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Si la question de l’intervention des femmes libres84 aux procès a été débattue, il est très probable que leur « témoignage »85 doive passer soit par un serment86, soit par la déposition de

leur κύριος87. Elles ne peuvent pas s’exprimer en personne au tribunal, au contraire des hommes libres88. Comme le rappelle Michael Gagarin, dans une culture de l’oralité comme celle qui règne à

81 Voir GERNET 1959a (éd.), p. 115-116, n. 1 ; GAGARIN 2007b, p. 45-46. HARRISON (1971, p. 153) résume l’idée : « When an oath was taken by a litigant without the formality of challenge, it had not the same strictly evidential value, but merely served to give some rhetorical colour to the statement he was making. »

82 Pour le serment informel en général, voir SOMMERSTEIN 2007b ; 2014. Au sujet des tribunaux, voir les sous-parties « Oaths and oath-offers during court speeches » (SOMMERSTEIN 2013, p. 86-87) et « Litigants’ spontaneous self- cursing inside the courtroom » (KONSTANTINIDOU 2014a, p. 44-46).

83 DEMOSTHENE, Contre Euboulidès (LVII), 22. Voir aussi § 53 et DEMOSTHENE, Contre Timothée (XLIX), 66.

84 Dans les pages qui suivent, il ne sera question que des femmes libres, qui pourront être évoquées simplement à travers le mot « femmes ». En effet, comme le rappelle Stephen TODD (1997, p. 114), « the gap between male and female with which we are familiar is in fact specific to citizens, and is part of the construction of male citizen gender. Among metics, the division between male and female is less clear-cut, and among slaves, it is very blurred indeed. » Voir aussi BOEHRINGER (2012, p. 158) : « Pour quiconque travaille sur la Grèce ou sur Rome, il apparaît évident que le premier rapport de pouvoir perçu par les Anciens n’est pas un rapport de sexe mais une opposition libre/non libre. […] Les oppositions de sexe ne sont pas effacées des perceptions antiques mais elles s’intègrent et se déploient dans des constructions sociales différentes des sociétés contemporaines. »

85 Les femmes ne sont pas à proprement parler des « témoins ». TODD (1990a, p. 33) le rappelle : « A woman can swear an evidentiary oath but cannot be a witness. » Voir aussi SOMMERSTEIN 2007a, p. 4. Mogens HANSEN (1993 (1991), p. 237) a même inféré que « les femmes n’avaient aucun droit d’entrer au tribunal ».

86 Robert BONNER (1906) s’est le premier posé la question des serments des femmes : comme les esclaves et les mineurs, les femmes libres ne peuvent selon lui déposer que dans les procès pour homicide. Voir aussi BONNER et SMITH 1968 (1938), p. 125. Dans le chapitre « Witnesses », Douglas MACDOWELL (1999 (1963), p. 101-109) s’est prononcé contre toute possibilité de trancher le cas. Pour autant, formuler l’idée que les femmes ne témoignent que dans les procès pour homicide ou l’hypothèse inverse revient à prendre le problème du mauvais point de vue : il convient plutôt de comprendre que les femmes doivent prêter serment pour témoigner et que, comme tout témoin doit prêter serment dans les procès pour homicide, elles peuvent faire une déposition à l’égal des hommes dans ce type d’affaire. Sur la nécessité d’un serment, voir MIRHADY 1991b, p. 82 : « The direct testimony of women is only admitted within the context of an oath-challenge. »

87 L’opinion selon laquelle la femme est représentée par son représentant légal pour faire une déposition et que c’est donc lui qui sera poursuivi pour faux témoignage le cas échéant a été proposée par BONNER et SMITH 1968 (1938), p. 118-119 et 131. Elle est largement suivie : voir HARRISON 1971, p. 136-137 (il critique néanmoins la formulation de Bonner et Smith : voir p. 137, n. 1) ; VIAL 1985, p. 48 ; JUST 1989, p. 33-39. Lin FOXHALL (1989 et 1996) a tenté de déterminer si cette tutelle était seulement formelle ou au contraire contraignante.

88 Michael Gagarin a fait la liste des preuves qui attestent que les femmes sont exclues des tribunaux : voir GAGARIN 1998. Il détaille notamment les arguments qui montrent que les femmes ne pouvaient témoigner (p. 41-45).

