'ayant droit économique et, si nécessaire, à renouveler cette opération, sans égard au lieu où sont localisés les avoirs pour lesquels ils fournissent leurs services professionnels.

Il s'ensuit que le client doit être identifié à la fois par la banque qui détient les avoirs à l'étranger et par le gérant externe suisse, en conformité avec la législation locale applicable à chacun de ces intermédiaires financiers6 Demeure réservée une éventuelle assistance fournie par l'un à l'autre dans l'obtention des informations et documents exigibles pour l'identification du client.

Quant à la forme de l'identification, il convient de noter que le fait que le gérant connaisse parfaitement son client et l'ayant droit économique - par exemple en raison de relations (j'affaires antérieures - n'est pas suffisant. L'intermédiaire financier doit exiger de son ·

6 Dans le même sens, préconisant une duplication de l'identification, Werner DE CAPITANI, Der Geltungsbereich des GWG, séminaire SRO SAV/SNV du 21 juin 2000, p. 6.

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cocontractant une déclaration écrite indiquant qui est l'ayant droit économique (art. 4 LBA) et conserver la documentation (art. 7 al. 1 et 3 LBA), de manière à être en mesure de déterminer, dans un délai raisonnable, si une personne est un de ses clients ou l'ayant droit économique d'avoirs qu'il détient ou aide à placer ou à transférer (art. 7 al. 2 LBA).

Ce devoir d'identification serait violé si l'intermédiaire financier suisse gérait des comptes individualisés pour lui par de simples numéros ou noms de code, en laissant à l'établissement détenant les avoirs sis à l'étranger le soin d'identifier les clients et les ayants

droit économiques. ·

GESTION PAR L'ETABLISSEMENT BANCAIRE SUISSE D'AVOIRS POUR UNE BANQUE OU CERTAINS AUTRES INTERMEDIAIRES FINANCIERS

Lorsqu'un intermédiaire financier suisse ou étranger ouvre un compte en son nom auprès d'une banque suisse, cette dernière est en principe tenue d'exiger une déclaration au sujet de l'ayant droit économique en vertu de l'art. 4 LBA.

Cependant, les travaux préparatoires de la LBA réservent l'éventualité que les autorités de surveillance apportent certaines limitations au devoir d'identification de l'ayant droit économique dans les relations entre intermédiaires financiers, en particulier en ce qui concerne les comptes et dépôts globaux7, soumis en principe à l'obligation d'identification en vertu de l'art. 4 al. 2 LSA.

Or, la CDS (commentaire ch. 30) prévoit effectivement la renonciation à l'identification lors de

l'ouve~ud~e.

de

f~omp~es

par des banques suisses et étrangères,

voi~e pd~r

certains autre

1s (·· ...

interme 1a1res 1nanc1ers (direction de fonds de placement, compagmes assurance sur a vie, négociants en valeurs mobilières et institutions de prévoyance professionnelle exemptées d'impôts), dont le domicile ou le siège est en Suisse ou à l'étranger et qui sont assujettis à une surveillance appropriée, ainsi qu'à une réglementation appropriée en matière de lutte contre le blanchiment d'argent. Cette exemption ne se limite d'ailleurs pas aux comptes globaux mais s'étend à toutes les relations avec ces établissements.

Selon les précisions fournies par l'Association suisse des banquiers, la réglementation en matière de blanchiment d'argent est réputée appropriée dans les pays membres du GAFI8

Pour les comptes ouverts par les intermédiaires financiers énumérés ci-dessus, provenant d'un des pays membres du GAFI, la CDB permet donc à la banque suisse de renoncer à procéder à l'identification de l'ayant droit économique. Pour les comptes ouverts par les autres intermédiaires financiers, l'ayant droit économique doit être identifié.

Toutefois, même s'agissant de relations exemptées en principe de ce devoir par l'art. 30 commentaire CDS, il convient de faire preuve de circonspection. D'une part, la COB elle- même précise que la déclaration relative à l'identité de l'ayant droit économique doit être exigée et que d'autres mesures doivent être prises lorsque des indications révèlent des abus ou en cas de mises en garde de portée générale émises par la Commission fédérale des banques ou l'Association suisse des banquiers au sujet de certains établissements en particulier ou sur les établissements provenant d'un pays déterminé (commentaire ch. 30, al.

4 CDS). .

D'autre part, et de manière plus générale, se pose la question de la conformité de cette renonciation à l'identification de l'ayant droit économique aux obligations découlant de l'art.

