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Les obligations du banquier en cas de mesures de blocage émanant d'une autorité pénale

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Les obligations du banquier en cas de mesures de blocage émanant d'une autorité pénale

CHAPPUIS, Benoit, LEMBO, Saverio

CHAPPUIS, Benoit, LEMBO, Saverio. Les obligations du banquier en cas de mesures de blocage émanant d'une autorité pénale. In: Bernasconi, Paolo ; Chopard, René. Mesures provisionnelles judiciaires et administratives : droits et devoirs de la banque suisse et de ses clients . Bellinzona : Méta-Editions, 1999. p. 33-47

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:30397

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Les obligations du banquier en cas de mesures de blocage émanant d'une autorité pénale

BENOÎT CHAPPUIS.

1. Préambule

Les mesures de blocage pénal font régulièrement la une des journaux, en particulier dans les cantons à forte densité bancaire tels que Zurich et Genève.

Que ces mesures soient prononcées au titre de l'entraide judiciaire inter- nationale ou à un titre purement domestique, ce sujet est, en permanence, d'actualité.

Il l'est d'autant plus avec l'entrée en vigueur le 1er avril 1998 de la Loi fédérale concernant la lutte contre le blanchiment d'argent dans le secteur financier du 10 octobre 1997 (<<LBA»), qui consacre à son art. 10 une obliga- tion de blocage en cas de soupçon de blanchiment d'argent. Dès lors que ce blocage effectué à titre provisoire par l'intermédiaire financier sera, dans bien des cas, suivi par une mesure de blocage prononcée par l'autorité péna- le compétente, le présent exposé y fera allusion, quand bien même il ne s'a- git pas d'une mesure de blocage pénal à proprement parler.

Après avoir passé en revue les principaux types de saisie (infra 3.), les conditions (infra 4.), la compétence de l'autorité prononçant la saisie (infra 5.), les effets de cette dernière (infra 6.) et la qualité pour recourir du ban- quier (infra 7.), le présent exposé se concentrera sur les obligations du ban- quier (infra 8.) et son comportement en cas de présence d'indices portant sur une origine criminelle (infra 9.).

Enfin, j'évoquerai le cas particulier de la tentative -infructueuse -,par un juge d'instruction genevois, de bloquer les avoirs d'une société auprès d'une filiale d'une banque genevoise à l'étranger (infra 10.).

* En collaboration avec SA VERIO LEMBO.

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2. Généralités

<<La saisie ou le blocage peuvent être définis comme un acte par lequel l'autorité compétente met un objet ou une valeur sous main de justice en acquérant sa maîtrise physique ou en signifiant à son détenteur actuel une restriction au pouvoir d'en disposer.»1

A noter que les termes de «Saisie>~, «blocage» ou encore «séquestre» sont généralement équivalents et peuvent varier selon les cantons.

La saisie qui vient immédiatement à l'esprit est celle par laquelle l'auto- rité acquiert la maîtrise physique de l'objet en en dépossédant le détenteur.

Mais la saisie peut également se matérialiser dans l'apposition de scellés ou encore dans l'interdiction faite au détenteur de disposer d'un objet, même immobilier. On songera là à l'interdiction faite à une personne d'a- liéner l'immeuble dont il est propriétaire. Un autre type de saisie très fré- quente et qui est précisément l'objet du présent exposé, est le blocage d'un compte bancaire. Dans cette hypothèse, il n'y a pas de déplacement phy- sique de l'objet. L'on constate uniquement une restriction du pouvoir de disposer sans qu'une dépossession intervienne.

Comme on le verra ultérieurement, la saisie est une mesure à caractère strictement provisoire. A terme, elle doit impérativement être remplacée par une mesure définitive telle que la confiscation des objets frappés par la saisie ou leur restitution à l'ayant droit.

3. Les principaux types de saisie

En droit suisse, les saisies peuvent se différencier selon deux types prin- cipaux : la saisie des strumenta sceleris ou saisie probatoire et la saisie des producta sceleris ou saisie conservatoire.

3.1. Saisie des strumenta sceleris ou saisie probatoire

Comme son nom l'indique, le but visé par cette saisie est de conserver à disposition des autorités pénales intervenant successivement dans les diverses phases de la procédure des objets ou des documents utiles à l'éla- boration de la vérité (arme du crime, faux billets, etc.).

