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La comparaison avec le vocabulaire français fait aussi apparaître un argument supplémentaire du lien entre témoignage et validation du point de vue linguistique : au contraire du français, il n’existe pas en grec ancien de mot pour dire « attestation ». Si des termes semblent exprimer cette signification, ce n’est toujours que subséquemment à leur sens premier. Ainsi, l’idée de βεβαίωσις – de même que le verbe, l’adjectif et l’adverbe qui en dépendent – peut parfois servir à mentionner la confirmation d’une information (voir Tableau 5, p. 69Erreur !

Signet non défini.)109. L’adverbe

βεβαίως, de même que l’adjectif βεβαίος, peut d’ailleurs se traduire comme « de façon certaine, assurée » (voir Tableau 6, p. 69). Néanmoins, le lexique de

βεβαίωσις signifie essentiellement l’action de rendre à nouveau valide et donc de consolider, que ce soit un droit de propriété ou de jouissance, la domination d’un territoire, des relations diplomatiques, une ou l’ensemble des lois, voire la démocratie ou le salut d’une personne, c’est-à- dire sa vie (voir Tableau 5). Par exemple, un client de Lysias évoquant des traités contractés par les Athéniens avec les Lacédémoniens affirme que les juges, c’est-à-dire les citoyens d’Athènes, vont les confirmer (βεβαιώσετε), ce qu’il reformule en disant qu’ils vont les rendre valides (κυρίας ποιήσετε)110 : l’équivalence est directe. Enfin, il peut être question quelques fois de la sécurité111 ou de garanties dans le domaine commercial112. Il ne s’agit donc pas tant de l’attestation

d’informations mais plutôt de l’assurance en la continuité d’une chose.

107 De même, l’« attestation » est étymologiquement liée au témoignage puisque l’attestatio est fondée sur le testis latin. 108 Il faut pour autant se garder de penser que la proximité entre les vocabulaires français et anglais est logique ou naturelle, car ils ne se recoupent pas complètement : par exemple, « témoigner » dans son sens juridique de faire une déposition ne correspond pas à to witness mais plutôt à to testify. Ainsi, la similitude autour du sens d’« attester » n’est pas anodine. Sur la difficulté de traduire les termes entre les deux langues et l’analogie décelée, voir la note du traducteur anglais à l’article de Derrida sur le poème Aschenglorie de Celan (DERRIDA 2000, p. 206, n. 1).

109Βεβαίωση et βεβαιώνω sont d’ailleurs les mots principaux pour désigner l’attestation en grec moderne. 110 LYSIAS, Sur la confiscation des biens du frère de Nicias (XVIII), 15.

111 DEMOSTHENE, Contre Aristocrate (XXIII), 127 ; ISOCRATE, À Démonicos (I), 41. Cela amène aux thèmes de la constance et de la fidélité : DEMOSTHENE, Contre Théocrinès (LVIII), 63 ; Sur l’amour (LX), 4.

112 Voir DEMOSTHENE, Contre Panténétos (XXXVII), 12 ; Contre Dionysodoros (LVI), 2 ; DINARQUE, Contre Démosthène (I), 42 ; ESCHINE, Contre Timarque (I), 162.PRINGSHEIM (1950, p. 429-465) analyse le contexte commercial du terme, sans faire référence au corpus judiciaire. Il reprend, presque textuellement, BEAUCHET 1897, IV, p. 133-150.

Sens Nb Occurrences113

Information 8

ANDOCIDE, Sur son retour (II), 3.

ANTIPHON, Sur le meurtre d’Hérode (V), 41.

DEMOSTHENE, Sur le traité d’Alexandre (XVII), 30 ; Sur la couronne (XVIII), 250 ; Contre Évergos et Mnésiboulos (XLVII), 5 ; 7.

ISEE, La succession d’Astyphilos (IX), 10. ISOCRATE, Sur l’échange (XV), 28.

Droit 7

ESCHINE, Contre Ctésiphon (III), 249.

