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Qui sera le « Washington Post » de l’Allemagne ?

limat de croissance grâce au départ de la capitale ?

3.3. Qui sera le « Washington Post » de l’Allemagne ?

3.3.1. Médias berlinois et médias d’autres régions

Pour les médias situés à Berlin, l’arrivée des institutions est une aubaine et aussi la promesse d’une concurrence plus farouche avec les médias du reste de l’Allemagne. Déjà bien implantés au bord de la Spree, des titres comme Die Welt, la taz ou surtout Der Tagesspiegel ont véritablement cru qu’ils pourraient profiter de l’arrivée du gouvernement pour étendre leur lectorat et connaître un développement économique certain. La référence pour tous à l’époque est celle du journal de la capitale américaine, le Washington Post183. L’idée est de faire un journal qui rend compte de la vie d’une capitale avec ses scandales politiques, son activité parlementaire, les méandres de l’activité des partis.

Comme l’expliquent les deux spécialistes des médias Leif Kramp et Stephan Weichert, les titres berlinois ont tenté d’anticiper l’arrivée du gouvernement en modernisant leur fonctionnement. Ils ont adopté de nouvelles maquettes (Le Tagesspiegel dès 1992, la Berliner

181 Entretien réalisé à Berlin, le 26 mai 2010

182 Entretien réalisé à Berlin, le 17 mai 2010

183 Sophie Mützel rappelle dans sa thèse que l’expression de « Washington Post allemand » vient du rédacteur en chef de la Berliner Zeitung, Erich Böhme, en 1990 (MÜTZEL, 2002, p.165).

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Zeitung en 1996, la taz en 1997 et Die Welt en 1998) (KRAMP et WEICHERT, 2010a) et tenté de donner plus de place à la politique.

Cependant, assez vite, ces médias berlinois ont été dépassés par l’investissement à Berlin de journaux venus d’autres régions. En effet, les plus grandes rédactions de presse écrite ont d’emblée mis en place des antennes dans la nouvelle capitale bien plus grandes qu’à Bonn. Dès 1995, la SZ propose une page par semaine consacrée à la politique berlinoise. Le journal envoie 15 correspondants. L’année suivante, la FAZ met en place une rédaction de 45 journalistes qui s’étoffe rapidement184. Le journal occupe aujourd’hui un immeuble de 4 étages à Mitte. Les pages culturelles, ce que les Allemands appellent le Feuilleton, s’écrivent de plus en plus de Berlin. En épluchant les répertoires de la BPK, il est possible de noter pour chaque média, cette augmentation des membres, ainsi que l’exception des journaux bonnois (tableau 19).

Tableau 19 – Evolution du nombre de membres de la BPK dans les plus grands médias de presse écrite

Siège 1996 2009

Der Spiegel Hambourg 19 23

Handelsblatt Düsseldorf 4 16 Der Tagesspiegel Berlin 5 15

Die Zeit Hambourg 5 15

Stern Hambourg 4 15

Die Welt / Berliner Morgenpost Berlin 13 14 Süddeutsche Zeitung Munich 9 14 Berliner Zeitung Berlin 7 12 Bild Hambourg / Berlin 10 12 Frankfurter Allgemeine Zeitung Francfort 12 12

Focus Munich 9 11

Frankfurter Rundschau Francfort 7 9 Rheinischer Merkur Bonn 10 6

General Anzeiger Bonn 9 5

Source : BUNDESPRESSEKONFERENZ (1996 et 2009)

Dans le domaine audiovisuel, les chaînes de télévision n’avaient qu’une petite partie de leurs studios à Bonn, et en particulier ceux des débats politiques. Elles déménagent juste avant le gouvernement et de manière synchronisée avec le Bundestag. L’émission politique de la ZDF « Bonn direkt » est rebaptisée « Berlin direkt » le 16 avril 1999.

3.3.2. Déplacement de capitale et nouvelle ère de l’information

L’histoire de certains médias montre donc que l’arrivée à Berlin n’est pas le résultat d’un simple déplacement des structures installées à Bonn et que des dynamiques sont propres à l’arrivée dans une plus grande ville. En fait, Tissy Bruns, journaliste politique au Tagesspiegel et présidente de la Bundespressekonferenz au moment du déménagement à Berlin, explique que le

184 Ces journalistes ne sont pas automatiquement membres de la BPK. Ne le sont que ceux qui se sont spécialisés dans la politique. Les cotisations sont chères et les rédactions ne les accordent qu’avec parcimonie.