1 BERNHARD STRÂULI, «Territorialité de l'enquête pénale et garantie d'une activité irréprochable- A propos d'une ordonnance de la Chambre d'accusation de Genève»

in Journée 1995 de dmit bancaire et finander, Berne, 1995, p. 126; pour d'autres défi- nitions, cf. BERNHARD SrRA.uu, op. cit., p. 127 et références citées ad note ll0 26.

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En droit de procédure pénale genevoise, les bases légales de la saisie probatoire sont les art. 107 al. 2, 1ère phrase, et 181 al. 1, 2ème phrase, du Code de procédure pénale genevoise («CPPG»).

En matière internationale, la saisie probatoire est réglée par l'art. 18 al. 1 in fine de la Loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale du 20 mars 1981 («EIMP»).

3.2. Saisie des producta sceleris ou saisie conservatoire Il s'agit du pendant du séquestre civil.

Une telle saisie vise à garantir la présence d'un certain nombre de cho- ses ou de valeurs susceptibles de faire l'objet d'une confiscation ou d'une autre mesure définitive prévue par le droit fédéral. Le but est donc de garantir la présence de ces choses ou valeurs à tous les stades de la procé- dure et particulièrement au stade du jugement, moment où le juge du fond devra prendre une décision définitive (confiscation ou restitution des biens au lésé).

En droit de procédure pénale genevoise, les bases légales de la saisie conservatoire sont les art. 107 al. 2 1ère phrase, 115A et 181 al. 1, 1ère phra- seCPPG.

En matière internationale, l'art. 18 al. 1 EIMP vise également la saisie conservatoire puisqu'il admet que l'autorité compétente peut ordonner des mesures provisoires en vue de maintenir une situation existante et de pro- téger des intérêts juridiques menacés.

4. Les conditions

A l'instar, semble-t-il, de la situation qui prévaut au Tessin2, une saisie doit se justifier par la présence d'indices suffisants que l'objet saisi a servi à commettre une infraction ou est le produit de cette dernière3.

S'agissant du caractère suffisant des indices, la jurisprudence admet que les exigences iront en croissant au fur et à mesure que la procédure avance- ra. Ces indices seront donc moindres lorsque la mesure ordonnée est dictée par l'urgence en début de procédure4. Si l'autorité aboutit à la conclusion

2 Camera dei ricorsi penali TI du 13 janvier 1986 (Roadstar SA). Rep 120 (1987) 265 = RSPI 1990 p. 113.

3 Ordonnance de la Chambre d'accusation de la République et canton de Genève («OCA») n' 176 du 26 juin 1990 (Ripper!) et OCA n' 302 du 15 novembre 1996 (Crédit Suisse); ATF 117 la 424.

4 OCA n' 198 du 1er septembre 1996 (Corsi).

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qu'elle dispose d'indices suffisants, elle a non seulement la faculté mais éga- lement l'obligation de saisir les objets en questionS.

Cela dit, il convient de garder à l'esprit que la saisie est une restriction du droit constitutionnel de propriété garanti par l'art. 22ter Cst. A l'instar des restrictions aux autres droits constitutionnels, elle n'est compatible avec cette disposition que si elle repose sur une base légale, si elle est jus- tifiée par un intérêt public et si elle respecte le principe de la proportion- nalité6.

5. L'autorité qui prononce la saisie 5.1. En matière de procédure nationale

5.1.1. Saisie prononcée par les autorités compétentes du canton

Dans le cadre d'une procédure cantonale, la saisie sera prononcée par les autorités compétentes du canton en question, en application du code de procédure pénale cantonale. Les principales autorités compétentes sont, aussi bien pour la saisie probatoire que pour la saisie conservatoire, les sui- vantes:

- la police judiciaire dans le cadre d'une enquête préliminaire;

- le juge d'instruction dans le cadre de l'instruction;

- le Procureur général [exemple: à Genève, ce quand bien même la loi ne le prévoit pas expressément (art. 115A CPPG)7].

- Chaque canton désigne dans sa loi de procédure l'autorité compétente.

5.1.2. Saisie ordonnée par l'autorité d'un autre canton

La saisie peut également être ordonnée par l'autorité d'un canton, en exécution d'une enquêfe cantonale nécessitant des actes à entreprendre dans un autre canton, en application du Concordat sur l'entraide judiciai- re et la coopération intercantonale en matière pénale du 5 novembre 19928.

5 OCA n' 198 du 1er septembre 1996 (Corsi) et OCA n' 197 du 1er septembre 1986 (Chapuisat) 1 SJ 1987 p. 119.

6 Arrêt du Tribunal fédéral du 31 mars 1992 (Hautwast c/ Ministère public de la République et canton de Genève).

7 OCA n' 291 du 4 novembre 1994 : en réalité, l'art. 115A CPPG est le pendant de l'art. 181 CPPG.

B Cf. en particulier art. 3 et 4.