HYPERIDE, Pour Euxénippe (III), 36 (col. XLV).

ISEE, La succession de Cléonymos (I), 18, 19, 22, 22, 33, 48 ; La succession de Nicostratos (IV), 26 ; La succession de Dikaiogénès (V), 22, 23, 23, 24 ; La succession d’Hagnias (XI), 39 ; 45.

Territoire 6

DEMOSTHENE, Sur l’Halonnèse (VII), 9, 10 ; Lettre de Philippe (XII), 23 ; Contre Aristocrate (XXIII), 3.

LYSIAS, Oraison funèbre (II), 47 ; 68 ; Contre Ératosthène (XII), 40.

Relations diplomatiques 5

DEMOSTHENE, Lettre de Philippe (XII), 22-23 ; Pour la liberté des Rhodiens (XV), 14 ; Pour les Mégalopolitains (XVI), 30 ; Contre Leptine (XX), 25 ; Contre Nééra (LIX), 93.

Lois 7

DEMOSTHENE, Contre Midias (XXI), 30 ; 76 ; 224 ; Contre Timocrate (XXIV), 43 ; Contre Aristogiton, I (XXV), 99.

ISEE, La succession d’Astyphilos (IX), 34. LYSIAS, Contre Andocide (VI), 29.

Démocratie 6

DEMOSTHENE, Philippiques, IV (X), 4.

ESCHINE, Sur l’ambassade (II), 173 ; Contre Ctésiphon (III), 8. ISOCRATE, Aréopagitique (VII), 27 ; Panathénaïque (XII), 147.

LYSIAS, Contre une proposition contre le gouvernement traditionnel (XXXIV), 4.

Salut d’une personne 5

ANDOCIDE, Sur les mystères (I), 53.

DEMOSTHENE, Sur l’ambassade (XIX), 137 ; Contre Midias (XXI), 222 ; Contre Aristocrate (XXIII), 127.

ISOCRATE, Évagoras (IX), 52.

Divers 14

DEMOSTHENE, Sur la couronne (XVIII), 35 (relations diplomatiques) ; 278 (sentiments) ; Sur l’ambassade (XIX), 96 (paix) ; Contre Leptine (XX), 15 (récompenses) ; 71 (récompense de Conon) ; Contre Aristocrate (XXIII), 50 (délit).

ESCHINE, Sur l’ambassade (II), 117 (actes injustes) ; Contre Ctésiphon (III), 249 (éloges). HYPERIDE, Oraison funèbre (VI), 24 (col. IX) (liberté).

ISOCRATE, Archidamos (VI), 10 (insolence thébaine) ; À Antipatros (Lettres, IV), 2 (relations entre deux personnes).

LYSIAS, Sur la confiscation des biens du frère de Nicias (XVIII), 15 (traités) ; Pour Polystratos (XX), 32 (proverbe).

Tableau 5 : Éléments confirmés par le lexique de βεβαίωσις chez les orateurs

Nb Occurrences

Adverbe

βεβαίως 19

DEMOSTHENE, Olynthiennes, III (III), 2 ; Philippiques, II (VI), 17 ; Sur les affaires de la Chersonnèse (VIII), 39 ; 41 ; Philippiques, IV (X), 12 ; 13 ; Réponse à la lettre de Philippe (XI), 7 ; Lettre de Philippe (XII), 11 ; Pour les Mégalopolitains (XVI), 27 ; Sur la couronne (XVIII), 26 ; Contre Leptine (XX), 82 ; Contre Aristocrate (XXIII), 131 ; Contre Zénothémis (XXXII), 19.

HYPERIDE, Oraison funèbre (VI), 30 (col. X). ISEE, La succession de Philoktémon (VI), 30.

ISOCRATE, Busiris (XI), 27 ; Archidamos (VI), 39 ; Sur la paix (VIII), 71.