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logiques qui ont parcouru le monde de la presse dans les 20 ans de l Premièrement, le nombre de membres de la BPK a augmenté. Il est vra membres connaît un brusque saut au moment du déplacement de la capitale

Figure 23 – Effectif des membres de la BPK et de la VAP entre 1990 et 2009

Source : Bundespressekonferenz et document

L’augmentation est bien plus nette pour les membres de la BPK dans les décennies suivant la réunification que pour ceux de la VAP. 1999 est peut

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nombre de membres est constante dans la période suivant la réunification. Celle d’une augmentation du nombre de médias présents dans la sphère pol

politique qui était quasi exclusif à Bonn se trouve en contact avec d

on trouve aujourd’hui de plus en plus de journalistes économiques mais aussi une presse pour relater les événements culturels et se f

sensation (Boulevardzeitungen) sont également bien plus présents et bien plus puissants qu l’époque de Bonn. L’adhésion à la BPK permet d

membres du gouvernement ou de la sphère économique ou encore d événements plus mondains. L’arr

est également devenue importante. Dans ce domaine, l rapport à des Etats comme les Etats

continu existait depuis les années 1980. Les chaînes N à la radio) voient le jour en 1992 en s

elles sont rejointes par Phoenix et N24 à la fin des années 1990. Ces journalistes sont beaucoup

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Entretien réalisé à Berlin, le 26 mai 2010

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déplacement de la capitale a été dans les esprits un « catalyseur » (Katalysator logiques qui ont parcouru le monde de la presse dans les 20 ans de l

Premièrement, le nombre de membres de la BPK a augmenté. Il est vrai que le nombre total de membres connaît un brusque saut au moment du déplacement de la capitale (figure 23

ffectif des membres de la BPK et de la VAP entre 1990 et 2009

documents internes à l’association et VAP (1990, 1996, 1999, 2002, 2005 et 2009) augmentation est bien plus nette pour les membres de la BPK dans les décennies suivant la réunification que pour ceux de la VAP. 1999 est peut-être, pour les journalistes politique

accélération du processus mais n’en est pas à l’origine. L t constante dans la période suivant la réunification. Celle

une augmentation du nombre de médias présents dans la sphère politique. Le journalisme politique qui était quasi exclusif à Bonn se trouve en contact avec d’autres spécialités. A Berlin, hui de plus en plus de journalistes économiques mais aussi une presse pour relater les événements culturels et se faire l’écho de la scène alternative berlinoise. Les journaux à

) sont également bien plus présents et bien plus puissants qu adhésion à la BPK permet d’accéder à des conférences de presse avec des du gouvernement ou de la sphère économique ou encore d’être invité pour des arrivée en force des télévisions câblées et des médias sur Internet ment devenue importante. Dans ce domaine, l’Allemagne avait un certain reta rapport à des Etats comme les Etats-Unis, où le concept de la chaîne d’info

depuis les années 1980. Les chaînes N-TV et DW-TV (sœur de la à la radio) voient le jour en 1992 en s’installant directement à Berlin. Dans l’

elles sont rejointes par Phoenix et N24 à la fin des années 1990. Ces journalistes sont beaucoup

Entretien réalisé à Berlin, le 26 mai 2010

Katalysator)185 de toutes les logiques qui ont parcouru le monde de la presse dans les 20 ans de l’après-réunification. i que le nombre total de

(figure 23).

VAP (1990, 1996, 1999, 2002, 2005 et 2009) augmentation est bien plus nette pour les membres de la BPK dans les décennies suivant

être, pour les journalistes politiques origine. L’inflation du t constante dans la période suivant la réunification. Celle-ci se double itique. Le journalisme autres spécialités. A Berlin, hui de plus en plus de journalistes économiques mais aussi une presse pour écho de la scène alternative berlinoise. Les journaux à ) sont également bien plus présents et bien plus puissants qu’à accéder à des conférences de presse avec des être invité pour des blées et des médias sur Internet un certain retard par information câblée en TV (sœur de la Deutsche Welle ’offre d’information, elles sont rejointes par Phoenix et N24 à la fin des années 1990. Ces journalistes sont beaucoup

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plus jeunes. Comme le note Tissy Bruns (BRUNS, 2007, p.14), les nouveaux membres de la BPK avaient 49 ans en moyenne en 1990. En 2000, ils en ont 39. De là, naît également cette impression de dynamisme et de rapidité générale de la vie médiatique berlinoise, ainsi que la ringardisation du journalisme pratiqué du temps de Bonn.