Athènes à l’époque classique, cette impossibilité marque l’absence d’autorité institutionnelle des femmes libres89. Certains spécialistes en ont conclu que leurs paroles n’avaient aucun crédit. Ainsi Barbara Levick, quand elle envisage les rapports entre les femmes et le droit, met en avant, « comme apparemment dans l’Islam, la notion selon laquelle la preuve apportée par des femmes serait intrinsèquement de faible valeur. »90 Cette affirmation étonnante n’est pas isolée, puisque Harrison remarque : « La règle peut être issue d’une opinion irrationnelle selon laquelle ce genre de personnes (esclaves, femmes, mineurs, tous ceux qui ne possèdent pas la citoyenneté) ne pouvait pas être cru comme disant la vérité. »91 Il convient cependant de garder à l’esprit la

distinction de Gérard Leclerc entre « autorité institutionnelle » et « autorité énonciative » : les femmes athéniennes pouvaient, malgré l’absence d’autorité institutionnelle, détenir une autorité énonciative, au sens de « pouvoir symbolique dont dispose un énonciateur d’engendrer la croyance, de produire la persuasion »92. Leurs propos peuvent-ils, alors, être considérés comme

des preuves ?

Les femmes peuvent prêter serment et donc apporter une information au tribunal93.

Certains chercheurs y vont vu, à l’inverse des premiers historiens cités, la supériorité de la parole des femmes sur celle des hommes. Ils se fondent sur un passage du Contre Bœotos de Démosthène à travers lequel Mantithéos, fils légitime de Mantias, tente de remettre en cause la filiation de Bœotos, qu’il accuse d’être le fils illégitime de son père. Comme le rappelle le plaignant, Mantias a été attaqué car il n’avait pas reconnu les deux enfants qu’il a eus avec sa maîtresse Plangon, dont Bœotos. Pour se défendre, le père a mis au point une ruse avec l’accord de Plangon : contre une forte somme d’argent, il demande à celle-ci de refuser la sommation de prêter serment quand il la lui proposera. Mais il est en fait lui-même tombé dans un piège94 :

89 Michael GAGARIN (2001, p. 176), dans son analyse des paroles de femmes rapportées par les plaignants, aboutit à la conclusion suivante : « True, logographers compose written speeches, but their clients deliver these speeches orally in the public arena of the lawcourt. In such a culture, speech is the means of exercising authority. Women (at least citizen women) do not normally participate in this culture or in this male public discourse. »

90 LEVICK, 2012, p. 103 : « Women could bear witness, but there were two factors militating against them. First, the convention that a woman should not speak in public, and second, as apparently in Islam, the notion that women’s evidence might be taken to be inherently weak. » Elle conclut : « The word of a woman was not sufficient to underpin public action. »

91 HARRISON 1971, p. 137 : « The rule may have arisen from an irrational feeling that this class of persons (slaves, women, minors, or those deprived of citizenship) could not be trusted to speak the truth. »

92 LECLERC 1996, p. 7-8. Il y voit même le « principe majeur de légitimation des discours » (p 7). Sur l’autorité « institutionnelle », c’est-à-dire la capacité d’action, voir par exemple l’article de Virginia HUNTER (1989) intitulé « Women’s authority in Classical Athens ».

93 Elles ne sont pas pour autant considérées comme des témoins, comme le rappelle Stephen TODD (1990a, p. 33) : « A woman can swear an evidentiary oath but cannot be a witness. » Voir aussi MIRHADY 2002, p. 255.

94 DEMOSTHENE, Contre Bœotos, I (XXXIX), 3-4. La dernière phrase est tirée de la traduction de Claude Vial. Voir aussi DEMOSTHENE, Contre Bœotos, II (XL), 10-11. De même dans DEMOSTHENE, Contre Calliclès (LV), le serment proposé par le plaignant de sa mère et de la mère des adversaires (§ 27) est désigné à la fin du discours comme une des preuves « les plus décisives », ἰσχυρότατ’ (§ 35).