Adjectif

βεβαίος 14

DEMOSTHENE, Contre Aristocrate (XXIII), 103 ; Contre Timocrate (XXIV), 37 ; Sur les enfants de Lycurgue (Lettres, III), 23.

HYPERIDE, Oraison funèbre (VI), 39 (col. XIII). ISEE, La succession de Cléonymos (I), 18.

ISOCRATE, À Démonicos (I), 5 ; 36 ; 46 ; Nicoclès (III), 43 ; 54 ; Archidamos (VI), 59 ; Sur la paix (VIII), 60 ; Sur l’échange (XV), 184.

LYSIAS, Défense d’un anonyme accusé de corruption (XXI), 13.

Tableau 6 : Lexique de βεβαίως signifiant « de façon assurée »

113 Un élément désigné plusieurs fois dans un discours n’est compté qu’une seule fois, mais toutes les mentions en sont indiquées.

D’autres termes se rapprochent du sens d’attestation, notamment dans le vocabulaire politique qui est riche pour désigner l’examen. Par exemple, les εὔθυναι correspondent aux redditions de comptes à la sortie de charge, qui constituent donc un contrôle, une vérification de la conformité des actes effectués pendant la magistrature. Mais seul le sens strict prévaut : le terme ne signifie pas la « vérification » en général114. À l’inverse, la

δοκιμασία est certes l’examen préliminaire pour vérification d’une aptitude ou d’une éligibilité – et c’est ce sens qui a attiré l’attention des historiens – mais cette signification politique n’épuise pas les apparitions du lexique de δοκιμασία, δοκιμάζειν et ἀποδοκιμάζειν chez les orateurs ou dans les sources classiques en général. C’est ce que note Christophe Feyel, auteur de l’ouvrage de référence sur la dokimasie dans les institutions des cités grecques, lors de son analyse du vocabulaire115 :

« Δόκιμος, ἀδόκιμος – acceptable, inacceptable – ces deux adjectifs marquent une acceptation ou un refus, qui découlent d’un examen préalable. C’est à cet examen que renvoie δοκιμάζω dont le sens est celui d’“examiner en vue d’accepter ou de refuser”. Assurément, le verbe a rapidement pris un sens affaibli : dans les textes littéraires, δοκιμάζω signifie le plus souvent “approuver, accepter après examen, agréer, juger bon” voire même “décider”. […] Il ne s’agit pas […] de sens apparus tardivement, puisqu’on les trouve dès le Ve siècle – ainsi, chez Thucydide, dans l’oraison

funèbre prononcée par Périclès. De manière similaire, ἀποδοκιμάζω prend le plus souvent le sens très général de “désapprouver, rejeter, exclure, refuse, condamner quelqu’un ou quelque chose après examen” et, dans une proportion moindre, le sens plus particulier de “rejeter un magistrat tout juste nommé, à l’issue d’un examen préliminaire”. » Cette analyse, outre qu’elle a l’intérêt d’éclaircir les différentes acceptions du terme, montre bien le point de vue privilégié par les chercheurs spécialistes d’histoire politique : le sens commun est considéré comme « affaibli »116. Un bref décompte des occurrences des acceptions techniques et non-techniques (voir Tableaux 7 et 8, p. 72) donne cependant l’occasion de remettre en cause ce présupposé117 : comment juger un sens supérieur à un autre quand les occurrences – autour d’une cinquantaine pour chaque cas – se répartissent de manière équilibrée ?

114 Voir ANDOCIDE, Sur les mystères (I), 78 ; DEMOSTHENE, Olynthiennes, I (I), 28 ; Sur la couronne (XVIII), 124 ; Sur l’ambassade (XIX), 17 ; 82 ; 256 ; 273 ; 334 ; Contre Androtion (XXII), 39 ; Contre Timocrate (XXIV), 112 ; Contre Stéphanos, II (XLVI), 9 ; Contre Théocrinès (LVIII), 14 ; ESCHINE, Contre Timarque (I), 1 ; Sur l’ambassade (II), 80 ; Contre Ctésiphon (III), 9 ; 12 ; 230 ; LYSIAS, Contre Théomnestos, I (X), 16.

