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Enfin, en ce qui concerne l’analyse linguistique, les termes et en particulier les verbes construits sur la racine μάρτυ- peuvent se rapprocher du sens d’« attestation ». En effet, certaines occurrences ne signifient pas un témoignage au sens d’une énonciation réalisée par un individu particulier. Elles peuvent d’une part concerner une entité collective. Ainsi, dans le Contre Timarque, Eschine déclare que le peuple lui-même sait Timarque coupable de s’être prostitué (§ 80), comme une séance à l’Assemblée en a attesté, où le peuple a ri quand Autolycos, s’exprimant au nom de l’Aréopage, a parlé ingénument des pratiques de Timarque (§ 81-84)81 : « Telle est, selon moi, la

déposition que vous a témoignée (τὴν μαρτυρίαν μεμαρτυρῆσθαι) le peuple d’Athènes, qu’il ne serait pas convenable de condamner pour faux témoignage (ψευδομαρτυρίων). » Le vocabulaire du témoignage est omniprésent ici. Les Athéniens dans leur ensemble sont perçus comme des témoins, ce qu’ils ne peuvent évidemment pas être- et aucun témoin n’est d’ailleurs fourni. Il s’agit certes d’un détournement du vocabulaire judiciaire afin de faire passer cette réaction pour une preuve, plutôt que d’un sens plus général conféré au mot, mais il n’en demeure pas moins que les orateurs peuvent s’affranchir de l’usage strict du terme.

D’autre part, les autres moyens de persuasion non artificiels (ἄτεχνοι πίστεις) mis en avant par Aristote82 peuvent se voir qualifier de témoignages. Les sommations proposées par un

plaignant à son adversaire pour torturer un esclave deviennent ainsi dans la rhétorique des discours « les témoignages les plus forts »83. Si le fait est plus rare pour les testaments84, il est

relativement fréquent pour les lois et les décrets85. À tel point que Christophe Pébarthe, voulant

revaloriser les actes écrits dans le contexte judiciaire, s’est basé sur ces quelques cas86 pour affirmer que toutes les convocations de preuve où apparaît le terme μαρτυρία sans plus de précision peuvent tout autant se rapporter à des documents écrits qu’à des dépositions de témoins87. Certes, certains passages appellent « témoignages » les autres types de preuves, mais ce

n’est pas pour autant qu’il faut jeter une ombre sur l’ensemble des μαρτυρίαι appelées devant les juges, dont un grand nombre se réfère sans aucun doute à des déclarations de personnes

81 ESCHINE, Contre Timarque (I), 85. Voir aussi le témoignage du peuple dans DEMOSTHENE, Contre Nééra (LIX), 76, au sujet d’une stèle de loi témoin de la piété des ancêtres athéniens.

82 ARISTOTE, Rhétorique, I, 2, 1355b35-39 et 15, 1375a22-24. Voir introduction générale.

83 DEMOSTHENE, Contre Évergos et Mnésiboulos (XLVII), 8 : τῆς ἰσχυροτάτης μαρτυρίας ; Contre Nééra (LIX), 122 : τῆς

ἀκριβεστάτης μαρτυρίας. Sur ces deux passages, voir MIRHADY 2007 (1996), p. 266 : si les explications laissent dubitatif, l’étude générale pose bien la question de l’amalgame entre torture et témoignage (p. 262-266). Les sommations sont parfois rapprochées des témoignages, même si les évocations restent ambiguës : voir DEMOSTHENE, Contre Évergos et Mnésiboulos (XLVII), 39 ; Contre Nicostratos (LIII), 22.

84 Voir par exemple DEMOSTHENE, Contre Aphobos, II (XXVIII), 5.

85 Voir DEMOSTHENE, Contre Apatourios (XXXIII), 27 ; Pour Phormion (XXXVI), 27 ; Contre Léocharès (XLIV), 49 ; Contre Évergos et Mnésiboulos (XLVII), 24 ; Contre Nééra (LIX), 88 ; 93 ; ESCHINE, Sur l’ambassade (II), 31 ; 32 ; 91 ; Contre Ctésiphon (III), 31 ; LYSIAS, Contre Agoratos (XIII), 28 ; 50.

86 Il n’en cite néanmoins qu’un seul.

physiques, ceux que nous appelons aujourd’hui des témoins. Plutôt que de réduire le nombre de dépositions fournies, cet usage large du verbe μαρτυρεῖν montre à l’inverse l’importance du phénomène du témoignage, qui en vient à recouvrir d’autres modes d’accréditation des informations.

