• Aucun résultat trouvé

La vie spirituelle de l’homme, conjonction avec Dieu dans la foi

L’UNION AVEC CHRIST DANS LA PERSPECTIVE TRINITAIRE

1. Dieu pour nous : le Dieu Père, source de l’union

1.2 L’union adamique avec le Père

1.2.3 La vie spirituelle de l’homme, conjonction avec Dieu dans la foi

Calvin décrit l’état prélapsaire d’Adam (avant la chute adamique), c’est-à-dire son « inté-grité », comme le fait d’être dans une relation intime avec son Créateur. Il y avait vraiment une conformité entre Dieu et l’homme. Adam était en union avec Dieu. Cette dernière était le but de sa création et la félicité spirituelle même. Il affirme « la vie spirituelle d’Adam était d’être et de demeurer conjoint avec son créateur » : pour cette raison, la mort de son âme con-siste à être séparé de Dieu532. « La mort spirituelle n’est autre chose que quand l’âme est dé-tournée de Dieu, nous naissons tous morts »533. Calvin a vu que la cause de la mort consiste en l’inclination humaine qui aliène et sépare de Dieu, qui est la fontaine de vie534

. L’homme est misérable dès qu’il se sépare de Dieu535. C’est pourquoi, comme Calvin dit dans le Com-mentaire sur l’épître aux Ephésiens 1,10, le droit état des créatures est qu’elles adhèrent à Dieu.

529

Torrance, Calvin’s Doctrine of Man, p. 36, D’ailleurs la notion calvinienne sur l’image de Dieu inclut une face pneumatologique, parce qu’elle est restaurée par l’œuvre de l’Esprit-Saint. Calvin en-tend l’image de Dieu en l’homme comme théologique, christologique, et pneumatologique.

530

Le Commentaire sur l’épître aux Colossiens 1,15.

531

B. A. Gerrish, « The Miroir of God’s Goodness », Concordia Theological Quarterly 45, 1981, p. 215.

532

IRC II. i. 5, p. 12

533

Le Commentaire sur l’épître aux Ephésiens 2,1.

534

Le Commentaire sur la Genèse 2,17. « Celui qui est aliéné de Dieu est en la mort éternelle ». IRC III. xviii. 3, p. 301.

535

121

Selon Calvin, « Adam a porté l’image de Dieu en tant qu’il était conjoint avec Dieu »536. Toute sa félicité et sa perfection étaient de « participer de Dieu »537. Elles ne sont pas un ac-quis statique. Elles sont selon l’expression de Calvin, une participation à la perfection divine, une communication de cette perfection divine, pour ainsi dire, sa « sapience, justice, vertu, sainteté, et vérité ». Surtout qu’elles sont sans cesse communiquées à Adam, elles ne sont pas donc sa propriété. Elles ne sont pas un stade définitif de sa nature, cela peut évoluer. Elles sont donc essentiellement une harmonie parfaite avec le Créateur.

Commentant l’« arbre de vie » de la Genèse 2,9, Calvin insiste nettement sur le fait que l’homme est assujetti à Dieu. Selon lui, cet arbre est un « des signes extérieures » ayant repré-senté la grâce divine qui contribue à la vertu continuelle de l’être de l’homme :

« Il (Dieu ) a donc voulu que l’homme, chaque fois qu’il (l’homme) goûterait du fruit de cet arbre, se remît en mémoire de qui il tenait la vie, afin qu’il reconnût qu’il ne vivait point par sa propre vertu mais par la seule grâce de Dieu, et que ce n’était point un bien qu’on appelle intrinsèque ou né en lui, mais provenant de Dieu. Bref, il y avait en cet arbre un témoignage visible de cette sentence : que nous sommes, vivons et avons mouvement en Dieu »538.

L’ « arbre de vie » est symbole de l’union entre Dieu et l’homme et de leur relation fon-damentale. Le caractère de cette conjonction est une dépendance elle-même. Adam, en voyant l’ « arbre de vie », aurait dû penser à quelle fin l’homme a été créé et quelle façon il a eue de vivre : « Adam a donc été averti par ce signe de ne s’attribuer rien comme propre, afin qu’il dépendît totalement du Fils de Dieu et ne cherchât la vie qu’en lui »539

. Il faut que tout de la connaissance et de la sagesse de l’homme appartiennent aussi au domaine de Dieu. « C’était une plaisante flatterie de Satan de dire : « vous saurez le bien et le mal », mais ce savoir-là était maudit, parce qu’« ils le désiraient sans la grâce de Dieu »540

.