115 FEYEL 2009, p. 16-17.

116 Voir aussi le commentaire de William WYSE (1979 (1904) (éd.), p. 578) qui est très gêné par le mot δοκιμασθέντων dans ISEE, La succession d’Apollodoros (VII), 36 car il cherche à appliquer le sens politique au sens commun : « The word may be used loosely even in Attic prose. » De même, pour l’une des occurrences du discours Sur l’échange d’Isocrate, Yun Lee TOO (2008 (éd.), p. 143) constate le sens d’examen en général mais l’explique en faisant référence aux quatre types de dokimasies institutionnelles.

117 Sur ce présupposé, voir la raison qui a poussé Christophe FEYEL (2009, p. 20), à se centrer sur « la δοκιμασία en tant qu’institution, sujet sur lequel nos sources sont les plus nombreuses, sinon toujours les plus explicites. »

À partir du moment où l’étude prend en considération le sens non technique du mot, le sens d’attestation affleure. Les termes liés à la dokimasie peuvent d’abord exprimer le fait d’examiner des personnes pour les approuver ou les désapprouver, à l’image d’Isocrate qui conseille dans les conseils donnés dans les discours À Démonicos et À Nicoclès de rejeter les gens qui mentent ou qui ne prennent pas de décision convenable118. Ce sens est finalement très proche de la dokimasie politique, même s’il n’est pas question d’une procédure réglementaire119. Le

lexique peut également désigner le fait d’examiner des actes avant de se prononcer sur une question. Ainsi, en s’opposant à Aristogiton, Démosthène rappelle les agissements défavorables à la démocratie dont il a fait preuve, ce qui doit amener les juges à le condamner, sans se laisser influencer par la défense de l’adversaire120 :

« Car pour ce que vous avez saisi par l’expérience des faits (ἔργῳ πεῖραν), pourquoi faut-il se fier (πιστεύειν) aux discours ? C’est pour ce dont vous n’avez pas encore fait vous-mêmes l’épreuve exacte (ὧν δὲ μηδέπω τὴν δοκιμασίαν ἔχετ’ ἀκριβῆ παρ’ ὑμῖν αὐτοῖς) qu’il est peut-être nécessaire de juger (κρίνειν) d’après des discours. »

L’opposition entre les paroles et les faits est certes un moyen rhétorique mis en place pour discréditer tout ce qu’a pu ou pourra dire l’adversaire et ne doit pas être pris au pied de la lettre121. Néanmoins, la dokimasie est posée ici comme le synonyme de l’expérience des faits, ce

qui met l’accent sur l’examen direct qui certifie les faits122. Ce rapprochement est aussi visible

dans la défense du plaignant adopté par Apollodoros, qui explique que celui-ci a préféré légué son héritage à quelqu’un qu’il connaissait plutôt qu’un enfant tout jeune dont il ne savait pas ce qu’il deviendrait123 : « Pour moi, il me connaissait par expérience et avait pu me juger à l’épreuve (ἐμοῦ δὲ πεῖραν εἰλήφει, δοκιμασίαν ἱκανὴν λαβών). » Brenda Griffith-Williams observe que « le mot

dokimasie est ici utilisé dans un sens non technique, signifiant “preuve” ou “épreuve” »124.

L’acception non politique du terme peut exprimer l’idée de preuve, de validation.

118 Respectivement ISOCRATE, À Démonicos (I), 49 (ἀποδοκιμάζομεν) et À Nicoclès (II), 52 (ἀποδοκίμαζε).

119 La frontière est incertaine dans DINARQUE, Contre Démosthène (I), 79, à propos du décret proposé par Démosthène après Chéronée, par lequel des citoyens pouvaient être disqualifiés pour le combat afin de travailler aux fortifications : il ne s’agit pas d’une procédure connue, et elle n’est ainsi pas répertoriée par Christophe Feyel, mais elle se rapproche fortement d’un cadre institutionnel. À l’inverse, l’occurrence de LYSIAS, Contre Philon (XXXI), 22 est mentionnée par Christophe FEYEL (2009, p. 163), mais, si le terme a été choisi en référence à la dokimasie des conseillers évoquée dans le passage (CAREY 1989 (éd.), p. 196), il n’en est pas directement question.