D’autres éléments concrets, utilisés comme preuve, sont désignés comme des « témoins »88. Par exemple, chez Lysias, les tombes des Lacédémoniens situées à côté du trophée

érigé par les démocrates réunis au Pirée en 403 sont les témoins (μάρτυρας) du mérite de ces combattants89. Certes, dans ce premier élargissement du domaine du μάρτυς, il peut s’agir d’une assimilation aux dépositions, c’est-à-dire d’une manœuvre mise en place par l’orateur pour valoriser les éléments évoqués en les plaçant au niveau des témoignages. Mais cette éventualité ne peut être envisagée pour certains faits employés avec le vocabulaire du témoin. Dans la Troisième

Philippique, Démosthène rappelle le cas d’Euphraios, habitant d’Oréos, cité du nord de l’île

d’Eubée, qui s’est opposé à ceux qui favorisaient la mainmise de Philippe sur la cité. Il est finalement mis en prison et la ville est prise par le parti pro-macédonien. Démosthène conclut90 : « Euphraios, lui, s’est poignardé de sa propre main, attestant par son action (ἔργῳ μαρτυρήσας) avec quel sentiment du droit et quel désintéressement, tout dévoué au bien de ses concitoyens, il s’était opposé à Philippe. » Il n’est ici absolument pas question de l’énonciation d’un témoin judiciaire : le « témoignage » est employé de façon métaphorique et seul le sens abstrait d’attestation peut convenir91.

L’emploi du lexique de μάρτυς est surtout fréquent pour les actes ou déclarations passés qui auraient été faites par l’adversaire du procès92. Cette utilisation est évidemment rhétorique : le

plaignant transforme fictivement son adversaire en témoin en sa faveur. Mais elle expose tout de même la signification spécifique que peut revêtir le champ lexical du témoin. Ainsi, dans La

succession de Kiron, le plaignant affirme que ses adversaires n’ont pas accepté de torturer les

88 La confusion que peut induire l’expression « preuve concrète » est bien surmontée par Bentham : « Il faut se défier du sens ordinaire attaché au mot réel : les preuves réelles ne sont pas en réalité meilleures que d’autres. Ce mot, pris dans son sens technique, ne signifie que chose. » (BENTHAM 1829, p. 252, n. 1)

89 LYSIAS, Oraison funèbre (II), 63. Voir aussi LYCURGUE, Contre Léocrate (I), 109 : les épitaphes des soldats tombés à Marathon et aux Thermopyles sont les témoignages (μαρτύρια) de leur valeur – elles sont d’ailleurs fournies aux juges, car lues par l’orateur dans son discours, ce qui les rapproche des autres pièces à conviction, même si les témoignages sont quant à eux lus par le greffier (sur la distinction nette entre preuves lues par le greffier ou prononcées par Lycurgue, voir l’analyse de Vincent AZOULAY (2009), en particulier p. 166-170).Le terme est ici basé sur le mot μαρτύριον, dont il sera question plus loin. Avec le même terme, voir encore ISOCRATE, Archidamos (VI), 32 : Archidamos qui rappelle les oracles de Delphes sur l’appartenance de Messène à Sparte et les qualifie de « témoignages » (μαρτύρια) ; ISEE, La succession de Dikaiogénès (V), 41 : les offrandes consacrées aux dieux et les trépieds remportés aux chorégies, visibles dans les sanctuaires, sont les témoignages (μαρτύρια) de la bonne conduite des ancêtres des plaignants.

90 DEMOSTHENE, Philippiques, III (IX), 62.

91 Voir aussi DEMOSTHENE, Contre Euboulidès (LVII), 43 ; ISEE, La succession de Cléonymos (I), 11 ; ISOCRATE, Éloge d’Hélène (X), 63 ; À Philippe (Lettres, II), 12.

domestiques de Kiron, ce qui aurait permis d’établir que sa mère est la fille légitime de Kiron et a été élevée chez lui (§ 9-11). Après avoir vanté l’épreuve judiciaire (βάσανος) comme « le plus sûr moyen de preuve (ἀκριβέστατον ἔλεγχον) » ou « un si sûr moyen de preuve (ἀκριβεῖς ἐλέγχους) » (§ 12-13), il tire une conclusion sans appel93 :

« Nos adversaires témoignent clairement par leurs actes que c’est la vérité (ἔργῳ φανερῶς μαρτυροῦσιν ὅτι ταῦτ’ ἐστὶν ἀληθῆ), en rejetant la question. »