« D’autre part, il fut joué par la mère de Bœotos, qui avait juré que, s’il lui déférait le serment, elle ne le prêterait pas : l’affaire serait désormais réglée entre eux, moyennement une somme d’argent qu’elle fit consigner pour elle. À ces conditions, mon père lui défère le serment. Mais elle l’accepta et jura que non seulement mon adversaire, mais son frère également, étaient fils de mon père. Après cela, il fallut bien les introduire dans la phratrie : il ne restait plus rien à dire (λόγος οὐδεὶς ὑπελείπετο). »

La phrase finale illustre l’autorité de la parole d’une femme. Cette conclusion conduit Claude Vial à affirmer : « Certains plaideurs essayaient d’utiliser une procédure qui faisait de la déclaration d’une femme la preuve décisive de la vérité. […] Après le serment d’une femme, comme le reconnaît un plaideur qui en a été victime, “il ne restait plus rien à dire” (Démosthène,

C. Boiotos I, 4). »95 Elle n’est pas la seule à présenter cette interprétation96. Il a néanmoins déjà été expliqué que l’effet du serment dépendait de la proposition contenue dans la sommation. Aucune règle ne s’applique de manière générale. Le problème qui s’ajoute encore ici concerne le moment de ce serment : il n’a pas lieu au tribunal mais lors de la conciliation devant l’arbitre officiel (II, § 10), laquelle conduit soit à un compromis soit au transfert du cas devant les tribunaux. Or c’est pendant cette phase que les pièces à conviction sont examinées pour servir dans le procès s’il a lieu. En découvrant le serment, le père de Mantias n’avait pas seulement « plus rien à dire » mais ne cherche plus à faire aucun « discours », un des sens du mot λόγος, c’est-à-dire à aller devant des juges prononcer un plaidoyer97.

Surtout, la hiérarchisation prônée par Claude Vial se place dans la même perspective que la vision d’une infériorité de la parole des femmes au tribunal : ces deux points de vue restent dans le cadre préexistant de la ligne de partage entre hommes et femmes libres. La grille de lecture homme/femme, posée comme postulat de base, s’en trouve par conséquent logiquement confortée98. Pourtant, le crédit des femmes peut être interrogé au regard de leurs conditions d’énonciation, à travers le contexte et le mode d’expression de la parole des femmes. Avant de revenir sur la question du serment, il convient de rappeler, en ce qui concerne le contexte, que les femmes ne témoignent pas sur tous les sujets. Dans le cas de Mantias contre Bœotos, Plangon est la mère qui apporte des informations par rapport à ses propres enfants. Dans cette situation spécifique, il est légitime, en Grèce ancienne, qu’elle ait le dernier mot. Comme l’a montré Violaine Sebillotte, « la place des femmes apparaît aussi centrale que celle des hommes même si à

95 VIAL 1985, p. 52.

96 Voir LACEY 1968, p. 174 : « In legal actions the Athenians allowed their womenfolk to give evidence, and such evidence was in one case at least preferred to that of a man. »

97 Stephen TODD (1990a, p. 35) pense plutôt que Mantias renonce car il ne peut plus gagner son procès : « Plangon’s oath – this is the significant point – was, if not formally then in practice, decisive evidence: Mantias could no longer deny the facts alleged in the oath, because he had challenged her to swear it. » Voir aussi GAGARIN 2007b, p. 40-41. 98 Comme le dit Judith BUTLER (2005 (1990), p. 32) dans la deuxième introduction de Trouble dans le genre : « Si la hiérarchie de genre produit et consolide le genre, et si la hiérarchie présuppose une notion opératoire du genre, alors c’est le genre qui est la cause du genre, et l’on aboutit à une tautologie. »

celles-là sont réservées, comme à ceux-ci, des domaines de compétences tout à fait spécifiques »99

– ici la maternité. Elle n’est pas la seule à souligner l’appel aux femmes pour des sujets dont elles possèdent la meilleure connaissance100, même si certains leur ont nié tout domaine de

compétence101. Il s’agit d’un trait commun qui provient de la source judiciaire : une attention très

prononcée est accordée aux informateurs qui sont au courant des faits, souvent appelés « ceux qui savent »102. Le contexte offre ainsi un premier point de vue pour remettre en cause

l’importance de la distinction homme/femme dans le crédit que détient la parole des femmes. Mais c’est surtout la mise en acte de cette parole qui se révèle décisive : la déclaration d’une femme libre passe nécessairement par un serment, procédure à laquelle les hommes peuvent aussi recourir. Les serments des hommes et les serments des femmes ont-ils, alors, le même poids ? Judith Fletcher a argumenté à partir de l’Orestie pour une différence intrinsèque les séparant et pour placer les déclarations assermentées des femmes du côté du manque d’autorité103. Chez les orateurs attiques en tout cas, une certaine similitude se fait jour, à l’image d’un passage de la plaidoirie d’Isée pour La Défense d’Euphilétos, discours dans lequel il s’agit de démontrer la citoyenneté d’Euphilétos104 :