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5.2. En matière d'entraide judiciaire internationale

5.2.1. Saisie prononcée par l'autorité cantonale du lieu

En matière d'entraide judiciaire internationale, la saisie peut être pro- noncée par l'autorité cantonale du lieu, en délégation de l'autorité fédérale, conformément à l'art. 16 EIMP.

5.2.2. Saisie prononcée par l'autorité d'un autre canton

L'autorité d'un autre canton chargé d'exécuter, en application de la délé- gation fédérale prévue à l'art. 79 EIMP, une d~mande d'entraide nécessitant l'accomplissement d'actes dans plusieurs cantons, peut également pronon- cer la saisie.

5.3. Saisie prononcée par une autorité fédérale (Office fédéral de la police, Ministère public de la Confédération)

La saisie peut également être prononcée par une autorité fédérale, tel l'Office fédéral de la police ou, sur sa délégation, le Ministère public de la Confédération, dans le cadre de la Loi fédérale relative au Traité entre la Confédération suisse et les Etats-Unis d'Amérique sur l'entraide judiciaire en matière pénale du 3 octobre 1975 («LTEJUS»)9 ou lorsque l'infraction relève des autorités fédérales (art. 340 CP). Dans cette dernière hypothèse, on songera, par exemple, à une ordonnance de séquestre notifiée à une banque par le Ministère public de la Confédération, enquêtant sur une affaire de fabrication de fausse monnaie (art. 240 CP).

5.4. Mesures ordonnées par la Commission fédérale des banques

Conformément aux dispositions générales de la Loi fédérale sur la pro- cédure administrative du 20 décembre 1968, complétées par quelques pres- criptions spéciales se trouvant dans la Loi fédérale sur les banques et les caisses d'épargne du 8 novembre 1934 et son ordonnance d'exécution, la Commission fédérale des banques est au bénéfice de certains pouvoirs d'in- vestigation auprès des banqueslD. Dès lors que ce sujet est couvert par l'ex- posé de Monsieur Alessandro Bizzozero, je ne m'y attarderai pas davantage, ce d'autant qu'il ne s'agit pas, à proprement parler, de mesures de blocage pénal.

9 Cf., en particulier, art. 9 LTEJUS.

10 BERNHARD STRÂULI, op.cit., pp. 133-134.

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5.5. Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent

Enfin, il sera relevé que le Bureau de communication nouvellement créé par la Loi fédérale concernant la lutte contre le blanchiment d'argent dans le secteur financier (<<LBA») n'a pas de compétence pour prononcer un blo- cage. Comme son nom l'indique, son rôle se limite à l'examen et la commu- nication des dénonciations qui lui ont été adressées. Le blocage de l'art. 10 LBA est exclusivement le fait de l'intermédiaire financier lui-même. Seule l'autorité pénale cantonale compétente est habilitée à prendre des mesures de blocage judiciaire qui, cas échéant, prendront le relais.

6. Les effets d'une saisie 6.1. Caractère provisoire de la saisie

Bien entendu, une saisie a pour principal effet l'indisponibilité des avoirs bloqués. Cela dit, il a été vu précédemment qu'à l'inverse de la confiscation, mesure définitive de droit matériel, la saisie est une mesure provisoire de droit procédural portant sur les valeurs susceptibles d'être confisquées. La saisie ne préjuge pas de la décision en matière de confisca- tion et laisse intacts les rapports de droit civil relatifs à la propriété des valeurs concernéesll.

6.2. Levée de la saisie

En conséquence, une saisie ne saurait être maintenue trop longtemps.

Elle sera levée, si, au cours de l'enquête, les charges contre l'inculpé s'avè- rent infondées et que, s'agissant d'une saisie conservatoire, les a:voirs concernés ne doivent pas être confisqués12. Dans ce sens, la réalisation des conditions posées au prononcé d'une saisie doit être régulièrement vérifiée.

Dans le cadre de cet exercice, la rigueur adoptée sera grandissante au fur et à mesure de l'avancement de l'enquête et la saisie devra être levée si les soupçons originels s'avèrent infondésl3.

A Genève, la compétence pour la levée de la saisie en cours d'instruction préparatoire appartient exclusivement au juge d'instruction (art. 181 CPPG a contrario).