7 Message relatif à la loi fédérale concernant la lutte contre le blanchissage d'argent dans le secteur financier, du 17 juin 1996, 1996 Ill pp. 1057 ss., p.1 082.

8 Circ. ASB no. 1365 D, du 28 avril1998; pour la liste des pays du GAFI, cf. Section Il, ci-dessus.

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)

3051er CPS réprimant le défaut de vigilance en matière d'opérations financières. En effet, cette dernière disposition n'énonce aucune exception au devoir d'identification, sous réserve de ce qui découle du critère de la proportionnalité des mesures exigées. De la même manière, prévoyant elle aussi l'identification de l'ayant droit économique dans tous les cas, la LBA ne fournit aucune base légale expresse aux exceptions retenues par la COB.

Or, dans ce dom~ine, la plus grande prudence est de rigueur, compte tenu du fait que le Tribunal fédéral a jugé récemment que le respect des obligations découlant de la COB n'était pas toujours suffisant pour éviter au banquier une condamnation en vertu de l'art. 3051er CPS, le juge pénal étant libre de se montrer plus strict dans l'appréciation de la diligence requise par les circonstances (ATF 125 IV 139t C'est ainsi que le Tribunal fédéral souligne que le Code pénal suisse exige toujours l'identification de l'ayant droit économique, cela même dans les cas où la COB, qui est un instrument d'auto-réglementation des banquiers et non un acte normatif étatique, se montre plus souple (ATF 125 IV 146). Est en outre expressément proscrite comme contraire à l'art. 305ter CPS, la délégation de l'identification à un autre établissement bancaire (ATF 1251V 147).

Suite à cet arrêt, la situation juridique est donc devenue passablement incertaine. Il convient de noter néanmoins que l'Autorité de contrôle en matière de lutte contre le blanchiment d'argent a affirmé la même solution que celle préconisée par le CFB dans une Circulaire promulguée le 10 décembre 199910Or, contrairement à la COB, cette circulaire n'est pas un

« simple » instrument d'auto-réglementation, mais une prise de position officielle émanant d'une autorité étatique spécialement mise sur pied pour veiller à l'application de la législation en matière de blanchiment. Cette circonstance n'est peut-être pas de nature à lier le juge pénal dans un Etat basé sur le système de la séparation des pouvoirs judiciaire et administratif, mais elle rendrait une condamnation pénale difficilement soutenable, dès lors que l'intermédiaire financier s'en est scrupuleusement tenu aux règles imposées par l'administration.

Compte tenu des incertitudes qui subsistent, l'on ne saurait que recommander à la banque suisse de demander à sa cocontractante la déclaration relative à l'ayant droit économique non seulement chaque fois qu'elle y est tenue aux termes de la COB, mais chaque fois que cela apparaît comme praticable et compatible avec le principe de la proportionnalité.

COMPTES AUPRES D'UNE SUCCURSALE OU D'UNE SOCIETE DU GROUPE SISE A

L'ETRANGER POUR LESQUELS IL N'EXISTE PAS DE « CUSTOMER

RELATIONSHIP )) EN SUISSE

En l'absence d'une « customer relationship , en Suisse sous forme de mandat de gestion ou d'activité de conseil, l'intermédiaire financier suisse n'a pas d'obligations particulières vis-à- vis des comptes ouverts à l'étranger, sous réserve de l'obligation d'imposer aux succursales et aux sociétés du groupe établies dans des pays non membres du GAFI une procédure d'identification qui satisfasse aux exigences découlant des recommandations de ce dernier.

C'est ainsi que la transmission d'analyses financières ou de recommandations d'achat ou de vente générales, non destinées à un compte déterminé, ne saurait être qualifiée d'assistance·

dans le placement impliquant l'obligation d'identification à la charge de l'établissement suisse vis-à-vis des clients de sa filiale ou des sociétés de son groupe.

9 Arrêt en langue allemande ; une traduction en langue française est publiée dans la Semaine Judiciaire 2000 p. 145. .

10Circulaire 99/2, Identification de l'ayant droit économique (art. 4 LBA) ; http://www.admin.ch/efv/gwg/f/2672.pdf.

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Cependant, une certaine prudence s'impose néanmoins, en tout cas lorsque des comptes existant autrefois auprès de la banque en Suisse sont transférés à l'étranger.