« Ajoutez à ces témoignages, juges, d’abord que la mère d’Euphilétos, reconnue pour citoyenne par nos adversaires, s’est offerte à prêter serment devant l’arbitre, au Delphinion, qu’Euphilétos ici présent était bien né d’elle et de notre père. Qui donc le pouvait savoir mieux qu’elle ? Ensuite, juges, notre père, qui tout naturellement, après la mère, connaît le mieux son propre fils, s’est offert alors et s’offre encore à prêter serment qu’Euphilétos ici présent est son fils, né d’une citoyenne, son épouse légitime. »

99 SEBILLOTTE CUCHET 2006. Sur l’importance des femmes pour légitimer la naissance et/ou la citoyenneté d’un de ses parents, voir aussi FOXHALL 1996, p. 140-141. Elle conclut son article (p. 151-152) : « It is clear that women’s lives and women’s actions were not separated from the male world of lawcourts but lived in continuum with it, as they were construed by it. » Voir encore Gagarin 1998, p. 44 : « The women who are asked to swear oaths […] are not parties to the suit but third parties who have information that is relevant. »

100 Walter LACEY (1968, p. 174) affirme par exemple : « Women’s testimony was held to be valid evidence, especially of events which took place within the family. » De même, Roger JUST (1989, p. 33-34) déclare : « Although it is certain that a woman could not instigate or conduct any legal proceedings on her own behalf, her very familiarity with the internal affairs of the household within which she permanently dwelt would seem to make her an ideal witness in any case which required evidence from such a quarter. » Adele SCAFURO (1994) oublie néanmoins complètement le témoignage des femmes dans son article si important sur la façon de prouver la citoyenneté. 101 BONNER et SMITH 1968 (1938), p. 125 : « As women lived a secluded life and had no contact with business or affairs, their incompetency did not materially affect the administration of justice as it would in a modern community. »

102 Voir le chapitre suivant sur « Le savoir du témoin oculaire ».

103 FLETCHER 2007. Voir en particulier p. 103 : « From the essentialist perspective of an Athenian audience the authoritative oath would naturally be associated with masculinity. Women certainly did swear oaths but mostly in private or religious contexts. […] The lives of male citizens in classical Athens, on the other hand, would be shaped by the various oaths that they swore. […] My analysis suggests that the Oresteia is informed by this implicit distinction. […] This opposition between the flawed or corrupt oath and the good oath is represented as part of the tension between male and female. » Elle est beaucoup moins tranchée par la suite : voir FLETCHER 2014.

L’accent est placé sur la connaissance des faits : si la mère est convoquée en premier, c’est qu’elle est la personne la plus légitime pour parler de la naissance de son fils, et le père est désigné comme la seconde. Cela confirme la force du critère qu’est la capacité à connaître les points en jeu dans le choix des individus convoqués à la tribune. Cette donnée prise en compte, les deux serments sont mis sur un pied d’égalité, ce qui montre bien leur part égale dans l’argumentation. Le serment peut être prêté par une femme ou par un homme, sans distinction, et sans perdre sa force de preuve. Ce sont par conséquent les conditions d’énonciation des femmes, à savoir le serment, qui leur donnent leur crédibilité, et en aucun cas leur sexe. L’identité de sexe ne constitue pas un critère opérant pour analyser l’autorité énonciative des intervenants dans les procès athéniens des Ve-IVe siècles avant Jésus-Christ.