La conjonction d’Adam avec Dieu aurait dû permettre, ni plus ni moins, de demeurer dans la grâce de Dieu. En ouvrant nos yeux, il faut que nous rendions « à Dieu la gloire qu’il mérite »541. La chute, qui fut consommée par la transgression du commandement que Dieu

536

IRC II. xii. 6, p. 239.

537

IRC II. ii. 1, p. 22.

538

Le Commentaire sur la Genèse 2,9.

539 Ibid. 540 Ibid., 3,6. 541 Ibid., 3,7.

122

avait édicté, provient finalement de l’ « oubli » de sa place humble à l’origine, en se retirant de Dieu et de sa Parole par « infidélité », puisque « la seule foi nous conjoint à Dieu » (sola fides nos Deo coniungit)542. Chez Calvin, l’union prélapsaire entre Dieu et Adam était l’« union de foi ». Pour cette union intime, l’homme ne doit donc pas oublier le domaine de Dieu et sa condition : « Le commencement de la ruine du genre humain, dit Calvin, a été une ré-volte contre l’empire de Dieu »543

. « Pour savoir le bien et le mal, exprime la cause et la source d’une si grande misère, à savoir qu’Adam, ne se contentant point de sa condition, a essayé de monter plus haut qu’il n’était licite »544

.

En résumé, Dieu le Père est l’auteur de vie en tant que Créateur de toutes les créatures. Il a fait l’homme pour partager son bienfait et sa joie, c’est-à-dire, la vie en l’union avec Dieu. L’homme est son chef-d’œuvre, il est créé à l’image de Dieu. Cela suffit à représenter la rela-tion particulière et spéciale entre Dieu et l’homme : cela veut dire l’union d’Adam avec Dieu. Pour cette raison savoir qu’est-ce que la notion de l’image de Dieu chez Calvin, il s’agirait de la caractéristique de l’union adamique avec Dieu. Nous dégageons trois remarques sur l’union avec Dieu à partir de la nature humaine à origine.

1. L’union adamique avec Dieu à l’origine est celle entre Créateur et créature sans sup-primer la différence ontologique entre eux. L’homme en tant qu’image de Dieu et chef-d’œuvre de la création, doit être dans une perpétuelle dépendance de Dieu. Il existait une affi-nité et une ressemblance de l’homme avec son Créateur : même s’il en est ainsi, cela n’a pas pu effacer la différence même entre eux. Ainsi Calvin rejette-t-il inflexiblement toute sugges-tion d’une identité ontique entre Dieu et la créature humaine et de mélange entre les deux êtres545.

2. Elle est l’union dans la mesure où l’être humain se soumet à Dieu et à sa parole. Dans le commandement de Dieu ayant interdit les fruits de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, non seulement l’homme reconnaît avec raison la différence ontologique entre Dieu et lui, mais aussi se reconnait lui-même comme une créature qui a à se soumettre au commandement

542 Ibid., 3,6. 543 Ibid. 544 Ibid., 3,22. 545

Douglas John Hall, Etre image de Dieu : le stewardship de l’humain dans la création (trad. par Louis Vaillancourt), Paris, Cerf, 1998, p. 170.

123

de Dieu. L’union avec Adam témoigne la relation particulière avec Dieu dans la Parole divine et par son obéissance.

3. De même que l’union avec Christ se réalise par la foi, l’union adamique de Dieu aurait pareillement pu se soutenir par la foi. A partir de là, l’humilité humaine ne pouvait que se concrétiser. Mais depuis la chute adamique, la communication directe d’Adam avec Dieu a échoué : par conséquent, l’homme qui en a été aliéné, a réclamé la vie du Christ : « Il lui (l’homme) a fallu recouvrer la vie en la mort du Christ, par la vie duquel il vivait alors »546

. C’est-à-dire, la rupture de la communion avec Dieu peut être restaurée par l’intermédiaire du Christ en la même foi qu’avait possédé Adam. L’union avec Dieu, de même que celle avec Christ, était dans la foi, au contraire, la rupture exige l’œuvre de Christ.

546

124