Conformément au ch. 6 précité des Directives CFB 98/1, il est interdit aux établissements bancaires suisses d'utiliser des succursales étrangères ou sociétés du groupe, en Suisse ou à l'étranger, pour contourner les directives en vigueur dans notre pays.

Dans cette perspective, il convient d'éviter toute manœuvre qui serait de nature à exposer la banque au reproche que la délocalisation d'une relation client vise à faire échapper les avoirs de provenance criminelle au dispositif anti-blanchiment mis en place par le droit suisse.

DEVOIR DE COMMUNICATION ET DE BLOCAGE CONCERNANT DES AVOIRS DEPOSES A L'ETRANGER MAIS GERES DEPUIS LA SUISSE

Conformément à l'art. 9 LBA, les intermédiaires financiers sont tenus de communiquer les soupçons fondés que des valeurs patrimoniales impliquées dans la relation d'affaires ont un rapport avec une infraction au sens de l'art. 305bis CPS, qu'elles proviennent d'un crime ou qu'une organisation criminelle au sens de l'art. 2601er CPS exerce sur elles un pouvoir de disposition. La violation de cette obligation est constitutive d'une infraction passible de l'amende à concurrence de 200'000 francs (art. 37 LBA).

Conformément à l'art. 3051er al. 2 CPS, l'intermédiaire financier est, en outre, en droit de communiquer ses soupçons aux autorités chargées de la poursuite pénale, sans pour autant être accusé de violation du secret bancaire (art. 47 LB11).

Enfin, le devoir de communication va de pair avec celui de bloquer les avoirs sur la

·provenance desquels portent les soupçons de l'intermédiaire financier (art. 10 al. 1 LBA). La violation de ce devoir n'entraîne pas une sanction pénale spécifique; cependant, l'intermédiaire financier qui permet un retrait court le risque de se rendre coupable de blanchiment d'argent, si les soupçons qu'il a communiqués se révèlent fondés.

DEVOIR DE COMMUNICATION

La première question qui se pose est celle de savoir si l'intermédiaire financier suisse qui a un mandat de gérant externe sur un compte à l'étranger est tenu de communiquer en Suisse ses éventuels soupçons concernant la provenance criminelle des valeurs patrimoniales sous sa gestion ou leur lien avec une organisation criminelle. Les travaux préparatoires de la LBA ne permettent pas de répondre avec certitude à cette question. Toutefois, le texte de l'art. 9 LBA, qui se réfère aux soupçons que des « valeurs patrimoniales impliquées dans la relation d'affaires ont un rapport " avec le blanchiment d'argent, qu'elles proviennent d'un crime ou qu'une organisation criminelle exerce un pouvoir de disposition sur elles, est suffisamment large pour englober des avoirs déposés à l'étranger mais gérés depuis la Suisse.

Le devoir de communication fait partie des obligations auxquelles sont soumis tous les intermédiaires financiers en Suisse, en raison de leur occupation professionnelle et pour l'ensemble de l'activité qui en relève, sans qu'il y ait lieu d'établir des distinctions en fonction du lieu géographique où se trouvent les avoirs sur lesquels porte cette activité.

11 Loi sur les banques et les caisses d'épargne du 8 novembre 1934.

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(

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Le banquier suisse est donc soumis au devoir de communication non seulement à l'égard des avoirs déposés en Suisse, mais également s'agissant de. fonds déposés à l'étranger, pour lesquels il agit comme gestionnaire ou comme conseiller en matière de placement.

BLOCAGE DES AVOIRS ET INFORMATION A LA BANQUE DEPOSITAIRE

L'art. 10 al. 1 LBA dispose que « l'intermédiaire financier doit bloquer immédiatement les valeurs patrimoniales qui lui sont confiées si elles ont un lien avec les informations

communiquées». ·

Les termes '' valeurs patrimoniales qui lui sont confiées » soulèvent la question de savoir si le gérant externe dispose de pouvoirs suffisants pour que l'on puisse parler d'avoirs confiés. En règle générale, les pouvoirs du gérant de fortune externe se limitent à des décisions de placement exécutées par la banque dépositaire et qui n'incluent pas le pouvoir de disposer du compte en opérant, par exemple, des retraits. Or, la notion de