11 ATF 120 IV 348 = )T 1996 IV 180; cf. aussi ATF 119 la 453 = )T 1995 IV 183; ATF 120 IV 164 et ATF 120 IV 297.

12 ATF 120 IV 297 = )T 1996 IV 152; cf. aussi ATF 103 IV 115

=

)T 1978 IV 110;

ATF 119 IV 326 = )T 1995 IV 191 (résumé); ATF 120 IV 164.

13 ATF 122 IV 91 = S) 1996 p. 357.

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39 Si la saisie est levée à la fin de la procédure, en principe, la décision sera prise par l'autorité de jugement qui ordonnera soit la restitution des avoirs saisis à leurs ayants droit, soit la confiscation au sens des art. 58ss CP.

7. La qualité pour recourir du banquier

La banque a-t-elle qualité pour recourir contre une mesure de blocage d'un compte?

7.1. En matière de procédure nationale

A Genève, en cas de saisie prononcée par les autorités cantonales dans le cadre d'une procédure nationale et en dehors de toute procédure d'en- traide, le tiers saisi est assimilé à une partie et peut donc recourir contre une saisie devant la Chambre d'accusation (art. 190, 115A, 181, 181A et 182 CPPG). La Chambre d'accusation a jugé qu'en matière de saisie de comptes bancaires ou de documents relatifs aux opérations y afférentes, la banque auprès de laquelle le compte a été ouvert doit être considérée comme tiers saisi14. Partant, il faut lui reconnaître la qualité pour recourir.

7.2. En matière d'entraide judiciaire internationale

En matière d'entraide judiciaire internationale, la qualité pour recou- rir est reconnue à quiconque est personnellement et directement touché par une mesure d'entraide et a un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée (art. 80h EIMP). Cette définition n'autorise le détenteur de documents ou d'avoirs qui sont la propriété d'un tiers, notamment la banque, à participer à la procédure que si ses propres inté- rêts sont directement concernés par la demandelS. Le terme «directe- ment>> a été ajouté suite aux nombreuses discussions ayant entouré l'éla- boration du nouvel art. 80h EIMP. Les banques ont longtemps eu pour pratique de saisir en leur propre nom les tribunaux pour défendre les intérêts de leurs clients. La jurisprudence du Tribunal fédéral avait mis fin à cette pratique et n'admettait la qualité pour recourir des banques que lorsqu'elles faisaient valoir des droits propres. Selon cette jurispru-

14 OCA n° 291 du 4 novembre 1994; OCA du 17 janvier 1995 dans la procédure P /1911, 1993; cf. aussi ATF 109 IV 29 consid. l.a); ATF 90 IV 188; EM1L W. STARK,

«Das Sachenrechb>, in Berner Kommentar, N. 61 ad art. 920 CC; GEORG GAUTSCHI,

«Das Obligationenrechb>, in Berner Kommentar, N. 3b ad art. 481 CO.

15 Message du Conseil fédéral du 29 mars 1995 concernant la révision de la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale, FF 1995 III p. 31.

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denee, la qualité pour recourir tant au niveau cantonal qu'au niveau fédé- ral devait être notamment reconnue à une banque <<invitée à fournir des informations sur ses opérations financières et les mouvements de ses comptes, en produisant des pièces ou en répondant à des questions posées à ses employés ou à ses organes.»16 L'art. 80h EIMP est donc une codification de la jurisprudence du Tribunal fédéral.

8. Les obligations du banquier 8.1. Obligation de bloquer les actifs

Dans le cas d'une saisie d'un compte, le banquier a l'obligation de blo- quer les actifs qui y sont déposés. Le banquier a l'obligation absolue de se conformer à cet ordre. La violation de l'obligation de bloquer peut cons- tituer une violation de l'art. 289 CP (soustraction d'objets mis sous main de l'autorité) et exposer le banquier lui-même au risque d'une condam- nation pénale.

8.2. Obligation éventuelle de remettre la documentation requise par l'autorité Parallèlement à l'obligation de blocage d€s actifs, le banquier a souvent également l'obligation de remettre la documentation requise par l'autorité.

A noter que, d'un point de vue juridique, l'ordre de remettre des docu- ments relève plus de la perquisition que de la saisie17.

8.3. Obligation éventuelle découlant de l'interdiction d'informer le client de l'existence de la mesure

L'ordonnance notifiée à l'appui d'un blocage comporte en outre, assez fréquemment, l'interdiction d'informer le client, sous les menaces des arrêts ou de l'amende prévues à l'art. 292 CP. Ici encore, le banquier doit respec- ter cette interdiction judiciaire sous peine de s'exposer lui-même pénale- ment. On peut signaler ici, comme on le verra plus loin, que la communica- tion et le blocage effectués au titre de la LBA entraînent également une interdiction d'informer.