3.3.3. Un effet capitale ? L’affirmation de Berlin dans le paysage médiatique allemand

Cette inflation de médias dans Berlin combinée à une accélération générale de l’information conduit à créer un effet d’entraînement et de concurrence propre à la nouvelle capitale. La nécessité d’être rapide rend la contrainte de la distance beaucoup plus difficile à gérer. On observe un phénomène paradoxal, à savoir que la facilitation de la communication va de pair avec la concentration de la production d’information. Comme pour l’accélération des chemins de fer qui avaient conduit à une discrimination de plus en plus importante des petites gares, l’information, à mesure qu’elle se doit d’être rapidement publiée, est de plus en plus sélective quant aux lieux depuis laquelle elle est produite.

Roger Boyes, The Times : « Die Struktur der Information hat sich geändert, plötzlich, in diesen zehn Jahren. Aber vor allem, in der Welt, und Bonn-Berlin, das war nur eine Nachholung. Das Graund für dieses zweites Buch [Die Alpha Journalisten de Weichert et Zabel] war der Umzug von der BILD-Zeitung von Hamburg nach Berlin. Das war vor zwei Jahre, glaube ich. Dieser Gefühl, dass man in der Hauptstadt sein sollte. Wie lang hat es gedauert, dieser Unsinn, dass sie ihre Redaktion in Hamburg hatte? Wie sollte das funktionieren? Die Engländer, die Franzosen wurden nie verstehen. Wie könnte man Le Monde von Lyon editieren? Oder Le Figaro? Es geht nicht. Und die Deutschen glauben, dass es nicht nützlich ist. Irgendwie um Einfluss zu haben und nicht in Berlin zu sein sondern in Hamburg, in Düsseldorf oder in München oder in Frankfurt. Das ist ein Mythos. Aber dieses Mythos hat sich ein bisschen zerkrümelt und die Leute haben verstanden, (…) das geht nicht. Und die kommen jetzt... (...) Wenn ein Politiker zurücktritt kriegt man es schneller in Berlin als irgendwo. Diese Schnelligkeit zählt jetzt. Damals das war nicht so wichtig. Weil die Informationsflüsse nicht so konzentriert waren. Aber jetzt gibt es diese Konkurrenz Druckheit. Diese 5-Minuten-Vorteil oder diese 10-Minuten-Vorteil ist schon wichtig für eine Zeitung. Das ist wegen E-Medien. Sie müssen die ersten sein. Außerdem haben sie keine Funktion. Wer liest ein ".de", wenn es nicht schnell ist. (…) Die Schnelligkeit zählt. Auch für den Spiegel Online. Das einzige Ziel der Spiegel Online ist irgendwie so schnell wie möglich Sachen darzustellen und zu analysieren. Und dann bleiben sie Leitmedien. Wenn es nicht klappt haben sie keine Funktion mehr und machen kein Businessplan. Sie können kein Geld verdienen. Welche Schluss zieht man dann? Die Schluss ist, man muss eine Präsenz in Berlin haben, um die Schnelligkeit zu behörden.»186

186 « La structure de l’info s’est modifiée, soudainement, dans les dix dernières années. Mais dans le monde entier, et Bonn-Berlin, ce n’était qu’un rattrapage. Le centre de ce deuxième livre [Die Alpha Journalisten de Weichert et Zabel] est le déménagement du Bild Zeitung de Hambourg à Berlin. C’était il y a deux ans je crois. Ce sentiment de devoir être dans la capitale. Combien de temps cela a-t-il duré ce non-sens que leur rédaction soit restée à Hambourg ? Comment cela devait-il fonctionner? Des Anglais, des Français ne pourraient jamais comprendre ça. Comment pourrait-on rédiger Le Monde depuis Lyon ? Ou Le Figaro. Ca ne marche pas. Mais les Allemands ont changé ça. Ils ont compris que c’était nécessaire pour avoir de l’influence de ne plus être à Hambourg ou à Düsseldorf ou à Munich, ou à Francfort. C’était un mythe. Mais ce mythe a pris du plomb dans l’aile et les gens ont compris (…) que ça ne marche pas. Et ils viennent maintenant. (…) Quand un homme politique démissionne, on va plus vite si on est à Berlin que si on est à Hambourg. Et cette rapidité compte aujourd’hui. Avant, ça ne comptait pas autant. Parce que les flux d’informations étaient plus concentrés. Mais maintenant, il y a cette concurrence qui est importante. Un avantage de 5 minutes ou de 10 minutes est déjà important pour un journal. Les sites Internet, ils doivent être les premiers. Sinon, ils n’ont aucune fonction. Qui veut d’un site Internet s’il ne va pas vite. (…) La rapidité compte. Même pour le Spiegel. La seule raison d’être du site Internet du Spiegel est de présenter les choses aussi vite que possible et de les analyser. Là, il n’y a que les médias les plus importants. Lorsque ça ne marche pas, le site n’a pas de fonction et ne fait pas de profits. Il n’y a pas d’argent pour de tels sites. Quelle conclusion on peut en tirer ? La conclusion, c’est qu’il faut être à Berlin pour pouvoir assumer cette rapidité. » Entretien réalisé à Berlin, le 9 juin 2010