« valeurs confiées » est plus étroite que celle de « valeurs patrimoniales impliquées dans la relation d'affaires». A notre connaissance, la signification de cette divergence terminologique n'a été analysée ni dans les travaux préparatoires de la LBA, ni par la doctrine ; pour la suite de l'exposé, nous admettrons, cependant, que l'intermédiaire financier non dépositaire des fonds est tenu de prendre les mesures à sa portée qui sont propres à provoquer un blocage12

Devoir et pouvoir du gérant externe de bloquer les fonds déposés à l'étranger

Même en admettant que les avoirs sont « confiés >> au gérant externe au sens de l'art. 1

o

al. 1 LBA, nonobstant le caractère généralement _limité de son pouvoir de disposition, il faut encore se demander si celui-ci dispose effectivement de la faculté de procéder à un blocage. En effet, selon le principe « à l'impossible nul n'est tenu», l'on ne saurait reprocher une omission à celui qui n'est pas en mesure d'agir efficacement.

En l'occurrence, le gérant externe n'est en général pas en mesure de bloquer les avoirs lui-même, sans l'assistance de la banque qui en a la garde. Dans des circonstances de ce genre, la seule mesure à sa portée est d'avertir la banque dépositaire, pour que celle-ci puisse, à son tour, procéder au blocage des avoirs. Il convient néanmoins de nuancer ce point de vue : en effet, s'il y a des motifs de penser que la banque dépositaire ne procédera pas au blocage des avoirs, que ce soit par négligence ou mauvaise volonté ou parce que la législation locale s'y oppose, l'information est inutile, voire même contraire au devoir de discrétion incombant à l'intermédiaire financier, ainsi qu'il sera exposé ci- dessous. La même chose vaut, a fortiori, pour les cas dans lesquels l'intermédiaire financier a des raisons de craindre que la banque dépositaire puisse avertir le client et lui permettre de retirer les avoirs.

Collaboration avec la banque dépositaire et devoir de discrétion en vertu de l'art. 1

o

al. 3 LBA

Lorsqu'il requiert la collaboration de la banque dépositaire, le devoir de bloquer les avoirs entre en conflit avec l'interdiction faite par l'art. 1 0 al. 3 LBA à l'intermédiaire financier qui procède à la communication de ses soupçons fondés de révéler ce fait à son client ou à un tiers. Or, la banque dépositaire est un tiers par rapport au gérant externe et au client, même si elle entretient, elle aussi, un rapport contractuel avec ce dernier.

12 Dans ce sens, Shelby ou PASQUIER, Obligation de communiquer et blocage des avoirs, Journée 1997 de droit bancaire et financier, Berne, 1997, pp. 155 ss., p. 169.

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D'après l'opinion émise publiquement par le chef du Bureau de communication, le gérant externe peut éviter d'être confronté à ce conflit de devoirs, en avertissant la banque dépositaire avant de faire la communication, tout en lui demandant de bloquer les avoirs.

D'après cette opinion, l'interdiction de révéler à autrui qu'une communication a été faite ne naîtrait qu'au moment de ladite communication. Dans la pratique, il arrive le plus souvent, dans les cas où le gérant externe et la banque dépositaire sont en Suisse et donc soumis tous deux à l'obligation de faire une communication au même Bureau fédéral, que la communication des deux intermédiaires soit concertée et simultanée ; c'est d'ailleurs ce que recommande le Bureau de communication dans son rapport annuel1999/200013

L'interprétation préconisée nous paraît peu convaincante, même si le résultat auquel elle aboutit est parfaitement juste. En effet, si l'interdiction d'informer autrui de la communication ne prenait naissance qu'au moment où cette dernière est effectivement faite, il faudrait admettre que l'intermédiaire financier serait également en droit d'en avertir à l'avance le client ou d'autres tiers à l'égard desquels le client l'a délié du secret bancaire, ce qui ne peut manifestement pas être le sens de la disposition. L'antériorité à la communication ne saurait donc être l'élément déterminant. L'information de la banque dépositaire nous paraît, en revanche, justifiée par le devoir de bloquer les fonds ( « Pflichtenkollision » ; état de nécessité extra-légale). Ce devoir naît dès que l'intermédiaire financier a un soupçon fondé concernant les avoirs, et il perdure jusqu'à la réception de la décision de l'autorité ou la fin du délai de cinq jours prévu à l'art. 1 0 al. 2 LBA. Il est certes souhaitable que le blocage intervienne aussi rapidement que possible ; cependant si, pour une raison ou une autre, cela n'a pas été possible, le gérant doit toujours bénéficier du fait justificatif s'il demande au dépositaire de bloquer les fonds, après avoir procédé à la communication au bureau ad hoc.