16 ATF 118 lb 442 = )T 1995 IV 27; PAOLO BERNASCONI, «La nuova legislazione svizzera sulle rogatorie penali intemazionali» in Cassazione penale, n. 4, 37 (1997), p. 1205; PIERRE-DOMINIQUE SCHUPP, «La révision de la loi fédérale sur l'entraide inter- nationale en matière pénale (EIMP)» in RPS, 115 (1997), p. 190.

17 Cf., pour le détail, BERNHARD STRÂULI, op. cil., pp. 123 ss., 128.

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8.4. Gestion des biens saisis

La question de l'administration des biens se pose lorsque la saisie porte sur des valeurs (argent sur un compte, actions, etc.). Il faut en premier lieu relever que la relation juridique liant le client à la banque n'est pas inter- rompue et que cette dernière reste, si un mandat de gestion existe, le gérant des biens qui lui sont confiés. Toutefois le blocage intervenu modifie cette relation, en tout cas provisoirement. La banque n'a plus la liberté d'agir selon les seules règles qui la liaient au client en raison de l'intervention de l'autorité pénale. Cette dernière a alors l'obligation de faire en sorte que ces valeurs soient maintenues, au risque d'être tenue pour responsable de leur dépréciation. Elle se doit donc de faire gérer les valeurs en question de manière prudente. Pour les mêmes raisons, la banque s'abstiendra d'effec- tuer des investissements non consentis par l'autorité pénale compétente.

En pratique, par mesure de précaution, le banquier ne procédera à aucun placement sans instruction expresse de l'autorité ayant prononcé la saisie. Il peut également être recommandé d'associer le titulaire du compte à la décision de placement envisagée. Dans le souci de régler de manière plus satisfaisante cette question particulièrement délicate, l'Association suisse des banquiers et les autorités cantonales compétentes ont mis au point une directive concernant la gestion des biens faisant l'objet d'un blo- cage pénal. Cette directive prescrit une gestion conservative des biens blo- qués. Elle vient d'être publiée en annexe a la circulaire n° 1429 D du 26 mars 1999 de l'Association suisse des banquiers et sera systématiquement annexée aux ordonnances de saisie envoyé.~s aux banques par l'autorité compétente.

9. Le comportement du banquier en cas d'indices portant sur l'origine criminelle d'avoirs non bloqués

9.1. Naissance, en raison du blocage ordonné, de soupçons relatifs à d'autres biens non bloqués

Lorsqu'elle constate que la personne visée par une ordonnance de blo- cage ne détient pas de comptes directement ou indirectement dans son éta- blissement, il est normal que la banque ne donne pas suite à ladite ordon- nance. En revanche, l'on peut envisager qu'à la lecture des faits évoqués dans l'ordonnance, la banque soupçonne l'existence d'un rapport entre les avoirs de l'un de ses clients et l'infraction décrite dans l'ordonnance de blo- cage. De même peut-on imaginer que la banque ait d'autres relations- non bloquées - avec le client dont le compte a été visé par la saisie. La question qui se pose dans ces cas est de savoir si elle peut laisser les avoirs en ques-

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tion à la libre disposition du client ou, au contraire, si elle doit communi- quer ses soupçons à une autorité et bloquer les fonds.

9.2. Loi fédérale concernant la lutte contre le blanchiment d'argent dans le secteur financier (LBA)

9.2.1. Devoir d'informer

Depuis le 1er avril 1998, l'intermédiaire financier qui sait ou qui présu- me, sur la base de soupçons fondés, que les valeurs patrimoniales impli- quées dans la relation d'affaires ont un rapport avec une infraction au sens de l'art. 305bis CP, qu'elles proviennent d'un crime ou qu'une organisation criminelle exerce un pouvoir de disposition sur ces valeurs (art. 260ter ch. 1 CP), doit en informer sans délai le Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent (art. 9 LBA).

9.2.2. Procédure de clarification de l'arrière-plan économique

En règle générale, la banque aura préalablement procédé à la clarifica- tion de l'arrière-plan économique requise par l'art. 6 LBA. Ce n'est que si ses doutes se transforment en soupçons fondés qu'elle devra saisir sans attendre le Bureau de communication.