Dans le discours écrit pour celui qui se prétend petit-fils de Kiron, Isée transforme la sommation rejetée en une preuve positive, ce qui est relativement courant chez les orateurs, où les propositions de mettre à la question des esclaves ne sont jamais acceptées mais servent d’argument pour donner du crédit aux autres preuves dont les témoignages94. Mais l’orateur

franchit un pas de plus, comme le souligne Stefano Ferrucci : « Isée réutilise le refus du βάσανος

de la part des adversaires, en le faisant passer, au moyen d’un arrangement rhétorique brillant, d’un τεκμήριον à une véritable μαρτυρία. »95 Le verbe μαρτυρεῖν ne désigne donc pas du tout le fait de témoigner mais recouvre, plus généralement, l’idée de preuve.

S’il n’y a aucun autre exemple similaire au sujet d’une sommation, ce cas n’est pas isolé lorsqu’il s’agit de caractériser la conduite des adversaires en général. Celle-ci est en effet souvent dite « témoigner » (μαρτυρεῖν) en faveur des plaignants, les adversaires pouvant aussi devenir les « témoins » (μάρτυρες) des orateurs ou leur fournir un « témoignage » (μαρτυρία). Comme l’illustre le tableau synthétique (voir Tableau 4, p. 66), cet emploi est loin d’être restreint à un seul auteur, mais apparaît chez la plupart d’entre eux, couvrant pratiquement toute la période pour laquelle des discours judiciaires ont été conservés96. Si, comme le note David Mirhady, le choix de

cette désignation permet de valoriser ce qui n’est en fait qu’une inférence à partir des faits et répond donc à un objectif rhétorique97, les nombreux exemples attestent la possibilité dans la

langue grecque d’une telle modification sémantique. L’ensemble des termes basés sur la racine

μάρτυ- peut donc être employé pour signifier l’attestation, au sens large, plutôt que le témoignage dans son acception restreinte98. Du point de vue linguistique, témoignage et attestation

apparaissent donc fortement liés chez les orateurs.

93 ISEE, La succession de Kiron (VIII), 14.

94 Sur ce point et sur l’épreuve (βάσανος) en général, voir le chapitre suivant intitulé « La fabrique de la preuve ». 95 FERRUCCI 1998 (éd.), p. 164 : « Iseo torna a utilizzare il rifiuto della βάσανος da parte degli avversari, trasformato, con brillante espediente retorico, da τεκμήριον a vera e propria μαρτυρία. »

96 Le discours d’Antiphon Sur le meurtre d’Hérode date des années 410 et les discours Contre Ctésiphon d’Eschine et Sur la couronne de Démosthène datent de 330.

97 MIRHADY 2002, p. 256 : « Properly speaking, such actions are only suggestive, semeia or perhaps tekmeria, but the speakers refer to them metaphorically as marturiai in order to elevate their persuasive value. » Les vingt-sept occurrences listées (p. 256, n. 2) sont loin d’être exhaustives.

98 Voir par exemple KAPPARIS 1999, p. 348 sur les occurrences dans DEMOSTHENE, Contre Nééra (LIX), 49, 55, 79, 88, 93, 122 : « Μαρτυρίαν, here meaning ‘evidence’. »

Auteurs Nb Occurrences

Antiphon 3 Avec μάρτυς : Sur le meurtre d’Hérode (V), 9 ; Sur le choreute (VI), 32. Avec μαρτυρία : Sur le meurtre d’Hérode (V), 15.

Démos- thène 22

Avec μάρτυς : Sur l’ambassade (XIX), 205 ; 240 ; Contre Leptine (XX), 126 ; Contre Aphobos, I (XXVII), 7 ; Pour Phormion (XXXVI), 32 ; Contre Panténétos (XXXVII), 18 ; Contre Nausimachos et Xénopeithès (XXXVIII), 11 ; Contre Spoudias (XLI), 20 ; Contre Évergos et Mnésiboulos (XLVII), 4.

Avec μαρτυρία : Contre Phormion (XXXIV), 17 ; Contre Calliclès (LV), 7.

