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Mal voir, ne pas voir

« [L]es œilz tout conduisent »38, dit Panurge dans la dernière partie de son éloge des dettes, au début du Tiers Livre. Son propos, ici, est surtout de rappeler leur prééminence dans l’architecture et les fonctions du corps humain : ce sont eux qui le guident, dans cet exemple précis vers les sources de nourriture. Toutefois, cette primauté, reconnue ici dans le cadre de la prise de décision et de la localisation dans l’espace, semble pouvoir être également assignée chez Rabelais au domaine de l’élucidation de l’identité des faits naturels, des perturbations de cette quête, et des débats qu’elle peut porter. Pour l’exprimer autrement, et s’il fallait quelque peu gauchir le sens de la formule de Panurge, on dira que, si les yeux conduisent le corps, le monde extérieur peut être réputé conduit par les yeux à l’esprit. De fait, le nombre de mises en scène, chez Rabelais, des manières d’envisager l’œil – comme organe, sous l’angle des conditions d’exercice de la vision, ou selon les modes d’analyse de la sensation brute – au gré de circonstances dans lesquelles la perception des merveilles naturelles est mise en crise semble indiquer qu’un discours critique plus ou moins explicite se noue chez lui autour de cette faillibilité. Pour Alhazen, le travail de la ratio dans le processus perceptif, parce qu’il s’effectue de manière instantanée, n’est en général pas ressenti par le sujet39 : il ne se fait dès lors sensible que lorsque l’objet de la perception, par sa nouveauté ou par son étrangeté, résiste à l’assimilation. C’est entre les bornes de ce temps de latence que se développera un débat sur les conditions et les résultats de l’expérience sensitive, débat qui est à évaluer comme le signe suffisant d’une perception problématique.

Nous avons déjà vu quelques exemples de tromperie des sens en général et de la vue en particulier chez Rabelais : il s’agira désormais de se concentrer sur celles – ce seront d’ailleurs les plus nombreuses – qui articulent le débat déceptif

36Ibid., II, I, 11, p. 31.

37Voir chapitre 8 de ce travail.

38Tiers Livre, IIII, p. 366.

39ALHAZEN, Opticae thesaurus…, II, I, 11, p. 31.

non plus sur la santé de l’œil ou sur une intervention diabolique, mais sur la qualité du lien qui attache un objet, en l’occurrence étrange, à son observateur.

Envisagée sous cet angle, la problématique implique de prendre en compte, quelques fois de front, deux types de critères pouvant faire obstacle à la vision : tout d’abord des facteurs externes, qui ont trait à la visibilité même de l’objet en ce qu’elle peut générer des interprétations fausses – on verra que, chez Rabelais, le monstre a souvent tendance à se cacher, ou à n’être vu que de loin. Il faut aussi, et l’on aura ici affaire à des facteurs internes, s’interroger sur le mouvement même de ces analyses erronées : sur quelles qualités de l’objet (forme, ressemblance, différence, identité, etc.) l’erreur naît-elle, et quelles directions prend-elle (déformation, assignation fautive d’un animal « nouveau » à une espèce déjà connue, etc.) ?

Dans le Quart Livre et le Cinquiesme Livre, deux épisodes développent de manière étendue la problématique de la représentation. Le premier, l’escale sur Medamothi, se concentre sur la thématique de la visibilité : l’île, gouvernée par Philophanes (« Couvoiteux de veoir et estre veu »40, explicite la « Briefve declaration »), s’offre au désir de la vue alors que l’étymologie de son nom (« Nul lieu en grec »41, toujours selon la « Briefve declaration ») semble destinée à perdre l’œil. Lors de cette première halte insulaire sur le chemin du temple de Bacbuc, Pantagruel et ses compagnons achètent « aux grandes et solennes foires du lieu »42 une série de tableaux qui se révèlent être autant d’adynata : l’un d’entre eux donne à voir les « Idées de Platon »43, un autre les « Atomes de Epicurus »44 – autant d’exemples d’ekphrasis de l’irreprésentable. Le second épisode, dans le Cinquiesme Livre, joue quant à lui sur la thématique de l’identification d’un objet à sa représentation : lors de leur visite de l’Isle de Frize, les voyageurs découvrent le pays de Satin,