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Etre sur place devient un gage de réactivité. Le polycentrisme allemand dans ce domaine semble donc être un handicap. Cela explique que certaines rédactions non berlinoises se soient interrogées sur la possibilité de le devenir, et certaines ont sauté le pas. En 2008, le tabloïd allemand Bild déménage son siège de Hambourg à Berlin. En 2010, c’est la première agence de presse allemande, la DPA, qui fait de même. Son déménagement, qui coûte à la DPA 7 millions d’euros187 et intervient l’année même où pour la première fois de son histoire, l’entreprise présente un chiffre d’affaires en baisse, une perte d’environ 3,8 millions d’euros (FRANKFURTER

ALLGEMEINE ZEITUNG, 2010). En quoi le déplacement à Berlin était-il à ce point nécessaire et rentable ? Le porte-parole de la DPA que nous avons interrogé188 explique au début de l’entretien que la DPA reposait historiquement sur 3 pôles, qu’étaient Hambourg, Francfort et Berlin. Au début des années 2000, la nécessité de fondre ces trois rédactions a été considérée comme absolue, pour des raisons d’efficacité. La solution d’un recentrage sur Hambourg, où se trouvent le siège social et l’administration de l’entreprise n’a pas été considérée comme pertinente. Justus Demmler, porte-parole de la DPA, explique que pour la rédaction politique, aucune autre ville que Berlin n’est aujourd’hui envisageable.

Justus Demmler : « Die tatsächlich Politikberichterstattung in Berlin im Vergleich zudem Bonner Zeit, noch verändert hat. Sie ist viel schneller geworden, viel kurzer geworden. Die Abstimmung zwischen den Reportern, die draußen im Feld sind und der Redaktion, die das Material weiter bearbeiten muss, ist immer kurze betrachtet. Sie müssen praktisch in 20 Minuten zusammenschließen. Und diese Einheit weiter einander zu reizen zwischen die Redaktion „Politik Deutschland“ und die Bundeskorrespondenten, die die wirklich die Berichterstattung draußen machen, das wäre ein Unsinn gewesen. (...) Was wir hier gemacht haben ist eine Investition in der Qualität der Berichterstattung und der Zukunft der Agentur. Das ist nicht in erster Linie ein Sparprogram. Sparen hätten wir auch ohne den ganzen Umzug können. Das war nicht nötig. Wir könnten weiter sparen. Gibt es nur die Möglichkeit die Energien zu heben, das gleiche Produkt zu weniger Geld zu produzieren. Glücklicherweise ergeben sich da für ein Zusammenschluss zu mehr Möglichkeiten haben, als wir drei Einheiten hatten. In erster Linie ist es ein Schritt gewesen, um die Qualität der Agentur zu behalten und zu verbessern. »189

La nécessité de réactivité et de vitesse dans le secteur des médias contribue, malgré l’accélération parallèlement des moyens de communication, à une concentration de moyens, de rédactions et de journalistes sur la place berlinoise.

187 D’après les communiqués officiels de la DPA mais le chiffre est supérieur à 8 millions pour un journaliste qui a voulu rester anonyme.

188 Entretien avec Justus Demmler, réalisé à Berlin le 20 juillet 2010

189 « Le nombre de reportages à faire sur la politique à Berlin, en comparaison avec ce qu’était l’époque de Bonn, a dans les faits beaucoup changé. C’est devenu beaucoup plus rapide. Plus court. L’harmonisation du travail entre les reporters, qui sont sur le terrain et la rédaction qui les retravaille se passe dans un laps de temps toujours plus court. Vous devez dans la pratique tout mettre en forme dans les 20 minutes. Et pour atteindre cette unité, entre la rédaction de politique allemande et les correspondants politiques, ceux qui font vraiment les reportages à l’extérieur (…). Ce que nous avons fait ici, c’est un investissement dans la qualité des articles dans le futur de l’agence. Ce n’est pas de l’argent gagné à court terme. Nous aurions aussi épargné tout cet argent mais ce n’est pas nécessaire. Nous aurons la possibilité de gagner de l’argent après, mais l’idée en deux mots est de faire le même produit avec moins d’argent. Heureusement, nous aurons plus de choses à révéler avec ce regroupement qu’avec nos trois entités distinctes, parce que nous aurons plus de possibilités. En premier lieu, il s’agit de perpétuer la qualité de notre agence et de l’améliorer. » Entretien réalisé à Berlin, le 20 juillet 2010

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