Avec μαρτυρεῖν : Sur la couronne (XVIII), 118 ; Sur l’ambassade, 240 ; Contre Timocrate (XXIV), 16 ; Contre Panténétos (XXXVII), 18 ; 31 ; Contre Spoudias (XLI), 19 ; Contre Macartatos (XLIII), 47 ; Contre Stéphanos, II (XLVI), 19 ; Contre Théocrinès (LVIII), 12 ; Contre Nééra (LIX), 49 ; 63. Eschine 3

Avec μάρτυς : Contre Ctésiphon (III), 27. Avec μαρτυρία : Sur l’ambassade (II), 64. Avec μαρτυρεῖν : Sur l’ambassade (II), 64.

Hypéride 1 Avec μαρτυρεῖν : Pour Lycophron (II), fr. 4, col. XLVI. Isée 7

Avec μάρτυς : La succession de Ménéclès (II), 38 ; La succession de Kiron (VIII), 14.

Avec μαρτυρεῖν : La succession de Ménéclès (II), 38 ; 39 ; La succession de Pyrrhos (III), 55 ; La succession de Philoktémon (VI), 12 ; La succession d’Apollodoros (VII), 18.

Isocrate 1 Avec μαρτυρεῖν : Trapézitique (XVII), 42. Lycurgue 2 Avec μαρτυρία : Contre Léocrate (I), 35.Avec μαρτυρεῖν : Contre Léocrate (I), 35.

Tableau 4 : Les occurrences du lexique de μάρτυς

se rapportant à la conduite de l’adversaire

Cette ouverture sémantique est-elle une spécificité du corpus judiciaire ? Une telle question repose sur le présupposé que le mot s’est élaboré dans le contexte du tribunal pour se transposer ensuite dans le reste de la société grecque. Mais les différents corpus de la Grèce classique réfutent cette hypothèse, à l’image de celui d’Hérodote. Ainsi, pour prouver que c’est à cause du climat qu’aucune corne ne pousse sur les bœufs de Scythie, il fait référence à Homère99 : « Témoigne en faveur de mon opinion (μαρτυρέει δέ μοι τῇ γνώμῃ) le chant d’Homère dans l’Odyssée. » Il cite alors le vers contenant une mention des agneaux porteurs de cornes en Libye, ce qui lui permet de conclure que la taille des cornes est directement liée à la température locale. Comme le dit Paolo Butti de Lima, « la fonction précise du témoignage et la fonction générale de preuve ne sont donc pas différenciées »100.

En outre, le natif d’Halicarnasse emploie régulièrement le terme μαρτύριον (voir Tableau

2, p. 55). Or « marturion veut dire, à suivre l’usage institutionnel, “témoignage” mais aussi “preuve” »101. Μαρτύριον apparaît comme un équivalent de τεκμήριον102. Contrairement à Homère, il n’y a dans ces cas aucun énonciateur. Par exemple, quand Hérodote tente de

99 HERODOTE, IV, 29. La même formulation se retrouve au livre II (§ 18) pour un oracle rendu au sanctuaire d’Ammon au sujet de l’étendue de l’Égypte.

100 BUTTI DE LIMA 1996, p. 131 : « Funzione precisa di testimonianza e funzione generica di prova non sono comunque differenziate. »

101 DERRIDA 2005 (p. 29).

102 La précision de GOMME (1945, p. 135) est utile : « Τεκμήριον is not evidence, but the inference drawn from the evidence. […] In the law-courts μαρτυρία is evidence. » Cela confirme le sens de « témoignage » comme preuve. Sa distinction est suivie par BUTTI DE LIMA (1996, p. 135), qui admet toutefois que ce n’est qu’une « linea di principio » car elle ne peut s’appliquer dans certains cas. Sur le lien chez les orateurs, voir par exemple DEMOSTHENE, Contre Bœotos, I (XXXIX), 30 : « Quelle preuve et quel témoignage (τί τεκμήριον […] ἢ μαρτύριόν) en as-tu ? »

démontrer que les eaux du Nil ne peuvent provenir de la fonte des neiges, il fournit successivement trois μαρτύρια : les vents venus d’Éthiopie sont chauds, il ne pleut ni ne neige dans les contrées où le Nil prend sa source et la couleur de peau des hommes y est noire103. De

même, chez Thucydide, le terme μαρτύριον apparaît relativement fréquemment (voir Tableau 2, p. 55) et s’absout du sens strict de « témoignage ». Par exemple, les tombes cariennes déblayées de Délos par les Athéniens lors de la guerre du Péloponnèse sont le μαρτύριον de la forte présence de Cariens dans les Cyclades, qui faisaient de la piraterie, jusqu’aux opérations d’épuration de Minos. Le contexte est donc extrêmement similaire aux sépultures des Lacédémoniens chez Lysias mentionnées plus tôt. Plus précisément, l’auteur de La Guerre du Péloponnèse emploie l’incise

μαρτύριον δέ, impossible à rendre en français, mais qui correspond exactement aux incises

σημεῖον δέ et τεκμήριον δέ – parfois agrémentées de μέγιστον –, présentes chez Hérodote et Thucydide104 et répandues chez les orateurs105.