[…] duquel les arbres et herbes jamais ne perdoient fleur, ne feuilles, et estoient de damas, et velous figuré : les bestes et oiseaux estoient de tapisserie.45

Par un tour dont il s’agira de montrer le fonctionnement – mais que l’on peut résumer, dans les termes d’une théorie du signe, sous les espèces d’un phénomène de glissement et de parasitage des signifiés –, ces représentations botaniques et animalières, qui puisent pour beaucoup d’entre elles dans un

40 Quart Livre, « Briefve declaration… », p. 706. Le roi est absent de l’île lorsque arrivent les passagers de la Thalamège car il est invité aux noces de son frère, Philotheamon, « Couvoiteux de veoir », aux dires encore une fois de la « Briefve declaration » (id.).

41Ibid., p. 705.

42Ibid., II, p. 540.

43Ibid., p. 541.

44Id.

45Cinquiesme Livre, XXIX, p. 799.

bestiaire monstrueux traditionnel, prennent vie par la grâce des verbes et par l’escamotage du prédicat censé attester de leur nature d’images :

Là nous vismes plusieurs bestes, oiseaux et arbres, tels que les avons de par deçà, en figure, grandeur, amplitude et couleur : excepté qu’ils ne mangeoient rien, et point ne chantoient, point aussi ne mordoient ils, comme font les nostres […]46

Au Pays de Satin, les tapisseries s’effilochent et s’effacent en usurpant l’identité des plantes et des animaux qu’elles représentent – sans toutefois y parvenir complètement : si elles reproduisent leurs formes, elles sont incapables de mimer leurs comportements47. Sur Medamothi, ce sont les objets mêmes que l’on se propose de mettre en peinture qui sont censés ne pas pouvoir accéder à la visibilité. L’un et l’autre de ces épisodes présentent des situations dans lesquelles l’appréhension visuelle s’avère pour le moins paradoxale, et ouvre sur une forme de jeu. Et dans l’un et l’autre se balade un « animal estrange et merveilleux »48 que l’on ne trouve nulle part ailleurs dans la geste : le tarande, dont la caractéristique majeure, selon les naturalistes, est justement de se dérober au regard. Rabelais, lui, poussera à l'extrême le paradoxe de cette bête à la fois si difficile à voir et si souvent décrite.

Dans un article célèbre, Marie Madeleine Fontaine concluait à l’« irréalisme »49 de cette version rabelaisienne de l'animal. Pour ce faire, elle s’appuyait sur une étude du traitement réservé par le Quart Livre aux différentes autorités portant discours sur le tarande : la récriture et les tissages réciproques de ces hypotextes (entre autres Théophraste, pour qui il est un renne, ou Solin, qui le rapproche d’un bovidé éthiopien difficilement identifiable50) permettent la création d’un objet fondamentalement hybride (« bête doublement litigieuse dans sa présentation fantasmagorique et son existence livresque »51) dont la nature se diffracte dans les strates de l’intertexte. L’analyse garde toute sa pertinence, et l’inscription de la bête sur les listes animalières du Pays de Satin nourrit cette suspicion, mais il est peut-être possible d’envisager son objet et sa conclusion – la présence chez Rabelais d’un discours critique sur le savoir des autorités – sous l’angle de ce qui fait plus ou moins consensus chez ces mêmes autorités : la

46Id.

47Ce qui, d'ailleurs, semble devoir perturber leur inscription dans une histoire naturelle, celle-ci s'appuyant à parts égales sur une anatomie et une éthologie.

48Quart Livre, IIII, p. 546.

49Marie Madeleine FONTAINE, « Une narration biscornue : le tarande du Quart Livre », Poétique et Narration. Mélanges offerts à Guy Demerson, éd. F. Marotin & J.-P. Saint-Gérand, Paris : Honoré Champion, 1993 (« Bibliothèque Franco Simone », 22), p. 407-27, p. 427.

50Pour une étude exhaustive de la variabilité du tarande dans les textes, voir Christian DELORENZO,

« “Animal estrange & merveilleux” : le tarande dans la littérature européenne de Théophraste à Rabelais » [en ligne]. www2.lingue.unibo.it/dese/didactique/travaux/De%20Lorenzo/christian

%20delorenzo_histoire%20de%20la%20litt%E9rature.pdf

51M. M. FONTAINE, « Une narration biscornue… », p. 427.

capacité que possède le tarande de modifier sa couleur et de compliquer de la sorte son appréhension par la vue.