120 DEMOSTHENE, Contre Aristogiton, II (XXVI), 21. Cette citation sera examinée en détail, en particulier au sujet de l’« expérience des faits », dans le chapitre « L’appel au témoignage des juges ».

121 L’opposition entre faits et paroles sera traitée dans le chapitre « L’évidence des faits ».

122 Le mot et ses dérivés sont alors proches de ceux de βεβαίωσις, comme l’illustre le discours sur La succession de Cléonymos d’Isée. Le défunt voulait selon les adversaires du client d’Isée confirmer le testament de Cléonymos, ce qui est mentionné à plusieurs reprises avec le verbe βεβαιοῦν (voir les occurrences dans le Tableau 5). Le plaignant affirme au contraire que Cléonymos voulait l’invalider (ἀπεδοκίμασεν) : voir ISEE, La succession de Cléonymos (I), 35.

Δοκιμάζειν et βεβαιοῦν apparaissent donc parfois comme des équivalents. 123 ISEE, La succession d’Apollodoros (VII), 34.

124 GRIFFITH-WILLIAMS 2013 (éd.), p. 79 : « The word dokimasia is here used in a non-technical sense, meaning ‘proof’ or ‘test’. »

Types Nb Occurrences

Dokimasies de personnes 17

Dokimasie des éphèbes et des orphelins : DEMOSTHENE, Contre Midias (XXI), 157 ; Contre Aphobos, I (XXVII), 5, 36 ; Contre Onétor, I (XXX), 6, 15, 17 ; Pour Phormion (XXXVI), 10 ; Contre Léocharès (XLIV), 41 ; Contre Euboulidès (LVII), 62 ; ISEE, La succession d’Astyphilos (IX), 29 ; ISOCRATE, Aréopagitique (VII), 37 ; Panathénaïque (XII), 28 ; Sur l’attelage (XVI), 29 ; LYSIAS, Contre Théomnestos, I (X), 31 ; Contre Théomnestos, II (XI), 12 ; Défense d’un anonyme accusé de corruption (XXI), 1 ; Au sujet de l’examen d’Evandre (XXVI), 21 ; Contre Diogiton (XXXII), 9, 24.

Dokimasie de citoyenneté opérée par les dèmes : DEMOSTHENE, Contre Euboulidès (LVII), 67.

Dokimasie des invalides : ESCHINE, Contre Timarque (I), 104.

Dokimasies de charges

politiques

23

Dokimasie des conseillers : DEMOSTHENE, Contre Midias (XXI), 111 ; Contre Nééra (LIX), 3 ; LYSIAS, Pour Mantithéos (XVI), 3, 8, 9 ; Contre Philon (XXXI), 1, 3, 13, 19, 20, 24, 25, 31, 34.

Dokimasie des archontes et magistrats en général : DEMOSTHENE, Contre Leptine (XX), 90 ; Contre Aristogiton, I (XXV), 30 ; Contre Euboulidès (LVII), 25 ; 46 ; Contre Nééra (LIX), 72 ; ESCHINE, Contre Ctésiphon (III), 15 ; 29 ; 31 ; ISOCRATE, Aréopagitique (VII), 38 ; LYSIAS, Contre Andocide (VI), 33 ; Défense d’un citoyen accusé de menées contre la démocratie (XXV), 10 ; Au sujet de l’examen d’Evandre (XXVI), 1, 5, 6, 7, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 15, 16, 20, 21, 24 ; 8, 8, 9, 9 ; 13-15.