Enfin, le sens d’attestation semble majoritaire dans le corpus hippocratique, où le substantif μαρτύριον, très présent, et le verbe μαρτυρεῖν sont employés pour développer le raisonnement, de manière très proche des passages hérodotéens, ou évoquer les preuves qu’invoquent, à tort, les autres savants qui analysent ou soignent le corps humain (voir Tableau 2, p. 55). Ainsi, réfléchissant aux humeurs qui constituent la base de la vie humaine dans le traité Sur

la nature des hommes, Hippocrate s’oppose d’abord aux témoignages (μαρτυρίοισι) que d’autres utilisent pour prétendre que chaque homme n’est fait que d’une seule humeur. Il affirme alors que toutes les humeurs sont en fait présentes dans le corps mais que leur importance varie selon les saisons, du fait des conditions météorologiques, et proclame, en reprenant une formulation déjà perçue chez Thucydide106 : « Le témoignage le plus manifeste (

μαρτύριον δὲ σαφέστατον) est que, si tu donnes à la même personne le même évacuant (φάρμακον) quatre fois dans l’année, il vomira surtout de la phlegme en hiver, surtout du sang au printemps, surtout de la bile jaune en été, surtout de la bile noire en automne. » L’observation expérimentale est appelée « témoignage » et équivaut à une preuve.

103 HERODOTE, II, 22. BUTTI DE LIMA (1996, p. 134) en conclut : « La funzione di “testimonianza” perde in questi casi la sua specificità. » Hérodote parle même, en ce qui concerne les vents, c’est-à-dire son premier argument, du « témoignage le plus fort » (μέγιστον μαρτύριον).

104 HERODOTE, II, 58 ; THUCYDIDE, I, 73, 5 ; II, 15, 4 ; 39, 2 ; 50, 2 ; III, 66, 1.

105 ANTIPHON, Sur le meurtre d’Hérode (V), 61 ; DEMOSTHENE, Sur la couronne (XVIII), 285 ; Sur l’ambassade (XIX), 58 ; 97 ; 172 ; 286 ; Contre Leptine (XX), 10 ; Contre Midias (XXI), 35 ; 149 ; Contre Androtion (XXII), 76 ; Contre Aristocrate (XXIII), 207 ; Contre Timocrate (XXIV), 29 ; 184 ; Contre Aphobos, III (XXIX), 7 ; Contre Onétor, I (XXX), 7 ; Contre Zénothémis (XXXII), 30 ; Contre Lacritos (XXXV), 2 ; Contre Bœotos, II (XL), 44 ; Contre Stéphanos, I (XLV), 66 ; 69 ; 80 ; Contre Euboulidès (LVII), 13 ; ISEE, La succession d’Hagnias (XI), 40 ; ISOCRATE, Panégyrique (IV), 86 ; 107 ; Aréopagitique (VII), 17 ; Sur la paix (VIII), 95 ; 131 ; Évagoras (IX), 8 ; 51 ; 58 ; Éloge d’Hélène (X), 12 ; 60 ; Panathénaïque (XII), 52 ; 148 ; 160 ; Contre les sophistes (XIII), 13 ; Sur l’échange (XV), 313 ; Éginétique (XIX), 51 ; Contre Euthynous (XXI), 11 ; LYCURGUE, Contre Léocrate (I), 61 ; LYSIAS, Oraison funèbre (II), 28 ; Contre Agoratos (XIII), 20 ; Sur les biens d’Aristophane (XIX), 25 ; Défense d’un anonyme accusé de corruption (XXI), 6 ; 9 ; Au sujet de l’examen d’Évandre (XXVI), 17.

Les termes fondés sur μαρτυ- peuvent donc désigner l’attestation. Le lexique grec paraît même très proche des mots français « témoigner », « témoin » et « témoignage » qui peuvent s’apparenter à une « attestation »107, tout comme le verbe et substantif witness en anglais108. La

proximité est d’ailleurs évidente pour le témoin latin, puisque testis a donné « attester », mais ne va pas de soi pour les textes grecs et devait donc être démontrée.