De quelle manière le tarande se dissimule-t-il ? « […] il change de couleur selon la varieté des lieux es quelz il paist et demoure »52, explique aux voyageurs le propriétaire de l’animal, « un Scythien de la contrée des Gelones »53. Celui-ci continue :

Et represente la couleur des herbes, arbres, arbrisseaulx, fleurs, lieux, pastiz, rochiers, generalement de toutes choses qu’il approche.54

Pantagruel achètera le tarande pour l’envoyer à son père. Dans la lettre à Gargantua qui accompagne le colis, il donne quelques précisions supplémentaires sur la physiologie de l’animal :

J’ay icy trouvé un Tarande de Scythie, animal estrange et merveilleux à cause des variations de couleur en sa peau et poil, scelon la distinction des choses prochaines.55

Le tarande ne se rend pas transparent en soi – ce en quoi il contreviendrait à l’un des axiomes d’Alhazen postulant qu’un objet doit être opaque pour être vu –, mais il contrefait la couleur de son arrière-plan, empêchant ainsi, pour retrouver le De Aspectibus, le mouvement de distinctio56 qui permettrait de l’en séparer pour l’apercevoir correctement. Les choix terminologiques de Rabelais paraissent ici importants : le verbe representer, mis dans la bouche du propiétaire de l'animal, conserve, selon le Thresor de la langue françoyse de Jean Nicot (1606), quelques valeurs sémantiques de l’adumbrare latin (« imiter, masquer »)57. Ce qui semble confirmer que la tactique du tarande se confond davantage avec celle du camouflage qu’avec celle de la transparence – la perturbation de la vision étant dès lors à envisager sous l’angle de la dissolution formelle naissant de l’interférence entre un objet et son environnement, et non sous celui de l’absence de perception que postulerait l’invisibilité dudit objet. La lettre de Pantagruel à Gargantua peut être comprise dans un sens similaire : l’arrière-plan sur lequel le tarande est censé se détacher est posé en termes statiques – la « distinction des choses prochaines » est la palette des teintes face auxquelles la bête peut faire étalage de ses dons. Mais ceux-ci, justement, s’entendent selon la dynamique des

« variations de couleur » – la voix narrative l’avait déjà précisé quelques lignes plus haut :

52Quart Livre, II, p. 541-42.

53Ibid., p. 541.

54Ibid., p. 542.

55Ibid., IIII, p. 546.

56ALHAZEN, Opticae thesaurus…, II, I, 10, p. 30.

57« Representer, et bailler quelque semblance d’une chose, Adumbrare », Jean NICOT, Thresor de la langue françoyse, Paris : David Douceur, 1606, art. « representer ».

[…] non seulement sa face et peau, mais aussi tout son poil telle couleur prenoit, quelle estoit es choses voisines. Prés de Panurge vestu de sa toge bure, le poil luy devenoit gris ; prés de Pantagruel vestu de sa mante d’escarlate, le poil et peau luy rougissoit […]58

A la discrétion, en termes mathématiques, du nuancier s’oppose dès lors l’indifférenciation du mimétisme pris dans son mouvement. C’est bien là la caractéristique perturbante du tarande pour les yeux et pour l’esprit : se fondre sans fin dans une succession de décors.

Se fondre jusqu’à se confondre parfaitement avec le monde environnant ? Ici, une ambiguïté résiste, et elle permettra à Rabelais de développer un discours critique sur les modes d’acquisition du savoir dans le champ de l’histoire naturelle. Le batelage du Gelon insiste sur le fait que la difficulté de saisir – dans tous les sens du terme – le tarande augmente sa rareté (« peu en estre trouvé parmi la Scythie »59). On retrouve ici des échos de l’histoire naturelle : celui de Pline (« Il reproduit la couleur des arbres, des arbrisseaux, des fleurs, des lieux où la peur le tient caché ; aussi est-il rarement pris »60), ou celui de Théophraste (« Rarum est animal et aliquoties modo visum »61). Mais le vendeur fait son travail d’abattage avec une conviction qui le pousse à en rajouter sur la tradition : pour Pline en effet, ce n’est que lorsque le tarande est effrayé qu’il fait usage de ses dons, et non de manière continue ; pour Théophraste, c’est simplement parce qu’il est rare, et non en fonction de son invisibilité, que l’animal n’est pas souvent aperçu.