Dokimasie des stratèges et généraux (taxiarques) : DEMOSTHENE, Contre Bœotos, II (XL), 34 ; LYSIAS, Contre Agoratos (XIII), 10 ; Contre Alcibiade, II (XV), 2, 6-7. Dokimasie des épimélètes du port marchand : DEMOSTHENE, Contre Aristogiton, I

(XXV), 67 ; DINARQUE, Contre Aristogiton (II), 10.

Dokimasies de personnages

officiels

7

Dokimasie des hérauts : DEMOSTHENE, Sur l’ambassade (XIX), 338.

Dokimasie des ambassadeurs : DEMOSTHENE, Sur l’ambassade (XIX), 338 ; ESCHINE, Sur l’ambassade (II), 113.

Dokimasie des orateurs : ESCHINE, Contre Timarque (I), 2, 28, 32, 186.

Dokimasie des cavaliers : LYSIAS, Contre Alcibiade, I (XIV), 8-10, 22 ; Contre Alcibiade, II (XV), 7, 11 ; Pour Mantithéos (XVI), 8, 13.

Dokimasies non personnelles 6

Dokimasie des lois : ANDOCIDE, Sur les mystères (I), 82-89 ; DEMOSTHENE, Contre Leptine (XX), 90 ; ESCHINE, Contre Timarque (I), 82.

Dokimasie des honneurs : DEMOSTHENE, Sur la couronne (XVIII), 266 ; Contre Nééra (LIX), 105-106.

Dokimasie des biens précieux : ISOCRATE, Panathénaïque (XII), 39.

Tableau 7 : Le lexique de δοκιμασία dans un contexte institutionnel chez les orateurs125

Types Nb Occurrences

Personnes ou groupe de personnes126

20

DEMOSTHENE, Philippiques, IV (X), 50 ; Contre Leptine (XX), 83 ; Contre Aristogiton, I (XXV), 6 ; Sur l’amour (LXI), 4 ; 53 ; 54 ; DINARQUE, Contre Démosthène (I), 79 ; ISEE, La succession de Ménéclès (II), 39 ; La succession d’Apollodoros (VII), 34 ; ISOCRATE, À Démonicos (I), 25 ; 49 ; À Nicoclès (II), 27 ; 50 ; 52 ; Nicoclès (III), 22 ; Archidamos (VI), 6 ; Éloge d’Hélène (X), 47 ; Sur l’échange (XV), 97 ; Panathénaïque (XII), 222 ; LYSIAS, Contre Philon (XXXI), 22.

Actes 11

DEMOSTHENE, Sur la couronne (XVIII), 162 ; Contre Aristocrate (XXIII), 75 ; Contre Timocrate (XXIV), 142 ; Contre Aristogiton, II (XXVI), 21 ; Oraison funèbre (LX), 17 ; ESCHINE, Contre Ctésiphon (III), 211 ; ISEE, La succession de Cléonymos (I), 35 ; ISOCRATE, À Nicoclès (II), 50 ; Nicoclès (III), 52 ; Sur la paix (VIII), 142 ; Sur l’échange (XV), 277.

Informations 21

DEMOSTHENE, Olynthiennes, II (II), 4 ; Sur l’organisation financière (XIII), 11 ; Contre Timocrate (XXIV), 37 ; Contre Bœotos, II (XL), 54 ; Sur l’amour (LXI), 23 ; Sur la concorde (Lettres, I), 12 ; ISEE, La succession d’Apollodoros (VII), 36 ; ISOCRATE, Nicoclès (III), 44 ; Panégyrique (IV), 40 ; Philippe (V), 75 ; Archidamos (VI), 37 ; Aréopagitique (VII), 21 ; 53 ; Sur la paix (VIII), 40 ; Panathénaïque (XII), 4 ; 30 ; 84 ; Sur l’échange (XV), 203 ; 255 ; À Philippe (Lettres, II), 22 ; À Alexandre (Lettres, V), 3.