Enfin, les études consacrées au serment des femmes ont souvent mis en avant ce qui apparaît comme une spécificité : les femmes jurent sur la tête de leurs enfants. Par exemple, dans le troisième discours Contre Aphobos, Démosthène s’oppose à son ancien tuteur et cherche à démontrer la condition libre d’un certain Milyas, qui a témoigné pour Démosthène et qu’Aphobos a dénoncé comme esclave. Le célèbre Athénien rappelle qu’il a sommé de torturer les servantes de la famille, qui se souviennent que Milyas a été affranchi à la mort de son père, et ajoute105 :

« En outre, ma mère a offert de jurer (πίστιν ἤθελεν ἐπιθεῖναι παραστησαμένη) sur ma tête et celle de ma sœur, les seuls enfants qu’elle ait et pour lesquels elle est restée veuve (κατ’ ἐμοῦ καὶ τῆς ἀδελφῆς, οἳ μόνοι παῖδές ἐσμεν αὐτῇ, δι’ οὓς κατεχήρευσε τὸν βίον) que Milyas a bien été affranchi par mon père à l’article de la mort et que depuis il a été traité chez nous en homme libre. »

La sommation proposait que la mère de Démosthène prête serment sur la tête de ses deux enfants, Démosthène et sa sœur. Cette formulation pourrait être spécifique aux femmes, comme le laisse penser une scène de l’Assemblée des femmes d’Aristophane dans laquelle une Athénienne déguisée en homme s’entraîne avant de parler à l’Assemblée et se trahit en jurant « par les deux déesses »106. L’historiographie s’est largement fait l’écho du serment prêté sur la tête

des enfants par les femmes107. Les femmes sont ainsi renvoyées à leur rôle de mères, c’est-à-dire

évidemment de mères de citoyens : elles ne pourraient entrer dans le dispositif de la preuve que grâce à leur lien avec un homme libre. Cependant, comme le rappelle Aurélie Damet, « il faut

105 DEMOSTHENE, Contre Aphobos, III (XXIX), 25-26. Démosthène réitère cette déclaration § 33 et 56. Voir aussi LYSIAS, Contre Diogiton (XXXII), 13.

106 ARISTOPHANE, L’Assemblée des femmes, v. 148-160. Alan SOMMERSTEIN (1995, p. 64-68), qui a étudié la façon de parler des hommes et des femmes dans les comédies d’Aristophane et de Ménandre, a néanmoins montré que la distinction entre les divinités invoquées par les femmes et les hommes n’est pas si tranchée.

107 LEVICK 2012, p. 103 ; VIAL 1985, p. 52 : « Les Athéniens ne croyaient pas qu’une femme pût se parjurer dans un serment sur la tête de ses enfants. » Voir aussi Louis GERNET et Marcel BIZOS (1967 (1926) (éd.), p. 191, n. 1) qui, en commentant l’occurrence de Lysias, ne font référence qu’aux passages du Contre Aphobos de Démosthène.

souligner que les hommes aussi intégraient fréquemment leur progéniture au serment »108. Par

exemple, peu après avoir mentionné la sommation offrant le serment de sa mère, Démosthène évoque aussi la proposition qu’il a faite à Aphobos de faire un double serment109 :

« Je jurerai le premier que tu as reconnu que Milyas était de condition libre et que tu en as témoigné contre Démon ; si tu jures le contraire sur la tête de ta fille (κατὰ τῆς θυγατρός), je te tiens quitte de la somme pour laquelle il sera prouvé, par la question infligée à l’esclave, que tu avais primitivement réclamé Milyas : ta condamnation en sera diminuée d’autant. »

Le serment concerne ici les parties et non pas les témoins110. Mais Démosthène propose également, dans le même discours, un serment identique de la part de ses témoins. Après avoir parlé du serment qu’il a proposé de prêter lui-même, il révèle111 :

« Et l’on ne peut pas dire que j’étais le seul dans ces dispositions et que les témoins étaient d’un autre avis : ils étaient prêts, en amenant leurs enfants, à jurer sur leurs têtes (ἀλλ' ἐκεῖνοι παραστησάμενοι τοὺς παῖδας πίστιν ἐπιθεῖναι ἠθέλησαν κατ' ἐκείνων) au sujet des points sur lesquels ils allaient témoigner (ὑπὲρ ὧν ἐμαρτύρησαν). »

La formule que doivent prêter les témoins masculins contient donc la même référence à la filiation. Les déposants prêtent serment sur la tête de leurs enfants, qu’ils soient hommes ou femmes, et il semblerait que la présence effective des enfants soit nécessaire, comme le souligne