D’ailleurs – et c'est là que le paradoxe prend forme –, Pantagruel et ses compagnons voient ce spécimen avec toute la netteté nécessaire. L’argument d’autorité, extrait de Pline, portant sur la forme du tarande est donné de manière définitive, sans qu’aucun mode hypothétique ne trahisse une perception rendue difficile :

Tarande est un animal grand comme un jeune taureau, portant teste comme est d’un cerf, peu plus grande : avecques cornes insignes largement ramées : les piedz forchuz : le poil long comme d’un grand Ours ; la peau peu moins dure, qu’un corps de cuirasse.62

Surtout, la multiplicité des changements de couleur du tarande, alors qu’elle devrait – selon le Gelon et, dans une certaine mesure, la tradition – précipiter l’animal hors du champ de la perception, le met en scène comme objet privilégié

58Quart Livre, II, p. 542. Je souligne.

59Ibid., p. 541.

60 PLINEL’ANCIEN, Histoire naturelle. Livre VIII, éd. / trad. A. Ernout, Paris : Les Belles Lettres, 1952 (« Collection des universités de France »), LII, p. 66.

61 THÉOPHRASTE, « Deperditorum Scriptorum. Excerpta et Fragmenta », Opera quae supersunt omnia, éd. / trad. F. Wimmer, Paris : Firmin Didot, 1866, CLXXII, p. 458.

62Quart Livre, II, p. 541.

de l’autopsie : ce qui est « admirable »63 chez lui, ce qui – étymologiquement – étonne par le biais du regard64, est précisément constitué par ces incessants mouvements chromatiques. Qu’il s’approche de Pantagruel, de Panurge ou du pilote de la Thalamège, le tarande est, cette fois-ci, saisi là également sans l’ombre d’un doute dans les modifications successives de la teinte de sa peau et de son poil.

Ce qui oppose les registres de l’invisibilité et de la visibilité du tarande se résume in fine à des manières d’en parler et à des énonciateurs différents. Le premier registre, celui de la tradition, de l’autorité, et donc des lecta, est placé dans la bouche du Gelon. Toujours empruntée aux mêmes lecta, la suite de la description de la bête (similitude des dons du tarande et de ceux du « Polype », des « Thoes », des « Lycaons de Indie » et du « Chameleon »65), ne peut être formellement attribuée au même énonciateur – mais elle ne peut pas non plus lui être retirée avec sûreté. Ce qui est par contre certain, c’est que lorsque l’apparition d’un je clôt la période de citation plus ou moins fidèle de Pline et de Théophraste – et indique, peut-être, une prise de parole explicite de la voix narrative après le discours rapporté du Gelon –, un nouveau paradigme se fait jour. Après les réminiscences livresques des autorités, le je en question fait appel au souvenir d’une expérience propre : celle des vertus du caméléon, qui lui aussi peut changer de couleur. L’animal n’est plus ici de papier, mais de chair et d’os :

[…] je l’ay veu couleur changer non à l’approche seulement des choses colorées, mais de soy mesmes, selon la paour et affections qu’il avoit.

Comme sus un tapiz verd, je l’ay veu certainement verdoyer : mais y restant quelque espace de temps devenir jaulne, bleu, tanné, violet par succés : en la façon que voiez la creste des coqs d’Inde couleur scelon leurs passions changer.66

Délaissant les lecta, le savoir emprunte ici le canal des vista. L’insistance apportée sur le phénomène d’autopsie est marquée : au contraire du Gelon qui – se contentant de reproduire un discours déconnecté de son expérience propre – ne parvient qu’à souligner un défaut de visibilité, le sujet regardant est capable de saisir les variations de couleur « par succés » qui sont communes au caméléon et au tarande – dont la description des évolutions chromatiques prend l’immédiate suite de celle du reptile.

Cette double mise en scène subjective et intradiégétique amène à plusieurs conclusions : elle semble de prime abord consacrer la supériorité de la connaissance en prise directe sur celle qui se contenterait d’un savoir livresque, ou de seconde main – un topos que l’on retrouve, dans le domaine des mirabilia et

63Ibid., p. 542.