Tableau 8 : Le lexique de δοκιμασία dans un contexte non institutionnel chez les orateurs

125 Voir FEYEL 2009, qui fournit et commente toutes les occurrences de dokimasies dans les institutions des cités grecques. Quelques uns de ses choix n’ont pas été suivis. Par exemple, il fait la distinction entre les dokimasies de majorité en séparant les examens d’orphelins des autres (p. 77-81), sans expliquer la différence qu’il y aurait entre ces deux types. Pour chaque cas, se reporter à l’ouvrage et à son index.

Enfin, le vocabulaire tournant autour de δοκιμασία peut s’apparenter à l’appréciation d’une information. Dans le Panathénaïque par exemple, alors qu’il s’est lancé dans une longue démonstration des vertus exceptionnelles d’Agamemnon (à partir du § 72), Isocrate explique qu’il a peut-être parlé longuement mais qu’il est impossible de « désavouer » (ἀποδοκιμάσαιεν) même un seul des mérites exposés127. Le verbe ἀποδοκιμάζειν peut donc recouvrir l’idée de « contester », « rejeter après examen », son opposé δοκιμάζειν prenant ainsi le sens d’« attester »128. Mais la polysémie ne disparaît pas pour autant et le terme peut seulement signifier

« approuver ». C’est le cas dans le discours Contre Timocrate de Démosthène, par lequel l’orateur s’oppose à la loi proposée par Timocrate et fait une digression sur la meilleure sauvegarde de la démocratie, qu’il place dans le peuple, donc les Athéniens auxquels il s’adresse129 : « Car la faculté

de discerner et d’approuver le meilleur parti (τὸ γνῶναι καὶ δοκιμάσαι τὸ βέλτιστον), personne ne saurait vous l’enlever, non plus qu’obtenir votre désistement, ni vous amener par la corruption à substituer une mauvaise loi à une bonne. » Démosthène encense le peuple, au contraire de l’accusateur qui peut renoncer à sa poursuite ou perdre sa lucidité. Surtout, l’examen de la dokimasie ne se rapporte pas ici à la certification d’une information mais à l’appréciation des possibilités pour choisir la meilleure d’entre elles. Le sens initial d’« examen » peut donc toujours être de mise pour une dokimasie opérée envers des informations. Le lexique de δοκιμασία ne paraît donc lié à l’attestation qu’à la marge.

Ainsi, la confirmation d’un propos n’est pas le sens principal des termes apparentés à

βεβαίωσις, εὔθυναι ou δοκιμασία. Bien au contraire, ces mots possèdent des significations déterminées, qui n’en viennent à désigner l’attestation d’un message que dans un nombre restreint de cas. Il ne convient cependant pas de réduire l’attestation au vocabulaire de μάρτυς, qui se présente en fait dans la même configuration : la proportion d’occurrences appuyant un tel sens varie selon les sources et n’est qu’annexe chez les orateurs. L’étude du lexique employé par les orateurs athéniens conduit à remarquer que la notion d’attestation ne s’est pas encore concrétisée aux Ve-IVe siècles. Elle suit la distinction proposée par Geoffrey Lloyd « entre la pratique de la preuve et la présence du concept »130, selon laquelle la preuve n’est conceptualisée en Grèce ancienne qu’à partir d’Aristote alors que sa pratique est déjà largement présente auparavant. La notion d’attestation n’est pas conceptualisée ni formalisée sous un vocable exclusif à l’époque classique mais peut tout de même être mise en œuvre. Elle passe alors majoritairement par le lexique du témoin, ce qui illustre d’une première façon le lien entre témoignage et attestation.

127 ISOCRATE, Panathénaïque (XII), 84.

128 La reconnaissance des mérites est notée par ce terme dans ISEE, La succession d’Apollodoros (VII), 36 : les qualités du plaignant « ont été reconnues » (δοκιμασθέντων) par Apollodoros quand il l’a adopté.

129 DEMOSTHENE, Contre Timocrate (XXIV), 37.