VALIDITE DES ORDONNANCES DES AUTORITES PENALES DEMANDANT DES INFORMATIONS SUR LES COMPTES DETENUS A L'ETRANGER

Dans leurs ordonnances de perquisition et de saisie, les juges d'instruction genevois et vaudois demandent aux banques - en des termes à vrai dire non dénués d'ambiguïté - de leur faire savoir si telles personnes touchées par leur enquête "disposent ou ont disposé, en Suisse ou à l'étranger, d'avoirs dont la garde et/ou la gestion (leur) a été confiée, directement ou indirectement par l'entremise de tierces personnes physiques ou morales, notamment par des sociétés de (leur) groupe".

Conformément au principe de la territorialité de l'enquête pénale, le juge suisse n'est pas en droit d'adresser directement des demandes de renseignement à des personnes à l'étranger.

Rien ne l'empêche, en revanche, d'interroger une personne en Suisse sur la question de savoir si elle a sous sa gestion des avoirs déposés à l'étranger14Dans une ordonnance non publiée commentée par 8TRÂUU15, la Chambre d'accusation genevoise a déclaré que l'établissement bancaire recourant était en droit de refuser l'information qui lui était demandée par le Juge d'instruction, au motif qu'en répondant à la question posée, ses organes se seraient rendus coupables de violation du secret bancaire découlant de la législation étrangère du lieu où étaient déposés les avoirs gérés depuis la Suisse.

13 MROS, Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent, 2éme rapport d'activités, 1999/2000, p. 14, disponible sur le site internet de l'Office fédéral de la police, http://www.admin.ch/bap

14 Bernhard STRAULI, Territorialité de l'enquête pénale et garantie d'une activité irréprochable, in Journée 1995 de droit bancaire et financier, Berne, Stampfli, 1995, pp. 123 ss., p. 129 s.~

15 Loc. cit. note précédente.

REVUE FISCALITE EUROPEENNE ET 11

DROIT INTERNATIONAL DES AFFAIRES- N° 2000/3

(11)

Cette argumentation n'est pas pertinente16: le juge suisse a, en effet, accès à toutes les informations qui sont localisées en Suisse, en ce sens qu'elles sont détenues par des témoins ou contenues dans des documents disponibles sur le territoire national. Un éventuel devoir de discrétion découlant du droit étranger et imposé à la banque sise à l'étranger ne peut, dès lors, justifier un refus de donner des renseignements sur des comptes déposés à l'étranger mais gérés depuis la Suisse.

Le juge d'instruction ayant la compétence de demander la communication de toute information et de tout document localisés en Suisse, il n'est, par ailleurs, pas indispensable qu'une relation clierit - par exemple sous la forme d'un mandat de gestion - existe dans notre pays.

Dans un arrêt récent rendu en matière d'entraide administrative internationale, le Tribunal fédéral a confirmé que la souveraineté territoriale étrangère n'est pas violée, lorsque des informations disponibles en Suisse mais concernant une relation client à l'étranger sont révélées aux autorités suisses (ATF 125 Il 450, 455). SÜr la base d'une requête de l'Office fédéral allemand de surveillance pour le commerce des papiers-valeurs, la CFB avait demandé à une banque suisse des informations concernant la personne pour laquelle des ordres avaient été passés. La banque a répondu que ces derniers avaient été passés pour sa filiale aux lies Cayman et que la relation avec le client final était gérée exclusivement par celle-ci. Le Tribunal fédéral a confirmé le point de vue de la CFB, soit que dans la mesure où la société mère en Suisse avait effectivement connaissance de l'identité du client, elle devait donner cette information à l'autorité de surveillance suisse dans le cadre de l'entraide administrative.

Cette jurisprudence confère un effet extraterritorial indéniable à l'activité de l'autorité de surveillance bancaire suisse et vient ainsi confirmer le point de vue soutenu ci-dessus à propos de la portée de l'enquête pénale.

Ursula CASSAN!

Professeur de Droit Pénal à L'Université de Genève

Conseil à l'Etude Lenz et Staehelin Genève

16 STRÂULI, op. cit., p. 131

REVUE FISCALITE EUROPEENNE ET

DROIT INTERNATIONAL DES APFAIRES-W 2000/3

Dominique ROCHAT Associé Etude Lenz et Staehelin Genève

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