64Voir Walther von WARTBURG, Französisches Etymologisches Wörterbuch. Eine Darstellung des galloromanischen Sprachschatzes, Basel : Helbing & Lichtenhahn, 1928-1983, art. « admirari ».

65Quart Livre, II, p. 542.

66Id., je souligne.

au-delà, à de multiples reprises chez Rabelais. Lire ne suffit pas, quand bien même l’ouvrage que l’on aurait sous les yeux serait richement illustré. Ainsi, dans le Cinquiesme Livre, la visite du pays de Satin offre, sous le couvert de l’ironie, une exposition du caractère trompeur des représentations. Parmi les tapisseries présentes, l’une d’entre elles est dévolue aux éléphants, et permet à la voix narrative de lancer une pique aux autorités, Aristote et Pline en l’occurrence :

Ils ont joinctures et articulations es jambes : ceux qui ont escrit le contraire, n’en veirent jamais qu’en peinture […]67

Il ne s’agit certes que d’un problème de « joinctures », mais on a souligné l’importance que prennent ces « marques » dans le désir de justesse de la description zoologique : lorsqu’il s’agit d’entamer une querelle, les rotules de l’éléphant valent bien les pattes du tourteau. Au delà du ressort comique qui, au regard de la tradition, fait du contempteur un épigone – la voix narrative reproche aux naturalistes de baser leur savoir sur des illustrations préexistantes, travers qu’elle reproduit justement face aux tapisseries du pays de Satin –, c’est bien ici une proclamation de la supériorité du témoignage direct qui est donnée. On remarquera en premier lieu que cette prééminence n’est pas une spécificité rabelaisienne : elle est courante, tant dans le domaine de l’histoire naturelle au sens strict que lorsque celle-ci s’inscrit dans un discours viatique – c’est le cas, exemple entre mille, d’un Gonzalo Fernández de Oviedo qui, dans son Historia general y natural de las Indias (première édition : 1535), indique :

[…] no escribo de auctoridad de algún historiador o poeta, sino como testigo de vista, en la mayor parte, de cuanto aquí tratare […] 68

67Cinquiesme Livre, XXIX, p. 800. Ici, Rabelais malmène quelque peu ses sources. Aristote ne dit pas que l’éléphant ne peut plier ses pattes, mais simplement qu’il les plie d’une manière différente de celle des autres animaux : « Les flexions des membres antérieurs et postérieurs sont, chez les animaux, opposées entre elles et à ce qu’elles sont chez l’homme, sauf pour l’éléphant. En effet, chez les quadrupèdes vivipares les membres antérieurs fléchissent vers l’avant, les membres postérieurs vers l’arrière, et les creux de la courbure se trouvent en opposition. L’éléphant, lui, ne procède pas comme certains les prétendaient : il s’asseoit [sic] et plie les jambes ; seulement il ne peut pas, à cause de son poids, plier les deux côtés à la fois : il se couche soit sur sa gauche soit sur sa droite et s’endort dans cette position ; mais il fléchit ses membres postérieurs de la même façon que l’homme. » (ARISTOTE, Histoire des animaux. Tome I. Livres I-IV, éd. / trad. P. Louis, Paris : Les Belles Lettres, 1964 [« Collection des universités de France »], II, I, p. 35). Pline ne dit pas autre chose : « […] tout comme l’homme, [l’éléphant] fléchit les jarrets en arrière, les autres animaux fléchissent les membres postérieurs en sens contraire des antérieurs. En effet les vivipares fléchissent les genoux de devant en avant et les jarrets en arrière » (PLINE LANCIEN, Histoire naturelle. Livre XI, éd. / trad. A. Ernout, Paris : Les Belles Lettres, 1947 [« Collection des universités de France »], CI, p. 107).

68Gonzalo Fernandez DE OVIEDO, Historia general y natural de las Indias. I, éd. J. P. de Tudela Bueso, Madrid : Atlas, 1959 (« Biblioteca de Autores Españoles (Continuación) », 117), I, p. 13.

Voir M. DE ASÙA & R. FRENCH, A New World of Animals…

Dans le domaine spécifiquement zoologique, la nécessité du témoignage

Dans le domaine spécifiquement zoologique, la nécessité du témoignage