9.2.3. Blocage durant 5 jours

Dès la communication et durant une période maximale de 5 jours ouvra- bles, l'intermédiaire financier devra également bloquer les valeurs patrimo- niales en question (art. 10 LBA). Le blocage ne peut être levé dans l'interval- le qu'avec l'autorisation des autorités pénales compétentes. A l'expiration du délai, l'intermédiaire financier doit libérer les fonds et exécuter les instruc- tions reçues de son client, à moins que les autorités pénales n'aient dans l'in- tervalle pris des mesures de blocage judiciaire. En cas de levée du blocage, le client recouvre la pleine disposition de ses avoirs. Toutefois, l'intermé- diaire financier reste tenu de respecter ses obligations de diligence, notam- ment celle de «paper trail» en cas de transfert de valeurs patrimoniales (art.

7 LBA). A noter que les Directives du 26 mars 1998 de la Commission fédé- rale des banques, relatives à la prévention et à la lutte contre le blanchiment de capitaux (Circ. CFB 98/1-cf. infra 9.4) indiquent que si l'autorité ne com- munique pas à l'intermédiaire financier sa décision dans le délai de cinq jours ouvrables bancaires, l'intermédiaire financier n'a pas l'obligation de limiter les actes de disposition du client. Il peut notamment, selon les Directives, effectuer des paiements comptants et procéder à des livraisons physiques de titres et métaux précieux (Circ. CFB 98/1, § 8.3).

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9.3. Article 305ter du Code pénal

Si la banque considère que les conditions de l'obligation de communi- quer ne sont pas remplies, elle conserve à tout moment la possibilité d'exer- cer son droit de communication au sens de l'art. 305ter al. 2 CP et informer directement les autorités pénaleslS. Il est intéressant de noter que l'art. 9 LBA emploie le terme de <<soupçon fondé>>, alors que l'art. 305ter al. 2 CP base, quant à lui, le droit de communication du financier sur l'existence d' «indices fondant un soupçon» d'origine criminelle. Ces notions ne s'op- posent pas mais se complètent19. Elles doivent être comprises comme deux degrés différents d'une même conception20.

On peut imaginer que, dans le doute, les intermédiaires financiers opte- ront davantage pour l'obligation de communication que pour le droit de communication. On peut également envisager que dans certains cas, pour des raisons d'urgence, les intermédiaires financiers informent directement les autorités cantonales compétentes en matière de poursuite pénale paral- lèlement à la communication prévue par l'art. 9 LBA afin d'obtenir la levée immédiate du blocage.

9.4. Nouvelle circulaire de la Commission fédérale des banques concernant Je blanchiment de capitaux du 26 mars 1998 (Circ. CFB 98/1)

La circulaire CFB 91/3 du 18 décembre 1991 avait notamment pour but la collaboration des banques avec les autorités suisses de poursuite pénale dans les procédures domestiques et internationales. Les § 28 à 32 des directives prescrivent aux banques de conserver les documents exigés de par la loi, afin d'être en mesure de donner suite, dans un délai raisonnable et de manière fia- ble, à un ordre de saisie ou une demande de renseignement des autorités compétentes.

Ces directives étaient en vigueur jusqu'au 30 juin 1998 et ont été rempla- cées, depuis le 1er juillet 1998, par les 1;1ouvelles directives du 26 mars 1998.

Les principales innovations introduites par ces nouvelles directives peu- vent être regroupées en trois catégories:

- l'extension du champ d'application à d'autres intermédiaires financiers tels que les directions de fonds, au sens de la Loi fédérale sur les fonds de placement du 18 mars 1994, et les négociants en valeurs mobilières, au sens de la Loi sur les bourses du 24 mars 1995;

18 Message relatif à la Loi fédérale sur la lutte contre le blanchissage d'argent dans Je secteur financier («Message LBA»), FF 1996 III1056, 1086.

19 Message LBA, p. 1087.

20 Message LBA, p. 1087.

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- l'introduction de principes concernant les avoirs de personnes exerçant des fonctions publiques importantes à l'étranger;

- l'introduction d'éléments d'interprétation des dispositions pertinentes de la LBA, en particulier l'obligation de communiquer prévue à l'art. 9 LBA.

Seules seront passées en revue les innovations en relation directe avec le sujet du présent exposé.

9.4.1. En cas de refus de l'intermédiaire financier d'établir une relation d'affaires et de l'existence de soupçons fondés manifestes

Même si l'intermédiaire financier décline d'emblée une relation d'affai- res, s'il a des soupçons fondés manifestes que des valeurs patrimoniales sont d'origine criminelle, la Commission fédérale des banques exige qu'il en informe les autorités pénales compétentes et le Bureau de communica- tion en matière de blanchiment d'argent 22 Circ. CFB 98/1). Cette exi- gence va clairement au-delà du comportement requis par l'art. 9 LBA, qui conditionne l'obligation de communication et de blocage à l'existence d'une relation d'affaires. Cette interprétation extra legem de la LBA a, semble-t-il, été introduite par la Commission fédérale des banques pour répondre aux critiques faites sur ce point par le Groupe d'action financière sur le blanchi- ment de capitaux (GAFI). Selon la Commission fédérale des banques, cette solution évite également de se poser la question de savoir à partir de quand il doit être admis que l'intermédiaire financier entre en relation d'affaires avec le client.

Le refus d'entrer en relation pourra parfois survenir en raison même de mesures judiciaires déjà ordonnées et connues de la banque. Ainsi pourra- t-il en aller lorsque des blocages sont ordonnés dans plusieurs banques concernant un grand nombre de personnes (par ex. plusieurs centaines comme cela a récemment été le cas dans le cadre de l'affaire Bhutto). Il est alors possible que certains clients qui ne sont pas encore visés par les mesu- res judiciaires - qui souvent interviennent en plusieurs vagues successives - cherchent à quitter leur banque et à déplacer leurs avoirs dans un autre éta- blissement. La large diffusion du contenu de l'enquête, la nationalité du client, l'origine des fonds et d'autres éléments particuliers du cas d'espèce pourront, le cas échéant, amener la banque à refuser à entrer en relation avec le client. On voit ici également que le blocage pénal, par la connais- sance qu'il donne à la banque de certains éléments de fait, peut l'amener non seulement à se conformer à l'ordre de blocage édicté par l'autorité mais également soit à bloquer sur le plan interne d'autres fonds, soit à refuser d'entrer en relation.

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45 9.4.2. Liste exemplative des indices de blanchiment aidant l'intermédiai- re financier à déterminer si la clarification requise par l'art. 6 LBA doit être effectuée

En annexe de la Circ. CFB 98/1, la Commission fédérale des banques a repris la liste exemplative des indices de blanchiment aidant l'intermédiaire financier à déterminer si la clarification requise par l'art. 6 LBA doit être effec- tuée. Ces indices soit sont de nature générale et se fondent sur le caractère insolite de la transaction souhaitée par le client (par exemple, but illicite ou non reconnaissable, absurdité de la transaction, etc.), soit sont spécifiques aux types d'opérations considérés (opération de caisse, opération en compte ou en dépôt, opération fiduciaire). Enfin et surtout, la Commission fédérale des banques a énuméré des indices dits «qualifiéS>>, dont la présence d'un seul entraîne dans tous les cas l'obligation de clarification(§ 23 Circ. CFB 98/1).

9.4.3. Refus du client de coopérer à la procédure de clarification

Si un client refuse de coopérer aux clarifications exigées par l'art. 6 LBA et le§ 24 Circ. CFB 98/1, l'intermédiaire financier aura l'obligation de com- muniquer (§ 26 Circ. CFB 98/1).

9.4.4. Rupture des relations d'affaires par la banque sans informer les autori- tés compétentes

Il se peut qu'en cas de doute portant sur l'existence d'un cas de blanchi- ment mais en l'absence de soupçons fondés, un intermédiaire financier décide de rompre les relations d'affaires sans informer les autorités compé- tentes. Dans ce cas, la remise des fonds au client ne peut avoir lieu que sous une forme qui permette, au besoin, aux autorités pénales d'en retrouver la trace (<<paper traiJ>>). Dans ce contexte, l'intermédiaire financier ne pourra pas rompre les relations d'affaires ou autoriser le retrait de montants importants s'il existe des indices concrets qu'une mesure de sûreté de la part d'une autorité est imminente (§ 30 Circ. CFB 98/1).

9.4.5. Interdiction permanente d'informer le client

Alors que le législateur a clairement admis que l'intermédiaire financier est autorisé à informer son client de la communication faite conformément à l'art. 9 LBA si le blocage provisoire des avoirs n'a pas été prolongé par une autorité de poursuite pénale ou dès qu'un blocage prolongé a été levé par cette dernière21, la Commission fédérale des banques semble exiger une

21 Message LBA, p. 1090.

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46 BENOÎT CHAPPUIS

interdiction permanente d'informer le client. A teneur du § 33 Circ. CFB 98/1, cette interdiction ne pourrait cesser que si elle est levée par l'autorité de poursuite pénale compétente. On peut d'ailleurs s'interroger sur la réel- le efficacité d'une telle interdiction. En effet, on a vu que préalablement à une communication ou un blocage, l'intermédiaire aura, pour la plupart des cas, préalablement procédé à la clarification requise par l'art. 6 LBA. Ce faisant, il doit interroger le client sur l'arrière-plan économique de la trans- action. Or on peut raisonnablement penser qu'un client un tant soit peu avisé et conseillé devine la suite qui sera donnée à ses explications ...

10. Un cas particulier: la tentative de blocage d'avoirs auprès d'une filiale à l'étranger

En date du 17 janvier 1995, la Chambre d'accusation de Genève a statué sur un cas de tentative de blocage par un juge d'instruction sur les avoirs détenus par une société auprès d'une filiale à l'étranger d'une banque gene- voise22. Les faits, résumés, sont les suivants: après avoir procédé à une per- quisition dans les locaux d'une banque genevoise, un juge d'instruction genevois décida de saisir les actifs d'une société sur le compte de laquelle des fonds suspects avaient été crédités puis en partie transférés auprès de la filiale bahamienne de la banque genevoise. Dans son ordonnance, le juge d'instruction sollicita la banque genevoise:

- qu'elle entreprenne les démarches nécessaires au blocage des actifs adressés à son établissement sis aux Bahamas;

qu'elle communique toute la documentation bancaire relative aux comptes alimentés par le transfert en provenance de Genève;

- qu'elle lui indique si elle était au bénéfice d'un pouvoir de gestion sur les avoirs déposés sur ce compte à l'étranger.

Statuant sur recours interjeté par la banque genevoise, la Chambre d'ac- cusation a annulé la décision attaquée dans la mesure où elle concernait les points sus-évoqués.

Dans ses considérants, la Chambre d'accusation a insisté sur le fait que les lois de procédure ont un caractère strictement territorial. En application de l'adage locus regit actum, elle a admis que les autorités judiciaires sont uniquement habilitées à procéder dans leur canton. Leurs mesures ne sau- raient s'étendre à l'étranger.

22 cf. OCA du 17 janvier 1995 (P /1911/1993); cette ordonnance a été largement commentée par BERNHARD STRÂUU (op. cit., pp. 123 ss.) lors de la journée 1995 de droit bancaire et financier du Centre d'études juridiques européennes.

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47 En bonne logique, la Chambre d'accusation a spécifié que dans la mesu- re où des actes devaient être accomplis ailleurs que sur leur territoire, les autorités judiciaires devaient procéder par la voie usuelle de l'entraide intercantonale ou intemationale23.

La décision de la Chambre d'accusation est à saluer car elle délimite la sphère de compétence d'un juge d'instruction en matière de saisie et d'ordres de production. Elle consacre ce que certains auteurs ont appelé le <<principe de la territorialité de l'enquête pénale», à savoir la conjonction de l'inapplica- bilité du CPPG en dehors des limites politiques du canton24 et de l'interdic- tion pour le juge d'instruction genevois de prendre des mesures de contrainte sur sol étranger25. On relèvera d'ailleurs que l'interdiction pour un magistrat d'exécuter des actes relevant de la puissance publique à l'étranger, sans le consentement exprès des autorités locales concernées, repose tout simplement sur un principe général bien établi du droit des gens découlant de la souveraineté de chaque Etat sur son propre territoire26.

23 Sur cette question, la Chambre d'accusation a cité GERARD PIQUEREZ, Précis de procédure pénale suisse, 2e éd., Lausanne, 1994, NN. 776 à 778.

24 A l'instar de la plupart des lois de procédure pénale cantonale, aucune dispo- sition du CPPG ne définit le champ d'application de celui-ci dans l'espace.

25 BERNHARD STRÂUU, op. cit., p. 124.

26 BERNHARD STRÂULI, op. cit., p. 125 et références citées ad note n° 11; PIERRE- MARIE DUPUY, Droit international public, 2e éd., Paris, 1993, N. 70; KNUT IPSEN,

Volkerrecht, 3. Aufl., Munch, 1990, § 23 NN. 3 et 6; NGUYEN Quoc DINH, PATRICK DAILLIER, ALAIN PELLET, Droit international public, Se éd., Paris, 1994, p. 449; lGNAZ SEIDL-HOHENVELDERN, Volkerrecht, 8. Aufl., Kiiln/Berlin, 1994, N. 1504; DAVE SIEGRIST, Hoheitsakte au{ fremdem Staatsgebiet, thèse, Zürich, 1987, pp. 7-13.

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